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Décisions | Chambre civile

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C/23078/2020

ACJC/1253/2023 du 26.09.2023 sur JTPI/14624/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23078/2020 ACJC/1253/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 décembre 2022, représenté par Me Antoine BOESCH, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

B______ LLC, sise ______, États-Unis, intimée, représentée par Me Pascal PETROZ, avocat, De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14624/2022 du 8 décembre 2022, notifié le 13 décembre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ de ses conclusions (ch. 1 du dispositif), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, et dit que la poursuite n° 1______ ira sa voie (ch. 2 et 3), arrêté les frais judiciaires à 20'600 fr., compensés avec l'avance fournie par les parties, mis ces frais à la charge de A______ et condamné en conséquence A______ à payer 600 fr. à B______ LLC (ch. 4), condamné en outre A______ à payer 21'000 fr. à B______ LLC au titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

En substance, le Tribunal a retenu que, dans le cadre de son action en libération de dette introduite valablement, A______ n'avait pas démontré que le titre produit, soit une Promissory Note à hauteur de USD 300'000, constituait un acte simulé, dont la finalité aurait été d'aider un certain C______ à procéder à un investissement dans une société finalement tombée en faillite. Il a retenu par ailleurs que la Promissory Note en question était un billet à ordre remplissant toutes les conditions, de sorte que, l'action en libération de dette étant rejetée, la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer notifié à A______ devait être prononcée.

B.            Par acte déposé au greffe de la Cour le 30 janvier 2023, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et à la constatation qu'il ne doit pas la somme en poursuite, sous suite de frais et dépens. Au préalable il a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son appel.

En résumé, dans un mélange de faits, d'appréciations, de droit et de questions, il soutient essentiellement que le Tribunal aurait procédé à une mauvaise appréciation des preuves, notamment des déclarations du témoin D______, dont il avait retenu à tort qu'elles devaient être appréciées avec circonspection.

Par arrêt ACJC/226/2023, la requête d'octroi de l'effet suspensif à l'appel a été essentiellement déclarée sans objet par la Cour.

Par mémoire-réponse expédié le 1er mai 2023 à l'adresse du greffe de la Cour, l'intimée a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué sous suite de frais et dépens.

Elle estime que le Tribunal a établi les faits et apprécié les preuves de manière correcte.

En l'absence de réplique, par avis du greffe de la Cour du 4 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a. A______ a travaillé durant de nombreuses années comme gérant de fortune, notamment auprès des banques E______, F______ et G______. Il a désormais une activité commerciale dans une fiduciaire.

B______ LLC (ci-après : B______) est une société à responsabilité limitée formée selon le droit de l'Etat du J______ (USA). C______, négociant en bourse établi aux Etats-Unis, en est l'ayant-droit.

D______, conseiller en entreprise, est une connaissance de A______, qu'il a rencontré professionnellement et avec lequel il a développé des liens d'amitié depuis une vingtaine d'années. Il est de même une connaissance professionnelle de C______. D______ a été un investisseur dans une société américaine H______, puis successivement membre de la direction et président de la société. Celle-ci est tombée en faillite postérieurement à son départ, selon ses déclarations.

b. A teneur des diverses déclarations à la procédure, D______ a présenté en 2017 A______, qui travaillait alors pour la banque F______, à C______. Celui-ci souhaitait ouvrir un compte en Suisse pour son père, domicilié en Russie.

c. Dans des circonstances qui ne ressortent pas de façon claire de la procédure, A______ a signé, le 4 décembre 2017, un billet à ordre intitulé "Promissory Note" à hauteur de USD 300'000 à l'ordre de B______, soumis au droit de l'Etat de K______ (USA).

Il est libellé comme suit : "For value received, the undersigned ("the Borrower"), hereby promises to repay to the order of B______ or one of its subsidiaries or affiliates ("the Lender"), the principal sum of USD 300'000 plus any additional amount transferred by Lender to Borrower within a year of the first wire or check pursuant to the terms and conditions set forth herein .

Payment of principal. The principal amount of this Promissory note plus any additional wires ("the Note") and any accrued but unpaid interest shall be due and payable in one payment February 4, 2018.

Interest. This Note shall bear no interest until February 4, 2018."(…)

d. Pour une raison indéterminée, le 7 décembre 2017, B______ a fait virer sur le compte personnel de A______ EUR 251'846.88, contre-valeur de USD 300'000, avec comme mention "capital injection", au lieu des USD 300'000 prévus.

Entre le 11 et le 14 décembre 2017, A______ a acquis, au moyen de ce montant, un total de 353’441 titres de la société H______. Il a procédé à un achat le 11 décembre, à un achat le 12, à un achat le 13 et à un achat le 14, suite auxquels il a à chaque reprise informé C______ immédiatement.

En 2018, la société H______ a fait faillite.

e. Les 25 et 26 septembre 2018, C______ s'est adressé à A______ par message pour discuter du remboursement du prêt et pour savoir si D______ pouvait cosigner l'engagement. Il a précisé : " I just need loan to be repaid. He [D______] needs to do it ASAP", ce à quoi A______ a répondu "ok". C______ a encore indiqué : "All he [D______] needs to do is to cosign and make good will payement. He has a vision. (…) I just wanted to help with the loan", ce à quoi A______ a répondu "clear".

f. Le 15 février 2019, B______ a mis A______ en demeure de lui verser USD 300'000 avec intérêts à 5 % à compter du 4 février 2018.

g. Le 22 mai 2019, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour 309'333 fr. (contre-valeur de USD 300'000 au 9 mai 2019) avec intérêts à 5 % dès le 4 février 2018, auquel ce dernier a fait opposition.

h. Le 13 mai 2020, B______ a requis du Tribunal la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer susmentionné, mainlevée prononcée par jugement du 16 octobre 2020 à concurrence de 309'333 fr..

Le Tribunal a considéré dans son jugement que A______ avait échoué à rendre vraisemblable qu'il disposait d'un moyen libératoire. En particulier, il n'avait pas rendu vraisemblable que le contrat du 4 décembre 2017 avait été simulé, ni qu'un tel acte simulé serait, par hypothèse, nul au sens du droit de l'Etat de K______.

i. Par acte expédié le 16 novembre 2020, A______ a formé une action en libération de dette, concluant préalablement à ce que le Tribunal ordonne la suspension de la poursuite et principalement à ce qu'il constate qu’il ne devait pas à B______ 309'333 fr. avec intérêts à 5 % l'an depuis le 4 février 2018 faisant l'objet du prononcé de la mainlevée provisoire, ni USD 300'000 avec intérêts à 5 % l'an depuis le 4 février 2018, selon la Promissory Note du 4 décembre 2017.

Il a soutenu que C______ et D______ avaient convenu de placer USD 300'000 dans les titres de la société H______ par son intermédiaire. Lui-même n'avait jamais été ayant-droit ni des fonds reçus sur son compte ni des actions acquises au moyen de ces fonds. Il avait accepté de signer la Promissory Note dans le cadre de la mise en place de cette opération car C______ avait souhaité formaliser sa mise de fonds. Ainsi, le montant de USD 300'000 mentionné dans la Promissory Note était en réalité la somme que C______ avait accepté d'avancer à D______, par son intermédiaire, pour réaliser l'opération d'achat des titres. Il n'avait jamais été entendu ni envisagé par les intéressés qu'ils devraient un quelconque montant à quelque titre que ce soit à B______. En d'autres termes, il a à nouveau soutenu que la Promissory Note était un acte simulé.

j. Dans son mémoire de réponse du 3 mai 2021, B______ a conclu au déboutement de A______ et à ce que le Tribunal dise que la poursuite n° 1______ ira sa voie.

k. Le Tribunal a tenu une audience le 16 juin 2021, lors de laquelle les parties ont persisté dans le contenu et les conclusions de leurs écritures, ainsi que dans les moyens de preuve offerts.

Par courrier du 1er septembre 2021, conformément à l'ordonnance de preuve du Tribunal du 16 juin 2021, A______ a produit ses déclarations fiscales 2018 et 2019, lesquelles ne font pas état d'une dette en faveur de B______, tandis que celle-ci a produit ses comptes faisant état d'un prêt de USD 300'000 en faveur de A______.

Lors de son audience du 10 novembre 2021, le Tribunal a procédé à l'audition du témoin D______. Celui-ci a exposé que lors d'une levée de fonds pour H______, C______ lui avait proposé d'aller à L______[Russie] où il s'était rendu à deux reprises pour y rencontrer des investisseurs potentiels. L'univers de la biotech étant particulier, il échangeait régulièrement avec C______ des informations dans ce domaine, marché dans lequel il travaillait. C______ connaissant bien la société H______, avait assisté à plusieurs réunions proposées aux investisseurs pour présenter la société et avait noué des liens de confiance avec lui. Il l'avait présenté à A______, qui à l'époque travaillait à la banque F______. C______ avait en effet l'intention d'ouvrir auprès d'une banque suisse un compte au nom de son père domicilié à L______[Russie]. Il a en outre déclaré que, comme l'ouverture du compte en banque du père de C______ prenait du temps et que C______ voulait investir dans différentes biotech dont H______, mais que cet investissement dans cette société américaine était plus simple depuis la Suisse, C______ avait souhaité investir par le biais de A______. Le témoin avait même indiqué à C______ qu'il était prêt à s'engager à ses côtés en partageant les bénéfices et risques. C______ avait envoyé des fonds à A______ et ce dernier avait acheté des actions H______ au nom et pour le compte de C______. Le témoin a exposé en outre que, "pour l'extérieur", B______ avait prêté de l'argent à A______ mais qu'en réalité il s'agissait de financer l'acquisition d'actions dans des biotech. Cette apparence de prêt était destinée à justifier le transfert de fonds. Malheureusement, les choses ne s'étaient pas bien passées et H______ avait finalement été mise en faillite. A cette époque, il n'en était plus le chairman. Il a déclaré de plus que A______ voulait vraiment rendre service à C______, qu'il souhaitait acquérir comme client à la banque F______, dans laquelle il ne travaillait pas depuis longtemps. A______ n'avait pas prodigué de conseils à C______ pour l'achat des actions H______. Au demeurant, ce dernier connaissait certainement mieux le dossier que A______. Les actions auraient dû faire partie du portefeuille ouvert ou à ouvrir par le père de C______ auprès de la banque F______ ou peut-être de celui de B______ qui avait "fait" le contrat. Le témoin avait eu des discussions avec C______ au téléphone et il lui avait dit qu'il assumerait avec lui le risque de perte dans l'investissement de ces actions. C______ lui avait répondu qu'en cas de problèmes, il attaquerait A______. Il lui avait dit de ne pas faire ça car A______ n'était pas responsable mais uniquement intermédiaire. S'il l'attaquait, il ne se sentirait plus moralement tenu de partager les pertes avec lui. C'était C______ qui avait décidé d'acheter les actions H______ à Genève et non pas à K______.

Lors de son audience du 27 avril 2022, le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

A______ a exposé que D______ lui avait présenté C______ pour ouvrir un compte. Après un certain temps, D______ lui avait indiqué qu'il avait un accord avec ce dernier pour faire un investissement en commun. Normalement, un investissement devait avoir lieu par le biais du compte du père de C______ mais l'ouverture de ce compte prenait du temps pour des questions de compliance. D______ et C______ lui avaient donc demandé d'intervenir à titre fiduciaire et d'acquérir au nom de C______ l'investissement, moyennant une commission de 10% sur des profits futurs. C______ devait lui envoyer des fonds et il devait, avec ces fonds, acheter des investissements qu'il lui désignait, en son nom et pour son compte. Au démarrage, il n'y avait pas de contrat entre eux. C______ lui avait dit qu'il avait des difficultés à transférer les fonds depuis les Etats-Unis. C______ avait transmis à D______ une Promissory Note. Ce dernier lui avait dit qu'il s'agissait juste d'une formalité pour permettre à C______ de faire venir les fonds en Suisse. Il avait lu ce document en diagonale. Il ne l'avait jamais renvoyé en original. Il l'avait juste scanné pour pouvoir faire le virement. Selon lui, c'était certainement la banque émettrice américaine qui demandait un document justifiant la sortie des fonds, en tout cas c'est ce qu'on lui avait expliqué. Il avait reçu les USD 300'000 sur son compte personnel et il avait acheté, comme demandé, des titres H______. Puis, il avait attendu des nouvelles de C______ et D______ pour savoir quand les revendre. Il avait ensuite appris que la société avait fait faillite. Les titres étaient toutefois toujours sur son compte et ils étaient tenus à disposition de C______. Il avait rendu compte à C______ du processus d'achat par SMS, en fonction de ses instructions. S'il l'avait informé de cette manière, c'était que l'argent n'était pas le sien. Dans sa déclaration fiscale, il n'avait pas déclaré de dette à l'égard de C______. A sa connaissance, le siège de H______ se trouvait aux Etats-Unis. Acheter des actions dans cette société devait donc se faire sur le marché américain, soit le I______. Il ignorait pourquoi C______ voulait faire cette opération en dehors des Etats-Unis. Selon sa compréhension, C______ devait revendre ces actions avec profit et le partager avec D______ moyennant le paiement de sa commission de 10 %. Il ignorait si cette commission de 10 % était usuelle car il n'avait jamais fait une telle opération auparavant, ni au demeurant après. Cette rémunération avait été décidée de concert entre C______ et D______, ce qu'il avait accepté. C'était la première fois qu'il voyait une Promissory Note et c'était la première fois qu'il agissait à titre fiduciaire. A l'époque des faits, il était senior advisor et il gérait les comptes de clients. Il se débrouillait en anglais. Il avait signé la Promissory Note parce qu'elle lui avait été transmise par des personnes en qui il avait confiance, en particulier D______, en lui expliquant que c'était une formalité nécessaire pour transmettre les fonds de C______ en Suisse.

Quant à C______, il déclaré qu'il souhaitait alors investir dans le domaine pharmaceutique, mais pas dans H______. Il avait vu A______ une ou deux fois. Il lui avait prêté USD 300'000 car il lui avait été présenté comme un banquier de premier ordre d'une banque suisse. Ce n'était pas un gros montant et il pensait qu'il n'y aurait pas de problème. En cas de problème, il pouvait vendre ses actions ou d'autres actifs. S'il avait prêté de l'argent à A______, c'était pour faire une faveur personnelle à D______ et pour débuter une relation avec A______. Il avait introduit D______ auprès de nombreux investisseurs et ce dernier était revenu vers lui à plusieurs reprises, mais comme le marché était baissier, il n'y avait plus d'investisseurs potentiels qu'il connaissait. Il lui avait dit que si quelqu'un était d'accord de prendre le risque, il pouvait lui prêter de l'argent à court terme. D______ avait besoin d'acheter des titres. C'était D______ qui lui avait dit de prêter de l'argent à A______. Les termes du prêt avaient été discutés entre lui et A______. Il voulait prêter de l'argent à D______ mais il ne lui faisait pas confiance. Le montant prêté était suffisamment faible pour qu'il se sente confortable et il ne voyait pas de raison à percevoir des intérêts pour ce montant sur une si courte période. Il s'en tenait à la teneur de la Promissory Note et il lui importait peu ce que A______ entendait faire avec cet argent. D______ lui avait dit que A______ voulait investir dans H______ et c'était pour ça qu'il avait besoin de ce prêt. D______ lui avait demandé d'investir et il avait refusé car il n'avait pas confiance. Il était en revanche disposé à prêter à A______, qui paraissait présenter de meilleures garanties. C'était un mensonge de dire que son père voulait investir dans cette société. Tout ce qu'il voulait, c'était ouvrir un compte d'épargne. Le montant de USD 300'000 avait été pris du compte de B______. Il ne voyait pas quel aurait été son intérêt dans cette opération alors qu'il aurait pu acheter ces actions directement et gratuitement pour les produits listés au I______ ou à USD 6.95 sur les autres produits qui ne sont pas listés au I______ sur le marché américain, sans passer par un intermédiaire à qui il aurait dû verser une commission, en subissant en outre une perte de change. Une commission de 10% était illégale aux Etats-Unis, la commission maximale étant fixée à 5%. Son seul intérêt était d'aider D______, comme il le faisait souvent pour d'autres personnes pendant une période brève. A______ était le meilleur ami de D______ et il gérait son argent. Pour respecter la Promissory Note, A______ aurait dû vendre les actions en février 2018, ce qu'il n'avait pas fait, et le rembourser. Le prêt était garanti par tous les biens de l'emprunteur. La preuve qu'il s'agissait d'un prêt est que lorsqu'il avait demandé le remboursement à A______, il n'avait évoqué rien d'autre que le remboursement de ce prêt. Dans son message du 26 septembre 2018, il attendait de D______ qu'il rembourse le prêt ou que ce soit A______ qui le fasse, peu lui importait. En résumé la construction était la suivante: pour diverses raisons, il n'avait plus confiance en D______, à qui toutefois il voulait rendre service. Il lui avait dit qu'il pourrait prêter de l'argent à une personne présentant une position financière saine et en qui D______ aurait confiance, par le biais duquel il pourrait investir. Cette personne de confiance s'était révélée être A______. C'est lui-même C______ qui avait demandé à ce que la Promissory Note soit signée car il avait anticipé une telle situation. Il avait fait signer ce document à A______ car ils commençaient à peine leur relation. Après qu'il avait demandé le remboursement de l'argent, tous ses échanges avec A______ parlaient de prêt. Ce dernier demandait des délais pour pouvoir vendre des actifs ou autres raisons, mais jamais il n'avait été question d'autre chose que d'un prêt.

l. Dans leurs plaidoiries finales écrites des 24 et 27 juin 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions, suite à quoi le jugement attaqué a été rendu.

EN DROIT

1. 1.1. Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et art. 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue dans une cause de nature patrimoniale (art. 308 al. 2 CPC), dont la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans les limites posées par les maximes de débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. La cause présente plusieurs éléments d'extranéité.

2.1 Aucune des parties ne remet en cause la compétence des autorités genevoises, acquise au vu des poursuites intentées à Genève contre un débiteur domicilié à Genève (art. 46 al. 1 et 84 al. 1 LP).

2.2 Aucune des parties ne remet de même en cause l'analyse du Tribunal selon laquelle la Promissory Note, dont la constitution et la validité sont soumises au droit de l'Etat de K______ (USA), constitue un billet à ordre valablement constitué selon ce droit (K______ Uniform Commercial Code (NY UCC), section 3-104).

Le litige ne concerne pas les conditions de constitution ni la validité formelle de la Promissory Note concernée.

2.3 Le Tribunal ne s'est pas préoccupé du droit applicable au litige. Les parties non plus. Chacune a procédé en première instance comme en appel selon les concepts du droit suisse.

Selon l'art. 116 al.1 LDIP, le contrat est régi par le droit choisi par les parties. L'élection de droit doit être expresse ou ressortir de façon certaine du contrat ou des circonstances (al. 2). Selon l'art.117 al.1 LDIP, à défaut d'élection de droit, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Pour les contrats de prêt, est caractéristique la prestation du prêteur (ATF 128 III 299 c. 2a; 78 II 190) (art. 117 al. 3 lit. b LDIP), sous réserve qu'il existe une relation plus étroite avec le droit d'un autre pays (art. 117 al. 1 LDIP).

2.4 En l'espèce, l'élection de droit contenue dans le contrat ne concerne que sa constitution et sa validité formelle. Il faut admettre que l'on se trouve dès lors dans la présente cause dans le cas de figure de l'article 117 al. 1 et 3 lit. b LDIP. La prêteuse a son siège à K______ (USA). L'emprunteur est domicilié à Genève. Les fonds ont été transférés à Genève et ont été utilisés depuis Genève. La prêteuse a poursuivi l'emprunteur à Genève et mené sa procédure sur la base du droit suisse jusqu'en appel.

La Cour retient en conséquence qu'il existe, dans le cadre de la mise en œuvre du prêt conclu, une relation plus étroite avec Genève qu'avec les Etats-Unis, indépendamment du siège de la prêteuse à K______, de sorte que le droit suisse est applicable à la cause (art. 117 al. 1 LDIP).

3. L'appelant semble critiquer en premier lieu l'état de fait retenu par le Tribunal.

3.1 Lorsque la maxime des débats est applicable, il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC ; ATF 144 III 519 c.5.1).

3.2 L'appelant se contente essentiellement de reformuler les faits et de les assortir de commentaires et appréciations.

La Cour a dressé son propre état de faits sur la base du dossier qui lui a été soumis. Il sera statué sur cette base.

4. L'appelant critique en second lieu l'appréciation des preuves effectuée par le Tribunal. En particulier, il soutient que le Tribunal se serait distancié à tort du témoignage du témoin D______ en retenant qu'il devait être interprété avec retenue au regard de son implication dans l'affaire et de ses liens d'amitiés avec lui. Il persiste à dire que le prêt conclu était simulé.

4.1 On est en présence d'un acte simulé au sens de l'art. 18 CO lorsque les deux parties sont d'accord que les effets juridiques correspondant au sens objectif de leur déclaration ne doivent pas se produire et qu'elles n'ont voulu créer que l'apparence d'un acte juridique à l'égard des tiers. La volonté de simuler un acte juridique est nécessairement liée à une intention de tromper. La volonté véritable des parties tendra soit à ne produire aucun effet juridique, soit à produire un autre effet que celui de l'acte apparent; dans ce dernier cas, les parties entendent en réalité conclure un second acte dissimulé. Juridiquement inefficace d'après la volonté réelle et commune des parties, le contrat simulé est nul, tandis que le contrat dissimulé - que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu - est valable si les dispositions légales auxquelles il est soumis quant à sa forme et à son contenu ont été observées. Il incombe à celui qui se prévaut de la simulation d'en apporter la preuve (art. 8 CC), étant précisé qu'on ne saurait admettre trop facilement que les déclarations ou attitudes des parties ne correspondent pas à leur volonté réelle; le juge doit se montrer exigeant en matière de preuve d'une simulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2016 du 25 août 2016 c. 3.3.2).

Dans une action en libération de dette, il incombe au demandeur (poursuivi) d'établir la non-existence ou le défaut d'exigibilité de la dette constatée par le titre de mainlevée provisoire produit par le défendeur (poursuivant), lequel a le fardeau d'établi que la créance a pris naissance (p.ex. par la production d'un titre valant reconnaissance de dette) (notamment ATF 130 III 285 c.5.3.1).

Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Autrement dit, il apprécie librement la force probante de ces preuves en fonction des circonstances concrètes qui lui sont soumises, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (arrêts du Tribunal fédéral 5A_113/2015 c. 3.2 ).

L'appréciation des preuves par le juge consiste à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé. Lorsque la preuve d'un fait est particulièrement difficile à établir, les exigences relatives à sa démonstration sont moins élevées; elles doivent en revanche être plus sévères lorsqu'il s'agit d'établir un fait qui peut être facilement établi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 c. 5.2).

Le juge d'appel dispose d'un pouvoir de cognition complet et contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 c. 4.3.1).

4.2 Dans le cas d'espèce, le Tribunal a retenu que la thèse soutenue par l'appelant, soit l'existence d'un acte simulé, n'emportait pas la conviction et n'avait pas été démontrée. Il a estimé en particulier que le témoignage de D______ devait être apprécié avec circonspection au vu des liens d'amitié depuis deux décennies entre ce témoin et l'appelant, les pièces au dossier ne permettant pour le surplus pas d'accréditer la thèse de l'acte simulé.

Le Tribunal doit être suivi.

Tout d'abord, le dossier ne contient rien, si ce n'est les déclarations de l'appelant et celles du témoin D______ (on y reviendra) sur les raisons qui ont conduit à la signature par l'appelant de la Promissory Note produite. La thèse échafaudée à ce propos n'est soutenue par aucun élément tangible autre que ces déclarations. De même, le dossier ne contient strictement rien des discussions préalables éventuelles et des montages envisagés par les parties et le témoin. Il ne contient rien non plus sur les accords éventuels auxquels ils seraient parvenus. Ces lacunes sont irrémédiables dans le cadre de la crédibilité de la thèse soutenue par l'appelant face à la pièce produite.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le Tribunal a estimé nécessaire d'apprécier avec circonspection les déclarations du témoin D______. En effet, d'une part celui-ci entretient avec l'une des parties au procès (i.c. l'appelant) des relations d'amitié de vingt ans. D'autre part, il était lui-même impliqué à plusieurs titres dans l'opération, dans la mesure où il était actionnaire puis organe de la société finalement tombée en faillite. Il ressort en outre des pièces produites et en particulier des échanges de messages entre C______ et l'appelant de fin septembre 2018, que le témoin aurait dû s'engager aux côtés de l'appelant à rembourser le prêt, ce qu'il n'a manifestement pas fait pour des motifs qui restent obscurs.

Quoiqu'il en soit de ce témoignage, il ne peut être retenu sur la base du dossier que l'appelant aurait prouvé à satisfaction sa thèse de la simulation de manière à mettre en échec la valeur probante du titre produit.

Au contraire, avec le Tribunal, l'on ne peut envisager que l'appelant, gérant de fortune pendant plusieurs décennies dans divers établissements bancaires, ait accepté de signer le billet à ordre, dont la teneur a été reprise dans la partie "en fait" du présent arrêt, sans en comprendre les éventuelles conséquences et la portée, si celui-ci ne reflétait pas la réalité. A cet égard, l'appelant n'est pas crédible lorsqu'il déclare au Tribunal qu'il "se débrouille en anglais", alors qu'il a effectué tout sa carrière dans le domaine bancaire, dont c'est la langue de travail quasi exclusive, ni quand il déclare de même qu'il a signé la note à la demande du témoin D______, "qui lui avait expliqué (à lui, le "Senior advisor"…) que c'était une formalité nécessaire pour transmettre les fonds", ou lorsqu'il expose avoir lu le document signé "en diagonale", alors que celui-ci stipule clairement qu'il s'engageait comme emprunteur dans un prêt d'un montant de USD 300'000 qu'il s'obligeait à rembourser quelques mois après la signature.

Enfin, comme relevé également par le Tribunal, il semble ressortir des échanges entre l'appelant et C______ de fin septembre 2018 que l'existence d'un prêt et celle de la nécessité de son remboursement ne sont pas du tout contestées, la seule question semblant se poser étant celle de l'adjonction formelle d'un débiteur sur la Promissory Note signée par l'appelant.

Certes, l'appelant a informé immédiatement C______ des achats de titres effectués avec les fonds versés par l'intimée. Certes également, les déclarations de C______ par devant le Tribunal n'apparaissent pour le moins pas limpides et sont sujettes à caution. Comme déjà dit, on ignore les liens et les engagements triangulaires entre les acteurs des relations concernées, celles-ci étant restées obscures dans le cadre de la procédure.

Cela étant, dans l'action en libération de dette, comme rappelé plus haut, il appartient au poursuivi (i.c. l'appelant) de mettre en échec la valeur probante du titre de mainlevée. Or, c'est à juste titre et pour les motifs qui précèdent que le Tribunal, appréciant les preuves à sa disposition, a retenu que l'appelant n'était pas parvenu à démontrer que le billet à ordre signé par lui le 4 décembre 2017 était le résultat d'un acte simulé.

Par conséquent, l'appel doit être rejeté et le jugement confirmé, sous suite de frais et dépens.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 15'200 fr., comprenant l'émolument de l'arrêt rendu le 14 février 2023, et mis à la charge de l'appelant qui succombe. Ils seront compensés à due concurrence avec l'avance fournie par l'appelant à hauteur de 18'200 fr.. Les Services financiers du Pouvoir judiciaire lui restitueront le solde de l'avance versée en 3'000 fr.

L'appelant versera des dépens à l'intimée arrêtés à 10'000 fr. (art. 96 et 105 al.2 CPC, 84-85 RTFMC, 23 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTPI/14624/2022 rendu le 8 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23078/2020.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 15'200 fr., les met à la charge de A______ et dit qu’ils sont compensés avec l’avance de frais fournie par ce dernier, qui demeure acquise à l’Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de frais en 3'000 fr..

Condamne A______ à verser 10'000 fr. à B______ LLC à titre de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.