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Décisions | Chambre civile

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C/27197/2017

ACJC/838/2023 du 20.06.2023 sur JTPI/4487/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.181.al4; CO.678.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27197/2017 ACJC/838/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 20 JUIN 2023

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 avril 2022, comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, LALIVE SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Christian GIROD, avocat, SCHELLENBERG WITTMER SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4487/2022 du 7 avril 2022, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur demandes principale et reconventionnelle, a condamné A______ SA à verser à B______ les sommes de 182'347 fr. 25, avec intérêts à 5% dès le 1er août 2016, 27'972 fr. 75, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2016, 142'804 fr. 80, avec intérêts à 5% dès le 1er février 2017, 22'573 fr. 95, avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2017, 95'351 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er août 2017, 6'522 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2017, et 41'871 fr. 90, avec intérêts à 5% dès le 1er février 2018 (chiffre 1 du dispositif), prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées par A______ SA aux commandements de payer, poursuites n° 1______, à concurrence de 51'517 fr. 65, n° 2______, n° 3______, à concurrence de 256'458 fr. 60, n° 4______, n° 5______, à concurrence de 17'419 fr. 30, n° 6______, à concurrence de 34'731 fr. 15, n° 7______, à concurrence de 60'620 fr. 40, et n° 8______, à concurrence de 6'522 fr. (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 32'200 fr., compensés avec les avances de 31'200 fr. et 1'000 fr. fournies respectivement par B______ et A______ SA, condamné celle-ci à rembourser au précité 31'200 fr. (ch. 3), ainsi qu'à lui verser 28'590 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 23 mai 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ SA a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, elle a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions et à la condamnation de celui-ci à lui verser les sommes de 42'386 fr. 61, avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2015, 45'555 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 4 février 2016, 5'379 fr. 65, avec intérêts à 5% dès le 4 avril 2016, et 11'046 fr. 58, avec intérêts à 5% dès le 26 avril 2016, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances. Subsidiairement, elle a sollicité le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 11 octobre 2022 du greffe de la Cour, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. C______ et D______, actifs dans la gestion de fortune, ainsi que B______, juriste et docteur en droit, ont entretenu des relations d'amitié, puis d'affaires, pendant de nombreuses années.

b. La société anonyme genevoise E______ SA, constituée en 1991, était active dans la gestion de fortune et administrée par C______, son fondateur et unique actionnaire.

A partir de 1993, D______ et B______ en ont été également administrateurs, avec signature collective à deux.

c. La société anonyme genevoise F______ SA, constituée en 1960, était active dans le négoce de valeurs mobilières et administrée, depuis 1981, par D______, disposant de la signature individuelle. Par la suite, ce dernier en est également devenu l'unique actionnaire.

A partir de 2000, C______ en est également devenu administrateur, avec signature collective à deux.

d. En 1992, E______ SA, soit pour elle C______, d'une part, et B______, d'autre part, ont oralement conclu un contrat de collaboration de durée indéterminée (ci-après : le contrat de 1992).

Ce contrat prévoyait une rémunération en faveur de B______ pour chaque client qu'il apportait à E______ SA ("client direct"), soit 50% des commissions de gestion facturées et perçues par celle-ci desdits clients, ainsi que 90% des rétrocessions versées par les banques en lien avec la gestion des avoirs de ces clients (cette seconde rétribution a été réduite d'un commun accord à 50% dès 2011). Cette rémunération était payable trimestriellement, à l'expiration d'un délai d'un mois après chaque trimestre.

Ce contrat était résiliable en tout temps, moyennant un préavis de six mois pour la fin d'une année civile.

e. En 2003, E______ SA, soit pour elle C______, d'une part, et B______, d'autre part, ont oralement conclu un second contrat de collaboration de durée indéterminée (ci-après : le contrat de 2003).

Ce contrat prévoyait une rémunération en faveur de B______ pour chaque gérant de fortune indépendant qu'il mettait en relation avec E______ SA, pour gérer les avoirs de leurs propres clients en partenariat avec celle-ci ("client indirect"). Cette rémunération correspondait à 50% du solde des revenus générés par lesdits clients (commissions de gestion et rétrocessions perçues en lien avec la gestion de leurs avoirs), soit après déduction de la part, généralement de 50%, revenant aux tiers gérants sur lesdits revenus. Cette rémunération était payable trimestriellement, à l'expiration d'un délai d'un mois après chaque trimestre.

Ce contrat était résiliable en tout temps moyennant un préavis de six mois pour la fin d'une année civile.

f. En exécution des contrats de 1992 et 2003, E______ SA a versé à B______, entre 2006 et le premier trimestre 2015, une rémunération totalisant environ 3'689'000 fr., soit en moyenne 360'000 fr. par an.

Sur cette même période, le total des rémunérations et rétrocessions versées par E______ SA à ses divers partenaires et apporteurs d'affaires, dont B______, s'est élevé à environ 7'540'000 fr., soit en moyenne 735'600 fr. par an.

E______ SA comptabilisait les rémunérations susvisées dans ses comptes de pertes et profits annuels, sans distinction nominative des divers bénéficiaires.

g. En 2010, un contrat de collaboration a également été conclu, par écrit, entre E______ SA et G______, épouse de B______.

Entendue en qualité de témoin, G______ a déclaré que le contrat susvisé n'avait jamais été concrétisé. Elle avait apporté une seule cliente à E______ SA, mais celle-ci n'était pas restée. Son époux lui avait alors cédé une partie de ses propres prétentions en rétrocessions, qu'elle lui avait à son tour rétrocédée, compte tenu du présent litige, le 14 novembre 2017.

h. Par contrat de fusion du 15 septembre 2015, sur décision de leur actionnaire unique respectif, C______ et D______, E______ SA a été absorbée par F______ SA, qui est devenue A______ SA.

Ce contrat a été signé, pour le compte de E______ SA, par C______, D______ et B______, et, pour le compte de F______ SA, par D______, C______ et H______, troisième administrateur de celle-ci.

Ce contrat prévoyait que tous les actifs et passifs de E______ SA passaient à la société reprenante par succession universelle (art. 1), avec effet rétroactif au 1er avril 2015 (art. 7).

Selon l'art. 6 de ce contrat notamment aucun avantage particulier n'était accordé aux membres des conseils d'administration des sociétés, dans le cadre de la fusion. En revanche, "3'500 bons de jouissance, conférant un droit privilégié à une part du dividende et du produit de liquidation, [seraient] émis par [A______ SA] dans le cadre de la fusion pour être remis à [D______], afin de rémunérer la part non valorisée de [F______ SA] dans le rapport d’échange".

Cette fusion a été inscrite le ______ 2015 au Registre du commerce de Genève et A______ SA a repris tous les actifs et passifs de E______ SA pour un actif net de 1'984'459 fr., selon bilan du 15 mars 2015 de la précitée, simultanément radiée dudit registre.

i. D______ et C______ sont devenus chacun actionnaire à 50% et directeur de A______ SA, avec signature collective à deux.

B______, H______ et I______, ancien auditeur de E______ SA, en sont devenus les administrateurs, avec signature collective à deux.

j. B______ n'a perçu aucune rémunération pour son activité d'administrateur de A______ SA, respectivement de E______ SA, mais y bénéficiait gratuitement d'un bureau et des services de secrétariat, d'informatique et d'archivage.

La rémunération annuelle des deux autres administrateurs de A______ SA s'est élevée à 25'000 fr. chacun et celle de D______ et C______ à environ 292'500 fr. chacun.

k. A______ SA facturait à ses clients des frais administratifs, des droits de garde, des frais et commissions sur placement fiduciaire, des frais de transfert, des honoraires de gestion, ainsi que des honoraires de conseil.

l. Du 1er avril 2015 à fin mars 2016, A______ SA a régulièrement adressé à B______ les décomptes de ses rémunérations fondées sur les contrats de 1992 et 2003 et lui a versé, ainsi qu'à son épouse, les montants correspondants, totalisant 545'313 fr. 40, soit 346'014 fr. 65 pour le 2ème trimestre 2015, 23'780 fr. 95 pour le 3ème trimestre 2015, 148'080 fr. 90 pour le 4ème trimestre 2015 et 27'436 fr. 90 pour le 1er trimestre 2016.

Les décomptes et paiements susvisés, dûment comptabilisés dans les livres, ont été établis et ordonnés par A______ SA sous la signature de C______ et d'un tiers procurataire inscrit au Registre du commerce, disposant pareillement de la signature collective à deux.

m. A______ SA a bouclé son premier exercice annuel, commencé le 1er avril 2015 et clos le 31 mars 2016, avec un bénéfice net de 32'288 fr. au bilan révisé.

Il ressort de son compte de pertes et profits que le total des revenus provenant de ses clients ("produit des commissions sur les titres et les opérations de placement") s'élevait à 5'430'074 fr. et le total des rémunérations et rétrocessions versées à ses partenaires et apporteurs d'affaires ("charges de commissions") se montait à 2'317'209 fr. (dont 545'313 fr. 40 en faveur de B______). Il est admis que A______ SA rémunérait ses partenaires et apporteurs d'affaires à hauteur de 50%, voire 55 %, des revenus générés par leurs clients.

A______ SA a réalisé des pertes résultant des opérations relatives à la clientèle de 84'560 fr. entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2016.

n. Dès avril 2016, A______ SA, sur décision de D______, a cessé d'adresser à B______ les décomptes de ses rémunérations relatives aux contrats de 1992 et 2003 et de lui verser celles-ci, en dépit de plusieurs rappels.

o. Une séance du conseil d'administration de A______ SA s'est tenue le 29 septembre 2016.

Selon le procès-verbal de cette séance, D______ a expliqué les mauvais résultats de la société par l'augmentation des charges et le maintien du modèle d'affaires de F______ SA, soit le négoce de valeurs mobilières, qui engendrait des coûts plus importants que la gestion de fortune.

p. Par courrier du 20 décembre 2016, D______ a communiqué à B______ que A______ SA n'était pas liée par les contrats de 1992 et 2003. En tous les cas, ceux-ci étaient invalides et résolus, compte tenu du conflit d'intérêts qu'ils généraient et du dol, B______ n'ayant pas divulgué leur existence. Il devait donc rembourser à A______ SA une partie des rémunérations perçues depuis la fusion.

q. Le 20 février 2017, B______ a démissionné, avec effet immédiat, de sa fonction d'administrateur de A______ SA.

r. A______ SA a bouclé son deuxième exercice annuel, commencé le 1er avril 2016 et clos le 31 mars 2017, avec un bénéfice net de 35'404 fr.

Il ressort de son compte de pertes et profits que le total des revenus provenant de ses clients ("produit des commissions sur les titres et les opérations de placement") s'élevait à 4'642'189 fr. et le total des rémunérations et rétrocessions versées à ses partenaires et apporteurs d'affaires ("charges de commissions") à 1'869'926 fr., montant qui comprenait les rétrocessions réclamées par B______ pour cette période, mais non versées, soit 375'698 fr.

Les activités de A______ SA relatives à la gestion de fortune se sont révélées déficitaires entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017 (perte de 407'704 fr.).

Entendu en qualité de témoin, l'ancien auditeur interne de A______ SA a confirmé les chiffres susvisés.

s. A l'issue de cet exercice, la fusion n'ayant pas produit les bénéfices escomptés et ayant généré des tensions, D______ et C______ ont décidé de mettre un terme à leur collaboration.

C______ a vendu sa moitié du capital-actions de A______ SA à D______, puis a été radié du Registre du commerce le ______ 2017 de sa fonction de directeur de la société.

t. Par courrier du 29 mai 2017, A______ SA a notamment indiqué à B______ "que si par impossible un tribunal devait retenir que [les] contrats [de 1992 et 2003] [avaient] été transférés ou ratifiés, alors A______ déclar[ait] par la présente leur résolution pour dol avec effet ex tunc".

D. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, B______ a assigné A______ SA en paiement de, en dernier lieu, 650'097 fr. 75, soit trente-deux postes chiffrés, avec suite différenciée d'intérêts moratoires à 5%, correspondant aux rémunérations dues selon les contrats de 1992 et 2003 du 2ème trimestre 2016 au 1er trimestre 2020 inclus. Il a également conclu au prononcé de la mainlevée définitive, totale ou partielle, des oppositions formées par A______ SA aux dix-huit commandements de payer notifiés à celle-ci en recouvrement de tout ou partie des postes précités, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a fait valoir que les contrats de 1992 et 2003 avaient été valablement transférés à A______ SA lors de la fusion, de sorte que celle-ci devait les honorer et lui verser les rémunérations y afférentes.

b. Dans sa réponse, A______ SA a conclu au rejet de la demande et a formé une demande reconventionnelle, concluant à la condamnation de B______ à lui verser les sommes de 42'386 fr. 61, avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2015, 45'555 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 4 février 2016, 5'379 fr. 65, avec intérêts à 5% dès le 4 avril 2016, et 11'046 fr. 58, avec intérêts à 5% dès le 26 avril 2016, à titre de remboursement des rémunérations perçues indûment pendant l'exercice social 2015-2016, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a allégué ne pas être liée par les contrats de 1992 et 2003, ceux-ci ne lui ayant pas été transférés lors de la fusion, ni n'ayant été ratifiés subséquemment par son conseil d'administration. Les rétrocessions convenues dans ces contrats créaient des conflits d'intérêts, tant par leur nature que leur ampleur. Or, B______ avait été présenté à la FINMA comme un administrateur indépendant, de sorte qu'il lui incombait d'éviter tout conflit d'intérêts avec la société. Les contrats litigieux auraient dû être divulgués avant la fusion et figurer dans le contrat du 15 septembre 2015, conformément à l'art. 13 al. 1 let. h de la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus; RS 221.301). D______ n'avait appris l'existence de ceux-ci qu'en juillet 2016, de sorte qu'ils étaient invalidés pour dol. Les rétrocessions perçues indûment par B______ devaient être restituées, celles-ci étant disproportionnées au sens de l'art. 678 al. 2 CO. En effet, ce dernier ne gérait pas les fonds déposés par les quelques clients qu'il avait apportés. En plus, il disposait d'un bureau et des services du secrétariat, soit des prestations en nature pouvant être évaluées à 60'000 fr. par an, qui étaient fournies en contrepartie de sa fonction d'administrateur.

A______ SA a allégué que les montants impayés à B______ à titre de rémunération des contrats de 1992 et 2003 s'élevaient à 182'347 fr. 25 pour le 2ème trimestre 2016, 27'972 fr. pour le 3ème trimestre 2016, 142'804 fr. 80 pour le 4ème trimestre 2016, 22'573 fr. 95 pour le 1er trimestre 2017, 95'351 fr. 60 pour le 2ème trimestre 2017, 6'522 fr. pour le 3ème trimestre 2017 et 41'871 fr. 90 pour le 4ème trimestre 2017. Ces montant ont été admis par B______.

c. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle, B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a allégué que les contrats de 1992 et 2003 n'étaient pas soumis à ratification. Il n'avait pas dissimulé leur existence, de sorte qu'aucun dol ne pouvait être retenu. Le paiement des rétrocessions litigieuses n'était pas en disproportion avec ses propres prestations, dès lors qu'il était impliqué dans l'activité opérationnelle de E______ SA, puis de A______ SA, et qu'il avait pris part à toutes les décisions importantes. Il avait, en outre, activement participé aux discussions en vue de la fusion. A cet égard, il a produit deux mémoires des 25 septembre et 14 octobre 2016 (pièces n° 52 et 54) concernant ses "réflexions post-fusion", selon lesquelles cette fusion avait mal été préparée, notamment s'agissant du modèle d'affaires retenu et des coûts y afférents, qui avaient été élevés, le maintien d'une structure en négoce de valeurs mobilières étant "trop lourd" sur le plan financier.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions et argumentation.

e. Lors des audiences du Tribunal des 4 mars, 1er juillet et 30 septembre 2020, B______ a notamment déclaré que le contrat de 1992 avait pour but de développer sa propre clientèle de gestion de fortune par le biais de E______ SA. Il s'occupait de l'acquisition de cette clientèle, de son suivi de gestion et des "décisions ultimes", notamment concernant la restructuration d'un portefeuille ou la prise de position sur des titres et des actions. Le choix des collaborations avec les banques était également de son ressort. En 2003, il avait suggéré à C______ d'appliquer le modèle de leur collaboration à des tiers gérants indépendants, ce qui avait engendré une dizaine de collaborations, dont il avait la charge. En outre, il occupait une fonction, non officielle et non rémunérée, de juriste au sein de E______ SA; il traitait tous les aspects contractuels de celle-ci (contrats de travail, de bail, de mandat avec des avocats externes ou encore des litiges). Il s'occupait aussi de la communication de la société. Le décompte des rétrocessions litigieuses figurait dans une feuille Excel où étaient mentionnés les noms des comptes, les commissions de gestion encaissées par la société, ainsi que les rétrocessions versées par les banques, et la répartition entre la société et lui-même. Les séances du conseil d'administration de E______ SA avaient lieu une fois par année. Les états financiers étaient transmis en amont de celles-ci.

D______, représentant de A______ SA, a notamment admis que C______ lui avait rapporté que B______ percevait des rétrocessions pour les "clients directs", soit ceux qu'il avait amenés, et disposait d'un bureau au sein de E______ SA. En revanche, il n'avait pas connaissance du contrat de 2003, ni des rétrocessions y afférentes perçues sur les "clients indirects", qui s'étaient avérées trop élevées. Il ne pouvait d'ailleurs pas connaitre l'existence de cette rémunération sur la base des états financiers de E______ SA. En effet, lors des séances du conseil d'administration, ceux-ci étaient examinés dans leur ensemble et non de manière détaillée. Le rôle du conseil d'administration n'était pas d'examiner chaque poste du compte de pertes et profits.

Entendu en qualité de témoin, H______, ancien réviseur de F______ SA et ancien administrateur de A______ SA, a déclaré ne pas avoir participé à la fusion, ni aux négociations y relatives. Il n'avait pas été informé de l'existence des contrats de 1992 et 2003 et ceux-ci n'avaient pas été ratifiés par le conseil d'administration de A______ SA. Il n'avait jamais vu les ordres de paiement afférents aux rétrocessions litigieuses, ni les bilans de E______ SA.

f. Lors des audiences des 10 mars, 19 mai et 28 juin 2021, le Tribunal a entendu des témoins.

C______ a déclaré avoir demandé à B______ de collaborer avec lui, sur le long terme, au sein de E______ SA, afin de développer la clientèle. Ce dernier devait apporter des clients à la société, puis des gérants indépendants, et percevoir des rétrocessions sur les revenus versés à celle-ci. Pour ce faire, il avait un bureau et le secrétariat à disposition. B______ agissait également comme conseil juridique de la société et participait aux activités quotidiennes de celle-ci; lui-même le sollicitait pour toutes les décisions importantes, notamment par rapport à la gestion des clients. B______ s'occupait du suivi de la gestion de fortune de ses clients et était à l'origine des collaborations avec les banques. Par la suite, il s'occupait également de la relation avec les tiers gérants et leur clientèle. B______ avait contribué à l'essor et au succès de E______ SA. Il n'avait jamais été rémunéré pour son activité d'administrateur, ni pour toutes ses autres activités pour la société. Cette collaboration était profitable à celle-ci. Lors de la fusion, les contrats de 1992 et 2003 étaient toujours en vigueur. Les versements y relatifs figuraient dans la comptabilité et les états financiers de E______ SA, puis de A______ SA, de sorte qu'ils étaient visibles pour le conseil d'administration. D______ en avait connaissance. Le témoin n'avait toutefois pas le souvenir que ce sujet avait été abordé lors de la fusion. Au moment de celle-ci, la situation financière de E______ SA était normale. Dans le cadre d'une fusion, il y avait des coûts uniques, qui étaient amortis sur plusieurs années. Dans le cas d'espèce, les charges n'avaient fait que s'accroître. A l'été 2016, il avait indiqué à D______ que les rétrocessions relatives au contrat 2003 devaient être revues, celles-ci n'étant plus adéquates. Lors des séances annuelles du conseil d'administration de E______ SA, il commentait brièvement le bilan et le compte de pertes et profits. Actuellement, il entretenait encore des liens avec D______ et B______. Il était associé gérant de deux sociétés tierces aux cotés de ce dernier, mais il n'exerçait pas d'activités au sein de celles-ci.

J______, assistante de C______ de 1993 à 2017 au sein de E______ SA, puis de A______ SA, a confirmé qu'il y avait une convention de collaboration orale entre B______ et E______ SA. Elle s'occupait elle-même du versement des rétrocessions dues à ce dernier, que ce soit avant ou après la fusion, et C______ contresignait l'ordre de virement y afférent. Le calcul des rétrocessions était basé sur un tableau récapitulatif par client. Celles-ci figuraient dans les comptes de la société, de sorte qu'elles étaient visibles pour le conseil d'administration. B______ exerçait son activité de manière éthique. Il était apporteur d'affaires et elle "s'imaginait" qu'il s'occupait du suivi de gestion des clients.

K______, employé de A______ SA depuis 2017, a déclaré avoir été tiers gérant pour E______ SA de 2012 à 2015, puis portfolio manager au sein de celle-ci de 2015 à 2016. B______ n'avait pas apporté de clients à A______ SA, dont il avait la charge. Le témoin ne savait pas qui gérait les clients amenés par ce dernier. Il avait lui-même contacté B______, puis par la suite il avait eu des relations contractuelles avec E______ SA.

L______ a déclaré avoir collaboré avec E______ SA en tant que tiers gérant de 2006 à 2016. B______ l'avait mis en relation avec celle-ci. Ce dernier ne lui avait toutefois pas apporté de clients qu'il aurait lui-même gérés à travers la société.

E. Dans le jugement entrepris, le premier juge a retenu que les contrats de 1992 et 2003 avaient été ipso jure transférés à A______ SA lors de la fusion. Ces contrats étant sans relation avec cette fusion, ils n'avaient pas être mentionnés dans le contrat du 15 septembre 2015, de sorte que la précitée invoquait en vain une violation de l'art. 13 al. 1 let. h LFus.

Les contrats de 1992 et 2003 liant E______ SA et B______ avaient été valablement conclus par ce dernier et C______, qui les avait simultanément ratifiés. Ils avaient été régulièrement exécutés, jamais résiliés et étaient encore en vigueur lors de la fusion. Leur transfert à A______ SA, qui s'était opéré ex lege, ne nécessitait donc pas de ratification par l'assemblée générale ou par les autres administrateurs de celle-ci. A______ SA les avait d'ailleurs régulièrement exécutés, soit ratifiés par actes concluants, durant son premier exercice social de 2015-2016, de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'un dol.

Le contrat de 1992 prévoyait une rémunération en faveur de B______ correspondant à 50% des "bénéfices nets" de A______ SA générés par les clients directement apportés par le précité, soit le même montant convenu avec tous ses apporteurs d'affaires. Il n'y avait donc aucune disproportion entre la prestation de B______ et la contre-prestation de la société. Le contrat de 2003 prévoyait une rémunération de 25% des "bénéfices nets" de A______ SA générés par les clients des tiers gérants apportés par le précité, soit la moitié de celle du contrat de 1992, ce qui était logique et pas manifestement disproportionné. Pour le surplus, A______ SA n'avait pas établi que les rémunérations litigieuses procédaient d'une violation des règles régissant la distribution des bénéfices et B______, en réclamant des rémunérations contractuellement dues, n'était pas de mauvaise foi. Les conditions d'application de l'art. 678 al. 2 CO n'étaient donc pas remplies.

A______ SA devait ainsi à B______ les rémunérations dues en exécution des contrats de 1992 et 2003 du 2ème trimestre 2016 jusqu'au 4ème trimestre 2017. En effet, les courriers des 20 décembre 2016 et 29 mai 2017 devaient être compris comme une résiliation des contrats pour le prochain terme, soit fin décembre 2017, ceux-ci étant résiliables en tout temps moyennant un préavis de six mois pour la fin d'une année civile.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC).

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a donc été complété dans la mesure utile, sur la base des actes et pièces de la procédure.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les faits afférents au paiement, par elle, des factures de la société M______ SA de l'intimé ne sont pas pertinents pour l'issue du litige. Les faits concernant G______ ne sont pas non plus déterminants. Ils ont toutefois été intégrés dans l'état fait complété, une partie des rétrocessions litigieuses ayant été versées en mains de celle-ci, durant une période.

4. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intimé avait droit au paiement des rétrocessions réclamées sur la base des contrats de 1992 et 2003, alors que ceux-ci n'avaient pas été valablement transférés lors de la fusion, ni ratifiés subséquemment, respectivement étaient invalidés pour dol. En outre, l'art. 678 al. 2 CO s'opposait au versement des rétrocessions litigieuses en mains de l'intimé.

4.1.1 La cession d'un patrimoine ou d'une entreprise appartenant à des sociétés ou à des entreprises individuelles qui sont inscrites au registre du commerce, est régie par les dispositions de la LFus (art. 181 al. 4 CO).

A teneur de l'art. 3 al. 1 LFus, la fusion de sociétés peut notamment résulter de la reprise d'une société par une autre (fusion par absorption). La fusion entraîne la dissolution de la société transférante et sa radiation du registre du commerce (art. 3 al. 2 LFus). La fusion déploie ses effets dès son inscription au registre du commerce. A cette date, l'ensemble des actifs et passifs de la société transférante sont transférés de par la loi à la société reprenante (art. 22 LFus).

Ce transfert porte sur l'ensemble des droits et obligations de la société transférante, soit notamment sur les contrats, qu'ils soient ou non connus. Ceux-ci sont ipso jure transférés à la société absorbante qui doit les reprendre en tant que successeur universel de la société absorbée (Message du Conseil Fédéral sur la LFus du 13 juin 2000, in FF 2000, p. 4075; Tschäni/Gaberthüel/Erni, Basler Kommentar, Fusionsgesetz, 2015, n° 7 et 9 ad art. 22 LFus; Trigo Trindade, Commentaire LFus, 2005, p. 374 et 375).

Les sociétés arrêtent dans le contrat de fusion les principes applicables à l'opération concrète de fusion. Comme pour tout contrat, les parties doivent, pour que celui-ci soit conclu, s'accorder sur un certain nombre de points essentiels. L'art. 13 al. 1 LFus énumère les éléments objectivement essentiels du contrat de fusion (Message du Conseil fédéral, op. cit, p. 4062).

Le contrat de fusion doit notamment contenir tout avantage particulier attribué aux membres d'un organe de direction ou d'administration (art. 13 al. 1 let. h LFus). Est nulle la promesse d'un avantage particulier non mentionné dans le contrat de fusion et qui aurait dû l'être. Sont ainsi visés les avantages particuliers - indemnités en espèces ou en nature, octroi d'options ou de parts sociales, etc. - qui sont concédées en raison et en lien avec la fusion aux organes dirigeants de l'une ou l'autre des sociétés fusionnantes, en rémunération de leur contribution à la fusion ou en indemnisation de la perte de leur position ensuite de la fusion; les honoraires et salaires versés ou à verser pour des prestations sans relation avec la fusion n'ont pas à être mentionnés dans le contrat de fusion (Message du Conseil Fédéral, op. cit., p. 4063; Tschäni/Gaberthüel/Erni, op. cit, n° 11 ad art. 13 LFus; Trigo Trindade, op. cit., p. 234).

4.1.2 Le conflit d'intérêts résultant de transactions conclues entre une société et ses dirigeants est soumis par analogie à la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de contrat avec soi-même et de double représentation (Peter/Cavadini, in Commentaire romand CO II, 2017, n° 12 ad. art. 717 CO).

Le contrat que le représentant conclut avec soi-même est en principe illicite en raison du conflit d'intérêts qu'il comporte, et, de ce fait, n'est pas couvert par le but social. Cela a pour conséquence la nullité de l'acte juridique en question, à moins que la nature même de l'affaire exclue tout risque de léser le représenté - tel est notamment le cas lorsque l'acte est conclu aux conditions du marché - ou que le représenté y ait consenti par avance ou ait ratifié l'acte (ATF 144 III 388 consid. 5.1; 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_488/2021 du 4 mars 2022 consid. 5.3.2). Le consentement ou la ratification doit émaner d'un organe de même rang (coadministrateur ou conseil d’administration in corpore), ou de rang plus élevé (assemblée générale ou actionnaire unique) (ATF 127 III 332 consid. 2b; 126 III 361).

4.1.3 Selon l'art. 678 al. 2 CO, les actionnaires et les membres du conseil d'administration, ainsi que les personnes qui leur sont proches, sont tenus de restituer les autres prestations de la société qui sont en disproportion évidente avec leur contre-prestation et la situation économique de la société.

Cet article couvre toutes les formes d'attributions, notamment à l'administrateur, d'avantages financiers commercialement injustifiés et qui ne revêtent pas la forme apparente de la distribution de bénéfice (Chenaux/Gachet, in Commentaire CO II, 2017, n° 28 ad art. 678 CO). Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice lorsque la société attribue notamment à ses actionnaires ou à ses administrateurs, une prestation appréciable en argent sans contre-prestation équivalente et qu'elle n'aurait pas été effectuée dans les mêmes conditions à un tiers (arrêts du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 3.9.4.1; 4A_174/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3.1 et 2P.195/2005 du 16 février 2006 consid. 3.2).

Doivent faire l'objet d'une restitution en vertu de l'art. 678 CO, les prestations faites par la société, soit tout acte par lequel le bénéficiaire perçoit un avantage appréciable en argent au détriment de la société, qui se trouve ainsi appauvrie. Les hypothèses de distributions occultes de bénéfices peuvent prendre la forme de sous-facturation ou de surfacturation de biens ou de services. On pense par exemple aux salaires excessifs ou autres formes de rémunérations concédées à l'administrateur dans le cadre de rapports de travail. Il convient alors d'apprécier le salaire à la lumière de l'ensemble des circonstances relatives à la politique salariale de l'entreprise dans le temps, à la situation financière de la société, à la position et aux compétences du bénéficiaire, ainsi qu'aux rémunérations versées aux salariés de rang équivalent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 précité consid. 3.9.4.1; Chenaux/Gachet, op. cit., n° 46 ad art. 678 CO). La disproportion devant être évidente, seuls les abus sont sanctionnés. Cette condition est toutefois plus facile à retenir si la société se trouve dans une situation financière précaire (Chenaux/Gachet, op. cit., n° 33, 36 et 42 ad art. 678 CO). Le bénéficiaire doit en outre être de mauvaise foi, c'est-à-dire connaître le vice affectant l'attribution ou avoir dû le connaître en témoignant d'une attention suffisante (Chenaux/Gachet, op. cit., n° 55 ad art. 678 CO).

La restitution des prestations est donc soumise à trois conditions objectives cumulatives : (i) une disproportion entre la prestation de la société et la contre-prestation du bénéficiaire, (ii) une disproportion entre la prestation de la société et sa situation économique et (iii) l'évidence de la disproportion (ATF 140 III 602 consid. 8 et 9).

Le caractère manifestement disproportionné dépendra de l'impact que la prestation litigieuse a sur la situation financière de la société. Cet examen devra concrètement tenir compte du bilan, du compte de pertes et profits, de l'annexe et, le cas échéant, du tableau des flux de trésorerie. Il faudra également considérer la capacité bénéficiaire de la société à la lumière de son positionnement sur le marché, de ses besoins d'équipement, etc. Seul l'ensemble des circonstances permettra de déterminer si une prestation de la société apparaît ou non manifestement disproportionnée, au moment où elle est opérée, par rapport à la contre-prestation. Tel sera le cas en toute hypothèse lorsque l'acte litigieux a pour conséquence de porter atteinte au capital-actions et aux réserves légales (Chenaux/Gachet, op. cit., n° 44 ad art. 678 CO).

Le moment déterminant pour juger de la disproportion entre la prestation de la société et la contre-prestation du bénéficiaire dépend de la forme de la prestation. Si celle-ci revêt une forme contractuelle, on devrait se placer au moment où la prestation de la société est exigible selon le contrat. Pour un contrat de durée, la disproportion devra encore exister au moment où la société aurait pu mettre un terme au contrat (Chenaux/Gachet, op. cit., n° 40 ad art. 678 CO; Vogt, in Basler Kommentar OR II, 2016, n° 14 ad art. 678 CO).

4.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats de 1992 et 2003 ont été valablement conclus entre E______ SA et l'intimé et qu'ils ont été régulièrement exécutés durant de nombreuses années. Il n'est pas non plus contesté que ces contrats étaient encore en vigueur lorsque la précitée a été absorbée par F______ SA, devenue l'appelante, ce que le témoin C______ a d'ailleurs confirmé.

Cette fusion par absorption a ainsi eu pour conséquence que l'entier des passifs et actifs de E______ SA ont été transférés, de par la loi, à l'appelante et ce, avec effet au 1er avril 2015. L'appelante est devenue ipso jure débitrice envers l'intimé de la rémunération convenue dans les contrats de 1992 et 2003, en lieu et place de E______ SA.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les contrats susvisés ne sont pas devenus nuls du fait qu'ils n'ont pas été expressément mentionnés dans le contrat de fusion du 15 septembre 2015, conformément à l'art. 13 al. 1 let. h LFus. En effet, ces contrats ne constituent pas un avantage particulier attribué à l'intimé en raison de sa qualité d'administrateur de E______ SA, puis de l'appelante. Ils formalisent la collaboration convenue entre C______ et l'intimé, soit l'apport par ce dernier de nouveaux clients et tiers gérants indépendants à E______ SA contre une rémunération, correspondant à un pourcentage fixe sur les revenus générés par la gestion des avoirs de ces clients ou de ceux des tiers gérants précités. Cette rémunération ne correspond donc pas à un avantage au sens de l'art. 13 al. 1 let. h LFus.

En outre, cette collaboration a été convenue de nombreuses années avant la fusion, de sorte que la rémunération de l'intimé y afférente ne présente aucun lien avec celle-ci. Contrairement à ce que soutient l'appelante, retenir que l'art. 13 al. 1 let. h LFus ne concerne que les prestations concédées en raison de la fusion en cause ne procède pas d'une interprétation "étriquée" de cet article. Comme rappelé sous consid. 4.1.1 supra, plusieurs auteurs de doctrine partagent cet avis. De plus, il ressort du Message du Conseil fédéral que le contrat de fusion a pour but de fixer les principes applicables à l'opération en tant que telle. Ainsi, ledit article - qui énumère les éléments objectivement essentiels du contrat de fusion - est une règle destinée à assurer la transparence des prestations extraordinaires en relation avec la fusion et non d'éventuels conflits d'intérêts existants au sein des actifs et passifs de la société transférante, comme soutenu par l'appelante.

Les parties au contrat de fusion du 15 septembre 2015 ont d'ailleurs expressément mentionné à l'art. 6 de celui-ci qu'aucun avantage particulier n'était accordé aux membres du conseil d'administration des sociétés, à l'exception de bons de jouissance émis par l'appelante dans le cadre de la fusion et accordés à D______, afin de rémunérer la part non valorisée de F______ SA dans le rapport d'échange.

L'appelante ne peut d'ailleurs pas se prévaloir du fait qu'elle ne connaissait pas l'existence des contrats de 1992 et 2003 au moment de la fusion, pour se départir de ceux-ci. En effet, l'ensemble des droits et obligations de E______ SA lui ont été transférés ex lege, indépendamment du fait qu'ils étaient ou non connus des sociétés concernées par la fusion.

L'appelante ne peut pas non plus arguer, de bonne foi, qu'elle n'aurait pas accepté la fusion si elle avait eu connaissance des rémunérations litigieuses. En effet, D______ a admis, en audience, qu'il connaissait l'existence du contrat de 1992, en ce sens qu'il savait que l'intimé percevait des rétrocessions sur les revenus générés par la gestion des avoirs des clients qu'il avait apportés à E______ SA. D______ était, en outre, administrateur de la précitée, de sorte qu'il connaissait le montant global des rémunérations et rétrocessions versées aux partenaires et apporteurs d'affaires, dont l'intimé, qui figurait dans les comptes de pertes et profits, ce qui ressort également des déclarations des témoins C______ et J______. Le fait que lesdits comptes étaient présentés de manière sommaire durant les séances annuelles du conseil d'administration de E______ SA, de sorte que le montant des rétrocessions versées à l'intimé n'était pas spécifié, n'est pas déterminant. En effet, D______ a accepté la fusion entre F______ SA et E______ SA, par absorption de celle-ci, en connaissant la charge financière que représentait la rémunération des partenaires et apporteurs d'affaires pour la précitée. Il n'a d'ailleurs jamais requis d'informations complémentaires concernant la ventilation de ces montants ou le montant exact des rétrocessions versées à l'intimé, alors même qu'il en connaissait l'existence, à tout le moins celles provenant des "clients directs".

Par ailleurs, l'appelante n'a pas établi que la situation financière de E______ SA, au moment de la fusion, était mauvaise en raison de la rémunération de l'intimé fondée sur les contrats de 1992 et 2003, engendrant, selon elle, un conflit d'intérêts. Les actifs nets de celle-ci s'élevaient d'ailleurs à 1'984'459 fr. lors de la fusion. A cet égard, le témoin C______ a déclaré que la situation financière de la société était normale au moment de la fusion et que la collaboration avec l'intimé avait été profitable à celle-ci. Lesdits contrats ont d'ailleurs été exécutés par E______ SA durant de nombreuses années. En outre, si les états financiers de la précitée avaient été mauvais, ce que D______ aurait su en sa qualité d'administrateur, on peine à comprendre les raisons pour lesquelles il aurait alors souhaité la fusion avec F______ SA. Il s'ensuit que l'appelante n'établit pas l'existence d'un conflit d'intérêts ou encore le fait que le modèle de rétrocession des contrats de 1992 et 2003 n'était pas viable.

Le fait que l'intimé a été présenté à la FINMA par l'appelante en tant qu'administrateur indépendant, à savoir en tant qu'administrateur n'entretenant aucune relation d'affaires conduisant à un conflit d'intérêts, n'est donc pas contradictoire. En effet, la rémunération de l'intimé fondée sur les contrats litigieux ne crée pas un tel conflit.

Enfin, le fait que D______ n'avait pas connaissance du montant exact des rétrocessions versées à l'intimé ne suffit pas à retenir que l'appelante ignorait l'existence des contrats litigieux. En effet, ceux-ci étaient connus de C______, directeur et actionnaire de l'appelante aux côtés de D______, et d'au moins un administrateur, soit l'intimé. En outre, il est vraisemblable que I______, également administrateur de l'appelante, était au courant des versements effectués en mains de l'intimé, compte tenu du fait qu'il était l'ancien auditeur de E______ SA.

Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le premier juge était fondé à retenir que les contrats de 1992 et 2003 avaient été valablement transférés à l'appelante.

4.2.2 L'appelante fait également valoir que lesdits contrats auraient dû être expressément ratifiés par son conseil d'administration in corpore, compte tenu de l'engagement qu'ils représentaient pour elle.

A nouveau, ces contrats ont été valablement conclus entre E______ SA, soit pour elle son unique actionnaire, et l'intimé, ce qui n'est pas contesté. Ils ont été transférés, de par la loi, à l'appelante lors de la fusion. Le premier juge était ainsi fondé à retenir que ce transfert ne nécessitait pas de ratification par l'assemblée générale ou par les autres administrateurs de l'appelante, étant relevé qu'il ne s'agissait pas de la conclusion d'un nouveau contrat, mais d'une reprise par l'appelante en sa qualité de successeur universel.

En outre, comme relevé supra, D______ était au courant du fait que l'intimé percevait des rétrocessions de la part de E______ SA, ainsi que du montant global versé par celle-ci à l'ensemble de ses partenaires et apporteurs d'affaires. Or, ce versement en mains de l'intimé et ce montant global n'ont suscité aucune question au moment de la fusion, de sorte que ceux-ci ont été acceptés par l'appelante. Celle-ci ne peut pas se prévaloir d'un quelconque dol à cet égard. D'ailleurs, elle a continué à procéder aux versements en mains de l'intimé durant l'exercice 2015-2016, ce qui apparaissait dans ses états financiers, auxquels D______ avait accès en sa qualité d'actionnaire et de directeur de l'appelante. Elle ne peut pas arguer du fait que ce dernier ne pouvait pas connaître l'intégralité des mouvements de comptes et leurs justifications. En effet, D______ savait que l'intimé percevait des rétrocessions sur les revenus générés par la gestion des avoirs des clients qu'il avait apportés à E______ SA et que l'appelante avait repris.

Dans ces circonstances, l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir d'une absence de ratification des contrats de 1992 et 2003 au moment de la fusion pour s'en départir.

4.2.3 L'appelante fait encore valoir que les rétrocessions litigieuses seraient disproportionnées par rapport à la contre-prestation fournie par l'intimé.

4.2.3.1 A cet égard, le premier juge a retenu, à juste titre, que l'intimé participait activement à la vie sociale de E______ SA, puis de l'appelante. Certes, ces activités n'ont pas été établies par pièces, comme soutenu par l'appelante. Cela étant, le témoin C______ a confirmé les allégations de l'intimé, selon lesquelles il s'occupait du suivi de la gestion de fortune des clients qu'il apportait à la société, ainsi que de la collaboration avec les établissements bancaires et les tiers gérants indépendants. Ce témoin a également confirmé que l'intimé participait à toutes les décisions importantes et exerçait une activité de conseil juridique pour la société, en ce sens qu'il traitait tous les aspects contractuels. Aucun élément du dossier ne permet de douter de la véracité de ce témoignage; si C______ a certes déclaré entretenir encore des liens avec l'intimé, il a précisé en avoir également conservé avec D______, ce qui n'est pas contesté. Le fait qu'il soit inscrit au Registre du commerce en qualité d'associé, pour deux sociétés, aux côtés de l'intimé, sans toutefois y exercer d'activités, ne suffit pas à dénier toute crédibilité à son témoignage. Contrairement à ce que soutient l'appelante, les déclarations des témoins K______ et L______ ne contredisent pas ce qui précède et ne permettent pas de retenir que l'intimé ne fournissait pas de prestations au sein de E______ SA, puis de l'appelante.

En outre, comme retenu par le premier juge, l'intimé était sérieusement impliqué dans sa fonction et son activité d'administrateur des précitées, ce qui ressort des pièces n° 52 et 54 produites par lui. Or, il n'est pas contesté que l'intimé n'était pas rémunéré pour cette activité, alors que la rémunération annuelle des deux autres administrateurs de l'appelante s'élevait à 25'000 fr. chacun. Contrairement à ce que soutient cette dernière, il n'est pas établi que l'activité de l'intimé était "largement" rémunérée par la mise à disposition d'un bureau ou encore du secrétariat, soit des prestations en nature à hauteur de 60'000 fr. par an, selon elle. En effet, ce montant, contesté, n'est établi par aucun élément du dossier.

Par ailleurs, les rétrocessions fondées sur le contrat de 1992, prévoyant une rémunération de 50% sur les revenus générés par la gestion des avoirs des clients directement apportés par l'intimé, ne sont pas manifestement disproportionnées. En effet, l'appelante a admis rémunérer ses autres partenaires et apporteurs d'affaires, comme avant elle E______ SA, à hauteur de 50%, voire 55%, des revenus générés par les clients. Les rétrocessions litigieuses ont donc été accordées aux mêmes conditions à des tiers, ce qui est pertinent pour réfuter une disproportion évidente au sens de l'art. 678 al. 2 CO, contrairement à ce que soutient l'appelante. En revanche, la rémunération de ses actionnaires et directeurs n'est pas pertinente à cet égard, dès lors qu'il n'est pas allégué, ni établi, que ces derniers avaient une activité d'apporteur d'affaires comme l'intimé. En tous les cas, la rémunération élevée de l'intimé ne permet pas, en soi, de conclure à une distribution occulte de bénéfices prohibée par la loi.

S'agissant de la rémunération fondée sur le contrat de 2003, le premier juge a retenu que celle-ci, correspondant à 25% des revenus générés par la gestion des avoirs des clients des tiers gérants, eux-mêmes apportés par l'intimé, n'était pas manifestement disproportionnée, ce qui n'est pas critiquable. En effet, cette rémunération est moitié moindre que celle susvisée et n'apparaît pas en disproportion évidente avec la contre-prestation de l'intimé, qui s'occupait notamment du suivi de la collaboration avec ces tiers gérants, compte tenu de la marge d'appréciation laissée à la société selon l'usage des affaires.

Il s'ensuit que les rétrocessions litigieuses ne constituent pas des prestations en disproportion manifeste avec la contre-prestation fournie par l'intimé. Le témoin C______ a déclaré que le travail effectué par ce dernier avait contribué à l'essor de E______ SA et avait été profitable à celle-ci. Une des conditions cumulatives de l'art. 678 al. 2 CO n'étant pas remplie, l'appelante n'est pas fondée à s'opposer au paiement des rétrocessions litigieuses sur cette base, ni à requérir la restitution de celles déjà versées à l'intimé.

4.2.3.2 Il n'est pas non plus suffisamment établi que le versement des rétrocessions litigieuses aurait eu un impact manifeste sur la situation financière de l'appelante.

A cet égard, le premier juge a pris en compte le bénéfice net de celle-ci, ce qui n'est pas critiquable, la situation financière de la société devant être analysée dans son ensemble et non uniquement en fonction des résultats "opérationnels", comme soutenu par l'appelante. Elle a réalisé un bénéfice net de 32'288 fr. pour l'exercice 2015-2016 et de 35'404 fr. pour celui 2016-2017, étant relevé que ce dernier montant prenait en compte les rétrocessions réclamées par l'intimé, mais non versées. Or, lors de la séance du conseil d'administration du 29 septembre 2016, D______ expliquait ces résultats par une augmentation des charges et par le maintien du modèle d'affaires de F______ SA, qui engendrait des coûts plus importants que le modèle d'affaires de E______ SA. Le témoin C______ a, en outre, déclaré qu'une fusion engendrait des coûts uniques, devant être amortis sur plusieurs années, et que les charges de l'appelante n'avaient fait que s'accroître.

Par ailleurs, comme retenu par le premier juge et non contesté par les parties, la rémunération de l'intimé, pour l'exercice 2015-2016, représentait environ 10% des revenus provenant des clients et 23% des rétrocessions versées aux partenaires et apporteurs d'affaires, et aurait représenté, pour l'exercice 2016-2017, 8%, respectivement 20%, ce qui ne n'apparaît pas comme étant manifestement disproportionné (cf. consid. C.m et r de la partie "EN FAIT").

Le fait que les rétrocessions litigieuses portent sur des revenus bruts et non nets, en ce sens que les charges d'exploitation de la société ne sont pas déduites au préalable, ne permet pas encore de retenir qu'elles seraient excessives au sens de l'art. 678 al. 2 CO, comme soutenu par l'appelante. En effet, E______ SA, puis cette dernière, percevaient également leur propre part sur les revenus générés par la gestion des avoirs des clients concernés, en plus de leurs autres sources de revenus (honoraires de gestion, de conseil ou encore frais administratifs), et il n'est pas établi que ceux-ci ne suffisaient pas à couvrir leurs charges fixes.

Il s'ensuit que les rétrocessions litigieuses ne constituent pas des prestations en disproportion manifeste avec la situation économique de l'appelante, deuxième condition cumulative de l'art. 678 al. 2 CO.

4.2.3.3 Finalement, dans les circonstances rappelées ci-dessus, le premier juge était fondé à retenir que l'intimé n'était pas de mauvaise foi en réclamant le paiement des rétrocessions convenues, en ce sens qu'il ne pouvait pas connaître le prétendu caractère indu de celles-ci, soit une condition implicite du cas d'application de l'art. 678 al. 2 CO.

4.2.4 En définitive, les prétentions de l'intimé en paiement des rémunérations dues en exécution des contrats de 1992 et 2003 sont fondées. La quotité de celles-ci arrêtée par le premier juge n'est pas remise en cause par les parties, de sorte qu'elle sera confirmée. De même que le prononcé des mainlevées concernant les poursuites y afférentes.

Partant, le jugement entrepris sera confirmé.

5. 5.1 Le premier juge a mis les frais de première instance, dont la quotité n'est pas critiquée, entièrement à charge de l'appelante en application de l'art. 106 al. 1 CPC. Il a retenu que l'intimé avait obtenu gain de cause à hauteur de 80% de ses conclusions, arrêtées en dernier lieu à 650'097 fr. 75, alors que l'appelante avait largement succombé sur demande principale, le principe du paiement des rétrocessions dues en vertu des contrats de 1992 et 2003 étant retenu, et entièrement succombé sur demande reconventionnelle.

Le jugement n'est pas critiquable à cet égard, l'intimé ayant eu gain de cause sur le principe de son action et sur l'essentiel des montants réclamés. Le fait que ce dernier a modifié à plusieurs reprises ses conclusions durant la procédure ne saurait modifier ce qui précède, seul le montant au dernier état des conclusions étant pertinent pour statuer sur les frais.

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 27'000 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe entièrement (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera, en outre, condamnée à verser 20'000 fr. à l'intimé à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1 LaCC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC), étant relevé que la duplique de l'intimé est sommaire et ne comporte que cinq pages.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 mai 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/4487/2022 rendu le 7 avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27197/2017-3.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 27'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense entièrement avec l'avance effectuée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 20'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.