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Décisions | Chambre civile

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C/4841/2014

ACJC/1013/2023 du 19.07.2023 sur JTPI/13943/2022 ( OO ) , MODIFIE

Descripteurs : DÉPENS
Normes : CPC.107.al1.letf; CPC.106.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4841/2014 ACJC/1013/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 19 JUILLET 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 novembre 2022, comparant par Me Daniel MEYER, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Serge ROUVINET, avocat, Rouvinet Avocats, rue De-Candolle 6, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. La société C______ SA (ou ci-après : la société) a été constituée le ______ 2010 et inscrite au Registre du commerce de Genève dans le courant du mois de ______ 2010. Son capital-actions était alors composé de 100 actions de 1'000 fr. au porteur.

b. Selon la convention d'actionnaires de la société signée le ______ 2010 , A______ et B______ en était actionnaire à raison de 50% chacun.

c. Par requête de conciliation du 12 mars 2012, A______ a agi en revendication contre B______, sollicitant qu'il soit constaté qu'il était lui-même propriétaire à hauteur de 50% du capital-actions de la société C______ SA, soit de 50 actions au porteur de 1'000 fr. chacune, et à ce qu'il soit ordonné à B______ de lui restituer lesdites actions.

Il a assorti son action d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à ce qu'il soit fait interdiction à ce dernier d'aliéner et/ou grever toute action au porteur de la société, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, et à ce qu'il soit ordonné au Préposé du Registre du commerce d'inscrire cette interdiction audit registre.

d. Par ordonnance rendue le 24 mars 2014 sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a fait interdiction à B______ d'aliéner et/ou grever toute action au porteur de la société C______ SA, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, et réservé le sort des frais de la procédure.

e. Dans ses déterminations sur mesures provisionnelles du 28 avril 2014, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

f. Lors de l'audience tenue le 12 mai 2014 par le Tribunal, B______ a acquiescé aux mesures provisionnelles requises par A______, hormis au prononcé de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Il a également conclu à la compensation des dépens, ce à quoi ce dernier s'est opposé

g. Par ordonnance OTPI/782/2014 rendue le 27 mai 2014 sur mesures provisionnelles, le Tribunal a donné acte à B______ de ce qu'il acceptait qu'interdiction lui soit faite d'aliéner et/ou grever toute action au porteur de la société C______ SA et a réservé le sort des dépens.

h. Après avoir obtenu l'autorisation de procéder le 26 mai 2014, A______ a, par acte du 14 juillet 2014, agi en revendication contre B______ reprenant ses conclusions au fond précitées.

i. En parallèle à cette procédure, le Ministère public a, à la suite d'une plainte pénale déposée le 24 février 2014 par B______ à l'encontre de A______, ordonné, le 27 juin 2014, la perquisition des locaux de la société et le séquestre de tout objet utile.

Le séquestre a dûment été exécuté le 9 juillet 2014.

j. Dans sa réponse à l'action en revendication du 21 novembre 2014, B______ a conclu à l'irrecevabilité de l'action, subsidiairement au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Il a déclaré que les actions avaient été saisies par la police lors du séquestre précité et a contesté l'intérêt pour agir de ce dernier au vu du séquestre pénal des actions de la société. Il a également exposé que, lors de la constitution de la société, il avait été convenu que A______ lui rembourse les apports en nature qu'il avait effectué en faveur de la société et qu'il se voit remettre le nombre correspondant d'actions - jusqu'à un maximum de 50 - au fur et à mesure des remboursements; dans la mesure où aucun remboursement n'avait eu lieu et où A______ n'avait pas respecté ses engagements de remboursement d'apports, il était lui-même resté le détenteur de toutes les actions au porteur jusqu'au séquestre pénal.

k. Par ordonnance ORTPI/105/2015 du 17 février 2015, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale précitée.

l. Après avoir interpellé les parties et ordonné la reprise de la procédure par décision ORTPI/904/2022 du 8 août 2022, le Tribunal a tenu une audience le 19 septembre 2022, lors de laquelle A______ a persisté dans ses conclusions, sollicitant que sa qualité d'actionnaire à 50% de la société soit reconnue et qu'il puisse se voir remettre lesdites actions. Le conseil de B______ a déclaré que les actions n'avaient jamais été émises et que l'enveloppe saisie par la police ne contenait qu'un bloc d'actions non émises; il a sollicité la tenue d'une comparution personnelle des parties afin que son mandant puisse se déterminer sur la question de la qualité d'actionnaire.

m. Lors de l'audience tenue le 3 novembre 2022, B______ a confirmé que les actions n'avaient jamais été émises. S'agissant de la qualité d'actionnaire de A______ de la société, il a rappelé qu'elle résultait de l'acte de constitution de la société (sic) et a confirmé que ce dernier était bien actionnaire à 50% de la société.

A______ a alors retiré son action en revendication.

Les parties ont demandé au Tribunal de statuer sur les frais de la procédure.

A l'issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur les dépens.

B. Par jugement non motivé JTPI/13943/2022 du 23 novembre 2022, notifié à A______ le lendemain, le Tribunal a pris acte du retrait de l'action en revendication du 14 juillet 2014 de A______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'200 fr., compensés avec l'avance effectuée par A______ et mis à la charge de ce dernier, ordonnant aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de lui restituer le solde de son avance, soit 3'000 fr. (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ le montant de 1'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et rayé la cause du rôle (ch. 4).

C. a. Par acte expédié le 22 décembre 2022, A______ a recouru contre ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 3 de son dispositif.

Cela fait, il a conclu à ce qu'il soit dit que chaque partie supporte ses propres dépens de première instance et à ce que B______ soit condamné en tous les frais judiciaires et dépens du recours.

b. Dans sa réponse du 14 mars 2023, B______ a conclu au rejet de l'appel (sic), avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 14 avril et duplique du 16 mai 2023, les parties ont persisté dans leurs explications et conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 19 mai 2023.

EN DROIT

1. 1.1 La décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC).

Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC).

En cas de recours stricto sensu séparé sur le seul sort des frais réglé dans une décision finale, incidente ou provisionnelle, le délai de recours est en principe de 30 jours (art. 321 al. 1 CPC).

Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite, le recours est recevable en l'espèce.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC).

2. Le recourant conteste tant le principe que la quotité de l'allocation de dépens en faveur de l'intimé.

Il reproche au premier juge d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation. Il considère avoir obtenu gain de cause, à tout le moins de façon prépondérante, aussi bien sur mesures superprovisionnelles, provisionnelles que sur le fond. C'était après avoir, sur le fond, obtenu gain de cause sur la question de la reconnaissance de sa qualité d'actionnaire qu'il avait retiré son action en revendication. Par ailleurs, au vu de la position adoptée par la partie adverse et du fait qu'elle était à l'origine de la procédure, il aurait été juste et équitable de compenser les dépens.

L'intimé soutient, pour sa part, que le Tribunal a, à raison, appliqué l'art. 106 al. 1 CPC auquel aucune dérogation ne s'appliquait en l'occurrence. Il relève également que le recourant n'avait pas conclu à la compensation des dépens lors de la dernière audience de première instance.

2.1 Les frais judiciaires et les dépens sont répartis entre les parties en application des art. 106 ss CPC, la règle étant qu'ils sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).

L'art. 106 al. 1 CPC pose le principe selon lequel les frais de justice sont mis à la charge de la partie qui succombe. En cas de non-entrée en matière et de retrait de la demande, la partie demanderesse est considérée comme perdante, en cas d'acceptation de la demande, la partie défenderesse. Les exceptions à ce principe sont régies par la norme de l'art. 107 CPC et qui est expressément une disposition potestative, ce qui ouvre au juge du fond une large marge d'appréciation (ATF 139 III 358 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_280/2015 du 20 octobre 2015 consid. 7.2).

Lorsqu’une procédure devient sans objet ensuite d’un désistement d'action, il n'est pas exclu d'appliquer la clause générale de l'art. 107 al. 1 let. f CPC (jugement cantonal fribourgeois 101 2012-22 du 27 avril 2012 consid. 2.b). 

La loi accorde au tribunal une marge de manœuvre pour recourir à des considérations d'équité. A titre d'exemple de telles circonstances particulières sont mentionnés un rapport de forces financières très inégal entre les parties ou le comportement de la partie qui obtient gain de cause, qui soit a donné lieu à l'introduction de l'action, soit a occasionné des frais de procédure supplémentaires injustifiés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_535/2015 du 1 juin 2016 consid. 6.4.1 et les réf. cit.).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce que fait valoir le recourant, celui-ci n'a pas retiré son action en raison de la reconnaissance de sa qualité d'actionnaire lors de la dernière audience tenue par le Tribunal. En effet, ladite qualité était établie d'emblée par la convention d'actionnaire et elle n'a jamais été contestée par l'intimé, celui-ci s'étant opposé, en revanche, à la remise des actions. Le motif du désistement d'action réside ainsi plutôt dans le fait que l'intimé a déclaré, lors de cette dernière audience, que les actions de la société n'avaient pas été émises, ce qui rendait sans objet l'action en revendication mobilière du recourant. Or l'intimé n'était pas sans savoir cette information en 2014, puisqu'il avait été en possession des actions jusqu'au séquestre pénal, et il aurait été attendu de lui qu'il en fasse la déclaration en 2014 déjà, afin d'éviter des frais de procédure inutiles.

A cela s'ajoute que l'intimé a conclu à la compensation des dépens des mesures provisionnelles ordonnées et auxquelles il avait consenti.

Par conséquent, les circonstances particulières du cas d'espèce justifiaient de s'écarter de la répartition des dépens prévue par l'art. 106 al. 1 CPC et de procéder à la compensation des dépens de première instance en application de
l'art. 107 al. 1 let. f CPC.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera ainsi annulé et il sera dit que chaque partie supportera ses propres dépens de première instance.

3. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 800 fr. (art. 17 et 38 RTFMC), intégralement couverts par l'avances de frais de 800 fr. opérée par le recourant, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ils seront mis à la charge de l'intimé qui succombe au vu de ses conclusions
(art. 106 al. 1 CPC).

Ce dernier sera, en conséquence, condamné à verser au recourant la somme de 800 fr. à titre de remboursement des frais du recours.

Pour des motifs d'équité, chaque partie supportera ses propres dépens de recours (art. 107 al. 1 let. f CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2022 par A______ contre le chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/13943/2022 rendu le 23 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4841/2014-22.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point :

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 800 fr. à titre de remboursement des frais de recours.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sophie MARTINEZ

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.