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Décisions | Chambre civile

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C/463/2020

ACJC/1385/2023 du 17.10.2023 sur JTPI/8578/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : LDIP.117; LDIP.16
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/463/2020 ACJC/1385/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, c/o B______ SA, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juillet 2022, représentée par Me Stéphane VOISARD, avocat, BRATSCHI SA, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 1,

et

C______ LTD, sise ______, République des Iles Marshall, intimée, représentée par Me Olivier CARRARD, avocat, CMS VON ERLACH PARTNERS SA, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8578/2022 du 13 juillet 2022, dont la motivation été reçue le 4 octobre 2022 par A______ SA, le Tribunal de première instance a condamné la précitée à verser à C______ LTD 52'018.04 USD, avec intérêts à 5% dès le 4 juillet 2018 (chiffre 1 du dispositif), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 5'560 fr., compensés avec les avances fournies et mis à la charge de A______ SA, condamné celle-ci à verser à C______ LTD 5'560 fr. à titre de restitution desdites avances (ch. 3), ainsi que 6'300 fr. à titre dépens (ch. 4), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 2 novembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, elle a conclu, principalement, au déboutement de C______ LTD de toutes ses conclusions et au rejet de la requête en mainlevée définitive de son opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Statuant sur requête de C______ LTD, la Cour a, par arrêt ACJC/131/2023 du 31 janvier 2023, condamné A______ SA à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel à hauteur de 4'770 fr.

Les sûretés ont été fournies le 6 mars 2023.

c. Dans sa réponse, C______ LTD a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens, la libération des sûretés fournies à ce titre devant être ordonnée.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

e. Par avis du greffe de la Cour du 31 août 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. La société C______ LTD, ayant son siège aux Iles Marshall, est active dans le domaine du transport maritime.

b. La société genevoise A______ SA a pour but le commerce et la fourniture de toutes matières premières; le stockage, le transport et la distribution, ainsi que toutes opérations portant sur des instruments financiers ou contrats y relatifs.

c. Le 10 avril 2018, C______ LTD, en qualité de fréteur, et A______ SA, en qualité d'affréteur, représentées respectivement par [la société] D______ et E______ LTD, ont négocié un contrat d'affrètement prévoyant le transport par C______ LTD de marchandises appartenant à A______ SA, soit une cargaison de manganèse, du port de F______ (Bulgarie) au port de G______ (Chine), pour un prix fixé à 60'827.95 USD.

Ce contrat n'a pas été signé par les parties.

d. Le 12 avril 2018, le chargement du navire "H______", appartenant à C______ LTD, avec les marchandises fournies par A______ SA, a débuté au port de F______.

e. Le 22 avril 2018, le navire "H______" a quitté le port susvisé et est arrivé au port de G______ le 27 mai 2018.

L'affrètement a été effectué par I______ CO, société sous-traitante de C______ LTD.

f. Le 28 mai 2018, C______ LTD a adressé une "freight invoice" n° 2______ d'un montant de 60'067.60 USD à A______ SA pour le transport par bateau de la cargaison de manganèse.

g. Le 2 juin 2018, l'intégralité de la marchandise appartenant à A______ SA a été déchargée au port de G______.

h. Le 14 juin 2018, C______ LTD a adressé à A______ SA une nouvelle "freight invoice" n° 2______ d'un montant de 52'018.04 USD, rectifié pour le motif suivant: "less despatch G______".

A cet égard, C______ LTD a allégué que la différence de prix entre le montant finalement facturé et celui annoncé le 28 mai 2018 s'expliquait par le fait que le déchargement de la marchandise au port de G______ avait nécessité moins de temps que prévu.

i. Par courrier du 16 septembre 2019, C______ LTD a mis A______ SA en demeure de lui verser 52'018.04 USD, soit 54'360 fr. comprenant les intérêts à 5% depuis le 3 juillet 2018 "au sens de l'art. 104 du Code des obligations", pour le transport de marchandises effectué courant 2018 à sa demande entre les ports de F______ et G______.

j. Le 15 novembre 2019, C______ LTD a fait notifier, par l'Office des poursuites de Genève, à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur un montant de 51'339 fr. 34 (contre-valeur de 52'018.04 USD en date du 4 novembre 2019) dû selon la facture n° 2______ du 14 juin 2018, auquel la précitée a formé opposition.

k. Le 9 janvier 2020, C______ LTD a introduit une requête en conciliation par-devant le Tribunal.

A______ SA ne s'est pas présentée à l'audience de conciliation.

D. a. Par acte du 16 octobre 2020, C______ LTD a assigné A______ SA en paiement de la somme de 52'018.04 USD, avec intérêts à 5% dès le 4 juillet 2018, et a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a soutenu que le contrat d'affrètement du 10 avril 2018, bien que non signé, avait été dûment conclu entre les parties et entièrement exécuté par elle. A______ SA ne s'était toutefois jamais acquittée du prix y afférent. Les parties n'avaient pas convenu du droit applicable audit contrat. La prestation caractéristique de celui-ci étant celle du fréteur, le droit marshallais était applicable. Cela étant, le contenu de ce droit n'était pas déterminable avec certitude, de sorte qu'il se justifiait d'appliquer le droit suisse à titre supplétif conformément à l'art. 16 al. 2 LDIP. En effet, ses recherches n'avaient pas permis d'identifier les dispositions applicables au cas d'espèce.

b. Par ordonnance du ______ 2021, notifiée à A______ SA par publication officielle dans la FAO, le Tribunal a imparti à la précitée un délai au ______ 2021 pour répondre à la demande susvisée.

A______ SA n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti.

c. Par ordonnance du 22 novembre 2021, un délai supplémentaire au 17 décembre 2021 a été imparti à A______ SA, étant précisé que le Tribunal a attiré l'attention de celle-ci sur les conséquences d'un éventuel défaut.

A______ SA n'a pas fait suite à cette ordonnance.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 24 mai 2022, C______ LTD a plaidé et persisté dans ses conclusions.

Dûment convoquée, A______ SA ne s'est pas présentée, ni fait représenter.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré, qu'en raison du défaut de A______ SA, les allégations de C______ LTD étaient non contestées et partant établies.

Le droit marshallais était applicable aux relations contractuelles nouées par les parties. L'établissement de ce droit n'était toutefois pas aisé. En effet, la nature même du système du Common Law ne facilitait pas cet établissement et il n'était pas possible de trouver, notamment sur internet, un site officiel duquel ressortirait le droit marshallais. A cela s'ajoutait que A______ SA, qui n'avait pas participé à la procédure, n'avait pas contesté que l'établissement du droit applicable était problématique et n'avait pas participé à sa détermination. Il se justifiait donc d'appliquer le droit suisse.

Il n'était pas contesté que les parties avaient conclu un contrat d'affrètement portant sur le transport de marchandises appartenant à A______ SA, que celui-ci avait été exécuté et que la précitée ne s'était pas acquittée du prix convenu. Celui-ci était donc dû à C______ LTD.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 247 al. 1 CPC).

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir renoncé à établir le contenu du droit étranger applicable au contrat d'affrètement du 10 avril 2018.

3.1.1 A défaut d'élection de droit, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits. Ces liens sont réputés exister avec l'Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou son siège (art. 117 al. 1 et 2 LDIP).

Le contrat d'affrètement est un contrat par lequel le fréteur s'oblige à mettre à disposition de l'autre, l'affréteur, moyennant rémunération, tout ou partie de la contenance d'un moyen de transport en conservant la possession et le contrôle de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_641/2010 du 23 février 2011 consid. 3.2; Tercier, Les contrats spéciaux, 2016, n° 5720).

3.1.2 Aux termes de l'art. 16 al. 1 LDIP, le contenu du droit étranger est établi d'office. A cet effet, la collaboration des parties peut être requise. En matière patrimoniale, la preuve peut être mise à la charge des parties.

Le droit suisse s'applique si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi (art. 16 al. 2 LDIP).

L'alinéa 1 de cet article consacre l'obligation pour le juge d'établir d'office le droit étranger (ATF 118 II 83 consid. 2a) sans s'en remettre au bon vouloir des parties, auxquelles il doit toutefois donner la possibilité de s'exprimer quant au droit applicable à un stade de la procédure qui précède l'application de ce droit (ATF 121 III 436 consid. 5a). Le juge doit ainsi déterminer le contenu du droit étranger en s'inspirant des sources de celui-ci, c'est-à-dire la législation, la jurisprudence et éventuellement la doctrine; ce devoir vaut aussi lorsqu'il s'agit d'établir le droit d'un pays non voisin, en recourant à l'assistance que peuvent fournir les instituts et services spécialisés compétents, tel que l'Institut suisse de droit comparé (ATF 121 III 436 consid. 5b). Il doit donc d'abord chercher à établir lui-même le droit étranger (art. 16 al. 1, 1ère phrase, LDIP). Il dispose néanmoins de plusieurs possibilités pour associer les parties à l'établissement du droit applicable. Il peut, dans tous les cas, exiger qu'elles collaborent à l'établissement de ce droit (art. 16 al. 1, 2ème phrase, LDIP), par exemple en invitant une partie qui est proche d'un ordre juridique étranger à lui apporter, en raison de cette proximité, des informations sur le droit applicable. Il peut également, dans les affaires patrimoniales, mettre la preuve du droit étranger à la charge des parties (art. 16 al. 1, 3ème phrase, LDIP). Néanmoins, même si les parties n'apportent pas la preuve du droit étranger, le juge doit, conformément au principe "jura novit curia", chercher à déterminer ce droit dans la mesure où cela n'apparaît ni intolérable, ni disproportionné. Ce n'est que lorsque les efforts entrepris ne conduisent pas à un résultat fiable, que le juge peut appliquer le droit suisse en lieu et place du droit étranger normalement applicable (art. 16 al. 2 LDIP); il en va de même lorsque subsistent des doutes sérieux à propos du résultat obtenu (ATF 128 III 346 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_193/2010 du 7 juillet 2010 consid. 2.3). L'emploi du terme "preuve" est donc impropre, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une preuve au sens strict, la norme étrangère étant une règle de droit (ATF 138 III 232 consid. 4.2.4; 124 I 49 consid. 3c; 119 II 93 consid. 2c/bb), et que l'exception de l'art. 16 al. 1, 3ème phrase, LDIP n'a donc pas pour objet le fardeau objectif de la preuve, entraînant le cas échéant la perte du droit invoqué, mais l'application du droit suisse à titre supplétif (Bucher, Commentaire romand LDIP, 2011, n° 16 ad art. 16 LDIP; Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire LDIP, 2005, n° 7 ad art. 16 LDIP; Mächler-Erne/Wolf-Mettier, Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2021, n° 14 ad art. 16 LDIP; Schramm/Buhr, Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Internationales Privatrecht, 2012, n° 13 ad art. 16 LDIP).

3.1.3. Le juge doit mettre en œuvre les moyens d'investigation qui sont à sa disposition. Il consulte les ouvrages, recueils et documents électroniques accessibles et il recourt à l'avis d'experts, suisses ou étrangers. Dans la pratique, cependant, le juge ne peut souvent guère aller plus loin que de s'appuyer sur les éléments fournis par les parties et la documentation, en général plutôt rudimentaire, dont dispose le tribunal et la bibliothèque scientifique la plus proche. Il ne prendra pas aisément l'initiative de recueillir l'avis d'un expert qu'aucune des parties n'a jugé utile de produire ou de suggérer. Il est illusoire de solliciter des renseignements auprès de l'Office fédéral de la justice ou des services diplomatiques suisses ou étrangers, comme le pense le Tribunal fédéral, en citant la doctrine mais sans consulter les services concernés, ni l'état de leur personnel, respectivement de leur budget (ATF 124 I 49 consid. 3b). L'office du juge implique, cependant, que pour renoncer à l'application du droit étranger, la méconnaissance de ce droit ou les difficultés rencontrées doivent être réelles (ATF 121 III 436 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_193/2010 précité consid. 2.3; Bucher, op. cit., n° 5 ad art. 16 LDIP).

Le juge peut requérir la collaboration des parties, dans la mesure où elles ne l'auraient pas déjà offerte spontanément. Les parties disposent en général de facilités meilleures que celles du juge pour obtenir des renseignements directement dans le pays étranger concerné. Le juge dispose d'une grande latitude dans sa décision de solliciter ou non le concours des parties ou de l'une d'elles (Bucher, op cit. n° 14 ad art. 16 LDIP).

Pour constater l'absence d'une connaissance suffisante du droit étranger, le juge doit s'en remettre à sa propre appréciation de la qualité des recherches entreprises et de la pertinence des renseignements récoltés. C'est une question de vraisemblance et non de certitude; le juge ne peut avoir la certitude de ce qu'il ignore (Bucher, op. cit., n° 23 ad art. 16 LDIP).

3.2 En l'espèce, les parties ne contestent pas que le droit applicable au contrat d'affrètement litigieux est, en principe, le droit marshallais.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le premier juge n'a pas refusé d'établir le contenu de ce droit étranger, mais a considéré que l'établissement de celui-ci n'était pas aisé, au motif notamment qu'il était fondé sur la tradition de la Common Law. En effet, dans ce système juridique, les règles sont principalement édictées par les tribunaux au fur et à mesure des décisions individuelles. La jurisprudence est ainsi la principale source du droit. Or, à l'instar de la Cour, le premier juge n'a pas trouvé de sources informatiques officielles de cet Etat de Micronésie répertoriant la jurisprudence ou permettant de déterminer de manière certaine les dispositions applicables au cas d'espèce. Ainsi, les recherches sur internet effectuées par le premier juge n'ont pas permis d'aboutir à un résultat fiable quant au contenu du droit marshallais, ce qui ressort de la motivation du jugement entrepris.

Par ailleurs, il n'existe pas de documentation utile sur le droit applicable aux Iles Marshall à la bibliothèque du Pouvoir judiciaire de Genève ou encore dans les nombreuses bibliothèques académiques suisses référencées dans le catalogue "swisscovery".

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne saurait être reproché au premier juge de ne pas avoir sollicité des renseignements auprès d'experts, en particulier l'Institut suisse de droit comparé, sur le contenu du droit marshallais. En effet, le premier juge était fondé à réduire l'ampleur des démarches normalement requises et ne pas engager de recherches supplémentaires, engendrant des coûts importants et rallongeant inutilement la procédure, compte tenu du montant de la créance litigieuse, des enjeux du litige - l'exécution du contrat par l'intimée n'étant aucunement remise en cause - ou encore du défaut de l'appelante tout au long de la procédure de première instance.

L'appelante soutient encore que le premier juge aurait dû solliciter la collaboration de l'intimée pour établir le contenu du droit étranger, celle-ci ayant son siège aux Iles Marshall. Cela étant, la précitée a, dans sa demande du 16 octobre 2020, allégué que, malgré ses recherches informatiques, elle n'avait pas pu identifier les dispositions applicables au présent cas. Or, ce résultat correspond à celui des recherches effectuées par le premier juge. Il ne pouvait donc pas attendre de l'intimée qu'elle contribue à déterminer de manière fiable le contenu du droit marshallais. Par ailleurs, cette critique est d'autant moins fondée que l'appelante n'a pas souhaité participer à la procédure de première instance, alors qu'elle connaissait la problématique du droit applicable, la demande de l'intimée lui ayant été dûment notifiée, ce qui n'est pas contesté. L'appelante a ainsi renoncé à établir le contenu du droit étranger dans le cadre du procès.

Dans son appel, l'appelante ne fournit d'ailleurs aucun élément concernant le contenu du droit marshallais et elle ne soutient pas que l'application de celui-ci aurait eu pour conséquence de modifier l'issue du litige, ce qui semble peu vraisemblable. En effet, l'appelante ne conteste pas que l'intimée a exécuté ses obligations découlant du contrat d'affrètement litigieux et qu'elle-même ne s'est pas acquittée du montant dû pour le transport de sa marchandise.

Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, le premier juge était fondé à retenir l'impossibilité objective de parvenir à une connaissance suffisante du droit marshallais, les recherches effectuées - et exigibles vu les circonstances - n'ayant pas permis d'identifier les dispositions applicables au présent litige, la jurisprudence y relative et d'aboutir ainsi à un résultat fiable.

Le droit suisse pouvait donc être appliqué à titre supplétif.

4. En cas d'application du droit suisse, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que la forme du contrat litigieux était valable et, par conséquent, que la créance y afférente était fondée.

4.1.1 la validité des contrats n'est subordonnée à l'observation d'une forme particulière qu'en vertu d'une prescription spéciale de la loi (art. 11 al. 1 CO) ou de la volonté des parties (art. 16 al. 1 CO).

En vertu des règles générales d'interprétation (art. 18 CO), il y a lieu de rechercher la volonté commune et réelle des parties (interprétation subjective) et, au besoin, d'interpréter la forme réservée au contrat conformément au principe de la confiance (interprétation objective ou normative) (Xoudis, Commentaire romand CO I, 2021, n° 14 ad art. 16 CO).

En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties, le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1).

Aux termes de l'art. 13 CO, le contrat pour lequel la loi exige la forme écrite doit être signé par toutes les personnes auxquelles il impose des obligations.

4.1.2 A teneur de l'art. 94 de la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse du 23 septembre 1953 (RS 747.30; LNM), l'affrètement est le contrat par lequel l'armateur s'oblige, en tant que fréteur, à mettre à la disposition de l'affréteur, contre rémunération, tout ou partie de la contenance d'un navire désigné, soit pour une durée déterminée (charte-partie au temps), soit pour un ou plusieurs voyages déterminés (charte-partie au voyage) (al. 1). Fréteur et affréteur peuvent exiger chacun un contrat écrit (charte partie) (al. 2).

4.2 En l'espèce, l'appelante soutient que les parties avaient convenu de soumettre le contrat d'affrètement litigieux, négocié le 10 avril 2018, à la forme écrite. Celui-ci n'ayant pas été signé par les parties, il n'était pas valable.

Or, aucun élément du dossier ne permet de retenir que les parties souhaitaient soumettre le contrat susvisé à la forme écrite. En effet, contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'est pas établi, par les pièces produites, que deux exemplaires dudit contrat lui auraient été envoyés par l'intimée pour signature.

Par ailleurs, l'appelante n'a pas indiqué à l'intimée ne pas être liée par le contrat d'affrètement du 10 avril 2018 que ce soit durant l'exécution de celui-ci par la précitée entre le 12 avril et le 2 juin 2018 - étant relevé que la marchandise en question a été remise à l'intimée pour qu'elle effectue le transport convenu entre la Bulgarie et la Chine et que celle-ci a été réceptionnée - ou encore lors de la facturation ou de la mise en demeure de l'intimée en juin 2018, respectivement septembre 2019.

Il se justifie ainsi d'admettre que les parties n'avaient pas soumis le contrat litigieux à la forme écrite et que, par conséquent, l'absence de signature de celui-ci n'est pas déterminante.

La nature de l'affaire ne permet pas non plus de retenir une présomption légale en faveur de la forme écrite, comme soutenu par l'appelante. En effet, l'art. 94 al. 2 LNM évoque une possibilité et non une obligation.

L'appelante n'ayant, à aucun moment, allégué que le contrat litigieux n'avait pas été exécuté ou avait été mal exécuté par l'intimée, la rémunération de celle-ci est due, soit le montant non contesté de 52'01804 USD, avec intérêts à 5% dès le 4 juillet 2018, comme retenu par le premier juge. Celui-ci était ainsi également fondé à prononcer la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Partant, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 4'500 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera, en outre, condamnée à verser 4'770 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1 LaCC), débours compris mais hors TVA, vu le siège à l'étranger de l'intimée (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016). Les sûretés d'un même montant versées par l'appelante seront ainsi entièrement libérées en mains de l'intimée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 novembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/8578/2022 rendu le 13 juillet 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/463/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'500 fr. et les compense entièrement avec l'avance versée par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 4'770 fr. à C______ LTD à titre de dépens d'appel.

Ordonne la libération des sûretés versées par A______ SA, soit 4'770 fr., en faveur de C______ LTD.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.