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Décisions | Chambre civile

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C/23922/2022

ACJC/1231/2023 du 21.09.2023 sur JTPI/4926/2023 ( SCC ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 01.11.2023, rendu le 02.04.2024, IRRECEVABLE, 5A_835/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23922/2022 ACJC/1231/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______ [GE],

2) Monsieur B______, domicilié ______ [SZ], appelants et recourants d'un jugement rendu par la 20ème chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 avril 2023, comparant tous deux par Me Vincent TATTINI, avocat, Watt law Sàrl, route de Malagnou 6, case postale 441, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

1) Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée,

2) Monsieur D______, domicilié ______ [GE], autre intimé, comparant tous deux par Me E______, avocat, ______ [GE], en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4926/2023 du 25 avril 2023, expédié pour notification aux parties le 2 mai 2023, le Tribunal a rejeté la requête tendant à faire constater l'incapacité de postuler de Me E______ et à lui faire interdiction de postuler (ch. 1), a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personnes et de leurs biens, ainsi que de toute autre personne ou tous tiers dont ils seraient responsables la parcelle 1______ de la commune de F______ [GE], soit notamment les bâtiments n° 2______ (garage privé de 41 m2), n° 3______ (garage privé de 41 m2) et n° 4______ (habitation à un seul logement de 235 m2), immédiatement après l'entrée en force de la décision (ch. 2), prononcé l'injonction visée sous chiffre 2 du jugement sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP dont la teneur a été rappelée (ch. 3), ordonné l'exécution immédiate du jugement d'évacuation par l'intermédiaire d'un huissier judiciaire ou si nécessaire par l'intervention de la force publique et autorisé, si nécessaire, C______ et D______ à entreposer dans un garde-meubles le mobilier de A______ et B______ ou de toute autre personne out tous dont ils seraient responsables, aux frais de ces derniers (ch. 4), a arrêté les frais judiciaires à 2'400 fr., compensés avec l'avance opérée et mis à la charge de A______ et B______ solidairement (ch. 5), condamné les précités à en rembourser C______ et D______ (ch. 6) ainsi qu'à leur verser 3'500 fr. à titre de dépens (ch. 7), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

Le Tribunal a retenu, sur le fond, que les conditions du cas clair étaient réalisées en ce sens que les époux C______/D______ étaient inscrits comme propriétaires du bien immobilier au Registre foncier après l'adjudication aux enchères, que la plainte LP formée par les époux A______/B______ avait été rejetée, de sorte que cette adjudication était valable. Les objections de ces derniers, liées à des restrictions d'aliéner qui n'auraient pas dû être radiées et à un droit d'usufruit ou d'habitation (non inscrit au Registre foncier) ou un bail (dont le loyer n'était pas allégué ou compensé avec une créance ni exigible ni déterminable), n'étaient pas de nature à remettre en cause la conviction du juge.

Le Tribunal a par ailleurs rejeté la requête des époux A______/B______ en constatation d'incapacité de postuler de l'avocat des époux C______/D______, en raison du fait que la collaboratrice qui travaillait au service de cet avocat et avait travaillé auparavant avec leur propre conseil, avait attesté par écrit ne pas avoir eu connaissance du dossier.

B.            Par acte du 8 mai 2023, A______ et B______ ont formé appel et recours contre la décision susmentionnée. Ils ont conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à l'admission de leurs conclusions en constatation de l'incapacité de postuler des avocats des intimés, partant à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement au rejet de celle-ci, plus subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

La requête de restitution d'effet suspensif qu'ils avaient formée a été déclarée sans objet par arrêt de la Cour du 16 mai 2023.

C______ et D______ ont conclu à la confirmation de la décision déférée, avec suite de frais et dépens.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. Avec leur réplique, les époux A______/B______ ont produit une pièce nouvelle, soit un avis au débiteur établi par l'Office des poursuites le 17 mars 2023, comportant la répartition du produit de la vente, portant mention du délai de plainte de l'art. 17 LP.

Par avis du 5 juillet 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Le 24 juin 2022, la parcelle 1______ de la commune de F______, sise no. ______ route 8______, propriété des époux A______ et B______, a fait l'objet d'une vente aux enchères publiques.

Les époux C______ et D______ s'en sont portés acquéreurs, pour le prix de 5'960'000 fr.

b. Les époux A______/B______ ont contesté la validité de la vente intervenue, motif pris du refus de report de celle-ci, formant une plainte au sens de l'art. 17 LP auprès de la Chambre de surveillance de la Cour (procédure A/5______/2022).

Par arrêt définitif du 6 octobre 2022, la Chambre de surveillance a rejeté cette plainte.

c. Le 21 novembre 2022, à la requête de l'Office des poursuites, le Registre foncier a procédé à l'inscription du transfert de propriété en faveur des époux C______/D______, avec effet rétroactif au 7 novembre 2022, radiant notamment deux restrictions du droit d'aliéner (ID.2006/6______ et ID.2006/7______) au sens de l'art. 30e LPP.

d. A______ et B______ ont continué à occuper l'immeuble.

e. Le 1er décembre 2022, les époux C______/D______ ont saisi le Tribunal d'une action en revendication avec requête d'évacuation et mesures d'exécution directe, dirigée contre les époux A______/B______.

Par ordonnance du 19 décembre 2022, le Tribunal a accordé aux époux A______/B______ un délai pour répondre par écrit à la requête et ordonné une audience de comparution personnelle des parties et plaidoiries orales, fixée au 13 février 2023.

Ces derniers ont, par réponse du 6 février 2023, conclu à l'irrecevabilité de la requête, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Ils ont notamment allégué, sur le fond, que les radiations des restrictions d'aliéner ID/2006/6______ et ID.2006/7______ supprimées par le Registre foncier après la vente aux enchères précitée n'avaient pas été requises par eux ni par les institutions de prévoyance concernées (qui n'auraient pas été avisées ni n'auraient reçu les fonds), ni n'avaient été mentionnées dans le procès-verbal de la vente, que B______ avait concédé, le 22 mai 2013, "un droit d'usage et d'habitation" pour le reste de sa vie sur sa part de copropriété – constituant en réalité un contrat de bail -, lié à la séparation de fait du couple, dont le loyer était acquitté notamment sous forme d'une pension versée à A______.

Ils ont encore allégué que l'avocat qu'ils avaient mandaté appartenait à une étude dans laquelle avait travaillé (du 24 février au 30 septembre 2022) une collaboratrice engagée au 1er octobre 2022 par l'étude dont était associé l'avocat des époux C______/D______, et que cette collaboratrice avait pris part à des discussions internes relatives au dossier et à des séances de rôle lors desquelles "les diverses stratégies juridiques à mettre en place" avaient été discutées. Ils ont offert en preuve de cet allégué l'audition de leur avocat.

Ils ont soutenu que le cas n'était pas clair, d'une part puisque le transfert de propriété n'était pas valable, la radiation des restrictions du droit d'aliéner opérée "sans que l'on sache de qui émanait les réquisitions de radiation" et à laquelle B______ s'était opposé, ayant été opérée en violation de la LPP, d'autre part parce qu'il existait un contrat de bail en faveur de A______, et que, par conséquent, celle-ci ne pouvait être expulsée.

Ils ont produit un chargé de pièces. Il y figure notamment un échange de courriels entre B______ et le Registre foncier, en particulier un message adressé par le premier au second le 16 novembre 2023 comportant le passage suivant: "Je vous remercie de noter mon opposition formelle à toute réquisition de transfert de la propriété tant que la restriction du droit d'aliéner n'est pas annulée". Les pièces produites comportent encore notamment un accord, rédigé en anglais, conclu le 22 mai 2013 entre les époux A______/B______ stipulant, parmi d'autres clauses, un "right of use and habitation" concédé par B______, en sa qualité de copropriétaire de l'immeuble, en faveur de A______.

Le 10 février 2023, les époux C______/D______ ont produit deux pièces nouvelles. La première est une attestation datée de la veille, émanant de la collaboratrice de leur conseil, selon laquelle elle n'avait jamais collaboré au dossier – dont elle connaissait l'existence pour en avoir entendu la mention lors de séances de rôle à l'étude - lors de son précédent emploi pas plus que dans son emploi actuel, et qu'elle avait, en août 2022, informé sa collègue collaboratrice qui travaillait sur le dossier avec l'avocat des époux A______/B______ de son changement de cabinet et avait reçu l'information de ce que son nouvel employeur était constitué pour les époux C______/D______. La seconde est un courrier adressé le 15 décembre 2022 par l'avocat de ceux-ci au conseil des époux A______/B______, pour réfuter tout conflit d'intérêts au vu des faits exposés par sa collaboratrice ("Nous avons bien évidemment questionné Me […] lors de sa prise d'emploi sur un possible conflit d'intérêt; contrairement à ce que vous affirmez, Me […] n'a jamais collaboré sur le dossier ni même pris part à des discussions internes le concernant. Ceci peut être aisément corroboré par le relevé de son time-sheet lequel ne fait état d'aucune prestation de sa part, ainsi que par le fait que c'est [une collaboratrice tierce] qui vous a toujours assisté sur ce dossier").

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que ces pièces auraient été transmises par le Tribunal aux époux A______/B______, lesquels en ont reçu un tirage expédié par courriel de leurs parties adverses le 13 février 2023, avant l'audience du Tribunal appointée à cette date.

A ladite audience (qui a duré cinq minutes, selon les mentions figurant au procès-verbal), les époux C______/D______ ont persisté dans leurs conclusions, tandis que les époux A______/B______ ont "corrigé" leurs conclusions en ce sens qu'ils ont conclu principalement à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement au rejet de celle-ci. L'avocat des époux A______/B______ a fait une déclaration, en ces termes: "Je considère que Me […] a pu bénéficier des informations confidentielles qu'elle a communiquées dans le cadre de cette procédure". Le procès-verbal ne comporte pas d'indication selon laquelle les parties auraient plaidé.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les appelants font valoir, sans que cela ne soit contesté par les intimés, que la valeur litigieuse serait supérieure à 10'000 fr. vu la valeur du bien revendiqué ainsi que celle de son usage rapportée à la période nécessaire au déguerpissement de ses occupants (cf ATF 144 II 346 consid. 1.2.1). La Cour retiendra par conséquent que la voie de l'appel est ouverte en l'espèce (art. 308 al. 2 CPC).

L'appel, déposé dans les formes et délais utiles, est recevable (art. 311 CPC).

1.2 Selon l'art. 319 let. a et 309 CPC, seul le recours est ouvert contre les décisions du tribunal de l'exécution.

1.3 La pièce produite par les appelants avec leur réplique n'est pas recevable, dans la mesure où elle aurait pu être déposée avec l'appel (cf. art. 317 CPC; ATF 142 III 313 consid. 2.2).

2. Les appelants s'en prennent au rejet par le Tribunal de leur requête en interdiction de postuler de l'avocat des intimés. Dans ce cadre, ils soutiennent que leur droit d'être entendus aurait été violé, de par la non remise des pièces déposées le 10 mars 2023 par les intimés, lesquelles seraient en tout état irrecevables faute de reposer sur des allégués articulés, l'attestation du 9 février 2023 constituant de surcroît un moyen de preuve inadmissible.

2.1

2.1.1 Le principe énoncé à l'art. 12 let. c LLCA, dont découle l'interdiction de postuler, commande à l'avocat d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Cette règle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA, selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'art. 12 let. b LLCA (ATF 141 IV 257 consid. 2.1; 134 II 108 consid. 3). Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients. Les règles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts. Elles tendent également à garantir la bonne marche de la procédure en cause, notamment en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse, acquises lors d'un mandat antérieur, au détriment de celle-ci (ATF 145 IV 218 consid. 2.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_27 du 21 mars 2023 consid. 3.2).

Il faut éviter toute situation potentiellement susceptible d'entraîner des conflits d'intérêts. Un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque doit être concret. Il n'est toutefois pas nécessaire que le danger concret se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client (ATF 145 IV 218 ibidem).

L'incapacité de représentation affectant un avocat rejaillit sur ses associés (ATF 135 II 145 consid. 9.1). Le problème de la double représentation peut donc survenir quand les parties sont représentées par des avocats distincts, mais pratiquant dans la même étude, en qualité d'associés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_45/2016 du 11 juillet 2016 consid. 2.2). L'interdiction des conflits d'intérêts ne se limite ainsi pas à la personne même de l'avocat, mais s'étend à l'ensemble de l'étude ou du groupement auquel il appartient. La connaissance par le collaborateur en raison de son précédent emploi d'un dossier traité par le nouvel employeur constitue l'élément déterminant pour retenir la réalisation d'un conflit d'intérêts concret qui doit être évité, ce que permet la résiliation du mandat par le second (ATF 145 IV 218 consid. 2.3).

2.1.2 La jurisprudence a déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. le droit des parties d'être informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une décision touchant leur situation juridique soit prise, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 V 465 consid. 4.3.2; 133 I 270 consid. 3.1 et les références). Le droit d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 8C_110/2021; 8C_175/2021 du 26 janvier 2022 consid. 7.3.1).

En principe, le droit d'être entendu est une garantie procédurale à caractère formel, dont la violation entraîne la nullité ou l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2; 127 V 431 consid. 3d/aa).

2.1.3 La procédure sommaire s'applique aux cas clairs (art. 248 let. b CPC).

L'art. 253 CPC prévoit que lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit.

2.2 En l'espèce, il est certain que le Tribunal aurait dû communiquer aux appelants les pièces déposées par les intimés, s'il entendait les prendre en considération. Faute de l'avoir fait, il a violé leur droit d'être entendus.

Ce manquement porte cependant d'autant moins à conséquence que les appelants admettent avoir eu connaissance de ces pièces par leur partie adverse, n'ont pas contesté l'affirmation des intimés selon lesquels ils les détenaient avant l'audience du Tribunal, n'ont pas requis à cette occasion de pouvoir s'exprimer sur ce point ni ne se sont opposés à l'annonce selon laquelle la cause était gardée à juger à l'issue de l'audience.

En tout état, les appelants ont fait valoir leur point de vue dans leur acte d'appel, la Cour disposant d'un pouvoir d'examen approprié à cet égard. Il s'ensuit que la violation du droit d'être entendu a ainsi été guérie.

Quant à l'argument d'irrecevabilité lié à la circonstance que ces titres ont été produits sans formulation d'allégués correspondants, il ne convainc pas. Il s'agit, en effet, de tenir compte de la procédure sommaire qui régit le cas d'espèce, dans le cadre de laquelle un second échange d'écritures ne trouve pas sa place. C'est en outre à la suite d'arguments des appelants figurant dans la réponse écrite (dont le Tribunal avait ordonné le dépôt parallèlement à la convocation d'une audience), que les intimés se sont trouvés dans la situation de devoir démontrer leur position sur ce point, sans lien avec le fond de leur requête; ils ont certes spontanément produit des pièces à cet effet, étant entendu toutefois qu'ils auraient pu les verser directement à l'audience de plaidoiries d'ores et déjà convoquée.

Les titres précités étaient donc recevables à cet égard, contrairement à ce que soutiennent les appelants. Reste que, comme le soulignent ces derniers, un de ces deux titres déposés constitue une attestation écrite, soit un moyen de preuve qui n'est pas prévu par l'art. 168 CPC; la question de sa recevabilité souffre in casu de demeurer indécise pour la raison qui va suivre.

Il est constant qu'une collaboratrice du cabinet d'avocats mandaté par les appelants s'est engagée, en octobre 2022, au service de l'étude dans laquelle le conseil des intimés pratique. A teneur de la jurisprudence, cette circonstance est source d'incapacité de représentation, pour autant que ladite collaboratrice ait eu une connaissance concrète du dossier dans son activité précédente. Les appelants ont allégué qu'il en allait ainsi, au vu des séances internes et de rôle, qui avaient eu pour objet des discussions de stratégie de leur dossier; ils ont offert en preuve de leur allégué l'audition de leur avocat. Ce moyen de preuve a été administré par le Tribunal, qui a porté au procès-verbal de son audience du 13 février 2023 une brève déclaration de ce conseil.

Il est vrai, comme le relèvent les appelants, que le premier juge n'a pas procédé à une appréciation de cette déclaration dans sa décision, fondée uniquement sur le fait que les appelants n'avaient pas démontré le contraire du contenu de l'attestation de la collaboratrice. Il convient certes de prendre en considération cette déclaration, laquelle est au demeurant particulièrement peu concluante en ce qu'elle consiste en un avis personnel ("je considère […]") dépourvu de toutes circonstances de fait. Quant au courrier, circonstancié, du 15 décembre 2022 émanant de l'avocat des intimés, il rappelle deux éléments pertinents (absence de production de time-sheet de la collaboratrice concernée et présence d'une collaboratrice tierce) qui n'ont pas fait l'objet d'une réfutation expresse de la part des appelants, à teneur de la procédure. A noter encore que les intimés seraient bien en peine de démontrer le fait négatif consistant en l'absence de connaissance de l'ancienne collaboratrice du conseil de leurs parties adverses.

En définitive, au vu de ce qui précède, la Cour retient que les appelants ont échoué à établir une connaissance du dossier, dans son précédent emploi, de la collaboratrice actuelle de l'avocat des intimés, partant l'existence d'un conflit d'intérêts concret.

Le grief est ainsi infondé.

3. Les appelants reprochent au premier juge d'avoir retenu que le cas était clair.

3.1

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). Le juge ne peut que prononcer son irrecevabilité; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

La procédure à suivre est la procédure sommaire des art. 248 ss CPC (art. 248 let. b CPC). Elle est régie par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas particuliers prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC). Toutefois, dans l'application de cette maxime, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la procédure de protection dans les cas clairs (ATF 144 III 462 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1).

La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

3.1.2 En vertu des art. 30c s. LPP (pour le deuxième pilier A) et 331e CO (pour le deuxième pilier B), l'assuré peut faire valoir auprès de son institution de prévoyance le droit au versement d'un montant pour la propriété d'un logement pour ses propres besoins. Lorsqu'il est marié, il doit obtenir le consentement écrit de son conjoint.

L'assuré ou ses héritiers doivent rembourser le montant perçu à l'institution de prévoyance dans les cas énumérés à l'art. 30d LPP, notamment en cas de vente du logement. L'obligation de remboursement est garantie par une restriction du droit d'aliéner dont l'institution de prévoyance est tenue de requérir la mention au registre foncier lors du versement anticipé ou lors de la réalisation du gage grevant l'avoir de prévoyance (art. 30e al. 2 LPP; ATF 138 V 495 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_288/2017 du 26 octobre 2017 consid. 2.2.2).

3.1.3 L'art. 66 ORFI prévoit que le préposé est tenu de requérir d'office l'inscription au registre foncier du transfert de propriété résultant de l'adjudication, aussitôt qu'il est constant que l'adjudication ne pourra plus faire l'objet d'une plainte ou que la plainte portée a été définitivement écartée (al. 1). Dans la règle, cette réquisition n'aura lieu qu'après que les frais du transfert de propriété et le prix d'adjudication auront été intégralement payés.

En même temps que l'inscription du transfert de propriété au registre foncier, l'office requerra la radiation de la restriction du droit d'aliéner annotée ensuite de la saisie (art. 68 al. 1 let. c ORFI).

Si l'immeuble réalisé était grevé d'une restriction du droit d'aliéner au sens de l'art. 30e al. 2 LPP, cette mention devient caduque une fois l'immeuble adjugé dès lors qu'elle ne revêt qu'un caractère personnel. Sa radiation peut être requise avec la réquisition d'inscription de l'adjudication (Commentaire ORFI, HABERLIN, 2012, ad art. 68 n. 8).

3.1.4 La réalisation du gage a lieu conformément aux règles applicables à la réalisation après saisie (art. 156 al. 1 in initio cum 122 à 143b LP). Selon l'art. 140 LP, avant de procéder aux enchères, le préposé dresse l'état des charges qui grèvent les immeubles (servitudes, charges foncières, gages immobiliers, droits personnels annotés) en se fondant sur les productions des ayants droit et les extraits du registre foncier (al. 1). Le préposé communique cet état aux intéressés, en leur assignant un délai de dix jours pour former opposition. Les art. 106 à 109 sont applicables (al. 2). Le préposé fait procéder, en outre, à une estimation de l'immeuble et en communique le résultat aux intéressés (al. 3).

L'état des charges renseigne donc sur les droits réels et les obligations réelles qui grèvent l'immeuble. D'une part, l'acquéreur doit avoir connaissance des charges qu'il reprendra avec le bien-fonds et, d'autre part, les créanciers gagistes intéressés doivent savoir, en rapport avec la distribution des deniers, quels sont les droits qui précèdent leurs prétentions et lesquels sont sur le même pied. Les effets de l'état des charges se limitent à la procédure de poursuite en cours (ATF 129 III 246 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_394/2014 du 21 juillet 2014 consid. 4.1.2).

Si l'état des charges n'est pas contesté dans le délai de dix jours, il devient définitif et les droits qui y figurent sont considérés comme reconnus par tous les intéressés pour la poursuite en cours (art. 37 al. 2 ORFI; ATF 121 III 24 consid. 2b; 120 III 20 consid. 1; cf. aussi ATF 135 III 545 consid. 2).

Même les baux à loyer ou à ferme qui ne sont pas annotés au registre foncier doivent précisément être portés à l'état des charges (Commentaire ORFI, KUHN, ad art. 34 n. 19).

3.2 En l'espèce, il est établi que les intimés ont bénéficié d'une adjudication par l'Office des poursuites portant sur la parcelle 1______ de la commune de F______, à la suite de laquelle la propriété leur en est passée, qu'ils sont inscrits au Registre foncier en qualité de propriétaires et que les appelants se sont maintenus dans les locaux.

Les appelants ont formulé des objections motivées, que le premier juge a considérées comme n'étant pas de nature à ébranler sa conviction.

Dans leur appel, ils reprennent ces objections (tenant aux restrictions du droit d'aliéner, aux prétentions des fonds de prévoyance et à l'existence d'un contrat de bail), en faisant valoir, à bien les comprendre, qu'elles nécessiteraient une administration de preuves complexe, respectivement ne saurait être écartées immédiatement.

Or, il est constant que l'adjudication est entrée en force, l'unique plainte LP qui avait été formée (pour un motif autre) ayant été rejetée. Quant au transfert de propriété, il a été réalisé conformément aux textes légaux. En effet, une fois le prix de vente intégralement réglé et la décision de vente entrée en force, il revenait à l'Office des poursuites de requérir l'inscription au Registre foncier, de sorte que les nouveaux propriétaires puissent disposer de leur propriété. Cette inscription a été dûment opérée, assortie d'une réquisition de radiation de la restriction d'aliéner au sens de l'art. 30e LPP, comme préconisé par la doctrine citée ci-dessus. Ainsi, le processus visé par les art. 66 et 68 ORFI a été respecté. L'affirmation des appelants selon laquelle on ignorerait de qui provient la réquisition de radiation, se heurte aux dispositions légales et réglementaires en la matière, l'"opposition" manifestée par l'appelant au Registre foncier étant pour le surplus inopérante à cet égard. Ne sont pas davantage pertinents les allégués non démontrés ni rendus vraisemblables selon lesquels les institutions de prévoyance n'auraient été ni avisées ni remboursées, de sorte qu'il ne saurait être question d'une instruction sur ce point qui ne concerne au demeurant en rien les intimés.

S'agissant de l'objection tenant à l'accord passé entre les appelants en 2013 visant un "droit d'usage", qui, selon leur thèse, serait à comprendre comme un bail concédé par l'appelant en faveur de l'appelante, elle peut être écartée immédiatement. En effet, à supposer que les appelants soient suivis dans leur thèse d'interprétation de leur accord, il aurait indubitablement été fait mention du bail dans la procédure d'exécution forcée (afin que les acquéreurs en aient connaissance) ou ce bail aurait été évoqué cas échéant dans une plainte au sens de l'art. 17 LP, ce qui n'a pas été allégué en l'occurrence et encore moins rendu vraisemblable.

Il s'ensuit que les objections avancées par les appelants ne sont pas concluantes. Le Tribunal a ainsi à raison retenu que le cas était clair, de sorte que le grief est sans fondement.

4. Les appelants reprochent encore au Tribunal de ne pas avoir accordé formellement un sursis à l'exécution de leur évacuation. Dans le corps de leur acte, sans avoir conclu en ce sens ni en première instance ni devant la Cour, ils évoquent un délai de six mois qui devrait leur être accordé en raison de leur "grand âge", circonstance qu'ils n'ont pas alléguée. Il ne saurait donc être entré en matière sur cette argumentation irrecevable, et au demeurant particulièrement malvenue, s'agissant d'une adjudication intervenue il y a plus d'une année. En tout état, le recours est irrecevable vu l'absence de conclusions devant le Tribunal. La "conclusion" devant la Cour est nouvelle (art. art. 326 CPC).

5. Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera confirmé.

6. Les appelants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires d'appel et de recours, arrêtés à 2'600 fr. (art. 13, 26 RFTMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ils verseront en outre, solidairement entre eux, 3'000 fr. à titre de dépens d'appel et de recours des intimés.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel et irrecevable le recours formés le 8 mai 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTPI/4926/2023 rendu le 25 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23922/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et de recours à 2'600 fr., compensés avec l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de A______ et B______.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser à C______ et D______ 3'000 fr. à titre de dépens d'appel et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.