Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/18584/2022

ACJC/615/2023 du 10.05.2023 ( ADOPT ) , ADMIS

En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18584/2022 ACJC/615/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 10 MAI 2023

 

Requête (C/18584/2022) formée le 15 septembre 2022 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant en personne, tendant à l'adoption de B______, né le ______ 1991.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 11 mai 2023 à :

 

- Monsieur A______
______,
______.

- Monsieur B______
______,
______.

- Madame C______
______,
______.

- DIRECTION CANTONALE DE L'ETAT CIVIL
Route de Chancy 88, 1213 Onex (dispositif uniquement).


EN FAIT

A.           a) A______, né le ______ 1969 à D______ (Brésil), originaire de F______ (Lucerne), et C______, née [C______] le ______ 1968 à D______ (Brésil), de nationalité brésilienne, ont contracté mariage le ______ 2004 à D______ (Brésil).

Le couple a donné naissance à G______ le ______ 1994 à D______ (Brésil), originaire de F______ (Lucerne).

b) C______ est également la mère de B______, né le ______ 1991 à D______ (Brésil), de nationalité brésilienne, dont le père est H______.

c) B______ est le père des enfants I______, né le ______ 2004 au Brésil, et J______, née le ______ 2014 à Genève, de sa relation avec K______, de nationalité brésilienne.

B.            a) Le 15 septembre 2022, A______ a formé devant la Cour de justice une requête visant au prononcé de l’adoption, par lui-même, de B______, fils de son épouse. Il avait rencontré son épouse au Brésil et avait développé de l'affection pour son fils, lequel était âgé de deux ou trois ans à l'époque. Il était fier de la relation père/fils qu’ils avaient créée et chaque année qui passait, cette relation se renforçait, au point qu'il en oubliait qu'il n'était pas son père biologique. Il serait enchanté que le fils de son épouse puisse porter son nom de famille et celui de son frère. Il était évident pour tous qu'il devienne officiellement son fils. Il souhaitait qu'il soit citoyen suisse, comme lui et son frère G______, et puisse avoir les mêmes opportunités que ce dernier en Suisse.

Il a versé à la procédure, outre les documents officiels, des photographies ainsi que des lettres de proches attestant du lien d’attachement entre lui et le fils de son épouse.

b) Dans un courrier du 14 juillet 2022, B______ a donné son accord à son adoption par l'époux de sa mère. Celui-ci l'avait toujours considéré comme son enfant depuis qu'il était entré dans sa vie et n'avait jamais fait de différence entre lui et son fils biologique, ce qui les avait rapprochés encore plus au fil du temps. A______ lui avait exprimé sa volonté de l'adopter et de lui donner son nom, ce qui représentait pour lui un grand honneur. Son père biologique avait toujours été absent de sa vie. A______ était sa seule figure paternelle; il s'était occupé de lui lorsqu'il était petit, et même après qu'il soit devenu adulte, et père à son tour. Il n'avait jamais cessé de le soutenir et de l'aider dans ses projets. A______ faisait figure de grand-père aux yeux de ses enfants. Il souhaitait porter le nom de famille A______ après adoption, soit le nom de celui qu'il considérait être son véritable père, au lieu du nom de famille d'un inconnu pour lui.

c) C______ a approuvé la demande d'adoption de son fils par son époux. Elle considérait qu'ils étaient déjà père et fils depuis longtemps dans leurs cœurs. Ils entretenaient une relation exemplaire, emplie de complicité et d'affinité. L'adoption s'inscrivait dans une logique naturelle. Ils se sentaient tous deux mal à l'aise de devoir expliquer qu'ils n'étaient en réalité pas père et fils. Porter dorénavant le même nom de famille serait pour eux une victoire.

d) G______ a marqué son approbation à l'adoption de B______, qu'il considérait comme son frère, par son père. Il estimait que B______ devait également être lié par le nom à A______, lequel avait toujours été à ses côtés et avait joué un rôle important dans son éducation et la personne qu'il était devenue. B______ avait toujours été droit et honnête grâce aux valeurs que lui avait inculquées son père.

e) K______, mère des enfants de B______, s'est déclarée favorable à l'adoption de ce dernier par A______. Elle avait toujours constaté entre eux une belle relation de père et de fils, pleine de complicité, de confiance, d'affinité et de respect.

f) Le mineur I______ a indiqué qu'il était heureux que son papa soit adopté par son "papy". Il était fier de devenir officiellement son petit-fils.

g) H______, père biologique de B______, s'est déclaré favorable, par courrier du 14 décembre 2022, à l'adoption de son fils biologique par A______. Il n'avait pas vu son fils depuis longtemps et regrettait de ne pas avoir été plus présent dans sa vie. Il souhaitait qu'il aille bien et, si tel était son souhait, qu'il soit adopté par son beau-père, qui l'avait aidé, éduqué et avait pris soin de lui.

h) La juge déléguée de la Cour a tenu une audience le 27 avril 2023, lors de laquelle elle a entendu successivement A______, B______ et C______.

A______ a confirmé qu’il connaissait B______ depuis qu’il avait trois ans. Il avait emménagé avec sa future épouse au Brésil lorsqu’elle était tombée enceinte de G______ en 1994. Il était le seul à travailler, comme chauffeur. Ils avaient vécu depuis cette date ensemble avec B______, de même que la plupart du temps avec les parents de son épouse, et ce jusqu’en 2001. A cette époque, ils avaient décidé de venir en Suisse mais n’avaient pas pu prendre B______ avec eux. Celui-ci était donc resté avec ses grands-parents maternels, mais ils lui téléphonaient régulièrement et le voyaient lors des vacances. B______ était venu vivre avec eux alors qu’il était âgé de 16 ou 17 ans ; il avait fréquenté une école, moins d’une année, puis était reparti au Brésil. B______ était ensuite revenu vivre chez lui, avec sa compagne puis leurs deux enfants, dans l'appartement de cinq pièces qu’il occupait avec son épouse, puis ils avaient vécu huit ans [dans le quartier des] L______. Il y a environ une année, ils avaient perdu leur appartement et étaient de nouveau venus vivre chez eux. Il aimait beaucoup B______ qui était pour lui comme un fils de sang. Il souhaitait l’adopter.

B______ a confirmé qu’il connaissait A______ depuis qu’il était âgé de trois ans. Il habitait à l’époque avec sa mère et ses grands-parents maternels. A______ était venu habiter avec eux en 1994, peu avant la naissance de son frère G______. Il avait vécu pendant toute la période de 1994 à 2001 avec A______ au Brésil, puis était resté vivre avec ses grands-parents maternels au départ de celui-ci, de sa mère et de son frère à Genève. Il avait des contacts téléphoniques avec eux et ils se voyaient lors de leurs vacances au Brésil, une année sur deux. Il était venu pour la première fois à Genève en mai 2008 et avait habité chez sa mère et son époux mais il ne s’était pas habitué à la vie à Genève et était reparti au Brésil. Il avait 17 ans et avait fréquenté une école à Genève en classe d’accueil. Il était revenu à Genève en 2011 tout seul, et n’en était jamais reparti. Il n’avait pas de permis de séjour et avait mis du temps à régulariser sa situation. Il était officiellement domicilié à Genève depuis le 13 avril 2018. Cependant de 2011 à 2013, il avait vécu chez sa mère et A______ à Genève avec sa compagne. De 2013 au 30 septembre 2021, il avait vécu avec sa compagne et ses enfants (son fils les avait rejoints en 2013, sa fille étant née en 2014 à Genève), au [quartier du] M______ (et non aux L______), en sous-location. Même lorsqu’il n’habitait pas avec son "père", ils étaient toujours ensemble. Celui-ci l’appelait même plus souvent que sa mère lorsqu’il était au Brésil. Sa mère envoyait de l’argent au Brésil lorsqu’il était petit. Seul son père travaillait. Il souhaitait être adopté par A______, qu’il considérait comme son père depuis toujours.

C______ a confirmé que son époux avait vécu avec elle et B______ de 1994 à 2001 au Brésil. B______ était resté au Brésil en 2001, lorsqu’elle s’était installée à Genève avec son époux, et il était venu quelques mois à Genève lorsqu’il avait 17 ans. Il avait vécu avec eux, de même que plus tard, de 2011 à 2013, date à laquelle il avait trouvé un appartement, puis, de nouveau, dès septembre 2021 jusqu'alors. B______ s’entendait très bien avec son époux et avait avec lui un lien identique à celui d'une véritable filiation. Il avait très peu vu son père biologique. Elle envoyait de l’argent pour subvenir aux besoins de B______ lorsqu’il était mineur. Ils le voyaient lorsqu’ils allaient en vacances au Brésil et lui téléphonaient régulièrement.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Du fait de la nationalité étrangère de la personne majeure dont l'adoption est requise, la requête d'adoption présente un élément d'extranéité. Au vu du domicile du requérant et du candidat à l'adoption dans le canton de Genève, la Cour de justice est toutefois compétente pour statuer sur l'adoption (art. 75 al. 1 LDIP; art. 268 al. 1 CC; art. 120 al. 1 let. c LOJ).

Le droit suisse est applicable (art. 77 al. 1 LDIP).

2.             2.1.1 Selon l'art. 266 al. 1 CC, une personne majeure peut être adoptée si elle a besoin de l'assistance permanente d'autrui en raison d'une infirmité physique, mentale ou psychique et que le ou les adoptants lui ont fourni des soins pendant au moins un an (ch. 1), lorsque, durant sa minorité, le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an (ch. 2), ou, pour d'autres justes motifs, lorsqu'elle a fait ménage commun pendant au moins un an avec le ou les adoptants (ch. 3).

Les dispositions sur l'adoption des mineurs s'appliquent par analogie, à l'exception de celle sur le consentement des parents (art. 266 al. 2 CC).

Une personne peut par ailleurs adopter l'enfant de son conjoint (art. 264c al. 1 ch. 1 CC); le couple doit faire ménage commun depuis au moins trois ans (al. 2).

La différence d'âge entre l'adopté et le ou les adoptants ne doit pas être inférieure à seize ans ni supérieure à quarante-cinq ans (art. 264d al. 1 CC).

La personne majeure adoptée, à l'instar du mineur capable de discernement, doit donner son consentement à l'adoption (art. 265 al. 1 CC).

Lorsque le ou les adoptants ont des descendants, leur opinion doit être prise en considération (art. 268aquater al. 1 CC). Avant l'adoption d'une personne majeure, l'opinion de ses parents biologiques doit également être prise en considération (art. 268aquater al. 2 ch. 2 CC).

2.1.2 Selon l'art. 266 al. 1 CC, les conditions au prononcé de l'adoption exigent que le majeur et le ou les futurs(s) parent(s) adoptif(s) aient partagé toit et table durant un an au moins. Si l'année de vie commune doit obligatoirement avoir été accomplie durant la minorité dans le cas prévu à l'art. 266 al. 1 ch. 2 CC, la question du déroulement de la communauté domestique est sans importance pour les hypothèses figurant à l'art. 266 al. 1 ch. 1 et 3 CC. Cependant, la communauté domestique ne suffit pas dans l'application de l'art. 266 al. 3 CC ; il faut encore que de justes motifs au sens objectif existent. Les autres motifs qui guident la requête d'adoption doivent être spécifiés dans la demande soumise à la juridiction compétente.

2.1.3 L'art. 266 al. 1 ch. 3 CC pose comme conditions à l'adoption l'existence d'autres justes motifs et d'un ménage commun entre l'adoptant et la personne majeure durant une année au minimum. Ces conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_962/2019 consid. 4.3.2, 5A_636/2018 du 8 octobre 2018 consid. 4.3.2). La notion de ménage commun implique que les personnes considérées vivent sous le même toit et mangent à la même table. (arrêt du Tribunal fédéral 5A_962/2019 du 3 février 2020 consid. 4.3.2).

Quand bien même le législateur a assoupli les conditions posées à l'art. 266 al. 1 CC, il n'en demeure pas moins que, compte tenu de sa nature et de ses effets, l'adoption d'une personne majeure présuppose l'existence de liens suffisamment étroits et vécus pour créer la justification d'un lien de filiation et permettre ainsi de s'assurer que l'institution n'est pas utilisée à des fins étrangères à son but (arrêt du Tribunal fédéral 5A_962/2019 du 3 février 2020 consid. 4.3.2).

2.2 En l'espèce, le requérant, qui a fait ménage commun avec sa future épouse dès 1994 au Brésil peu avant la naissance de leur enfant commun, a pourvu à l'éducation et aux soins de l'adopté, avec lequel il vivait également depuis cette même année, et ce jusqu'en 2001, soit pendant sept ans durant la minorité du concerné. Les conditions de l'art. 266 al. 1 ch. 2 CC sont donc pleinement remplies, de sorte que l'adoption peut être prononcée sur cette base. Il en va d'ailleurs de même des conditions de l'art. 266 al. 1 ch. 3 CC, puisque l'adoptant a fait toit et table communs avec l'adopté à Genève depuis qu'il est majeur, durant plus d'une année avant le dépôt, en septembre 2022, de la requête d'adoption, soit de 2011 à 2013, puis dès septembre 2021, et qu'ils ont tissé au fil du temps des liens forts, qui sont similaires à ceux d'un père et d'un fils biologiques.

Les époux A______/C______ étant mariés depuis 2004, la condition posée par l'art. 264c al. 2 CC est également remplie. Il en va de même de l'art. 264d al. 1 CC, puisque 22 ans séparent les deux intéressés.

L'adopté a consenti à son adoption par le requérant ; il en va de même de sa mère. L'enfant du couple A______/C______, G______, de même que le fils de l'adopté, I______ -sa fille étant trop jeune pour s'exprimer-, et sa compagne se sont également déclarés favorables à l'adoption. Il en va de même du père biologique de l’adopté.

Toutes les conditions étant remplies, l’adoption requise, qui ne fera qu’entériner une situation de fait vécue par toute la famille depuis le plus jeune âge de l'intéressé, peut être prononcée.

3.             3.1 Selon l'art. 267 al. 1 CC, l'enfant acquiert le statut juridique d'un enfant du parent adoptif. Les liens de filiation antérieurs sont rompus (al. 2), sauf à l'égard de la personne avec laquelle le parent est marié (al. 3 ch. 1).

Le nom de l'enfant est déterminé par les dispositions relatives aux effets de la filiation (art. 267a al. 2 CC).

L'autorité compétente peut autoriser une personne majeure, qui fait l'objet d'une procédure d'adoption, à conserver son nom de famille s'il existe des motifs légitimes (art. 267a al. 3 CC).

L'adoption n'a pas de conséquence sur la nationalité de l'adopté majeur (art. 4 Loi sur la nationalité; RS 141.0)

3.2 En l'espèce, les liens de filiation entre l'adopté et sa mère ne seront pas rompus, celle-ci étant mariée avec l'adoptant.

L'adopté portera, après adoption, le nom de famille de l'adoptant, conformément à la loi et à son souhait, soit le nom de famille [de] A______.

L'adoption n'aura pas d'effet sur la nationalité de l'adopté, contrairement à ce que souhaite le requérant.

4.             Les frais de la procédure, arrêtés à 1'000 fr., seront mis à la charge du requérant. Ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant versée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Prononce l'adoption de B______, né le ______ 1991 à D______ (Brésil), de nationalité brésilienne, par A______, né le ______ 1969 à D______ (Brésil), originaire de F______ (Lucerne).

Dit que les liens de filiation entre B______ et sa mère, C______, née [C______], le ______ 1968 à D______ (Brésil), de nationalité brésilienne, ne sont pas rompus.

Dit que l'adopté portera le nom de famille [de] A______ en lieu et place de [celui de] B______.

Arrête les frais judiciaires de la procédure d'adoption à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais d'ores et déjà effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 308 ss du code de procédure civile (CPC), la présente décision peut faire l'objet d'un appel par-devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans les 10 jours qui suivent sa notification.

 

L'appel doit être adressé à la Cour de justice, place du Bourg-de-Four 1,
case postale 3108, 1211 Genève 3.

 

Annexes pour le Service de l'état civil :

Pièces déposées par les requérants.