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Décisions | Chambre civile

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C/14271/2016

ACJC/1116/2023 du 29.08.2023 sur JTPI/12023/2022 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 25.10.2023, 4A_524/2023
Normes : LP.83.al2; CO.102; CPC.107.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14271/2016 ACJC/1116/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 AOÛT 2023

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 octobre 2022 et intimés, comparant par Me Marc LIRONI, avocat, LIRONI AVOCATS SA, boulevard Georges-Favon 19, case postale 423, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

C______ (SUISSE), sise ______ [GE], intimée et appelante, comparant par Me Laurent MARCONI, avocat, LACHAT, MARCONI, MÜLLER AVOCATS, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12023/2022 du 12 octobre 2022, le Tribunal de première instance, statuant dans le cadre d'une action en libération de dette formée le 18 juillet 2016 par A______ et B______, a constaté que ces derniers devaient à C______ (SUISSE) le montant de 8'918'378 fr. 45 (chiffre 1 du dispositif) et prononcé la mainlevée définitive des oppositions faites aux commandements de payer nos 1______ et 2______ de l'Office des poursuites de D______ [BE], bureau ______, à concurrence de 8'918'378 fr. 45 (ch. 2 et 3).

Pour le surplus, le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 138'300 fr. (ch. 4), les a partiellement compensés avec les avances fournies (ch. 5) et mis à la charge de A______ et B______, pris conjointement et solidairement, à concurrence de 4/5, soit 110'640 fr., et de C______ (SUISSE) à concurrence de 1/5, soit 27'660 fr. (ch. 6) en condamnant cette dernière à verser à ses parties adverses, pris conjointement et solidairement, le montant de 27'660 fr. au titre de remboursement des frais judiciaires (ch. 7), condamné A______ et B______, pris conjointement et solidairement, à verser à C______ (SUISSE) la somme de 32'000 fr. à titre de dépens (ch. 8), ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de verser à A______ et B______ la somme de 10'300 fr. au titre de restitution du solde excédentaire d'avance de frais (ch. 9) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

B. a.a Par acte du 11 novembre 2022, A______ et B______ forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.

Cela fait, ils concluent à ce qu'il soit dit et constaté qu'ils ne doivent pas à C______ (SUISSE) la somme de 8'918'378 fr. 45, qu'en conséquence les poursuites nos 1______ et 2______ n'iront pas leurs voies et à ce que leur radiation soit ordonnée. Subsidiairement, ils font valoir un dommage de 5'326'409 fr. 84 avec suite d'intérêts, à compenser avec le montant de 8'918'378 fr. 45 qui leur est réclamé.

a.b Dans sa réponse, C______ (SUISSE) conclut au rejet de l'appel formé par ses parties adverses.

a.c Les parties ont répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions respectives.

b.a C______ (SUISSE) forme, elle-aussi, appel contre le jugement précité.

Elle conclut, pour sa part, à ce que le jugement entrepris soit complété en ce sens que les chiffres 1 à 3 du dispositif comprennent les intérêts moratoires à 5% dès le 1er février 2014, à ce que les dépens de première instance soient fixés de manière conformes aux dispositions légales applicables et à ce que les frais de première instance et d'appel soient mis à la charge de A______ et B______.

b.b A______ et B______ ont conclu au rejet des prétentions de C______ (SUISSE).

b.c Les parties ont encore répliqué et dupliqué.

c. Par avis du greffe de la Cour du 16 juin 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

C.A a. C______ (SUISSE) (ci-après : C______ ou la banque) est un établissement bancaire, dont le siège est à Genève.

Par fusion du 21 mai 2010, elle a repris les actifs et passifs de E______ (SUISSE) (ci-après : E______).

b. A______ et B______ (ci-après : les époux A______/B______) sont entrés en relation avec E______ dans le courant de l'année 2007 dans le but de contracter un prêt hypothécaire afin de refinancer le prêt qu'ils avaient à [la banque] F______, concernant un chalet dont ils étaient propriétaires dans la commune de G______ (BE).

c. Un contrat du 24 octobre 2007 a été conclu à cet effet, portant sur un prêt d'un montant de 9'000'000 fr. La somme de 2'700'000 fr. était destinée au refinancement du prêt à la F______, la somme de 2'500'000 fr. à financer des travaux sur le chalet et le solde à l'ouverture d'un portefeuille d'investissement au sein de la banque E______.

Le contrat prévoyait un amortissement du capital à raison de 90'000 fr. par an, la première fois en 2008, et d'un montant de 5'000'000 fr. en décembre 2012.

Des intérêts débiteurs devaient être payés chaque trimestre civil.

Le montant du prêt était garanti par des cédules hypothécaires grevant le chalet, propriété des époux A______/B______.

Un délai de dénonciation de six mois était prévu.

Le contrat indiquait que les tribunaux genevois étaient compétents en cas de litige.

d. En exécution du contrat de prêt précité, la banque a procédé, le 1er novembre 2007, à l'ouverture de deux comptes d'investissement au nom de B______, soit les comptes n° 3______ et n° 4______, et a procédé par la suite aux versements suivants:

- 2'747'358 fr. 80 en faveur de F______ en remboursement du crédit hypothécaire;

- 2'500'000 fr. en faveur de B______, ce montant ayant servi à financer des travaux sur le chalet des époux A______/B______ à G______;

- 1'500'000 fr. et 1'250'600 fr. en faveur du compte d'investissement n° 3______;

- 1'000'000 en faveur du compte d'investissement n° 4______.

e. B______ a déclaré en audience que la banque les avait incités, lui et son épouse, à conclure un prêt supérieur à leurs besoins et à en investir une grande partie afin de rembourser ledit prêt. La banque leur avait, en effet, promis que l'ouverture d'un portefeuille d'actions leur permettrait de générer des bénéfices importants, de payer les intérêts et d'amortir le prêt hypothécaire grâce aux placements que ferait la banque pour eux. Ils avaient alors suivi les conseils de celle-ci, n'étant eux-mêmes pas financiers. La banque leur avait néanmoins dit qu'elle ne pouvait signer une assurance selon laquelle ils retrouveraient le capital et qu'elle ne pouvait leur donner de garantie.

f. Le compte n° 3______

f.a Un premier contrat de conseil en placements "active portfolio advisory" a été conclu entre B______ et E______ en lien avec le compte n° 3______.

Aux termes de ce contrat, la banque mettait à disposition du client l'ensemble de ses connaissances dans le domaine du conseil en investissement. Le détenteur était le seul à donner les ordres de gestion de son compte; la banque n'était pas autorisée à agir sans directive du détenteur. La banque s'engageait à fournir des informations qui se fondaient sur sa propre politique d'investissement, sur ses propres convictions ou encore sur des sources sérieuses. La banque s'engageait avec compétence et en se fondant sur des principes professionnels. Néanmoins, elle n'assumait aucune obligation de résultat.

Le profil choisi était "investissements directs" et "équilibré", soit un objectif d'investissement consistant en une croissance modérée du capital, une propension moyenne à prendre des risques, un horizon d'investissement à 5 ans et le franc suisse (CHF) comme monnaie de référence.

f.b Un mandat pour opérations fiduciaires a également été signé, lequel prévoyait que le client chargeait la banque d'effectuer en son nom, mais aux frais et au risque du client, des placements à terme fixe auprès de banques et/ou d'instituts à l'étranger.

Tous les risques, notamment ceux liés au choix du créancier, le rendement de la créance, les restrictions et dispositions des autorités étrangères et nationales ainsi que le risque de cours et de transfert, incombaient exclusivement au client.

f.c Le 2 novembre 2007, le montant de 1'500'000 fr. a été crédité sur le compte n° 3______.

Le même jour, la banque a investi ce montant pour le compte de B______. Un montant de 1'247'000 fr. a été placé à titre fiduciaire auprès de E______ à H______ en Belgique et le solde a été investi dans des fonds obligataires, des fonds actions et des produits structurés, en CHF, EUR et USD. Une partie de l'argent a été investie dans une SICAV E______.

B______ et la banque ont discuté le 6 novembre 2007 des investissements à faire sur le compte n° 3______. Les décisions d'investissement étaient basées sur le fait que le portefeuille final aurait environ 40% d'actions, étant précisé qu'il était prévu de débuter par 1/3. Le rapport de contact mentionne une liste de fonds qui seraient achetés, après discussion avec le client, notamment des fonds E______.

Le 6 décembre 2007, selon le rapport de contact, B______ a appelé la banque et lui a demandé d'acheter des actions I______.

f.d Le 18 mars 2008, un montant supplémentaire de 1'250'600 fr. a été crédité sur le compte et investi dans le portefeuille d'actions.

La banque a régulièrement contacté le client pour obtenir son aval sur les investissements envisagés, à savoir J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, acquisition de fonds en USD et diverses matières premières.

Les rapports de contact ne mentionnent toutefois pas le détail des informations transmises par la banque au client, notamment s'agissant des risques liés à ces acquisitions.

g. Le compte n° 4______

g.a Un second contrat, soit un mandat de gestion cette fois, a été conclu entre B______ et la banque portant sur le compte n° 4______.

Aux termes de ce contrat, la banque était chargée de gérer le dépôt de titres, espèces et autres valeurs figurant dans son portefeuille. Dans le cadre de l'exercice de son mandat, la banque agissait avec le même soin qu'elle apportait à ses propres affaires, sans assumer d'autre responsabilité.

Le titulaire conférait à la banque des pouvoirs étendus, notamment l'autorisation de procéder, sans en référer au titulaire, à la modification de la composition du portefeuille en effectuant diverses opérations listées dans le contrat.

Le type de gestion choisi était une gestion par fonds, avec un objectif de rendement absolu et la préservation du capital, avec un esprit de risque assez bas et une recommandation pour la durée des placements de 3 ans.

g.b Le 2 novembre 2007, le montant de 1'000'000 fr. a été crédité sur le compte n° 4______.

Ce montant a été investi par la banque pour le compte de B______, à savoir dans l'acquisition de devises étrangères (EUR et USD), d'actions et produits dérivés et en investissements alternatifs tels que fonds hedge et produits structurés (environ 50%).

h. Les époux A______/B______ étaient, en outre, titulaires d'un compte courant auprès de la banque, portant le n° 5______.

i. Divers virements et retraits ont été effectués par B______, entre février 2008 et août 2009, depuis les comptes d'investissement, en particulier du compte n° 3______. Selon les pièces du dossier, il s'agissait de retraits en cash, de transferts sur des comptes privés des époux A______/B______ (n° 5______ ou auprès de T______ [banque]) ou de virements en faveur de sociétés tierces, ce que B______ a reconnu en audience.

Au total, il ressort de la procédure que B______ a prélevé (hors frais) 1'216'750 fr. 25, 5'200 GBP, 123'000 USD, 556'000 EUR et a également viré 88'000 fr. chaque trimestre pour payer les intérêts hypothécaires. Le montant total en Francs suisses sorti des comptes, frais compris, était de 2'663'531 fr. au 31 août 2009. Après cette date, un montant de 426'692 fr. a encore été retiré.

j. La crise financière mondiale de 2008 a eu un impact sur les capitaux investis par les époux A______/B______, lesquels ont diminué mois après mois.

E______ a également été fortement touchée par cette crise financière, au point de bénéficier d'un sauvetage des gouvernements belge, néerlandais et luxembourgeois. La Banque a adressé deux courriers à ses clients à ce sujet, l'un le 3 octobre 2008 mettant en avant le fait que ces mesures assuraient la force financière et la stabilité de la banque, et l'autre le 10 octobre 2008 informant de la prise de participation de C______ à hauteur de 75% dans E______ BANQUE BELGIQUE et mettant en avant une sécurité supplémentaire apportée par cette acquisition.

k. Le 1er octobre 2008, B______ a demandé de transférer les avoirs du compte n° 4______ sur le compte n° 3______ et de clôturer le compte n° 4______.

Le compte de gestion, dont les avoirs s'élevaient au 30 septembre 2008 à plus de 800'000 fr., a donc été clôturé le 9 janvier 2009.

l. Par la suite, les avoirs des époux A______/B______ ont continué à être détenus par E______, mais avec un mandat avec un profil de risque "équilibré avec restrictions".

m. En février 2011, à la suite d'un rendez-vous à la banque (devenue dans l'intervalle C______), B______ a fait part de sa décision de vendre la totalité de son portefeuille, sauf la position U______ soumise à de fortes pénalités.

Toutefois, les hedge funds qui étaient détenus se sont révélés difficiles à vendre et la banque a informé les époux A______/B______ des problèmes de liquidités pour payer l'amortissement hypothécaire, par courriel du 24 mai 2011.

n. Par courriers du 22 juillet 2013, C______ a dénoncé le contrat de prêt du 24 octobre 2007 et réclamé le remboursement du prêt au 31 janvier 2014.

Elle a notamment fait valoir que l'amortissement de 5'000'000 fr. qui devait être payé au 31 décembre 2012 ne l'avait pas été et que les intérêts courants impayés s'élevaient à 72'024 fr. 27 au 30 juin 2013.

o. Deux commandements de payer (n° 1______ et n° 2______) ont été notifiés aux époux A______/B______, le premier à B______ et le second à son épouse, le 8 octobre 2015 par l'Office des poursuites de D______ [BE], portant sur la somme de 9'000'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er février 2013, auxquels ils ont fait opposition. La cause de l'obligation résidait dans le contrat hypothécaire du 24 octobre 2007 et le courrier de dénonciation du prêt du 22 juillet 2013.

p. Par jugements du 29 juin 2016, le Tribunal régional de D______ a prononcé la mainlevée provisoire des oppositions pour le montant de 9'000'000 fr. avec intérêts à 5% depuis le 1er février 2014 ainsi que pour les droits de gages incorporés dans les différentes cédules hypothécaires.

Concernant la question des intérêts, le Tribunal a considéré, dans les considérants de son jugement, qu'ils étaient dus à compter du 1er février 2014, et non dès le 1er février 2013 comme revendiqué dans les commandements de payer.

C.B Les époux ont, dans le cadre de la présente procédure, élevé des reproches contre la banque, lui faisant grief d'avoir fait des mauvais placements avec leurs avoirs.

a. Entendu devant le Tribunal, B______ a déclaré que ce n'était que lorsque E______ avait été reprise par C______ qu'il avait pu avoir une réunion avec des employés de C______, lesquels lui avaient expliqué l'ampleur des pertes. Il a expliqué "être tombé par terre" avec son épouse lorsqu'ils avaient réalisé que leur fortune avait disparu.

Il avait compris du mandat que le capital de départ serait préservé et que le risque se ferait sur les intérêts du capital. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le capital puisqu'il était prêté. Il était d'ailleurs rassuré quant à la préservation du capital de départ dans la mesure où les profils de risque choisis, même le profil "performance" qui comportait un risque plus élevé, avaient pour but une préservation du capital.

b. V______, ancien gestionnaire de fortune auprès de E______, puis de C______, et W______, fondé de pouvoir auprès de E______, puis de C______, ont été entendus comme témoins devant le Tribunal.

Ils ont apporté des explications quant aux pratiques bancaires et stratégies financières.

W______ a expliqué que l'extrait de compte au 1er octobre 2008 relatif au compte n° 3______ mentionnait une baisse de performance de 16.74%, laquelle concernait la partie gérée du portefeuille. Il était cependant faux de prétendre que la différence entre le montant investi au départ et le solde à cette date était une perte. Il fallait notamment examiner l'activité du compte pour déterminer à quoi correspondait le total des sorties d'espèces et de titres. S'agissant de l'extrait de compte au 30 novembre 2008 relatif au compte n° 4______, la baisse de performance était de 16%, ce qui était cohérent avec l'autre portefeuille. Le solde de 13'184 fr. s'expliquait principalement par le retrait et transfert sur l'autre compte d'un montant de 793'884 fr. Il n'était donc pas exact de dire que qu'il y avait eu une perte de 986'901 fr. car il s'agissait d'un transfert et non d'une perte.

S'agissant du placement fiduciaire auprès de E______ à H______ [Belgique], W______ s'est dit étonné qu'un montant aussi important ait été placé car le client payait pour des suggestions de placements et non pour du dépôt fiduciaire. B______ n'avait néanmoins pas subi de perte du fait des placements fiduciaires opérés auprès de la banque E______ à H______. Même si elle avait été proche de la faillite, celle-ci avait été évitée grâce à C______.

W______ a confirmé qu'à l'époque, il était difficile de vendre certaines positions car tout le monde voulait vendre en cette période de panique, ce qui était compliqué pour certains placements alternatifs. La banque avait subi ce que toutes les banques subissaient à l'époque. Il n'avait pas conscience des difficultés rencontrées par E______ à l'époque, ce d'autant plus que lorsque la banque était virtuellement en faillite, un cocktail avait été organisé pour fêter la fusion.

Selon W______, la banque n'avait pas pris de risque inconsidéré et B______ avait toujours validé les propositions faites dans le cadre du mandat "advisory". Concernant le compte "performance", c'est la banque et non le client qui le gérait. Le témoin considérait que le compte avait été géré correctement.

c. Une expertise judiciaire a été réalisée le 26 janvier 2021 et complétée par un rapport du 25 novembre 2021 dans le cadre de la présente procédure en vue de déterminer la conformité des opérations de gestion effectuées par la banque et les renseignements donnés en lien avec les comptes nos 3______ et 4______ ainsi que le montant des pertes et des éventuels enrichissements illégitimes générés par les opérations non conformes. Il en ressort les éléments suivants.

c.a Concernant le compte n° 3______, l'expert a relevé qu'avant le transfert des titres du compte n° 4______, la performance était en baisse de -17.46%, soit une perte similaire à un fonds de placement équilibré de [la banque] F______ examiné à titre comparatif. Entre novembre 2007 et fin 2009, elle était de -30% et globalement liée aux pertes générées par les marchés des actions. Les indices boursiers de la zone euro avaient chuté de 50% et ceux des Etats-Unis d'Amérique de 43%.

L'expert a conclu que le compte avait été de type équilibré malgré les apports/retraits significatifs, la monnaie de référence, le franc suisse, avait été globalement respectée par l'utilisation des couvertures de change, la répartition des risques sur les investissements avait été respectée, les opérations d'achats et de ventes de titres avaient été pour la plupart validées par le client et certains investissements étaient plutôt spéculatifs, dans le cadre d'un portefeuille équilibré, mais avaient toutefois fait l'objet de rapports de contact.

c.b Concernant le compte n° 4______, l'expert a relevé que la période de gestion avait été très brève, de novembre 2007 à septembre 2008, date de clôture du compte et de transfert des positions sur le compte n° 3______.

Les montants transférés étaient de 818'228 fr. en titres et 77'000 fr. en cash, soit 895'000 fr. au total, ce qui représentait une perte d'environ 10% par rapport à l'apport initial de 1'000'000 fr.

En outre, les taux de change EUR/CHF et USD/CHF avaient eu un impact, le franc suisse s'étant fortement apprécié à cette période.

Selon l'expert, la performance de -10% était similaire à celle de deux autres indices de hedge funds examinés à titre comparatif sur la même période, la monnaie de référence, le franc suisse, avait été globalement respectée, la répartition des risques sur les investissements avait été respectée, certains investissements étaient plus volatils que d'autres, en particulier ceux dont les sous-jacents représentaient des commodities/métaux précieux ou des titres sur des pays à risque comme la Russie ou l'Afrique du Sud.

c.c L'expert a chiffré la perte totale à 628'142 fr. au 31 décembre 2014.

Certaines opérations n'avaient pas été validées et certaines d'entre elles n'étaient pas conformes au mandat. Il s'agissait des investissements E______, X______, SICAV Y______, Z______ et sur les métaux précieux qui étaient risqués et non conformes au profil de risque.

Les pertes totales sur les produits E______, X______ et Z______ avaient été de 92'099 fr. 58. Si les montants investis dans ces opérations non conformes avaient été investis dans des instruments financiers conformes au contrat, ils auraient malgré tout été affectés par la baisse des marchés financiers estimée à 17'651 fr. par l'expert (rapport d'expertise complémentaire du 25 novembre 2021).

Les pertes sur les deux autres produits ont été de 18'262.34 USD sur les produits SICAV Y______ et de 20'716.50 USD sur les produits AA_____ / AB_____. La baisse d'indice SMI était de 27.27% pour les produits SICAV Y______ et de 16.99% pour AA_____ / AB_____.

Les titres transférés en octobre 2008 du compte n° 4______ au compte n° 3______ étaient, quant à eux, conformes au mandat du compte n° 3______ et les pertes sur ces titres étaient déjà existantes au moment du transfert.

C.C a. Par acte du 18 juillet 2016, les époux A______/B______ ont saisi le Tribunal d'une action en libération de dette, concluant à une libération totale du montant de 9'000'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er février 2014.

Ils ont exposé que l'ouverture des portefeuilles d'investissement avait été faite sur conseil de la banque afin d'amortir le prêt hypothécaire et payer les intérêts.

Ils ont reproché à celle-ci de ne pas avoir procédé à des investissements correspondant aux profils de risque convenus, soit un risque faible. Ils estimaient que la banque avait géré leurs portefeuilles sans faire preuve de la diligence requise, en procédant à des placements qu'elle savait trop risqués par rapport au profil de risque convenu (notamment dans les actions E______ à H______) et en ne fournissant pas des conseils pertinents adaptés à la situation.

Ils ont allégué un dommage considérable constitué en la perte du capital mal investi, du gain manqué si leur capital avait été bien investi et en un tort moral et entendaient compenser leur dette vis-à-vis de la banque avec le dommage subi dont la banque était responsable, raison pour laquelle ils demandaient qu'il soit constaté qu'ils ne devaient pas payer la somme de 9'000'000 fr. à la banque.

b. Dans sa réponse du 25 avril 2017, C______ a conclu au rejet de l'action et au prononcé des mainlevées définitives des oppositions formées aux poursuites n° 1______ et n° 2______.

Elle a contesté toute responsabilité, alléguant notamment que la chute des cours boursiers ne pouvait lui être imputable ou que les déboires du groupe E______ en Belgique et aux Pays-Bas ne pouvaient être reprochés à la filiale suisse. Elle a relevé que les époux A______/B______ n'avaient procédé à aucun amortissement de la dette. Par ailleurs, B______ avait opéré des retraits importants, qui expliquaient, en parallèle de la chute des cours boursiers, la diminution des avoirs. L'invocation d'un tort moral était, selon elle, déplacée et saugrenue. En tout état, même si les époux A______/B______ détenaient une contre créance à compenser, elle serait encore loin du montant de 9'000'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2014 dont ils entendaient se libérer.

c. Les parties ont procédé à un deuxième échange d'écritures.

Les époux A______/B______ ont allégué que ni E______ ni C______ ne les avaient informés de la gravité de la situation, se contentant de minimiser les faits. Elles n'avaient rien fait pour remédier aux pertes importantes subies sur leurs comptes. A ce stade, les époux A______/B______ ont chiffré leur dommage à 5'326'409 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2007, correspondant à la perte subie en raison des mauvais placements. Il convenait encore d'ajouter le tort moral, les montants dont la banque s'était enrichie par le biais de commissions et le gain manqué si la banque avait exécuté correctement son mandat.

La banque a notamment contesté la lecture que faisaient les époux A______/B______ des relevés de comptes. Les différences invoquées n'étaient pas des pertes, mais uniquement des différences de soldes. Il ne suffisait pas d'alléguer un différentiel de solde pour conclure qu'il s'agissait d'une perte, qui plus est dont la banque aurait à répondre.

d. Le Tribunal a tenu des audiences de débats principaux les 24 janvier, 14 février et 23 mai 2019 au cours desquelles il a entendu les parties et les témoins cités, dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile.

e. Une expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnances des 24 avril et 30 juin 2020 et dont la teneur figure sous let. C.B.c ci-dessus.

f. Dans leurs plaidoiries finales, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

f.a Selon les époux A______/B______, leurs avoirs n'avaient pas été placés conformément aux mandats. Malgré les avertissements en 2011, les avoirs avaient continué à chuter, passant à 32'235 fr. au 31 décembre 2014 et à 23'666 fr. au 30 novembre 2015.

Concernant le compte n° 3______, ils estimaient que c'était un montant de 2'726'934 fr. qui s'était volatilisé (2'750'600 fr. - 23'666 fr.), en raison de la mauvaise gestion de la banque.

Pour le compte n° 4______, les avoirs étaient de 1'000'085 fr. au 6 novembre 2007 et n'étaient plus que de 13'184 fr. au 30 novembre 2008, soit une perte de 986'901 fr. due aux risques pris par la banque et non conformes au profil de risque.

Ils chiffraient leur dommage total à au moins 5'326'409 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2007, sous réserve d'autres postes du dommage.

f.b Selon C______, l'expertise avait permis de démontrer que la perte subie n'était au final que de 7% du montant total emprunté, qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre cette perte et la gestion de la banque et que l'essentiel des "pertes" alléguées étaient en réalité des retraits du client. Sur la perte totale subie par B______ de 628'142 fr., seul un montant de 17'651 fr. était lié à des opérations non conformes, hors impact de la crise de 2008, montant qu'elle acceptait de compenser.

f.c Les parties se sont encore déterminées par écritures des 2 et 13 juin 2022.

g. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé que les comptes, ouverts peu de temps avant la crise financière de 2008, n'avaient jamais eu de performance positive puisque les investissements de départ n'avaient jamais eu la progression escomptée. Le capital de départ ne pouvait pas être "préservé", comme le prétendaient les époux A______/B______, puisqu'il fallait l'utiliser pour investir dans le but d'avoir un retour sur investissement qui aurait permis de récupérer le capital de départ. Malheureusement, en raison de la crise financière, le capital n'avait jamais pu avoir la croissance escomptée et partant être "préservé".

Les pertes subies sur les montants investis s'étaient élevées à 628'142 fr. au 31 décembre 2014, selon les conclusions de l'expertise. Les différences de solde des avoirs entre le début et la fin du mandat s'expliquaient en grande partie par les retraits opérés par B______ à des fins personnelles et par la chute des marchés boursiers intervenue en 2008. L'attitude de B______ était à cet égard contradictoire dans la mesure où il entendait préserver le capital mais avait prélevé des montants importants sur celui-ci à des fins personnelles.

De plus, les époux A______/B______ avaient échoué à démontrer leur dommage. Le fardeau de l'allégation n'avait pas été respecté, car ils n'expliquaient pas comment ils chiffraient leur dommage à 9'000'000 fr. ou subsidiairement à 5'326'409 fr. Ils n'expliquaient pas non plus comment les montants utilisés pour l'hypothèque et les travaux de leur chalet auraient pu avoir été impactés par le manque de diligence allégué de la banque ni comment les retraits d'argent utilisés à des fins personnelles auraient eu un quelconque lien avec ce manque de diligence.

Cela étant, l'expert avait relevé qu'une petite partie des investissements avait connu une baisse bien plus élevée que la baisse mondiale, que ces investissements n'étaient pas conformes aux profils de risque et n'avaient pas été validés par le client. Il s'agissait des investissements E______, X______ et Z______, ainsi que SICAV Y______ et les métaux précieux.

La perte sur les investissements E______, X______ et Z______ était de 92'099 fr. 58. Si ce capital avait été placé conformément au profil de risque convenu, il aurait de toute façon connue une baisse en raison de la crise financière de 2008, cette baisse ayant été estimée à 17'651 fr. par l'expert. Ces mauvais placements étaient donc imputables à un manque de diligence de la banque à concurrence de 74'448 fr. 58.

Concernant les actions SICAV Y______, le client avait perdu 18'753 fr. 38. Le premier juge a retenu, en se basant sur la baisse d'indice SMI, que la différence des pertes entre l'investissement risqué et un investissement conforme au profil était de 904 fr. 09.

Sur l'achat des matières, le client avait perdu 20'345 fr. 47. En suivant la baisse du SMI, le premier juge a retenu que la différence des pertes entre l'investissement risqué et un investissement conforme au profil était de 6'268 fr. 88.

Les époux A______/B______ avaient ainsi perdu au total 81'621 fr. 55 (74'448 fr. 58 + 904 fr. 09 + 6'268 fr. 88) en raison d'investissements non conformes aux profils de risque dont la banque était responsable et qu'ils pouvaient valablement opposer en compensation de leur dette. La dette de ces derniers vis-à-vis de la banque s'élevait donc à 8'918'378 fr. 45, après compensation.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC), ce qui est en l'occurrence le cas.

Interjetés dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), les appels des deux parties sont recevables.

1.2 Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC) et, par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties, les époux A______/B______ seront désignés comme les appelants et la banque comme l'intimée.

1.3 La compétence des juridictions genevoises n'est, à juste titre, pas remise en cause, compte tenu de l'élection de for convenue entre les parties (art. 83 al. 2 LP; art 86 al. 1 LOJ; Schmidt, in Commentaire romand LP, 2005, n. 20 ad art. 83 LP).

1.4 Le présent litige est soumis à la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC). Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables (ATF 143 III 425 consid. 4.7; 130 III 550 consid. 2 et 2.1.3).

1.5 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés à son encontre (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2 et les références citées).

2. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir écarté la créance en dommages et intérêts qu'ils invoquent en compensation à l'encontre de l'intimée.

2.1 L'action en libération de dette prévue à l'art. 83 al. 2 LP est une action négatoire de droit matériel, qui tend à faire constater l'inexistence ou l'inexigibilité de la créance invoquée par le poursuivant. Elle aboutit à un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée en dehors de la poursuite en cours quant à l'existence de la créance litigieuse; elle est le pendant de l'action en reconnaissance de dette, au sens de l'art. 79 LP, dont elle ne se distingue que par le renversement du rôle procédural des parties. En effet, le créancier est défendeur au lieu d'être demandeur. La répartition du fardeau de la preuve est en revanche inchangée. Il incombe donc au défendeur (i.e. le poursuivant) d'établir que la créance litigieuse a pris naissance, par exemple en produisant une reconnaissance de dette. Quant au demandeur (i.e. le poursuivi), il devra établir la non-existence ou le défaut d'exigibilité de la dette constatée par le titre de mainlevée provisoire (ATF 131 III 268 consid. 3.1, SJ 2005 I 401; 130 III 285 consid. 5.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.3.1.2).

Le sort de l'action en libération de dette a des effets immédiats sur celui de la poursuite. Si le débiteur obtient gain de cause, la poursuite ne peut pas être continuée. Si, au contraire, le débiteur succombe, la mainlevée devient définitive et permet la continuation de la poursuite (art. 83 al. 3 LP; Schmidt, op. cit., n. 11 ad art. 83 LP).

2.1.2 En matière d'opérations boursières, s'agissant des devoirs contractuels de diligence et de fidélité de la banque envers son client, la jurisprudence distingue trois types de relations contractuelles : (1) le contrat de gestion de fortune, (2) le contrat de conseil en placements et (3) la relation de simple compte/dépôt bancaire ("execution only") (ATF 133 III 97 consid. 7.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1; 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 7).

Dans le contrat de gestion de fortune, le client charge le gérant de gérer tout ou partie de sa fortune en déterminant lui-même les opérations boursières à effectuer, dans les limites fixées par le contrat (ATF 144 III 155 consid. 2.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5; 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.2; 4A_41/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.1). L'existence d'un tel contrat n'exclut nullement que le client puisse occasionnellement donner des ordres d'achat ou de vente au gérant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5; 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.2).

Selon la jurisprudence, dans le contrat de gestion de fortune, les devoirs d'information, de conseil et d'avertissement du gérant sont plus étendus que dans le contrat de conseil en placements ou dans la relation de simple compte/dépôt bancaire (execution only). Le gérant a un devoir d'information général quant aux risques que présente un certain genre d'opérations (ATF 133 III 221 consid. 5.3, rendu sous l'empire de l'ancien art. 11 LBVM, dont les principes demeurent valables en droit privé). Ces devoirs du gérant dépendent des connaissances du client et du genre de placement envisagé (ATF 124 III 155 consid. 3a.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5.1.3).

En revanche, dans le contrat de conseil en placements, la banque fournit des informations et des conseils, mais le client décide toujours lui-même des opérations à effectuer; la banque ne peut en entreprendre que sur instructions ou avec l'accord de son client. Ce pouvoir de décision limité constitue le principal critère de distinction par rapport au contrat de gestion de fortune (arrêts du Tribunal fédéral 4A_407/2021 du 13 septembre 2022 consid. 4.2; 4A_730/2016 du 5 février 2018 consid. 2.2).

En règle générale, le client supporte seul le risque découlant de sa décision parce qu'il ne peut pas se fier de manière absolue à un conseil portant sur un événement futur incertain (ATF 119 II 333 consid. 7a). La banque n'assume pas de responsabilité à raison d'un conseil qui se révèle inapproprié, à moins qu'au moment où elle s'est exprimée, son conseil n'ait été manifestement déraisonnable (ATF 119 II 333 consid. 7a). Toutefois, lorsque la banque s'engage - d'ordinaire contre rémunération - à suivre les investissements décidés personnellement par son client, en observant l'évolution des avoirs que celui-ci détient auprès d'elle ou d'un tiers, et à le conseiller régulièrement, en lui proposant des investissements ou des changements dans l'affectation de ses capitaux, elle se lie par un contrat de conseil en placements qui se rapproche du contrat de gestion de fortune, mais s'en distingue en ceci que c'est le client qui décide, en dernière analyse, des placements à exécuter: il y a participation active de la banque à la planification des investissements et à leur évolution dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 4A_730/2016 du 5 février 2018 consid. 2.2).

Comme tout mandataire, le gestionnaire n'est pas tenu à une obligation de résultat. Il est responsable envers son client de la bonne et fidèle exécution du contrat et répond du dommage qu'il cause intentionnellement ou par négligence en application de l'art. 398 al. 2 CO (ATF 115 II 62 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_445/2021 du 4 avril 2022 consid. 4.2).

La mise en jeu de la responsabilité du mandataire suppose une violation de ses devoirs contractuels, notamment de diligence et de fidélité, un dommage subi par le mandant et une relation de causalité entre la violation du contrat et le dommage. Ces conditions réalisées on présume la commission d'une faute du mandataire dans l'exécution de son mandat (art. 97 CO; ATF 132 III 460 consid. 4.1; 124 III 155 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5).

En principe, le dommage correspond à la différence entre le montant actuel de son patrimoine et le montant que ce même patrimoine aurait eu si l'événement dommageable ne s'était pas produit (théorie de la différence) (ATF 147 III 463 consid. 4.2.1; 133 III 462 consid. 4.4.2 et les arrêts cités). Il est admis, en matière d'opérations boursières, que le dommage peut être calculé en fonction de la perte subie en raison de l'opération litigieuse (ATF 147 III 463 consid. 4.2.1), autrement dit, en cas de nombreuses opérations effectuées sans autorisation du client, en additionnant les pertes occasionnées lors de chacune de ces opérations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_407/2021 du 13 septembre 2022 consid. 5.1).

Lorsque le dommage résulte de certains placements contraires à la stratégie convenue, il ne faut prendre en considération que la partie du patrimoine concernée par les placements contraires à la stratégie convenue et déterminer la différence entre la valeur effective des placements irréguliers et la valeur hypothétique qu'ils auraient atteinte si le capital avait été investi conformément au contrat. Comme mesure de comparaison, il faut prendre en compte les placements alternatifs qui correspondent à la stratégie de placement convenue contractuellement, qui auraient été effectués par le gérant et dont le résultat se situe dans la moyenne (ATF 144 III 155 consid. 2.2.2 et les arrêts cités, arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5.3.2).

2.1.3 Selon la jurisprudence, le juge apprécie librement une expertise et n'est, dans la règle, pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, sur les questions techniques, il ne peut s'en écarter que lorsque des objections sérieuses ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité. Il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 IV 49 consid. 2.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4.1). En l'absence de tels motifs, il ne doit pas substituer son propre avis à celui de l'expert (cf. ATF 101 IV 129 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, la créance à la base des poursuites litigieuses, portant sur la somme de 9'000'000 fr. avec suite d'intérêts à 5% à titre de remboursement du prêt du 24 octobre 2007, n'est pas contestée en tant que telle, ni dans son principe ni dans sa quotité. Les appelants font en revanche valoir une contre créance en compensation.

2.2.1 A l'appui de leurs prétentions, les appelants reviennent longuement sur les circonstances dans lesquelles ils ont ouvert les comptes d'investissement ainsi que sur les profils de risque choisis en lien avec ces comptes, à savoir un profil "équilibré" s'agissant du premier compte et un profil "performance" avec un esprit de risque assez bas s'agissant du second, dont le but était la préservation du capital. Par leur argumentation, ils tentent de se prévaloir du fait que la banque leur aurait promis et/ou garanti le maintien du capital investi.

Il n'est pas contesté que les profils de risque convenus visaient la préservation du capital comme objectif principal. Cela étant, par principe, la banque, en sa qualité de mandataire, ne répond pas du résultat de son activité. Les appelants ont d'ailleurs expressément reconnu que celle-ci les avait avertis sur le fait qu'elle ne pouvait pas leur donner de garantie ni aucune assurance quelle qu'elle soit sur la préservation du capital, ce que la documentation contractuelle stipule au demeurant expressément. Par ailleurs, comme l'a à juste titre relevé le Tribunal, le capital de départ devait lui-même être investi initialement dans le but de permettre un retour sur investissement et ainsi générer des profits pour couvrir les frais et amortir la dette empruntée. Il était ainsi clair pour les parties que le capital serait investi par le biais des deux comptes d'investissement ouverts à cette fin. Enfin, il est établi que les appelants ont eux-mêmes procédé à de nombreux retraits d'argent à des fins personnelles, ce qui n'est au demeurant pas contesté, portant ainsi directement atteinte au capital. Dans ces circonstances et contrairement à l'avis des appelants, la responsabilité de l'intimée ne peut être engagée du seul fait que le capital n'a pas été préservé, puisque cela relève en partie de leur propre fait et résulte, pour le surplus, de l'activité de gestion.

2.2.2 Il convient donc d'examiner si la banque a respecté son mandat, à savoir si les investissements, respectivement les conseils en placements, respectaient les profils de risque choisis par le client.

A cet égard, l'expertise judiciaire a examiné en détails l'ensemble des transactions effectuées sur les deux portefeuilles ouverts. Selon l'expert, les différences de solde des avoirs entre le début et la fin du mandat s'expliquaient en grande partie par les retraits opérés à concurrence de plus de 3'000'000 fr. par B______ à des fins personnelles et par la chute des marchés boursiers survenue en 2008 à la suite de crise financière laquelle avait impacté les marchés financiers du monde entier. Les investissements de B______ avaient ainsi connu une baisse dans la même proportion que d'autres fonds de placement tel que celui de F______, pris à titre comparatif. Seule une petite partie des investissements avait été effectuée de manière non conforme aux profils de risque et n'avait pas été validée par le client, à savoir les opérations en lien avec les placements E______, X______, SICAV Y______, Z______ et sur les métaux précieux.

Les appelants ne développent aucune critique quant à la teneur de l'expertise, laquelle s'avère circonstanciée, claire et non équivoque. Elle est, en outre corroborée par d'autres éléments probants figurant au dossier tels que les témoignages des anciens employés de l'intimée, lesquels ont affirmé, d'une part, que la diminution des avoirs investis résultait principalement des retraits personnels et ne pouvait en conséquence être considérée comme une perte et, d'autre part, que les difficultés rencontrées à l'époque par l'intimée étaient d'ordre général ayant affecté toutes les banques.

De plus, les griefs élevés par les appelants à l'encontre de l'intimée, en particulier les placements auprès de E______ à H______, certains fonds de placements investis alors que le contrat prévoyait des investissements directs, l'absence d'investissement en obligations ou fonds obligataires et la réalisation de certains investissements plutôt spéculatifs, ont été relevés et pris en compte par l'expert dans le cadre de son examen. En effet, ce dernier a tenu compte des particularités relatives aux profils de risque "équilibré" et "performance" et a déterminé toutes les opérations qui ne s'inscrivaient pas dans ce cadre en les qualifiant de non-conformes. Les appelants n'allèguent du reste pas que d'autres opérations, en plus de celles retenues par l'expert, seraient encore irrégulières.

Il n'y a dès lors aucun motif justifiant de s'écarter des conclusions de l'expert, à teneur desquelles seules les opérations E______, X______, SICAV Y______, Z______ et sur les métaux précieux étaient irrégulières, relevant en conséquence de la responsabilité de l'intimée.

2.2.3 Quant au dommage subi par les appelants, le Tribunal l'a fixé en déterminant la différence entre la valeur effective des placements irréguliers et la valeur hypothétique qu'ils auraient atteinte si le capital avait été investi conformément au contrat, selon les chiffres avancés par l'expert et non contestés. Il a ainsi retenu que la différence entre l'investissement risqué et un investissement conforme au profil s'élevait à 74'448 fr. pour les placements E______, X______ et Z______, à 904 fr. pour les actions SICAV Y______ et à 6'268 fr. pour les achats de matières premières. Les appelants avaient ainsi perdu 81'621 fr. en raison d'investissements non conformes dont l'intimée était responsable.

Cette manière de faire est parfaitement conforme à la jurisprudence fédérale applicable en la matière, selon laquelle le dommage correspond à la seule partie du patrimoine concernée par les placements contraires à la stratégie convenue.

Les appelants ne discutent d'ailleurs pas cette partie du raisonnement et n'élèvent aucune critique quant au calcul du Tribunal. A défaut de tout grief, il n'y a dès lors pas lieu d'y revenir.

Par ailleurs, les appelants chiffrent, de manière toute générale, leur dommage à 9'000'000 fr., subsidiairement à 5'326'409 fr., dans leurs conclusions d'appel, sans que ces montants ne ressortent toutefois de leurs écritures. Comme déjà relevé par le Tribunal, on peine à comprendre comment ils parviennent à ce résultat, ce qu'ils n'expliquent pas davantage devant la Cour. En effet, à la lecture de leurs écritures d'appel, ils font valoir que c'est à tout le moins un montant de 1'476'334 fr. qui s'est "volatilisé" du compte n° 3______ et allèguent une perte de 986'901 fr. en ce concerne le compte n° 4______ (allégués nos 62 et 75, p. 14 et 16 du mémoire d'appel du 11 novembre 2022). Ils soutiennent ensuite que "l'analyse des comptes nos 3______ et 4______ a permis de constater une perte nette de 986'901 fr. 65 !" (mémoire d'appel du 11 novembre 2022, p. 28). Ces montants sont ainsi loin de leurs propres conclusions. Quoi qu'il en soit, le dommage allégué à hauteur de 9'000'000 fr., subsidiairement 5'326'409 fr. s'avère, dans tous les cas, peu crédible dans la mesure où il s'avère supérieur aux montants investis dans les portefeuilles (soit 1'500'000 fr. et 1'250'600 fr. crédités sur le compte n° 3______ et 1'000'000 fr. crédité sur le compte n° 4______, soit 3'750'600 fr. au total), alors que les griefs soulevés relèvent uniquement de la mauvaise gestion de l'intimée. Enfin, il sied de relever que les appelants passent entièrement sous silence les retraits effectués par B______ à des fins personnelles et qui expliquent en partie la diminution de leurs avoirs. Partant, ils ne peuvent être suivis dans leur raisonnement.

L'appel sera dès lors rejeté et le jugement entrepris confirmé en tant qu'il admet une créance des appelants à concurrence de 81'621 fr. pouvant être élevée en compensation.

3. L'intimée conclut, pour sa part, à ce que sa créance de 8'918'378 fr. 45 soit reconnue avec suite d'intérêts à 5% dès le 1er février 2014.

3.1 Selon l'art. 102 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2).

L'interpellation est la déclaration, expresse ou par actes concluants, adressée par le créancier au débiteur par laquelle le premier fait comprendre au second qu'il réclame l'exécution sans retard de la prestation due. Le débiteur doit pouvoir comprendre que le retard sera désormais considéré comme une violation de son obligation, mais il n'est pas nécessaire que le créancier attire l'attention du débiteur sur les conséquences de la demeure, ni même qu'il les veuille (ATF 129 III 535 consid. 3.2.2; Thevenoz, in Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 17 ad art. 102 CO; Widmer Lüchinger / Wiegand, in Basler Kommentar, n. 5 ad art 102 CO). L'interpellation peut être valablement faite même avant l'exigibilité de la créance, la demeure ne commençant cependant qu'avec l'exigibilité. Une facture ou l'indication d'un délai de paiement ("payable à 30 jours") peut constituer une interpellation à terme (befristete Mahnung) et déploie ses effets à son expiration (Thevenoz, op. cit. n. 19 et 24 ad art. 102 CO; Widmer Lüchinger / Wiegand, op cit., n. 8 ad art 102 CO).

Une interpellation n'est cependant pas nécessaire lorsque les parties sont convenues d'un terme (Verfalltag), dit aussi terme comminatoire, de sorte que le débiteur sait d'emblée quand exactement ou jusqu'à quand il doit s'exécuter. Le terme peut être désigné par une date déterminée ou ressortir d'autres critères objectifs, à condition qu'ils permettent d'établir le jour de l'exécution avec la même précision et sans équivoque possible. Lorsqu'un délai est convenu pour l'exécution, la demeure débute le dernier jour du délai (Thevenoz, op. cit. n. 26 ad art. 102 CO; Widmer Lüchinger / Wiegand, op cit., n. 10 ad art 102 CO et les références citées).

Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l'intérêt conventionnel (art. 104 al. 1 CO).

3.2 En l'espèce, la créance de l'intimée repose sur le contrat de prêt conclu entre les parties le 24 octobre 2007, lequel prévoyait un délai de dénonciation de six mois. Par courrier du 22 juillet 2013, l'intimée a dénoncé ledit contrat et a réclamé le remboursement du prêt dans son entier avec effet au 31 janvier 2014, conformément au préavis contractuel. Ce faisant, il doit être considéré qu'elle a valablement interpellé les appelants, dont les effets de la demeure se sont déployés à l'échéance du délai fixé au 31 janvier 2014. En effet, ces derniers ne pouvaient ignorer que l'exécution de la prestation était réclamée dès cette date.

Le Tribunal régional de D______ [BE] a d'ailleurs admis dans le cadre de la procédure de mainlevée que les intérêts étaient dus dès le 1er février 2014 et a, en conséquence, prononcé la mainlevée provisoire des oppositions formées aux commandements de payer nos 1______ et 2______ pour un montant de 9'000'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2014.

Dans leur demande du 18 juillet 2016, les appelants ont également formulé leur conclusion en libération de dette en ces termes : " Dire et constater que Madame A______ et Monsieur B______ ne doivent pas à C______ (SUISSE) le montant de 9'000'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2014 ". Ils n'ont cependant jamais contesté ni la créance en capital, ni les intérêts y relatifs, faisant uniquement valoir une contre créance qu'ils entendaient compenser.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, on ne saurait déduire des conclusions de l'intimée qu'elle aurait renoncé aux intérêts. En effet, cette dernière a conclu au rejet de l'action en libération de dette formée par ses parties adverses et au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées dans le cadre des poursuites nos 1______ et 2______, poursuites qui prévoyaient lesdits intérêts. Il ne lui revenait pas de prendre des conclusions en paiement de nature formatrice et de chiffrer celles-ci. L'argument des appelants sur ce point frise la témérité dans la mesure où ils ont eux-mêmes reconnu dans leurs propres écritures les intérêts moratoires de la créance invoquée à leur encontre sans jamais les contester.

L'appel de l'intimée se révèle fondé et les chiffres 1 à 3 du dispositif entrepris seront réformés en ce sens qu'il sera tenu compte des intérêts moratoires à 5% dès le 1er février 2014.

4 L'intimée conteste la répartition des frais de première instance et la fixation des dépens. Elle conclut à ce que les frais judiciaires soient mis à la charge des appelants vu l'issue du litige et que les dépens soient fixés de manière conforme aux dispositions légales.

4.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions mais non sur leur montant (art. 107 al. 1 let. a CPC).

Selon l'art. 105 al. 2 CPC, le Tribunal fixe les dépens selon le tarif. Les parties peuvent produire une note de frais.

Selon la jurisprudence, les dépens ne sont alloués que sur requête; cela étant, leur montant n'a pas à être chiffré (ATF 140 III 444 consid. 3.2.2; 139 III 334 consid. 4.3).

Le défraiement du représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé à Genève, dans les limites figurant dans le règlement fixant le tarif des frais en matière civile (E 1 05.10 - RTFMC), d’après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 LaCC; art. 84 RTFMC).

Selon l'art. 23 al.1 LaCC (E 1 05), lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus.

4.2 En l'espèce, le Tribunal a fixé les frais judiciaires de première instance à 138'300 fr., dont la quotité n'est pas critiquée, et les a répartis à raison de 4/5 à la charge de l'intimée et 1/5 à la charge des appelants au motif que ces derniers avaient partiellement obtenu gain de cause sur le principe de la responsabilité de sa partie adverse mais avaient succombé dans la quotité du dommage, par ailleurs impossible à chiffrer avant l'expertise.

Ce raisonnement est exempt de toute critique. En effet, les appelants sont parvenus à démontrer que l'intimée avait manqué à son devoir de diligence et d'information pour plusieurs opérations non conformes aux profils de risque, engendrant ainsi sa responsabilité à cet égard. Ils obtiennent dès lors gain de cause sur un point important, quand bien même ils succombent dans une large partie de leurs conclusions en paiement. Dans ce contexte, il ne se justifie pas de procéder à une répartition des frais purement arithmétique, comme le voudrait l'intimée, laquelle ne tiendrait pas compte de ces particularités. La décision du Tribunal sera donc confirmée sur ce point.

Quant aux dépens alloués en faveur de l'intimée, le Tribunal les a fixés à 40'000 fr. avant de les réduire à 32'000 fr., soit d'1/5, selon la clé de répartition précitée établie en fonction de l'issue du litige.

Contrairement au raisonnement tenu par l'intimée, la valeur litigieuse n'est pas le seul et unique critère pour fixer les dépens. Il y a également lieu de tenir compte de l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. En outre, comme rappelé ci-dessus, l'art. 23 LaCC permet de corriger une disproportion manifeste.

La demande introduite par les appelants mentionnait certes une valeur litigieuse de 9'000'000 fr. Cela étant, une large partie des prétentions n'était finalement pas concernée par l'objet du litige puisque seuls les montants placés en investissements étaient litigieux, soit une somme bien inférieure à la valeur litigieuse alléguée. De plus, la cause ne relevait pas d'une complexité justifiant des dépens plus élevés que ceux alloués. Si le litige comportait certes certaines questions techniques, celles-ci ont été résolues par l'expertise judiciaire. La position et les arguments des parties n'a d'ailleurs pas essentiellement évolué au fil de la procédure, les mêmes griefs ayant été repris dans le cadre des différentes écritures. Enfin, l'instruction de la procédure a principalement porté sur trois audiences de débats principaux et la mise en œuvre d'une expertise.

Au vu de ce qui précède, le montant des dépens arrêté à 32'000 fr. par le Tribunal en faveur de l'intimée paraît justifié et adéquat et ne consacre aucune violation de la loi. Une application purement arithmétique fondée sur la seule valeur litigieuse aurait conduit à une disproportion manifeste entre l'activité déployée, l'ampleur de la cause, sa difficulté et le montant alloué, ce que le Tribunal a voulu, à juste titre, éviter.

Le jugement sera dès lors également confirmé sur ce point.

5. Il sera fait masse des frais judiciaires des deux appels, qui seront arrêtés à 25'000 fr. (art. 7, 17 et 35 RTFMC) et entièrement compensés avec les avances versées par les parties, fournies à hauteur de 108'000 fr. par les appelants et à hauteur de 10'550 fr. par l'intimée, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge des appelants, qui succombent au fond tant dans leur propre appel que dans celui formé par leur partie adverse.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront en conséquence invités à restituer à l'intimée son avance en 10'550 fr. et aux appelants le solde de leur avance en 83'000 fr.

Au vu de l'issue du litige, les appelants seront, en outre, condamnés aux dépens d'appels de l'intimée, arrêtés à 15'000 fr. (art. 84, 85 et 90 RTFMC et 23 al. 1 LaCC).

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 11 novembre 2022 par A______ et B______, d'une part, et par C______ (SUISSE), d'autre part, contre le jugement JTPI/12023/2022 rendu le 12 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14271/2016-10.

Au fond :

Annule les chiffres 1, 2 et 3 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau sur ces points:

Constate que A______ et B______ doivent à C______ (SUISSE) le montant de 8'918'378 fr. 45, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2014.

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer n° 1______ de l'Office des poursuites de D______ [BE], bureau ______, à concurrence de 8'918'378 fr. 45, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2014.

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer n° 2______ de l'Office des poursuites de D______, bureau ______, à concurrence de 8'918'378 fr. 45, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2014.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appels :

Arrête les frais judiciaires d'appels à 25'000 fr., dit qu'ils sont entièrement compensés avec les avances fournies par les parties et les met à la charge solidaire de A______ et B______.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser 10'550 fr. à C______ (SUISSE) et 83'000 fr. à A______ et B______, pris conjointement et solidairement, à titre de restitution du solde des avances de frais fournies.

Condamne A______ et B______, pris conjointement et solidairement, à verser à C______ la somme de 15'000 fr. à titre de dépens d’appels.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.