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Décisions | Chambre civile

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C/12866/2018

ACJC/685/2023 du 30.05.2023 sur ACJC/282/2021 ( OS ) , RENVOYE

Normes : LTF.107.al2; CPC.318.al1.letc.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12866/2018 ACJC/685/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 30 MAI 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 mai 2020, comparant par Me Eric MAUGUE, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

Et

1) Monsieur B______, domicilié ______ (VD), intimé,

2) C______ AG (C______ SA), sise ______ (ZH), autre intimée,

comparant tous deux par Me Philippe ZOELLY, avocat, place des Philosophes 8, 1205 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 

Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 25 janvier 2023

 


EN FAIT

A. a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 1995.

b. B______ était alors copropriétaire avec un tiers d'un bateau à moteur. L'assurance responsabilité civile du bateau était D______, devenue par la suite C______ SA (ci-après : C______).

c. Le 29 mai 1999, A______ et B______ - lequel pilotait le bateau - sont allés naviguer sur le lac Léman, afin d'y faire du ski nautique en compagnie de trois amis.

A______, alors qu'elle se trouvait à l'avant du bateau, est passée par-dessus bord après le passage d'une vague.

B______, qui observait le skieur qu'il traînait à l'arrière et qui n'a pas vu sa compagne chuter, a effectué un virage à droite.

A______ est alors passée sous le bateau et sa jambe gauche a été happée par l'hélice au niveau du genou, lui causant de graves lésions. Héliportée au CHUV, elle a subi de nombreuses opérations et une longue rééducation.

Par décision du 22 avril 2005, A______ a été mise au bénéfice d'une rente entière AI à partir du 1er mai 2000 pour incapacité de travail et de gain à hauteur de 75%.

d. B______ et A______ se sont séparés en juin 2000.

Leur divorce a été prononcé le 25 avril 2012 par le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, dont le jugement est devenu définitif et exécutoire le 29 mai 2012.

e. Le 27 mai 2004, A______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de B______.

Le 13 janvier 2006, le Tribunal correctionnel de la Côte a condamné ce dernier pour lésions corporelles graves par négligence à 200 fr. d'amende et donné acte à A______ de ses réserves civiles. Ledit Tribunal a, notamment, écarté l'acquisition de la prescription pénale, soulevée par B______.

f. A______ a fait notifier à D______ un commandement de payer, auquel il a été fait opposition le 17 décembre 2003.

g. D______ a renoncé à se prévaloir de la prescription le 9 novembre 2004.

C______ a renoncé à se prévaloir de la prescription les 19 décembre 2005, 11 décembre 2006, 7 décembre 2007, 8 décembre 2008, 1er décembre 2009, 23 décembre 2010, 28 mars 2011 et 6 septembre 2011.

Le 23 décembre 2011, C______ a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 29 février 2012.

h. Le 29 février 2012, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à C______, lequel a été notifié le 16 mars 2012 et auquel il a été fait opposition le même jour.

i. Le 11 mars 2013, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à C______, lequel a été notifié le 13 mars 2013 et auquel il a été fait opposition le même jour.

j. Le 25 février 2014, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à C______, lequel a été notifié le 28 février 2014 et auquel il a été fait opposition le même jour.

k. Le 26 février 2015, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à C______, lequel a été notifié le 2 mars 2015 et auquel il a été fait opposition le même jour.

l. Le 22 février 2016, C______ a fait opposition à un commandement de payer qui lui a été notifié le même jour à la requête de A______.

m. Le 26 janvier 2017, C______ a fait opposition à un commandement de payer qui lui a été notifié le même jour à la requête de A______.

n. Le 17 janvier 2018, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à l'encontre de C______, réquisition qui est parvenue à l'Office le 19 janvier 2018, commandement de payer auquel il a été fait opposition le 22 janvier 2018.

o. Le 13 avril 2017, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à l'encontre de B______, lequel a été notifié le 25 avril 2017 et auquel il a été fait opposition le 28 avril 2017.

p. Le 18 avril 2018, A______ a requis la notification d'un commandement de payer à l'encontre de ce dernier.

q. Après avoir déposé une requête de conciliation au Tribunal le 31 mai 2018 et obtenu l'autorisation de procéder le 27 septembre suivant, A______ a, par acte du 17 décembre 2018, déposé une demande en paiement à l'encontre de C______ et de B______, concluant, sur action partielle, à ce qu'ils soient condamnés, conjointement et solidairement, subsidiairement C______ seule, et plus subsidiairement B______ seul, à lui payer 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2008 et 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 29 novembre 2008, et à ce que le solde de ses présentations à leur égard en lien avec l'accident du 29 mai 1999 et ses suites soit réservé.

r. Dans leur réponse du 29 mai 2019, B______ et C______ ont conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, invoquant, notamment, l'exception de prescription.

s. Par réplique du 26 août et duplique du 31 octobre 2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

t. La cause a été gardée à juger, avec l'accord des parties, sur la question de la prescription, au terme de l'audience tenue le 3 février 2020 par le Tribunal, lors de laquelle les parties ont, à nouveau, persisté dans leurs conclusions.

B.            a. Par jugement JTPI/5030/2020 rendu le 11 mai 2020, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance a admis l'exception de prescription soulevée par B______ et C______ (chiffre 1 du dispositif), constaté en conséquence que les créances objets de la demande en paiement formée par A______ le 17 décembre 2018 étaient prescrites (ch. 2), débouté en conséquence cette dernière de toutes ses conclusions (ch. 3), mis les frais à sa charge (ch. 4), lesquels ont été arrêtés à 2'520 fr. et compensés avec l'avance de frais fournie par A______ (ch. 5), condamné celle-ci à payer à B______ et C______ la somme de 5'385 fr. TTC à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

En substance, le premier juge a retenu que la suspension des créances à l'égard des époux prévue à l'art. 134 al. 1 ch. 3 CO ne s'appliquait pas à l'action directe dirigée contre l'assureur RC et que la créancière n'avait pas rendu vraisemblable avoir déposé sa réquisition de poursuite avant le 28 février 2013, de sorte que la prescription devait être considérée comme acquise à l'égard de C______ dès le 28 février 2013.

En ce qui concernait B______, le Tribunal a considéré qu'à l'entrée en force du jugement de divorce le 29 mai 2012, le délai civil de 1 an (art. 60 al. 1 aCC) avait commencé à courir, et non le délai pénal de 5 ans, le risque d'une perte des droits du lésé n'existant pas dans le cas de figure, et que, partant, la réquisition de poursuite notifiée le 13 avril 2017 était tardive.

b. Par arrêt ACJC/282/2021 rendu le 23 février 2021, notifié aux parties le 11 mars 2021, la Cour a déclaré recevable l'appel interjeté le 11 juin 2020 par A______ contre le jugement précité, a confirmé ledit jugement et a débouté les parties de toutes autres conclusions.

Les frais judiciaires d'appel ont été arrêtés à 2'200 fr., mis à la charge de A______, entièrement compensés par l'avance effectuée par cette dernière, acquise à l'Etat de Genève et condamné celle-ci à verser à B______ et C______, conjointement et solidairement, la somme de 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

C.           a. Par arrêt 4A_219/2021 du 25 janvier 2023, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______ contre l'arrêt rendu par la Cour et l'a annulé, la cause étant renvoyée à cette dernière pour suite de la procédure.

Le Tribunal fédéral a considéré que A______ et B______ étaient mariés lors de l'accident du 29 mai 1999. Dès lors que la prescription ne courrait pas durant le mariage (art. 134 al. 1 ch. 3 CO), celle-ci avait commencé de courir dès le 29 mai 2012, soit au jour où le jugement de divorce était devenu exécutoire. Le délai de cinq ans était applicable et A______ avait interrompu la prescription en déposant une réquisition de poursuite le 13 avril 2017.

Par conséquent, le Tribunal fédéral a retenu que la Cour avait violé le droit fédéral en jugeant prescrites les créances envers B______ et C______ SA au motif que A______ avait laissé passer plus d'une année entre le dépôt de deux réquisitions de poursuites.

D.           a. La cause a été inscrite au rôle de la Cour.

b. Par courrier du 1er mars 2023, la Cour a invité les parties à se déterminer suite à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 25 janvier 2023.

c. Par déterminations du 1er mai 2023, B______ et C______ ont conclu au renvoi de la cause en première instance, le degré de la gravité de la faute imputée au premier nommé devant être déterminée, subsidiairement le bien-fondé de la perte de gain alléguée, de même que le préjudice ménagé allégué, et, le cas échéant, une possible réduction de l'indemnité au sens de l'art. 44 CO.

d. Dans ses écritures du 3 mai 2023, A______ a également conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction de l'affaire. Elle a sollicité la condamnation de B______ et C______ aux frais de la procédure d'appel, les dépens devant être arrêtés à 5'500 fr.

e. Par déterminations spontanées du 9 mai 2023, B______ et C______ ont conclu, en cas d'allocations de dépens à A______, que ceux-ci soient fixés à 3'000 fr., tels qu'arrêtés dans la décision du 23 février 2021.

f. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 23 mai 2023.

EN DROIT

1.             Il n'y a pas lieu de revenir sur la recevabilité de l'appel qui a été admise par la Cour dans son arrêt du 23 février 2021 et qui n'a pas été critiquée devant le Tribunal fédéral.

1.1.1 Selon l'art. 107 al. 2 LTF, lorsque le Tribunal fédéral admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision.

En cas de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l'arrêt de renvoi. Le juge auquel la cause est renvoyée voit ainsi sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 133 III 201 consid. 4.2 et 131 III 91 consid. 5.2).

Cela signifie que l'autorité cantonale doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi. En revanche, les points qui n'ont pas ou pas valablement été remis en cause, qui ont été écartés ou dont il avait été fait abstraction lors de la procédure fédérale de recours ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité cantonale, même si, sur le plan formel, la décision attaquée a été annulée dans son intégralité (ATF 135 III 334 consid. 2.1; 131 III 91 consid. 5.2; 111 II 94 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2 = RSPC 2009 p. 193).

1.1.2 Selon l'art. 318 al. 1 let. c CPC, l'instance d'appel peut renvoyer la cause à la première instance lorsqu'un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé (ch. 1) ou si l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (ch. 2).

Cette disposition est formulée de manière potestative et laisse dès lors la décision à l'appréciation de l'instance d'appel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_819/2017 du 20 mars 2018 consid. 10.3; 4A_106/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2).

Bien que le Tribunal fédéral ait le choix de renvoyer la cause à l'autorité précédente ou à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF), il la renvoie en règle générale à l'instance précédente, laissant à celle-ci le soin de décider du renvoi en première instance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2017 du 2 mai 2018 consid. 4.2).

1.2 En l'espèce, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt de la Cour du 23 février 2021, confirmant le jugement rendu par le Tribunal constatant que les créances objets de la demande en paiement formée par l'appelante étaient prescrites.

Le Tribunal a, après le dépôt de la demande et de la réponse, ordonné un second échange d'écritures et a gardé, avec l'accord des parties, la cause à juger sur exception de prescription.

Sur la base des éléments figurant à la procédure, il ne peut être statué sur la demande en paiement découlant de la responsabilité pour acte illicite formée par l'appelante.

L'état de fait doit dès lors être complété sur des faits essentiels (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC). Dans ces circonstances et dans le respect du principe du double degré de juridiction (art. 75 al. 2 LTF; Jeandin, Code de procédure civile commenté, n. 8 ad Introduction aux art. 308-334 CPC), il se justifie de renvoyer la cause au premier juge afin qu'il mène, le cas échéant, s'il l'estime opportun, des actes d'instruction, puis rende une décision sur le fond.

1.3 Le jugement attaqué sera dès lors annulé et la cause renvoyée au Tribunal.

2. Les frais d'appel seront arrêtés à 2'200 fr. (art. 96 et 105 al. 2 CPC, art. 19 LaCC, art. 23 RTFMC), mis à la charge des intimés, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 95 et 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais du même montant fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les intimés, pris conjointement et solidairement, seront condamnés à rembourser ce montant à l'appelante.

Ils seront par ailleurs condamnés aux dépens de l'appelante (art. 95 al. 3 let. b, art. 105 al. 2, art. 96 CPC), fixés à 3'000 fr., tels que précédemment arrêtés dans l'arrêt de la Cour du 23 février 2021 (art. 87 et 90 RTFMC).

* * * * *

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur renvoi de la cause par le Tribunal fédéral :

Annule le jugement JTPI/5030/2020 rendu le 11 mai 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12866/2018-19.

Renvoie la cause au Tribunal pour suite de la procédure et nouvelle décision sur le fond, dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 2'200 fr., les met à la charge de B______ et C______ AG (C______ SA), pris conjointement et solidairement, entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ et C______ AG (C______ SA), pris conjointement et solidairement, à verser à A______ 2'200 fr. à titre de remboursement de frais.

Condamne B______ et C______ AG (C______ SA), pris conjointement et solidairement, à verser à A______ 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.