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Décisions | Chambre civile

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C/12308/2020

ACJC/1309/2023 du 03.10.2023 sur JTPI/6960/2022 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CO.67.al1; CC.49.al1; CO.127
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12308/2020 ACJC/1309/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 3 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 juin 2022, représentée par Me Sebastiano CHIESA, avocat, RIGAMONTI AVOCATS, place de
la Taconnerie 3-5, case postale 3583, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par
Me Rodolphe GAUTIER, avocat, WALDER WYSS SA, boulevard du Théâtre 3, case postale, 1211 Genève 3.


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/6960/2022 du 9 juin 2022, notifié le 14 du même mois, le Tribunal de première instance a débouté A______ SA de sa demande en paiement formée à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif).

Les frais judiciaires, comprenant l'émolument forfaitaire de conciliation, les frais d'administration des preuves et l'émolument forfaitaire de décision, ont été arrêtés à 10'650 fr. et compensés avec les avances de frais opérées par les parties, de 10'500 fr. pour A______ SA et de 150 fr. pour B______. Ils ont été mis à la charge de A______ SA, qui a en conséquence été condamnée à payer à B______ la somme de 150 fr. au titre de remboursement des frais judiciaires (ch. 2). A______ SA a également été condamnée à verser à B______ 18'000 fr. à titre de dépens (ch. 3). Enfin, les parties ont été déboutées de toute autre conclusion (ch. 4).

b. Par acte déposé le 13 juillet 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel à l'encontre de ce jugement concluant à son annulation. Cela fait, elle a conclu, principalement, au constat que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise et que son action en enrichissement illégitime n'était pas prescrite et, subsidiairement, que le jugement entrepris violait son droit d'être entendue, ainsi qu'au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour instruction complémentaire au sens des considérants, B______ étant condamné aux frais de la procédure.

Plus subsidiairement, A______ SA a conclu à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris, à la fixation des frais judiciaires de première instance à 5'000 fr. et à sa condamnation à verser à B______ des dépens de 5'400 fr.

c. Aux termes de son mémoire de réponse expédié au greffe de la Cour de justice le 14 septembre 2022, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'appel au motif qu'il serait inintelligible, subsidiairement à son rejet, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de A______ SA aux frais de la procédure.

d. A______ SA a répliqué le 12 octobre 2022 et B______ a dupliqué le 3 novembre 2022, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. A______ SA a déposé une détermination spontanée le 15 novembre 2022.

f. B______ a, par courrier du 17 novembre 2022, indiqué persister dans ses précédents développements.

g. Par plis séparés du 18 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les éléments de fait pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, notamment active en matière de travaux d'installation et d'équipement dans le domaine de l'électricité et du téléphone.

C______ a travaillé de nombreuses années au sein de cette société. Il était inscrit au Registre du commerce en tant que détenteur d'une signature collective à deux, puis à compter du 26 novembre 2010, en tant que directeur avec signature collective à deux. Selon A______ SA, il disposait, à l'interne, du pouvoir de conclure seul des contrats à titre onéreux.

b. B______ est notamment propriétaire d'un bien immobilier (duplex de 170 m2) situé au chemin 1______ no. ______ à D______ (Genève). Il est également administrateur de la société genevoise E______ SA depuis le 18 octobre 2010. Précédemment, il occupait la fonction de directeur.

B______ entretient des liens d'amitié avec C______ depuis de nombreuses années.

c. Au mois de février 2009, E______ SA a conclu un contrat d'entreprise avec A______ SA pour la réalisation de travaux d'électricité dans des bureaux dont le coût total s'est élevé à 141'154 fr. Elle l'a en outre, en juillet 2010, mandatée pour la réalisation d'autres travaux électriques d'un montant total de 38'200 fr. (dossier 205062).

d. A cette période, A______ SA a également effectué des travaux d'électricité dans l'appartement de D______ de B______.

Selon un décompte d'heures produit par A______ SA, onze employés différents, dont F______ et G______, seraient intervenus dans l'appartement entre 2007 et 2012 dans le cadre de quatre dossiers différents (205315, 205026, 205062 et 205029) pour un total de 842 heures. Seule l'année des interventions est mentionnée, sauf en ce qui concerne G______, pour lequel il est indiqué qu'il a travaillé trois heures sur le chantier le 22 mars 2012.

Entendu en qualité de témoin, F______, ancien employé de A______ SA, a déclaré s'être rendu dans l'appartement de D______ de B______ il y a une dizaine d'année pour des interventions sporadiques. Il avait amené du matériel, en avait repris et avait tiré des câbles. Il ne se souvenait plus du nombre d'heures passé sur le chantier ni de la date de la fin de son intervention.

H______, administrateur de A______ SA, a déclaré avoir su que A______ SA était intervenue sur un chantier concernant B______ entre mai et juin 2020.

e. Dans le cadre de ses relations avec A______ SA, B______ traitait avec C______.

f. Le 19 novembre 2012, C______ a résilié le contrat de travail le liant à A______ SA, au motif qu'il n'était plus en mesure d'assumer ses fonctions de directeur depuis qu'un changement de tâches lui avait été imposé et que l'ambiance de travail était devenue insupportable.

g. Le 12 février 2013, E______ SA a adressé à A______ SA une facture d'un montant total de 57'471 fr. 12, TVA comprise, pour la manutention (13'077 fr. 72) et l'entreposage (43'443 fr.) de palettes entre les mois d'octobre 2010 et mars 2013 et la livraison de 31 palettes (950 fr. 40).

Le 13 janvier 2014, A______ SA s'est acquittée de ladite facture, réduite conventionnellement à 50'000 fr.

h. Le 23 septembre 2013, A______ SA a adressé une facture d'un montant total de 213'055 fr. 85, TVA comprise, à B______ pour l'installation électrique réalisée dans son appartement à D______. Les dates d'exécution des travaux ne sont pas mentionnées.

i. Le 22 janvier 2014, A______ SA a introduit une poursuite contre B______ à hauteur de 213'055 fr. 85 avec intérêts pour les travaux d'électricité effectués dans son appartement de D______ [GE]. Le commandement de payer correspondant a été notifié le 28 février 2014. B______ y a fait opposition.

Par la suite, A______ SA a régulièrement interrompu la prescription par l'introduction de poursuites, respectivement B______ a signé des déclarations de renonciation à invoquer la prescription. La dernière poursuite a été requise le 7 octobre 2019 et un commandement de payer a été notifié le 18 octobre 2019, auquel B______ a fait opposition (poursuite no 2______).

j. Parallèlement, le 18 mars 2014, A______ SA a déposé une plainte pénale à l'encontre de C______ portant notamment sur les opérations qu'il avait réalisées avec E______ SA et B______ dans le cadre de son activité professionnelle (P/3______/2014).

Lors de son audition par le Ministère public, C______ a déclaré avoir convenu avec B______, dans le cadre d'un accord verbal, que celui-ci mettrait à disposition de A______ SA une surface de stockage de E______ SA pour l'entreposage de 63 bobines de câbles en cuivre en contrepartie de l'installation de l'équipement électrique dans l'appartement qu'il venait d'acquérir à D______. Il avait accepté cet accord dans la mesure où le coût de stockage des bobines durant le temps nécessaire à leur utilisation représentait environ 70'000 fr. alors que les travaux envisagés représentaient une dépense de 10'000 à 15'000 fr. pour A______ SA.

Egalement entendu par le Ministère public, B______ a, pour sa part, déclaré qu'il avait été convenu que les travaux électriques réalisés dans son appartement de D______ ne lui seraient pas facturés du fait qu'il avait mandaté A______ SA pour effectuer des travaux d'environ 190'000 fr. en faveur de E______ SA. Il avait fourni lui-même le matériel nécessaire, à l'exception des câbles. C______ avait estimé le coût des travaux entre 20'000 fr. et 22'000 fr., ce qui représentait un peu plus de 10% du coût des travaux exécutés en faveur de E______ SA.

k. Lors de son audition par le premier juge, H______ a déclaré qu'il arrivait à A______ SA de consentir des gestes commerciaux en fonction de l'ampleur des soumissions. Ces gestes pouvaient prendre la forme de la réalisation de travaux au prix coûtant mais pas sans facturation.

l. Entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2020, B______ a dépensé 20'000 fr. en frais d'avocats dans le cadre du litige l'opposant à A______ SA.

C. a. Par acte déposé en conciliation le 1er juillet 2020 et introduit devant le Tribunal de première instance le 15 décembre 2020, A______ SA a agi en paiement de 213'055 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2014 à l'encontre de B______, sous suite de frais, et en mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer poursuite no 2______.

A l'appui de sa demande, elle a notamment allégué que B______ l'avait mandatée en 2010, par l'intermédiaire de C______, afin d'effectuer des travaux d'électricité dans son appartement situé au chemin 1______ no. ______ à D______ [GE]. Elle avait également, à la demande de B______, réalisé des travaux d'électricité dans un autre de ses appartements situé à la route 4______ no. ______ à D______ et dans son chalet en France. Sans son approbation, B______ et C______ étaient convenus que les travaux sur les trois biens immobiliers seraient offerts. L'accord concernant la gratuité des travaux, en particulier celui situé au chemin 1______ no. ______ à D______, semblait initialement se baser sur le fait que B______ lui aurait attribué un mandat de l'ordre de 190'000 fr. Par la suite, B______ avait accepté que C______ entrepose 63 bobines de cuivre dans un dépôt à titre gratuit contre l'installation de l'équipement électrique dans son appartement, sans qu'elle en soit informée. B______ lui avait toutefois finalement envoyé une facture le 12 février 2013 pour cet entreposage, qu'elle avait payée. En septembre 2013, elle avait constaté que B______ ne s'était acquitté d'aucun montant pour les travaux réalisés et lui avait adressé une facture, qu'il avait refusé de payer. Les rapports la liant à B______ devaient être qualifiés de contrat d'entreprise. Ce dernier n'ayant fourni aucune contre-prestation en échange des travaux effectués, le coût de l'entreposage des bobines de cuivre ayant été acquitté, le prix de l'ouvrage, de 213'055 fr. 80, était dû. Subsidiairement, s'il devait être considéré qu'il n'existait pas de contrat entre elle-même et B______, ce dernier demeurerait néanmoins tenu de s'acquitter du prix de l'ouvrage sur la base des règles sur l'enrichissement illégitime. Dès lors qu'elle avait eu connaissance de l'absence de paiement des travaux effectués en septembre 2013, cette action n'était pas prescrite.

b. B______ a conclu, sous suite de frais, au rejet des conclusions de A______ SA, subsidiairement à la compensation des éventuelles prétentions de A______ SA avec ses frais d'avocats engagés avant procès de 20'000 fr.

Il a notamment allégué que C______ lui avait, en marge de la passation de plusieurs commandes par E______ SA auprès de A______ SA, spontanément proposé de lui fournir gracieusement certains travaux électriques dans son appartement au chemin 1______ no. ______ à D______ car il était de coutume dans le marché des services de consentir à un escompte et/ou un rabais commercial d'environ 10%, en particulier dans le cadre de la conclusion de contrats portant sur des sommes importantes. Cela devait également permettre à A______ SA d'entrer en contact avec le promoteur de la propriété par étages en vue d'obtenir de futurs chantiers. Cet arrangement avait été passé au su et au vu des dirigeants des deux sociétés concernées, notamment de H______, administrateur de A______ SA. Il n'y avait aucun lien avec l'entreposage des bobines de cuivre. Cet entreposage aurait initialement dû durer quelques semaines et devait de ce fait être fourni à titre gratuit au vu des bonnes relations qu'il entretenait avec C______. La facturation était toutefois devenue indispensable dans la mesure où le dépôt s'était prolongé sur plusieurs mois. Ce litige avait été réglé il y avait plusieurs années. A______ SA n'avait pas réalisé de travaux dans d'autres de ses biens. Ainsi, dans la mesure où l'arrangement convenu avec C______ ne revêtait pas un caractère onéreux, aucun contrat d'entreprise ne le liait à A______ SA. En outre, les conditions d'une action en enrichissement illégitime n'étaient pas réunies, les travaux litigieux ayant été effectués à titre d'escompte pour les contrats conclus avec E______ SA, et ladite action était en tout état prescrite, l'arrangement passé l'ayant été au su et au vu des dirigeants de A______ SA.

c. Une audience a eu lieu le 11 juin 2021. Les parties, interpellées par le Tribunal, ont indiqué qu'elles n'avaient pas d'allégués complémentaires à formuler et ont été informées de la limitation de la procédure à la question de la prescription.

I______, comptable, entendu en tant que représentant de A______ SA, a indiqué ne pas être en mesure de préciser la date de la fin des travaux effectués dans l'appartement de D______ de B______. A son souvenir, deux ou trois employés avaient travaillé sur le chantier. Lors d'investigations liées aux faits dénoncés pénalement concernant C______, il avait été constaté que B______ ne s'était acquitté d'aucun montant pour les travaux effectués dans son appartement. Selon I______, les membres de la direction, notamment J______ et K______, ignoraient que des travaux avaient été réalisés chez B______ sans qu'ils ne soient facturés.

A______ SA a sollicité l'audition en qualité de témoin de G______ et de F______, notamment sur la question de savoir si leurs interventions étaient fondées sur un contrat, et B______ celle de H______.

d. Une seconde audience a eu lieu le 5 novembre 2021, lors de laquelle les témoins F______ et H______ ont été entendus. Leurs déclarations ont été reportées ci-dessus dans la mesure de leur pertinence pour l'issue du litige. A______ SA a renoncé à l'audition de G______.

Les parties ont ensuite plaidé sur la question limitée de la prescription. A______ SA a conclu à ce qu'il soit constaté que la prescription n'était pas intervenue. B______ a conclu au déboutement de A______ SA.

La cause a été gardée à juger à l'issue de ladite audience sur la question de la prescription.

D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que pour se déterminer sur la question de la prescription, les parties avaient été amenées à se prononcer sur chacun des fondements juridiques invoqués par A______ SA à l'appui de sa demande, de sorte qu'il disposait de tous les éléments pour trancher, non seulement la question de la prescription, mais également celle de l'éventuel fondement contractuel de la prétention soulevée par A______ SA. Or, A______ SA n'avait pas allégué que B______ l'aurait sollicitée pour la réalisation de travaux d'électricité dans l'appartement à D______ contre rémunération, puisqu'elle avait exposé, dans sa demande, que ce dernier et C______ étaient convenus, sans son approbation, que les travaux seraient offerts. L'existence d'un contrat d'entreprise devait ainsi être écartée.

A______ SA n'expliquait par ailleurs pas ce qui permettait d'exclure qu'elle serait liée par un contrat innomé consistant en la fourniture par ses soins d'une prestation à B______ sans contrepartie, conclu en son nom et pour son compte par C______. Elle ne soutenait pas avoir invalidé cet accord pour vice du consentement ni n'invoquait une éventuelle nullité. Elle n'exposait au demeurant pas pourquoi le fait qu'elle avait finalement versé en 2014 une somme de 50'000 fr. à B______ pour l'entreposage de bobines de cuivre aurait modifié les engagements pris quelques années auparavant. Cela étant, il y avait lieu de relever, en application du droit d'office, que C______ ne pouvait a priori pas engager A______ SA, faute d'être membre du conseil d'administration et de disposer de la signature individuelle. Se posait en conséquence la question de savoir si C______ bénéficiait des pouvoirs de représentation internes nécessaires ou si l'engagement pris avait été accepté par actes concluants par A______ SA. Les parties ne s'étaient pas exprimées à ce sujet. Il pouvait toutefois être déduit des écritures de B______ qu'il considérait que A______ SA était liée par la gratuité promise par C______. En outre, en soutenant que sa prétention avait un fondement contractuel, A______ SA ne pouvait prétendre que C______ n'aurait pas eu le pouvoir de l'engager. En tout état, il ressortait des allégués de A______ SA et des pièces produites par celle-ci que des travaux avaient été réalisés chez B______ entre 2007 et 2012 sans être facturés et que pas moins de onze employés différents seraient intervenus sur le chantier puis auraient ensuite transmis à leur responsable leur décompte d'heures. A______ SA n'avait pas précisé qui était chargé d'établir les factures sur la base des décomptes reçus et des frais engagés pour l'acquisition du matériel. L'absence de facturation au sein d'une structure du type de A______ SA et sur une aussi longue période résultait toutefois nécessairement d'une décision prise par une personne autorisée à le faire, faute de quoi les dirigeants et la comptabilité seraient nécessairement intervenus. Ainsi, soit C______ avait instruit le département comptabilité/facturation de ne pas établir de facture et le fait que son instruction avait été suivie d'effet démontrait qu'il avait le pouvoir de la donner, soit cette décision avait été prise par un membre de la direction connaissant l'engagement pris par C______ à l'égard de B______. Dans tous les cas, l'instruction donnée à l'interne de ne pas adresser de facture à B______ valait confirmation que l'engagement de gratuité que C______ avait pris à son égard était valable, respectivement qu'il avait été ratifié. Il en résultait que B______ et A______ SA étaient effectivement liés contractuellement, mais que celle-ci ne pouvait fonder aucune prétention sur la base de cette relation contractuelle.

Subsidiairement, le Tribunal a retenu que même si l'existence d'une relation contractuelle entre B______ et A______ SA devait être niée, celle-ci devrait être déboutée de sa prétention. En effet, l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrivait, à l'époque des faits litigieux, dans un délai d'un an à compter du jour où la partie lésée avait eu connaissance de son droit de répétition. Or, les parties ne s'étaient pas exprimées sur les personnes physiques au sein de A______ SA qui devaient avoir connaissance du droit de répétition pour que le délai d'un an commence à courir. B______ semblait imputer la connaissance des faits par C______ à A______ SA. Dans ces circonstances, il appartenait à celle-ci de désigner précisément la ou les personne(s) qui devai(en)t de son point de vue être informée(s) de l'absence de facturation des travaux réalisés en faveur de B______ pour que le délai puisse commencer à courir. Faute pour A______ SA de s'être déterminée à ce sujet, il devait être retenu, comme date la plus récente de la connaissance de son éventuel droit à répétition, celle de la fin des travaux, qui pouvait être fixée, sur la base des documents produits, au 22 mars 2012. La prescription d'une éventuelle créance fondée sur un enrichissement illégitime était en conséquence acquise lors de l'initiation des premières poursuites en janvier 2014.

EN DROIT

1. 1.1 Les jugements finaux rendus par le Tribunal de première instance dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, de 10'000 fr. au moins sont susceptibles de faire l'objet d'un appel écrit et motivé auprès de la Chambre civile de la Cour de justice dans un délai de 30 jours à compter de leur notification (art. 308 et 311 CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Selon la jurisprudence, pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (ATF 141 III 69 consid. 2.3.3). Comme tous les actes de procédure, l'appel doit être interprété selon les règles de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_268/2022 du 18 mai 2022 consid. 4).

1.2 En l'espèce, l'appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente, dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi à l'encontre d'un jugement final rendu dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des prétentions invoquées en première instance, supérieure à 10'000 fr. Il est de ce point de vue recevable.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, l'appel est rédigé de manière suffisamment explicite pour permettre à celui-ci de le comprendre et de se déterminer. Il mentionne quels aspects du jugement querellé sont contestés, les faits qui n'auraient pas correctement été établis, les dispositions légales qui auraient été violées et les raisons pour lesquelles elles auraient été violées. Le fait que l'appelante se détermine sur chacun des allégués de fait du jugement entrepris en mentionnant lesquels sont admis et en complétant ceux qui, selon elle, ont été constatés de manière incomplète ne saurait constituer un motif d'irrecevabilité dans la mesure où l'appelante ne se contente pas d'exposer sa propre version des faits mais indique précisément quels faits n'ont pas été établis correctement. Par ailleurs, si la partie relative à la constatation inexacte des faits est certes exposée de manière confuse, l'appelante mélangeant griefs de fait et de droit ainsi que les principes juridiques applicables, une lecture attentive permet néanmoins de comprendre les aspects du jugement qui sont critiqués et pour quels motifs. L'intimé est d'ailleurs parvenu à résumer l'argumentation développée par l'appelante et à se déterminer à son propos. Il convient ainsi d'admettre, sous peine de formalisme excessif, que l'appel répond aux exigences de motivation prévues par la loi. Sa recevabilité sera par conséquent admise.

Le mémoire de réponse est également recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Il en va de même des écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC; sur le droit à la réplique spontanée : cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références citées).

1.3 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire s'applique (art. 219 et ss CPC).

2. L'intimé conclut à l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante tendant au constat que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise et que l'action en enrichissement illégitime n'est pas prescrite, aux motifs que les conditions fixées à l'art. 317 al. 2 CPC pour la prise de conclusions nouvelles ne sont pas réunies et que les conclusions litigieuses vont au-delà de ce qu'autorise l'art. 318 CPC.

2.1 Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b). L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

2.2 En l'espèce, lors de l'audience du 5 novembre 2021, l'appelante avait d'ores et déjà conclu au constat que la prescription n'était pas intervenue. Sa conclusion tendant à ce qu'il soit constaté que son action en enrichissement illégitime n'est pas prescrite ne fait ainsi que préciser sa précédente conclusion, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée de nouvelle.

En revanche, la conclusion de l'appelante en constat que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise constitue une conclusion nouvelle. Or, cette modification ne repose sur aucun fait ou moyen de preuve nouveau. La décision du Tribunal de limiter la procédure à la question de la prescription ne saurait constituer un fait nouveau puisqu'elle est intervenue plusieurs mois avant que le premier juge ne garde la cause à juger. L'appelante avait donc la possibilité, si elle le souhaitait, d'adapter ses conclusions en première instance déjà. Ladite conclusion sera en conséquence déclarée irrecevable.

3. L'appelante se plaint d'une constatation inexacte des faits, reprochant au premier juge d'avoir omis certains éléments essentiels pour la résolution du litige.

L'état de fait retenu par le Tribunal a, en tant que de besoin, été complété sur la base des pièces de la procédure, de sorte que le grief de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé l'art. 125 let. a CPC et de ne pas avoir respecté son droit d'être entendue en se prononçant sur l'existence d'un contrat d'entreprise alors que la procédure était limitée à la question de la prescription et qu'il ne disposait pas des éléments nécessaires pour statuer sur ce point. Elle soutient qu'en raison de la limitation de la procédure à la question de la prescription, l'instruction n'a pas permis d'éclaircir certains faits, notamment si elle était au courant des arrangements passés entre C______ et l'intimé, le premier juge ayant uniquement autorisé que soient posées aux témoins auditionnés des questions en lien avec le point de départ du délai de prescription.

4.1 Selon l'art. 125 let. a CPC, le tribunal peut notamment, pour simplifier le procès, limiter la procédure à des questions ou des conclusions déterminées.

La limitation peut porter sur une question préjudicielle susceptible de mettre un terme au procès (p. ex. la prescription ou la légitimation), qui débouchera alors sur une décision finale (art. 236 CPC) ou incidente (art. 237 CPC; Haldy, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 5 ad art. 125 CPC).

Le juge qui limite la procédure à une question spécifique ne peut traiter d'aspects sortant du cadre défini qu'après avoir formellement élargi la procédure et permis aux parties de se déterminer. A défaut, la garantie des parties à un procès équitable, et notamment le droit au respect par le juge des règles de la bonne foi, est enfreinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_319/2021 du 18 juillet 2022 consid. 2.2.1; cf. également 4A_267/2014 du 8 octobre 2014 consid. 4).

4.2 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 143 V 71 consid. 4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1; 140 I 285 consid. 6.3.1).

4.3 L'action pour cause d'enrichissement illégitime repose sur quatre conditions, à savoir l'enrichissement d'une personne, l'appauvrissement d'une autre, un rapport de causalité entre ces deux éléments, et l'absence d'une cause légitime ou le paiement d'un indu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_819/2021 du 9 février 2022 consid. 3.2.1).

Selon l'art. 67 al. 1 CO en vigueur depuis le 1er janvier 2020, l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans à compter de la naissance de ce droit. Précédemment, l'action se prescrivait par un an à compter du jour où la partie lésée avait eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit (art. 67 al. 1 aCO).

Selon l'art. 49 al. 1 Titre final CC, lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l'ancien droit, le nouveau droit s'applique dès lors que la prescription n'est pas échue en vertu de l'ancien droit (al. 1).

4.4 La créance en paiement du prix d'un ouvrage découlant d'un contrat d'entreprise se prescrit par 10 ans (cf. art. 127 CO).

4.5 A teneur de l'art. 142 CO, le juge ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription. Le débiteur doit donc soulever l'exception de prescription dans le procès, en la forme et au stade définis par le droit procédural (ATF 119 III 108 consid. 3a; 94 II 26 consid. 4c; 80 III 41 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1).

4.6 En l'espèce, le premier juge a, à l'audience du 11 juin 2021, limité la procédure à la question de la prescription. Il ne pouvait en conséquence s'écarter du cadre défini sans violer le droit des parties à un procès équitable et au respect des règles de la bonne foi. Se pose en conséquence la question de savoir si, en se déterminant sur la nature des rapports noués entre les parties, le premier juge a respecté la limitation ordonnée.

L'appelante a, dans sa demande en paiement, fondé la créance qu'elle prétend détenir à l'encontre de l'intimé pour les travaux réalisés dans son appartement sur l'existence d'un contrat d'entreprise entre elle-même et le précité, subsidiairement sur les règles sur l'enrichissement illégitime. L'intimé s'est prévalu de l'exception de prescription uniquement en cas d'application des règles sur l'enrichissement illégitime. Il n'a en revanche pas soutenu que la prescription serait également acquise si la conclusion d'un contrat d'entreprise, dont l'existence était contestée, devait être retenue.

La résolution de la question de la prescription impliquait ainsi nécessairement de déterminer préalablement si les parties étaient ou non liées par un contrat d'entreprise valable. En effet, en présence d'un tel contrat, une éventuelle prescription de la créance invoquée par l'appelante ne se posait pas, aucune exception en ce sens n'ayant été soulevée. Par ailleurs, bien que l'appelante ne formule aucun grief à cet égard, il sied de mentionner que le premier juge ne pouvait se dispenser, en l'absence d'un contrat d'entreprise, d'examiner, dans un second temps, si les travaux réalisés dans l'appartement de l'intimé reposaient sur un autre base contractuelle valable puisqu'une application des règles de prescription en matière d'enrichissement illégitime n'était possible que si les rapports des parties ne reposaient sur aucune cause juridique valable. La question de l'existence ou non d'un rapport contractuel valable à l'origine des travaux exécutés devait ainsi être impérativement résolue pour statuer sur une éventuelle prescription.

L'appelante devait s'attendre à ce que la nature des relations unissant les parties soit déterminée avant de trancher la question de la prescription, puisqu'elle a elle-même indiqué, dans sa demande en paiement, que l'application des règles sur l'enrichissement illégitime supposait une absence de rapport contractuel entre les parties. Elle a d'ailleurs, lors de l'audience du 11 juin 2021, soit après que le premier juge a décidé de limiter la procédure à la question de prescription, sollicité l'audition de deux témoins afin, selon ses termes, de déterminer "si leur intervention étaient fondées sur un contrat", ce qui confirme qu'elle était consciente que la résolution de la question de la prescription impliquait préalablement de déterminer si les parties étaient liées par une relation contractuelle. Il ne résulte par ailleurs pas du dossier que les auditions auraient été limitées aux seules questions en lien avec le point de départ du délai de prescription. Au contraire, l'audition du premier témoin a notamment porté sur les interventions effectuées en faveur de l'intimé et la comptabilisation des heures de travail. Quant au second témoin, l'appelante a renoncé à son audition et n'a pas sollicité d'autres mesures d'instruction. Il n'apparaît ainsi pas que l'appelante aurait été empêchée de se déterminer sur la nature des relations nouées par les parties, respectivement de faire valoir ses moyens de preuve à cet égard.

C'est en conséquence à tort que l'appelante reproche au premier juge d'avoir examiné la question de l'existence d'un contrat d'entreprise, respectivement d'avoir statué sur cette question sans disposer de tous les éléments nécessaires.

5. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé son droit d'être entendue et commis un déni de justice formel en omettant de prendre en compte certains de ses allégués pertinents, en retenant la date de la fin des travaux comme point de départ pour la prescription sur la base d'une motivation insuffisante et en ne se prononçant pas "de manière adéquate" sur l'existence d'un contrat d'entreprise.

5.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références).

5.2 Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1; 135 I 6 consid. 2.1).

5.3 En l'espèce, le fait que le premier juge aurait omis de prendre en compte des faits pertinents pour l'issue du litige ne relève ni de la violation du droit d'être entendu ni du déni de justice formel mais de la constatation inexacte des faits, grief qui a déjà été traité (cf. consid. 3).

En outre, dans la mesure où l'appelante ne reproche pas au premier juge de ne pas avoir examiné les problématiques soulevées mais uniquement d'avoir procédé à un traitement sommaire de celles-ci, les conditions pour retenir un déni de justice formel ne sont pas réunies.

Par ailleurs, le fait que la motivation du premier juge relativement à l'existence d'un contrat d'entreprise serait insatisfaisante ne saurait suffire à retenir une violation du droit d'être entendu. Encore faudrait-il que cette motivation ne permette pas aux parties de saisir les motifs qui ont conduit au jugement querellé, ce que l'appelante ne soutient pas.

Enfin, le premier juge a exposé pour quel motif il convenait de fixer le point de départ du délai de prescription à la date de la fin des travaux, puisqu'il a indiqué retenir cette date en raison du fait que l'appelante n'avait pas désigné les personnes qui devaient être informées de la fourniture des travaux à titre gratuit. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ces explications sont suffisantes pour comprendre le raisonnement du premier juge et l'attaquer en connaissance de cause. La question de savoir si la motivation retenue par le premier juge est ou non erronée ne relève pas de la violation du droit d'être entendu mais du droit de fond.

Au vu de ce qui précède, les griefs de violation du droit d'être entendu et de déni de justice formel soulevés par l'appelante sont infondés.

6. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé l'art. 363 CO en considérant qu'elle n'avait pas allégué que l'intimé aurait sollicité qu'elle réalise des travaux dans son appartement contre rémunération, de sorte que l'existence d'un contrat d'entreprise devait être niée. Elle soutient avoir indiqué, dans sa demande en paiement, que l'intimé l'avait mandatée pour effectuer des travaux dans son appartement et qu'elle lui avait adressé une facture pour les prestations fournies. Elle avait connaissance que plusieurs de ses employés avaient accompli des travaux dans l'appartement de l'intimé, mais ignorait que ce dernier et C______ étaient convenus que ces travaux ne seraient pas facturés. Le jugement entrepris n'expliquait pas pour quelle raison elle aurait, compte tenu de l'ampleur des travaux, accepté de les réaliser à titre gratuit. En outre, l'absence de facturation des travaux entre 2007 et septembre 2013 ne permettait pas de démontrer qu'elle aurait accepté une gratuité dès lors que rien n'indiquait qu'il ne serait pas possible de facturer l'ensemble des travaux exécutés à la fin du chantier. Le fait que, selon le procès-verbal de l'audience du 5 novembre 2014 tenue devant le Ministère public, l'intimé avait envisagé qu'une visite de son appartement soit organisée pour chiffrer la valeur des travaux effectués et que C______ avait estimé le coût des travaux entre 20'000 et 22'000 fr. démontrait que l'intimé savait qu'il était lié par un contrat d'entreprise. Elle s'était ainsi obligée à exécuter des travaux en faveur de l'intimé moyennant un prix que celui-ci s'était engagé à lui payer.

6.1 Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), applicable au présent litige (cf. consid. 1.2), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès (ATF 123 III 60 consid. 3a). Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration de la preuve) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation; ATF 144 III 519 consid. 5.1).

Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués). Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1).

Dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention sans qu'il ait toutefois besoin de les exposer dans les moindres détails. Un fait est suffisamment allégué s'il est introduit en procédure avec l'indication des traits ou contours essentiels qui le caractérisent usuellement dans la vie courante. L'allégué doit tout de même être suffisamment précis pour que la partie adverse puisse indiquer dans quelle mesure elle le conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves. Dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés (fardeau de la motivation; ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; 136 III 322 consid. 3.4.2 = JdT 2011 II 537; 127 III 365 consid. 2b; Chabloz, Petit commentaire CPC, 2020, n. 5 à 7 ad art. 55 CPC).

6.2 Le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une des parties (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer (art. 363 CO). La conclusion du contrat n'est pas subordonnée au respect d'une forme particulière, il suffit que les parties aient tacitement manifesté leur accord (Chaix, Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 14 ad art. 363 CO et les références citées).

L'obligation de rémunérer l'entrepreneur est un élément essentiel, sans lequel la qualification de contrat d'entreprise ne peut pas être retenue (ATF 122 III 10 consid. 3). Il n'est cependant pas nécessaire que le montant de cette rémunération soit fixé d'avance (Chaix, op. cit., n. 3 ad art. 363 CO). Il est fréquent en pratique que l'entrepreneur octroie au maître des réductions sur le prix de l'ouvrage sous forme d'escompte (déduction calculée en pour cent du montant de la rémunération accordée en cas de paiement immédiat ou à bref délai) ou de rabais (réduction allouée contractuellement indépendamment du moment du paiement; Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, n. 3966, p. 547).

La preuve du caractère onéreux du contrat incombe à l'entrepreneur (ATF 127 III 519 consid. 2a). Le paiement du prix peut être convenu tacitement. Tel est le cas lorsqu'on peut déduire des circonstances du cas d'espèce que l'ouvrage en question suppose habituellement une rémunération, notamment si l'entrepreneur agit dans le cadre de son activité professionnelle, même lorsqu'il entretient des rapports d'amitié avec son cocontractant. Il s'agit alors d'une présomption réfragable du caractère onéreux du contrat et il appartient au maître de la détruire par la preuve de faits contraires (arrêt du Tribunal fédéral 4C.421/2006 du 4 avril 2007 consid. 2.1; Chaix, op. cit., n. 4 ad art. 363 CO).

Lorsque le caractère onéreux du contrat fait défaut, la qualification de contrat d'entreprise est exclue (ATF 127 III 519 consid. 2b; 122 III 10 consid. 3). La doctrine actuelle considère qu'il s'agit alors d'un contrat innommé (ATF 127 III 519 consid. 2b; Chaix, op. cit., n. 5 ad art. 363 CO; Zindel/Schott, Commentaire bâlois, 7ème éd., 2020, n. 6 ad art. 363 CO; Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 3505 p. 474 et n. 3965, p. 546; Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, 1999, n. 115, p. 35 et n. 317, p. 99; Bühler, Commentaire zurichois, 3ème éd., 1998, n. 68 ad art. 363 CO; Koller, Commentaire bernois, 1998, n. 51 ad art. 363 CO).

6.3 Les contrats innommés sont tous ceux qui ne font l'objet d'aucune réglementation spécifique de la loi, parmi lesquels figurent les contrats mixtes (Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 311 à 314, p. 44).

Selon la jurisprudence, lorsque, en vertu de la volonté des parties, les divers rapports qui les lient ne constituent pas des contrats indépendants, mais représentent des éléments de leur convention liés entre eux et dépendants l'un de l'autre, on est en présence d'un contrat mixte (gemischter Vertrag) ou d'un contrat composé (ou complexe ou couplé; zusammengesetzter Vertrag), qui doit être appréhendé comme un seul et unique accord. On parle de contrat composé lorsque la convention réunit plusieurs contrats distincts, mais dépendants entre eux. Il y a contrat mixte lorsqu'une seule convention comprend des éléments relevant de plusieurs contrats nommés (ATF 131 III 528 consid. 7).

La présence d'un contrat innommé mixte est en particulier admise lorsque la rémunération due pour la prestation de l'entrepreneur consiste dans l'exécution d'un autre ouvrage ou dans une prestation principale relevant d'un autre type de contrat (notamment dans le transfert de la propriété d'un objet de valeur, dans la cession de l'usage d'une chose, etc.; Gauch, op. cit., n. 326, p. 103).

6.4 Le dépôt est un contrat par lequel le dépositaire s'oblige envers le déposant à recevoir une chose mobilière que celui-ci lui confie et à la garder en lieu sûr (art. 472 al. 1 CO). Le dépôt peut être conclu expressément ou par actes concluants (ATF 126 III 192 consid. 2c; 108 II 449 consid. 3a). Le dépositaire ne peut exiger une rémunération que si elle a été expressément stipulée, ou si, eu égard aux circonstances, il devait s'attendre à être rémunéré (art. 472 al. 2 CO).

6.5 En l'espèce, il est constant qu'en effectuant des travaux d'électricité dans l'appartement de l'intimé, l'appelante a exécuté un ouvrage. Seule l'existence d'un engagement de l'intimé à verser une rémunération est litigieuse.

Il résulte du dossier que l'appelante est intervenue dans l'appartement de l'intimé dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui crée une présomption du caractère onéreux du contrat. Il appartenait ainsi à l'intimé de démontrer la gratuité des prestations fournies.

L'appelante a toutefois allégué, dans sa demande en paiement, qu'il aurait initialement été prévu que les travaux ne seraient pas facturés à titre de geste commercial pour les contrats qui lui avaient été attribués par E______ SA. Le premier juge en a déduit que l'appelante ne soutenait pas que l'intimé aurait sollicité la réalisation de travaux contre rémunération. L'intimé a, dans ses écritures de première instance, également allégué qu'il avait été convenu que les travaux seraient effectués gracieusement en guise de réduction de 10% sur les contrats conclus entre E______ SA et l'appelante, une telle réduction étant usuellement consentie dans le cadre d'affaires importantes.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ces allégués ne permettaient pas de retenir une gratuité des travaux réalisés et, partant, d'exclure la conclusion d'un contrat d'entreprise. En effet, le fait que l'intimé, au nom et pour le compte de E______ SA, ait, dans le cadre des contrats conclus entre celle-ci et l'appelante, renoncé à l'application d'une réduction de 10% usuellement appliquée sur le prix de l'ouvrage peut être considéré comme une rémunération. L'intimé a d'ailleurs exposé que le prix des travaux avait été estimé à environ 22'000 fr. par C______ et représentait 10% à 12% du coût des contrats conclus entre E______ SA et l'appelante.

Rien n'indique au demeurant que le contrat d'entreprise ne serait pas valable. En particulier, l'appelante a admis que C______ disposait du pouvoir de conclure seul des contrats à titre onéreux pour la société et l'intimé a allégué que les organes dirigeants de E______ SA avaient connaissance de l'arrangement convenu.

Par ailleurs, il sied de relever que l'appelante a soutenu qu'il aurait, dans un second temps, été convenu qu'en contrepartie de l'exécution des travaux litigieux, l'intimé accepterait d'entreposer à titre gratuit 63 bobines de cuivre lui appartenant. Cette version des faits semble être confirmée par C______ qui a déclaré, lors de son audition par le Ministère public, que l'intimé avait, en contrepartie de l'installation de l'équipement électrique dans son appartement, accepté de mettre à disposition de l'appelante une surface de stockage pour l'entreposage de 63 bobines de câbles en cuivre. Dans une telle hypothèse, il conviendrait alors de retenir l'existence d'un contrat mixte, comprenant des éléments du contrat d'entreprise et du contrat de dépôt, impliquant des prestations et contreprestations, excluant la gratuité.

La nature exacte des rapports juridiques noués entre les parties peut demeurer indécise, compte tenu de la limitation de la procédure à la question de la prescription. En effet, quelle que soit la solution retenue, la relation liant les parties revêt un caractère contractuel onéreux. Cette constatation suffit pour écarter toute prescription, l'exception de prescription ayant été soulevée uniquement en cas d'application des règles sur l'enrichissement illégitime. Le fait que l'appelante ait finalement, à la demande de l'intimé, accepté de s'acquitter du coût de l'entreposage des bobines n'est pas de nature à remettre en cause la qualification retenue. En effet, dans la mesure où l'appelante a persisté à réclamer une rémunération pour les travaux réalisés en adressant une facture à l'intimé, il y a lieu de l'interpréter comme une simple modification contractuelle des modalités de paiement initialement convenues.

Ainsi, au vu de ce qui précède, si c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la prétention formulée par l'appelante avait un fondement contractuel, c'est en revanche à tort qu'il a retenu l'existence d'un contrat innommé gratuit, admis l'exception de prescription et rendu une décision finale déboutant l'appelante de ses conclusions.

Le jugement entrepris sera en conséquence annulé, l'exception de prescription rejetée et la cause renvoyée en première instance afin qu'il soit statué sur le bien-fondé des conclusions en paiement formulées par l'appelante à l'encontre de l'intimé.

7. 7.1 La procédure d'appel se clôturant par une décision de renvoi, l'issue finale du litige ne peut être déterminée. Le sort des frais de première instance devra en conséquence être tranché par l'autorité précédente dans le cadre du nouveau jugement à prononcer.

Il n'y a ainsi pas lieu d'examiner les griefs formulés par l'appelante relativement aux frais de procédure retenus par le premier juge.

7.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile [RTFMC]) et mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par l'appelante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera en conséquence condamné à rembourser à l'appelante la somme de 9'000 fr. à titre de frais judiciaires avancés par elle.

L'intimé sera également condamné à s'acquitter des dépens de l'appelante, lesquels seront arrêtés à 9'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC; 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 juillet 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/6960/2022 rendu le 9 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12308/2020-1.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Rejette l'exception de prescription soulevée par B______.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour la suite de la procédure et nouvelle décision.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par A______ SA, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ SA les sommes de 9'000 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel et de 9'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Nathalie RAPP, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.