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Décisions | Chambre civile

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C/17054/2022

ACJC/954/2023 du 10.07.2023 sur DTPI/3210/2023 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17054/2022 ACJC/954/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 10 JUILLET 2023

 

Pour

A______ SA, sise ______, recourante contre une décision rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 21 mars 2023, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par acte déposé le 16 janvier 2023 devant le Tribunal de première instance, A______ SA, agissant en personne, a assigné en paiement B______ et C______ et conclu à leur condamnation à lui verser une somme de 381'373 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 mars 2021.

b. Par décision du 18 janvier 2023, le Tribunal a imparti à la demanderesse un délai au 17 février 2023 pour fournir une avance de frais de 24'000 fr., au vu de la valeur litigieuse.

c. Par décision du 31 janvier 2023, le vice-président du Tribunal a rejeté la requête d'octroi d'assistance judiciaire, celle-ci n'étant pas octroyée à des sociétés de capitaux.

d. Par décision DTPI/3210/2023 du 21 mars 2023, le Tribunal a, suite à requête de la demanderesse de sursis à la fixation d'une avance de frais, revu sa décision antérieure et fixé nouvellement l'avance de frais à la somme de 12'000 fr.

B. a. Par acte expédié à l'adresse de la Cour de justice le 11 avril 2023, A______ SA a formé recours contre cette décision. Elle a conclu à son annulation et, cela fait, à ce qu'il soit renoncé à l'avance requise, subsidiairement à ce qu'un nouveau délai de paiement lui soit octroyé pour la payer.

En substance, elle soutient que, si sa situation est saine et qu'elle ne fait pas l'objet de poursuites selon extrait du casier des poursuites du 11 novembre 2022, elle se trouve en manque de liquidités, notamment du fait de la créance importante réclamée en procédure, son compte bancaire auprès de D______ laissant apparaître un solde de 2'706 fr. au 27 janvier 2023. Par ailleurs, son actionnaire unique est lui-même dans une situation financière précaire, ses impôts étant impayés, un accord de paiements échelonnés ayant été négocié pour plusieurs créances en poursuites avec l'Office des poursuites le concernant. Elle expose en outre ne pas pouvoir réunir la somme requise, une demande de ligne de crédit auprès de sa banque lui ayant été refusée par missive de D______ du 13 décembre 2022, produite à l'appui de son recours.

Elle souhaite voir appliquée à sa cause la disposition de l'art. 112 CPC.

b. Par décision (ES/1______/2023) du 17 avril 2023, l'effet suspensif a été attribué au recours par la présidente ad interim de la Chambre civile de la Cour.

c. Invité à se déterminer sur le recours, le Tribunal a renvoyé à sa décision.

d. La recourante a été informée que la cause avait été gardée de ce que la cause était gardée à juger le 30 mai 2023.

EN DROIT

1. Les décisions relatives aux avances de frais peuvent faire l'objet d'un recours (art. 103 CPC).

Le recours a été interjeté dans les formes et le délai prescrits (art. 321 al. 1 et 2 CPC). Il est recevable.

2. La recourante conteste la décision de lui demander une avance de frais faisant valoir qu'elle ne dispose pas des liquidités nécessaires pour s'en acquitter, du fait notamment de la créance ouverte dont elle souhaite réclamer le paiement dans la procédure intentée. Elle soutient en outre que son actionnaire unique se trouve lui-même dans une situation d'absence de liquidité. Par ailleurs un crédit bancaire sollicité lui a été refusé. Elle fait valoir la disposition de l'art. 112 CPC pour être dispensée du paiement d'une avance de frais de ce fait.

2.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés. Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévus par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010
(RTFMC - E 1 05.10).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

L'art. 17 RTFMC prévoit un émolument forfaitaire de décision de 5'000 fr. à 30'000 fr. pour une demande en paiement dont la valeur litigieuse porte sur un montant entre 100'001 fr. et 1'000'000 fr.

Selon l'art. 112 al.1 CPC, le tribunal peut accorder un sursis ou, lorsque la partie est durablement dépourvue de moyens, renoncer aux créances en frais judiciaires.

2.2 En l'espèce, le Tribunal a fait le choix de requérir une avance de frais. Conformément à la jurisprudence, l'avance de frais est le principe, sa renonciation, l'exception. En ce sens sa décision n'est à première vue pas critiquable.

La recourante fait par ailleurs erreur lorsqu'elle prétend que sur la base de l'art. 112 CPC le Tribunal, respectivement la Cour, pourrait surseoir au prélèvement d'un émolument. Cette disposition, qui ne trouve application que lorsqu'en fin de procédure les frais ont été arrêtés, ne s'applique pas au stade de l'avance de frais (KGer/BL 430 14 8).

Cela étant, l'avance de frais ne doit pas être une entrave à l'accès à la justice. Le législateur d’ailleurs, dans le but d'une meilleure prise en compte de la possibilité d'accéder à la justice, vient de modifier précisément l'art. 98 CPC afin de donner la possibilité au tribunal de percevoir uniquement à titre d'avance de frais la moitié des frais présumés de la procédure (art. 98 al.1 novelle du 17 mars 2023 (FF 2023 786)). Ces nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2024. Elles visent particulièrement, en application du principe de la "Laienfreundlichkeit", à faciliter l'accès à la justice des parties en personne, comme c'est le cas dans la présente cause.

Indépendamment de la question, qui peut rester indécise, de savoir si l'on peut déjà s’inspirer de cette disposition dont l'entrée en vigueur est proche et certaine, le droit en vigueur permet de parvenir à une autre solution, plus équitable, que celle retenue par le Tribunal. En effet, la disposition de l'art. 98 CPC est une "Kannvorschrift", dans le sens où elle offre la faculté au Tribunal de prélever une avance de frais ou d'y renoncer. Certes, comme on l'a dit, le principe est le versement d'une avance. Certes également, l'avance de frais fixée par le Tribunal se trouve dans la fourchette prévue par le règlement. Cela étant, les circonstances d'espèce évoquées ci-dessus, outre le fait que la recourante agit en personne, justifient que l'on réduise l'avance requise proche du minimum réglementaire, étant précisé que si la procédure devait le nécessiter, des avances complémentaires, sans préjudice des frais fixés à l'issue de la procédure, pourraient être requises par le Tribunal.

Dès lors, l'avance de frais sera fixée à un montant de 6'000 fr. et un délai de 30 jours dès la communication du présent arrêt sera imparti à la recourante pour verser cette avance.

3. Les frais judicaires de recours, arrêtés à 400 fr., seront au vu de l'issue du litige, partiellement mis à la charge de la recourante qui succombe sur le principe, à hauteur de 200 fr., et partiellement laissés à la charge de l'Etat pour le solde. Le montant à la charge de la recourante sera compensé à due concurrence avec l'avance versée par elle, le solde de l'avance lui étant restitué.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA contre la décision DTPI/3210/2023 rendue le 21 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17054/2022.

Au fond :

Fixe l’avance de frais à charge de A______ SA à 6'000 fr.

Impartit à A______ SA un délai de 30 jours dès réception du présent arrêt pour s’acquitter de ce montant, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Déboute A______ SA de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ SA par moitié et dit qu’ils sont compensés à due concurrence avec l’avance de frais fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève à cette hauteur.

Laisse le solde des frais à la charge de l’Etat.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA de la somme de 200 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.