Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/2295/2019

ACJC/1178/2023 du 12.09.2023 sur JTPI/11589/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.317; CC.2.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2295/2019 ACJC/1178/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Canada, appelant d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 octobre 2022, comparant par Me Alexander VIKHLYAEV, avocat, Jacquemoud Stanislas, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, Grande-Bretagne, intimée, comparant par Me C______, avocat, D______, ______ [GE], en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11589/2022 rendu le 4 octobre 2022, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ à payer à B______ 204'180 livres sterling avec intérêts à 12% dès le 1er janvier 2015, ainsi que 66'799 livres sterling (chiffre 1 du dispositif), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 266'743 fr. avec intérêts à 12% dès le 1er janvier 2015 et de 87'269 fr. (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 20'680 fr., mis à la charge de A______, compensés avec les avances en 20'320 fr. fournies par B______ et les avances en 220 fr. fournies par A______, condamné A______ à payer 20'320 fr. à B______ et 140 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), condamné A______ à payer à B______ 21'215 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 4 novembre 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement et sollicité l'annulation des ch. 1 et 2 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour le condamne à payer 204'180 livres sterling avec intérêts à 12% dès le 1er janvier 2015, sous déduction, après compensation, de 32'371.12 livres sterling et prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 266'743 fr. avec intérêts à 12% dès le 1er janvier 2015, sous déduction, après compensation, de 42'289 fr. 95, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 31 janvier 2023, B______ a, préalablement, conclu à ce que la Cour astreigne A______ à fournir des sûretés en garantie des dépens. Au fond, elle a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par arrêt ACJC/328/2023 du 2 mars 2023, la Cour a, en substance, astreint A______ à verser 6'000 fr. à titre de sûretés en garantie des dépens et réservé le sort des frais pour la décision à rendre au fond.

A______ a versé le montant susvisé.

d. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

e. Par avis du 9 juin 2023, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ et B______ sont liés par un contrat de prêt conclu en 2012 par lequel la seconde s'est engagée à prêter au premier l'équivalent en euros de 400'000 livres sterling. Le prêt devait porter intérêts à 12% l'an dès le 15 juin 2021 et être remboursé en capital et intérêts le 15 novembre 2012.

E______ Ltd, société inscrite aux Iles Vierges britanniques et dont B______ est seule ayant droit économique, a été formellement désignée comme la contrepartie de A______. Selon la volonté des parties toutefois, seule B______ était partie au contrat.

E______ Ltd, agissant pour B______, a versé le montant de 498'472 euros en mai 2012.

Ces faits ne sont plus contestés en appel.

b. A______ n'ayant que partiellement remboursé le montant prêté et les intérêts échus, B______ a, le 29 janvier 2019, requis contre A______ une poursuite en 266'743 fr. avec intérêts à 12% dès le 15 mai 2012, 6'784 fr. et 18'539 fr. avec intérêts à 12% dès le 29 janvier 2019 pour le solde du prêt en capital et intérêts.

A______ a formé opposition totale au commandement de payer subséquemment notifié contre lui, poursuite n° 1______.

c. Par demande déposée le 30 janvier 2019, non conciliée le 1er avril 2019 et introduite au Tribunal le 1er juillet 2019, B______ a conclu :

–        principalement, au paiement par A______ de 204'180 livres sterling avec intérêts à 12% dès le 15 mai 2002, et de 5'193 livres sterling et 14'190.50 livres sterling avec intérêts à 12% dès le 29 janvier 2019;

–        subsidiairement, au paiement par A______ de 249'694 euros avec intérêts à 12% dès le 15 mai 2002, et de 9'167 euros avec intérêts à 12% dès le 29 janvier 2019;

–        en tout état, à la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ à la poursuite n° 1______, à concurrence des montants au paiement desquels il serait condamné.

d. Par réponse écrite du 17 janvier 2020, A______ a conclu au rejet de la demande.

Il a opposé en compensation trois créances qu'il affirmait détenir contre B______.

L'une des créances, la seule qui demeure litigieuse en appel, résulte d'une facture de F______ SA datée du 30 décembre 2015, destinée à "Mr & Mrs B______ and/or E______ Ltd", en 114'754 fr., pour frais et services relatifs à deux voitures rendus entre 2009 et 2015. A______ a opposé cette créance en compensation des prétentions de B______ contre lui, comme s'il en était le titulaire.

A______ est l'un des deux administrateurs de F______ SA, l'autre administrateur étant G______.

Dans sa réponse de première instance, A______ a allégué être le "fondateur/actionnaire" de F______ SA.

B______ a "contesté, car ignoré" ce fait dans ses déterminations sur la réponse de A______.

Lors de son audition par le Tribunal en qualité de partie, A______ a déclaré être le "directeur actionnaire à 100%" de la société.

e. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives dans leurs plaidoiries finales écrites du 12 mai 2022, et la cause a été gardée à juger après réception d'une succession de déterminations spontanées écrites de chacune des parties.

A______ a persisté dans son allégué selon lequel il était actionnaire à 100% de F______ SA et qu'il exerçait une "domination économique" sur celle-ci.

D. a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a constaté que les parties étaient liées par un contrat de prêt de consommation soumis au droit suisse et que ce prêt avait été partiellement remboursé par A______. Les paiements partiels devaient être imputés prioritairement sur les intérêts échus, puis sur le capital. Il s'ensuivait que la somme de 66'799 livres sterling restait due pour les intérêts échus et 204'180 livres sterling pour le capital, avec intérêts à 12% dès le 1er janvier 2015, soit 87'269 fr., respectivement 266'743 fr. convertis au jour du dépôt de la réquisition de poursuite. Tout ceci n'est plus remis en cause en appel.

A______ avait opposé, au titre de la compensation, trois créances qu'il prétendait détenir contre B______. Le Tribunal a écarté ces trois créances, dont une seule est encore litigieuse en appel, soit celle résultant de l'activité de F______ SA. Le Tribunal a retenu que rien ne démontrait l'existence de cette créance et que la condition préalable à la compensation de l'identité des créanciers et débiteurs n'était pas donnée, puisque F______ SA était une personne morale distincte de A______. Celui-ci était cependant "probable actionnaire" de celle-là.

b. Par contrat de cession de créance du 28 octobre 2022, F______ SA a cédé à A______ une créance d'un montant de 114'753 fr. 67 à l'encontre de "Madame B______ et/ou Monsieur H______ et/ou la société E______ INTERNATIONAL LTD" correspondant aux dépenses encourues et aux services rendus pour deux véhicules pour la période du 1er janvier 2019 [recte 2009] au 30 juin 2015.

Ce contrat a été signé par G______ pour F______ SA.

c. Par courrier du 4 novembre 2022, A______ a adressé à B______ une déclaration de compensation pour ladite créance.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelant se prévaut de faits nouveaux. D'une part, la cession en sa faveur de la créance de F______ SA fondée sur la facture du 30 décembre 2015; d'autre part, sa volonté de compenser cette créance avec les montants qu'il doit encore à l'intimée au titre du prêt.

2.1
2.1.1
Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un fait ou un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et qu'il ne pouvait l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

La diligence requise suppose que, dans la procédure de première instance, chaque partie expose l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elle amène tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).

Les pseudo nova sont des faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance. Leur recevabilité en appel est largement limitée, en ce sens qu'ils sont exclus lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient pu être présentés en première instance déjà. S'il introduit des pseudo nova, l'appelant doit notamment exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le fait ou le moyen de preuve en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1).

Dans le cas d'un pseudo novum, les conditions de l'art. 317 let. a et b CPC peuvent être considérées comme réunies lorsque seul le jugement attaqué donne lieu à cet allégué (arrêt du Tribunal fédéral 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1). Cela étant, le fait qu'une partie ne comprenne qu'au vu du jugement de première instance quels faits et moyens de preuve sont décisifs pour l'issue du procès ne lui permet pas de produire des nova en procédure de recours (arrêt du Tribunal fédéral 4D_45/2014 du 5 décembre 2014 consid. 2.3.3). Plus particulièrement, la réglementation des nova est une conséquence de la maxime éventuelle. La maxime éventuelle signifie que tous les arguments des parties doivent être présentés au cours d'une certaine phase de la procédure et qu'ils ne peuvent plus être ajoutés ultérieurement. Une partie ne peut donc pas se limiter à présenter certains faits pour soutenir son argumentation principale et, une fois qu'elle s'est rendue compte que son argumentation n'était pas fondée, invoquer des faits nouveaux pour la réorienter (ATF 146 III 416 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3).

Selon le Tribunal fédéral, lorsque l'invocation des faits ou la production de moyens de preuve nouveaux dépendent de la seule volonté d'une partie, ils ne peuvent être considérés comme des vrais nova (sur ces "nova potestatifs" cf. ATF 146 III 416 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_76/2019 du 15 juillet 2020 consid. 8.1.2).

2.1.2 Une exception de droit matériel, telle l'exception [recte objection] de compensation, ne peut être prise en considération pour la première fois en appel que si les allégués et offres de preuves sur lesquels elle repose sont admissibles au regard du droit des nova (arrêt du Tribunal fédéral 4A_432/2013 du 14 janvier 2014 consid. 2.2). Ainsi, lorsqu'une partie des faits fondant l'objection de compensation - en l'occurrence, l'exigibilité de la créance compensante - n'intervient qu'après le jugement de première instance, il s'agit de vrais nova, qui ne pouvaient pas être invoqués en première instance. Cela étant, lorsque la partie qui invoque la compensation est seule à décider du moment de l'exigibilité de la créance, il peut être attendu d'elle, en faisant preuve de la diligence requise, qu'elle invoque l'objection de compensation en première instance. Sinon, elle viole la maxime éventuelle. Cela signifie qu'elle doit choisir de l'invoquer ou d'y renoncer, mais qu'elle ne peut pas retarder le moment où elle s'en prévaut pour des raisons tactiques, car cela contreviendrait à la maxime éventuelle et à l'obligation de se comporter de bonne foi en procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_432/2013 du 14 janvier 2014 consid. 2.2).

En outre, bien que la compensation puisse être retenue d'office si les faits pertinents sont établis, elle suppose cependant une déclaration soumise à réception ; il faut que le débiteur fasse connaître au créancier son intention de l'invoquer; cette déclaration doit faire apparaître clairement et de manière non équivoque la volonté de son auteur. Cette déclaration, si elle n'a pas été signifiée par le défendeur avant le procès, peut être opérée par une affirmation en procédure, pour autant toutefois qu'elle intervienne à un stade permettant encore d'invoquer des faits nouveaux. En appel, cette possibilité existe uniquement aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2020 du 10 février 2021 consid. 4.2.1).

2.1.3 Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile (ATF 132 I 249 consid. 5; 128 III 201 consid. 1c; 123 III 220 consid. 4d). Le principe de la bonne foi est codifié pour la procédure civile à l'art. 52 CPC. Il s'adresse à tous les participants au procès, parties et juge. Il leur impose d'agir de bonne foi et, partant, de ne pas commettre d'abus de droit (ATF 132 I 249 consid. 5).

Lorsqu'une partie adopte une certaine position en procédure, elle ne peut notamment pas soutenir ensuite la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit et qui n'est, partant, pas protégé par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_276/2021 du 9 septembre 2021 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, en première instance, l'appelant a invoqué, en compensation des prétentions de l'intimée, une créance que F______ SA prétendait détenir à l'encontre de l'intimée pour un montant de quelque 114'000 fr.

Le Tribunal a retenu que l'identité des débiteurs et créanciers respectifs, condition préalable à la compensation, faisait défaut, dès lors que l'appelant n'était pas titulaire de la créance compensante. Cette créance appartenait à F______ SA, personne morale distincte de l'appelant, et n'était par ailleurs pas suffisamment démontrée. Par conséquent, le Tribunal a rejeté l'objection de compensation.

L'appelant se prévaut d'un fait nouveau en appel, à savoir la cession en sa faveur de la créance susmentionnée intervenue entre le prononcé du jugement entrepris et l'introduction de l'appel. L'appelant déclare ainsi compenser cette créance nouvellement acquise avec les prétentions de l'intimée.

La cession de créance a été conclue après le prononcé de première instance et présente donc a priori les caractéristiques d'un fait qui ne pouvait être invoqué devant le premier juge.

Cependant, il faut déterminer à quelle catégorie de novum ce fait appartient et dans quelle mesure il peut être pris en compte en appel.

L'appelant a, en première instance, invoqué la compensation alors qu'il n'était pas titulaire de la créance invoquée. Il a tenté, comme l'a souligné le Tribunal, de bénéficier d'une "sorte de théorie de la transparence à l'envers" en identifiant les intérêts de la personne morale à ses intérêts de personne physique. Pour ce faire, il a, à plusieurs reprises, souligné qu'il exerçait un contrôle sur dite personne morale, car il en était le fondateur, l'actionnaire à 100% et l'administrateur. Certes, l'intimée a contesté le fait qu'il était actionnaire unique dans ses déterminations de première instance sur les allégués de l'appelant, de sorte que le Tribunal n'a pas tenu ce fait pour établi. Il n'en demeure pas moins que l'appelant s'est prévalu expressément de sa "domination économique" et de son contrôle sur cette personne morale.

Désormais, l'appelant prétend ne pas avoir pu obtenir la cession de créance antérieurement en raison des obligations qui lui incombaient en vertu du droit des sociétés, soit notamment de ne pas confondre son patrimoine et celui de la personne morale. Celle-ci avait dû "soupeser" les intérêts en présence avant de donner son accord à la cession, raison pour laquelle elle n'était intervenue qu'à ce stade.

Même si la composition de l'actionnariat de F______ SA n'a pas été établie par pièces, il n'en demeure pas moins que l'attitude de l'appelant s'avère contradictoire et, partant, abusive. Il ne pouvait ainsi pas, en première instance, brandir les pouvoirs hégémoniques qu'il exerce sur cette société pour tenter d'éteindre une dette personnelle grâce à une créance compensante de la société, pour ensuite, en appel, minimiser ces mêmes pouvoirs et invoquer désormais la nécessité de distinguer les patrimoines des deux entités distinctes qu'il forme avec cette société. L'invocation de ses devoirs envers la société apparaît d'autant plus un prétexte qu'il s'était déjà matériellement approprié la créance en question, en la faisant valoir comme une créance propre. Ceci implique qu'à cette époque déjà un transfert de valeur avait eu lieu entre les deux patrimoines, au moins dans l'optique de l'appelant et bien que non formalisé par une cession revêtant la forme écrite.

Le fait que le contrat de cession soit signé précisément durant le délai d'appel contre le jugement entrepris est une coïncidence qui ne peut être ignorée et renforce, tout à la fois, l'impression d'emprise exercée par l'appelant sur cette entreprise et l'apparence abusive de la démarche.

Que la cession de créance ait été formellement signée par le second administrateur de la société est sans réelle importance, au vu du contrôle exercé par l'appelant sur la société représentée : l'appelant était en mesure de donner les instructions nécessaires à cet administrateur dès avant la procédure d'appel, voire de signer lui-même l'acte de cession.

Il s'ensuit que la cession de la créance apparaît comme un novum potestatif, en ce que cette cession de créance n'est pas intervenue en première instance, mais qu'elle aurait pu l'être, car cette issue dépendait de la seule volonté de l'appelant.

Subsidiairement, ce fait nouveau présente aussi les caractéristiques d'un pseudo-novum présenté en appel uniquement parce que le Tribunal a rejeté l'argumentation principale de l'appelant. L'appelant ne peut donc revoir sa présentation des faits et réorienter son argumentation en réaction au jugement entrepris. L'invocation de ce fait consacre ainsi une violation de la maxime éventuelle.

Il s'ensuit que la cession de créance ne peut pas être prise en compte en appel au titre d'un fait nouveau recevable.

2.3 A titre superfétatoire, il sera relevé que, même à tenir la cession de créance pour un fait nouveau recevable, un autre fait nouveau et préalable à l'application de l'objection de compensation ne pourrait pas être pris en compte.

En effet, l'appelant a objecté en compensation en première instance une créance dont il n'était pas titulaire et qui appartenait à la société F______ SA. En appel, sa déclaration de compensation porte désormais sur une créance dont il dit être le titulaire. Sa déclaration de compensation de première instance - qui n'avait aucun fondement faute de titularité sur la créance compensante - ne peut donc pas être transposée à la créance cédée et prise en compte en deuxième instance. Preuve en est qu'il a expressément adressé une nouvelle déclaration de compensation le 4 novembre 2022 à sa contrepartie.

L'appelant est ainsi forclos à déclarer compenser cette nouvelle créance en appel seulement.

Par conséquent, la déclaration de compensation pour la créance dont il déclare être titulaire depuis le prononcé de première instance est elle aussi un fait nouveau irrecevable.

3. Au vu de ce qui précède, l'argumentation au fond de l'appelant doit être rejetée, dès lors que les faits retenus par le premier juge ne sont pas modifiés et que l'intégralité des griefs d'appel reposent sur cette prémisse.

Le raisonnement de première instance n'est, plus particulièrement, pas critiqué sur l'aspect relatif au défaut de titularité de la créance invoquée en compensation par l'appelant, de sorte qu'il ne sera pas entré en matière sur cette question.

Il s'ensuit que le jugement de première instance sera confirmé.

4. 4.1 L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires d'appel, qui comprennent les frais de la décision sur les sûretés requises en garantie des dépens (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 9'400 fr. (art. 95, 96 et 104 al. 1 CPC; art. 5, 17, 21 et 35 RTFMC) et compensés à hauteur de ce montant par les avances de frais versées par les parties (art. 111 al. 1 CPC), lesquelles restent acquises à l'Etat de Genève.

L'appelant sera donc condamné à verser 400 fr. à l'intimée à titre de remboursement de son avance de frais.

4.2 Les dépens d'appel, arrêtés à 6'000 fr., débours compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 LaCC), seront également mis à la charge de l'appelant (art. 106 al. 1 CPC), étant précisé que la TVA n'a pas été incluse compte tenu du domicile de l'intimée à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à libérer en faveur de l'intimée le montant de 6'000 fr. versé par l'appelant à titre de sûretés.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 novembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/11589/2022 rendu le 4 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2295/2019.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec les avances fournies par les parties, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 400 fr. à B______ à titre de remboursement de son avance de frais.

Condamne A______ à verser 6'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à libérer à concurrence de 6'000 fr. en faveur de B______ les sûretés en garantie des dépens fournies par A______.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.