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Décisions | Chambre civile

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C/18000/2023

ACJC/1134/2023 du 06.09.2023 ( IUS ) , ADMIS

Normes : LCD.3.al1.leta; LCD.4.al1.leta; CPC.265
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18000/2023 ACJC/1134/2023

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 6 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

1) A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA, sise ______[BS],

et

2) A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SA, sise ______[SG], requérantes, comparant toutes deux par Me Raphaël DESSEMONTET, avocat, avenue de Rumine 25, case postale 5871, 1005 Lausanne, en l'Étude duquel elles font élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______[GE], citée.

 


Attendu, EN FAIT, que, par acte expédié à la Cour de justice le 4 septembre 2023, A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA et A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SA ont formé à l'encontre de B______ SA une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles;

Que, sur mesures superprovisionnelles, elles ont conclu à ce que la Cour, statuant sans audition des parties, interdise à B______ SA avec effet immédiat, directement par ses employés ou organes et représentants de fait ou de droit, ainsi qu'indirectement par tout mandataire ou partenaire de quelque nature que ce soit, de contacter ou d'effectuer toute démarche de quelque nature que ce soit auprès de leurs clients, notamment des démarches tendant à les inciter à modifier de quelque manière que ce soit leurs relations commerciales ou contractuelles avec elles, sous menace de la peine prévue par l'art. 292 CP;

Qu'elles ont pris des conclusions identiques sur mesures provisionnelles;

Qu'il ressort du dossier que les requérantes sont actives dans le domaine des assurances, notamment sur la vie;

Qu'elles ont signé avec la citée, le 20 mai 2019, un contrat par lequel cette dernière était chargée de conclure des assurances pour son compte;

Que, selon l'art. 3 de ce contrat, la citée avait interdiction de détourner la clientèle des requérantes et notamment d'utiliser pour son compte les répertoires de clients et données d'acquisition;

Qu'était en particulier interdite la prise de contact tant orale qu'écrite avec des clients, par exemple par une lettre de départ dans le contexte de la fin du contrat (art. 3.2);

Que les requérantes ont résilié le contrat les liant à la citée avec effet au 31 juillet 2023;

Qu'elles allèguent que, dès la fin de la relation contractuelle, la citée a contacté ses clients pour les inciter à rompre leurs contrats avec elles et à conclure, en lieu et place, des contrats avec une autre assurance;

Qu'ainsi, depuis le 30 juin 2023, 43 assurés avaient demandé la résiliation de leur contrat ou cessé de payer leurs primes, ce qui représentait un chiffre d'affaire annuel de 108'000 fr.;

Que, selon les requérantes, certains assurés ont expliqué avoir été contactés par la citée qui leur avait affirmé que les requérantes leur avaient menti sur les rendements des produits vie et donné de fausses informations, leur proposant de signer de nouveaux contrats auprès d'une autre société;

Que B______ SA avait de plus rédigé une lettre de résiliation que les assurés étaient priés de faire suivre aux requérantes;

Qu'elles font valoir qu'il y a urgence à prononcer les interdictions qu'elles requièrent car, dans le cas contraire, leur préjudice s'aggravera, étant précisé que, au-delà de la valeur litigieuse des primes, le comportement de la citée leur causait un préjudice en termes d'image;

Considérant, EN DROIT, que la Cour de céans est compétente à raison du lieu
(art. 36 CPC), de la matière (art. 5 al. 1 lit. d et al. 2 CPC; art. 120 al. 1 lit. a LOJ) et de la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 lit. d CPC) pour connaître des conclusions formulées à titre superprovisionnel par la requérante;

Que le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre les parties (art. 265 al. 1 CPC);

Qu'il incombe à la partie requérante de rendre vraisemblables les faits qu'elle allègue, ainsi que le bien-fondé, sous l'angle d'un examen sommaire, de la prétention qu'elle invoque (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n° 1773 à 1776 et 1779);

Que le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, op. cit., n° 1780);

Que la mesure ordonnée doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge (a) de l'interdire si elle est imminente ou (b) de la faire cesser si elle dure encore (art. 9 al. 1 LCD);

Que, selon l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale trompeuse ou contrevenant de toute autre manière aux règles de la bonne foi et ayant une influence sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients;

Qu'agit notamment de façon déloyale celui qui dénigre autrui, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses et inutilement blessantes (art. 3 al. 1 let. a LCD) ou incite un client à rompre un contrat en vue d'un conclure un avec lui (art. 4 al. 1 let. a LCD);

Qu'en l'espèce, les pièces 9, 10, 14 et 15 req. rendent vraisemblable que la citée, après la résiliation de son contrat, a contacté plusieurs clients des requérantes pour les convaincre de résilier leur contrat avec celles-ci et d'en conclure un autre avec une société tierce;

Qu'il ressort desdites pièces que la citée a vraisemblablement formulé un certain nombre d'allégations inexactes et dénigrantes à l'encontre des requérantes, afin de convaincre les clients de résilier leurs contrats;

Qu'en particulier elle semble avoir affirmé à certains clients que les requérantes leur avaient menti sur le rendement des assurances vie et fourni de fausses informations, leur proposant de signer de nouveaux contrats et offrant le remboursement des primes déjà payées (clients D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______);

Qu'il résulte en outre de la pièce 16 req. que la citée a envoyé à un client des requérantes un modèle de courriel de résiliation de contrat, reprochant à celles-ci de lui avoir fourni de mauvais conseils et les menaçant de les dénoncer auprès de C______ et de rendre l'affaire publique si sa police d'assurance n'était pas annulée;

Qu'il est ainsi rendu vraisemblable que la citée utilise des procédés contrevenant à la LCD pour détourner à son profit la clientèle des requérantes;

Que ses agissements sont en outre vraisemblablement contraires aux obligations prévues par l'art. 3 du contrat qu'elle a signé avec les requérantes;

Qu'il y a urgence à statuer dans la mesure où il est vraisemblable que lesdits agissements causent un dommage aux requérantes, lequel est susceptible d'augmenter avec le temps;

Que la requête de mesures superprovisionnelles doit dès lors être admise;

Que la suite de la procédure sera réservée;

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Fait interdiction à B______ SA, avec effet immédiat, directement par ses employés ou organes et représentants de fait ou de droit, ainsi qu'indirectement par tout mandataire ou partenaire de quelque nature que ce soit, de contacter ou d'effectuer toute démarche de quelque nature que ce soit auprès des clients de A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA et de A______ COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SA, notamment des démarches tendant à les inciter à modifier de quelque manière que ce soit leurs relations commerciales ou contractuelles avec elles.

Prononce l'injonction précitée sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 du Code pénal, lequel prévoit ce qui suit : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité (…) compétente, sera puni d'une amende".

Dit que les présentes mesures superprovisionnelles déploieront leur effet jusqu'à droit jugé sur la requête de mesures provisionnelles.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Messieurs Laurent RIEBEN et Patrick CHENAUX, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).