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Décisions | Chambre civile

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C/20927/2021

ACJC/1400/2023 du 17.10.2023 sur JTPI/3956/2023 ( OO )

Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20927/2021 ACJC/1400/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [ZH], intimée et requérante sur requête de sûretés, représentée par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, 1204 Legal, Conseil & Tax, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève,

 

et

1) Monsieur B______, domicilié ______, Côte d'Ivoire,

2) Madame C______, domiciliée ______, Côte-d'Ivoire, appelants et cités sur requête de sûretés, tous deux représentés par Me Urs SAAL, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/3956/2023 du 27 mars 2023, le Tribunal de première instance a condamné C______ et B______, pris conjointement et solidairement, à payer à A______ SA un montant de 354'733 fr. 46 avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2019 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 24'870 fr., les a compensés à due concurrence avec les avances fournies par A______ SA et les a mis à la charge de C______ et B______, pris conjointement et solidairement, condamné en conséquence ces derniers, pris conjointement et solidairement, à payer à A______ SA la somme de 24'870 fr. et ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ SA un montant de 90 fr. (ch. 2), condamné C______ et B______, pris conjointement et solidairement, à payer à A______ SA la somme de 23'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Ce jugement mentionnait le fait que C______ et B______ étaient sans domicile connu et n'avaient pas comparu.

B.            a. Le 15 mai 2023, B______ et C______ ont formé appel contre ce jugement, concluant à ce que sa nullité soit constatée, A______ SA devant être condamnée aux frais et dépens d'appel.

En substance, les appelants ont soutenu que le jugement du 27 mars 2023 était nul, dans la mesure où ils n'avaient, à aucun moment, été informés de la procédure initiée à leur encontre, toutes les notifications, y compris la citation en conciliation, ayant eu lieu par publication dans la Feuille d’Avis Officielle (FAO) genevoise. Or, selon les appelants, les conditions de l'art. 141 al. 1 CPC permettant la notification des actes par publication dans la feuille officielle n'étaient pas remplies.

Les appelants ont indiqué, sur leur acte d'appel, être domiciliés no. ______ rue 1______, [code postal] D______ , Côte d'Ivoire.

b. Par avis du 16 mai 2023, le greffe de la Cour de justice a informé A______ SA de ce que C______ et B______ avaient formé appel contre le jugement du 27 mars 2023. L'acte d'appel lui serait communiqué après paiement de l'avance de frais par les appelants.

c. Par avis du greffe de la Cour du 23 juin 2023, un délai de 30 jours a été imparti à A______ SA afin de répondre à l'appel.

d. Cette dernière a répondu par acte du 25 août 2023, concluant au déboutement des appelants de leurs conclusions. A______ SA a par ailleurs conclu, préalablement, à ce que les appelants soient condamnés au versement de sûretés en 46'000 fr., compte tenu du fait qu'ils étaient domiciliés en Côte d'Ivoire.

e. Le 18 septembre 2023, les appelants ont répondu à la requête de sûretés, concluant à son rejet. En cas d'admission de la requête, il se justifiait, quoiqu'il en soit, de réduire le montant des sûretés.

f. Par avis du greffe de la Cour du 5 octobre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de sûretés.

C. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. Le 2 septembre 2022, A______ SA a formé devant le Tribunal une action en responsabilité des administrateurs dirigée contre C______ et B______, concluant à ce qu'ils soient solidairement condamnés à lui verser la somme de 365'515 fr. 90 plus intérêts à 5% dès le 14 janvier 2019.

A______ SA a indiqué, dans sa demande, l'adresse suivante pour les époux B______/C______ : no. ______, route 2______, [code postal] E______ [GE], tout en précisant dans une lettre d'accompagnement que les intéressés n'avaient plus de domicile connu, de sorte que le Tribunal allait devoir procéder par la voie édictale.

b. Par ordonnance du 13 octobre 2022, le Tribunal a imparti à A______ SA un délai au 21 novembre 2022 pour lui indiquer la ou les adresses des époux B______/C______ ou, à défaut, les démarches entreprises pour tenter d'obtenir une adresse.

c. Par courrier du 17 novembre 2022, A______ SA a transmis au Tribunal un rapport établi le 15 novembre 2022 par l'agence F______, Enquêtes commerciales et privées. Il en ressort que B______ avait officiellement quitté Genève le 21 mai 2003 pour G______ (Thaïlande); quant à C______, elle avait à son tour quitté officiellement Genève le 1er avril 2021 pour D______ (Côte d'Ivoire). Aucun des deux époux n'avait annoncé son retour officiel à Genève, ni même en Suisse.

Au vu de ce qui précède, A______ SA a sollicité que le Tribunal procède par publication dans la FAO.

EN DROIT

1. 1.1.1 L'article 99 al. 1 CPC prévoit que le demandeur doit, sur requête du défendeur et pour autant que l'une ou l'autre des conditions énumérées sous lettres a à d soient remplies, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens.

L'institution des sûretés, connue avant l'entrée en vigueur du CPC sous la dénomination de cautio judicatum solvi, a pour but de donner au défendeur une assurance raisonnable que, s'il gagne son procès, il pourra effectivement recouvrer les dépens qui lui seront alloués à la charge de son adversaire : le procès implique en effet des dépenses que le défendeur n'a pas choisi d'exposer et dont il est juste qu'il puisse se faire indemniser si la demande dirigée contre lui était infondée (TAPPY, CR CPC, 2019, n. 3 ad art. 99 CPC; SUTER/VON HOLZEN, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), SUTTER-SOMM/hasenböhler/leuenberger (éd.), 3ème éd. 2016, n. 2 ad
art. 99 CPC).

A teneur du texte de la loi, seul le défendeur de première instance peut requérir des sûretés du demandeur. Néanmoins des sûretés peuvent également être exigées en deuxième instance, pour les frais futurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2 et les références citées; rüegg,
in Basler Kommentar, 2010, Schweizerische Zivilprozessordnung, spühler/tencio/infanger (éd.), 2017, n° 5 ad art. 99 CPC; sterchi, in Berner Kommentar ZPO, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, 2012, n° 10 ad art. 99 LPC).

1.1.2 Selon le Tribunal fédéral, un recourant ne peut demander des sûretés en déposant simultanément sa réponse sur le recours, car il n'a plus d'intérêt à les obtenir, ayant déjà exposé en réalité tous les frais susceptibles de justifier des dépens en sa faveur, de telle sorte que sa requête est irrecevable (ATF 118 II 87 c. 2, JdT 1993 I 316; ATF 79 II 295 c.3, JdT 1954 I 528; arrêt du Tribunal fédéral 4A_188/2007 du 13 septembre 2007 c. 1.4).

Le Tribunal fédéral a appliqué la jurisprudence précitée au cas d'une demande de sûretés présentée par l'intimé à un appel ou un recours selon les art. 308 ss ou 319 CPC (ATF 141 III 554). Comme cependant, alors que le délai pour se déterminer sur un recours au Tribunal fédéral est un délai judiciaire, qui peut être prolongé jusqu'à droit connu sur une telle demande (Corboz, in LTF, n. 27 ad art. 62), les délais de réponse à un appel ou un recours des art. 319 ss CPC sont des délais légaux non prolongeables (art. 312 et 322 et 144 al. 2 CPC), le même arrêt a considéré qu'il n'était pas non plus possible de déposer dans lesdits délais seulement une requête de sûretés. Le Tribunal fédéral a dès lors choisi d'imposer à celui qui, ayant gagné en tout ou partie en première instance et pouvant donc s'attendre à un appel ou un recours de son adversaire de demander, s'il y a lieu, des sûretés avant la notification de l'éventuel appel ou recours, par un acte présentant une certaine ressemblance avec un mémoire préventif (Tappy, op. cit. n. 15 et 16 ad art. 99).

1.2 En l’espèce, la requérante a été informée par avis du greffe de la Cour du 16 mai 2023 de ce que les cités avaient formé appel contre le jugement du 27 mars 2023. En possession du rapport de l’agence F______, elle n’ignorait pas que ses deux parties adverses avaient définitivement quitté la Suisse; elle les considérait, à l’instar, du Tribunal, sans domicile connu. Elle aurait par conséquent dû, dès réception de l’avis l’informant du dépôt d’un appel, prendre des conclusions en fourniture de sûretés, sans attendre qu’un délai pour répondre au fond lui soit imparti.

Dès lors, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée ci-dessus, la demande de sûretés formée dans le cadre du mémoire réponse doit être considérée comme tardive et, partant, déclarée irrecevable.

2. Il sera statué sur les frais et dépens de l'incident avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens :

Déclare irrecevable la requête en constitution de sûretés formée le 25 août 2023 par A______ SA dans la cause C/20927/2021.

Dit qu'il sera statué sur les frais et dépens de l'incident avec la décision sur le fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.