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Décisions | Chambre civile

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C/25726/2022

ACJC/571/2023 du 02.05.2023 ( IUS ) , REJETE

Normes : aCO.697.leta
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25726/2022 ACJC/571/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 2 MAI 2023

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, requérant, comparant par
Me Bertrand PARIAT, avocat, chemin du Canal 5, 1260 Nyon, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, citée, comparant par Me Karim KHOURY et
Me Elodie SALLIN, avocats, CHABRIER AVOCATS SA, rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. a. B______ SA (ci-après, B______ SA ou l'institut) est sise à Genève et a pour but "l'exploitation d'un institut de radiologie, d'un laboratoire médical et d'un centre de traitement médical".

Ses administrateurs ont été durant de nombreuses années C______, D______, E______, A______ et F______. G______ a été inscrit au Registre du commerce en ______ 2022. A______ et F______ ont été radiés en ______ 2022.

Toutes ces personnes exercent aussi une profession médicale au sein de l'institut.

b. Le capital social de B______ SA est de 160'000 fr. divisé en 6'400 actions nominatives liées de 25 fr. chacune.

Jusqu'au 17 novembre 2022, les actions étaient réparties à raison de 914 pour chacune des personnes suivantes : F______, D______, A______, E______, C______, H______ Sàrl (société sise à I______ détenue par J______, l'époux de D______) et K______ Sàrl (société sise à Genève). Les deux actions restantes sont détenues par B______ SA

Les actionnaires susmentionnés ont conclu une convention d'actionnaires le 3 septembre 2019, afin de "définir leurs rapports d'actionnaires au sein de la société".

F______ a vendu l'intégralité de ses actions le 18 novembre 2022; ni les conditions de la vente, ni l'identité de l'acquéreur ne ressortent du dossier.

c. L______ SA est sise à Genève. Son but est "l'exploitation et développement d'un ou plusieurs centres de neuro-imagerie et de traitement de ______ et ______ ainsi que tout autre institut dont l'activité est liée au diagnostic médical et à l'imagerie interventionnelle". Ses actionnaires sont J______ à raison de 51 % et B______ SA pour le solde. J______ et E______ sont ses administrateurs.

d. Au moins dès septembre 2021, un litige est survenu entre les administrateurs et actionnaires de B______ SA répartis en deux groupes, soit C______, D______ et E______, d'une part, et A______ et F______, d'autre part.

Ceux-ci prétendent que ceux-là tenteraient de les exclure de la société dans le but de les spolier de la valeur réelle de leurs actions en cas de revente de la société, ce qui est contesté.

En effet, une offre de rachat des actions de A______ et F______ a été soumise en septembre 2021 par D______, E______ et C______ aux deux susnommés, qui l'ont considérée comme insuffisante. Le prix proposé était de 800'000 fr. pour 914 actions.

Le 12 janvier 2022, F______ a soumis aux autres actionnaires une offre de rachat globale de toutes les actions de B______ SA et des actions de L______ SA détenues par J______ par un tiers, concurrent de B______ SA, pour un montant de base de 26 millions de francs, soumis à variation selon certains critères. D______, E______ et C______ ont soutenu n'avoir pas été informés au préalable de cette démarche, ce que conteste A______. B______ SA reproche à F______ d'avoir, à cette occasion, divulgué des informations confidentielles à des tiers. La majorité des membres du conseil d'administration, ainsi que J______, ont refusé d'entrer en matière sur cette offre de rachat.

Par courrier de leurs conseils du 3 mars 2022, D______, E______ et C______ ont demandé qu'une assemblée générale des actionnaires soit convoquée pour exclure A______ et F______ de la société. Cette requête a cependant été abandonnée face à l'opposition des intéressés. Il en a été de même de la proposition faite par C______ par courriel du 17 août 2022 de licencier ces deux personnes lors d'une séance du conseil d'administration.

e. Par courrier du 2 juin 2022, A______ et F______ ont écrit aux autres administrateurs, soit C______, D______ et E______, en vue d'une prochaine séance du conseil d'administration, mentionnant "diverses écritures comptables, en lien notamment avec la société H______ Sàrl", qui avaient attiré leur attention et nécessitaient une "explication".

f. Par courrier du 8 juin 2022, C______, D______ et E______ ont répondu que A______ et F______ avaient accès aux même renseignements qu'eux et qu'il pourrait être convenu par le conseil d'administration d'obtenir les renseignements utiles auprès de tiers.

g. Par courrier du 10 juin 2022, F______ et A______ se sont adressés aux autres administrateurs et ont sollicité l'obtention d'informations concernant "des écritures comptables et des transactions qui avaient pu intervenir" entre B______ SA et L______ SA. Il était ainsi demandé qu'un expert tiers soit mandaté pour examiner les comptes des sociétés et diverses autres informations financières listées ci-après. Ils ont en outre demandé les documents suivants : l'estimation des titres de chacune des deux sociétés susmentionnées établie par le fisc pour les années 2018 à 2021, ainsi que toute correspondance intervenue entre l'une ou l'autre ou les deux sociétés avec le fisc en lien avec les honoraires de J______ et l'acquisition des actions de B______ SA par C______.


 

Les informations demandées en annexe sous le titre "audit externe" sont :

"S'agissant des comptes audités 2018 à 2021 des sociétés B______ SA et L______ SA, déterminer, à partir de toutes les écritures passées dans l'un ou l'autre des comptes suivants :

- bilan ;

- compte de profits et pertes ;

- mouvement des comptes ou "Grand Livre" ;

- journal des écritures.

y compris (si nécessaire) avec obtention des pièces comptables, quelle est la réalité des :

- chiffres d'affaires par employé ;

- salaires et charges de chacun des employés et clef de répartition entre les deux sociétés ;

- détail des investissements et clef de répartition entre les deux sociétés ainsi que la répartition entre les revenus et les charges liés à ces investissements ; termes et conditions des prêts inter-sociétés ;

- termes et conditions des prêts et/ou avances de l'une ou l'autre des sociétés à tout employé de ces sociétés ;

- charges des prestataires extérieurs et clef de répartition entre les deux sociétés ;

- bonus ;

- dividendes."

h. Par courrier du 10 juin 2022, C______, D______ et E______ ont persisté à considérer que F______ et A______, en leurs qualités d'administrateurs et d'actionnaires, avaient accès aux mêmes informations qu'eux.

i. En prévision de la séance du conseil d'administration du 15 juin 2022, la question de confier un mandat d'expertise pour examiner les points soulevés dans le courrier du 10 juin 2022 a été mise à l'ordre du jour communiqué avant la séance à A______.

Lors de la séance, le conseil d'administration a refusé de nommer un tel expert.

A______ n'a pas participé à cette séance.

j. Par courriel du 1er septembre 2022, C______ a convoqué une séance du conseil d'administration pour le 9 septembre suivant. Il a précisé que les comptes 2021 révisés étaient accessibles pour consultation dès le 5 septembre 2022.

A______ conteste que la documentation pertinente ait effectivement été mise à sa disposition.

k. Par courriel du 5 septembre 2022, A______ et F______ ont demandé au comptable de B______ SA de leur transmettre les "éléments comptables détaillés" concernant la société pour les années 2018 à 2020.

Selon B______ SA, la documentation était disponible pour consultation au siège de la société, mais ni A______, ni F______ ne s'étaient déplacés. A______ conteste que la documentation ait été disponible.

l. Lors de la séance du conseil d'administration du 9 septembre 2022, il a été refusé de remettre une copie électronique des comptes à F______ et A______, car la confiance était rompue, eu égard à la transmission d'informations effectuée précédemment par F______ à des tiers. Par ailleurs, les informations demandées étaient beaucoup plus larges que les informations "habituelles" dont disposaient les administrateurs. En tout état, une consultation de la documentation au siège de B______ SA était possible.

A______ n'a pas participé à cette séance.

m. Par courrier du 16 septembre 2022 adressé aux conseils des autres administrateurs, le conseil de A______ a requis une liste d'informations concernant les exercices comptables 2020 et 2021 de B______ SA dans le but "d'assurer plus de transparence et de contrôler que ce qui a pu être fait au niveau financier ne lèse les intérêts de personne".

La liste susmentionnée est libellée, sous le titre "Liste des informations comptables" de la façon suivante :

"1. Détails des postes « actifs transitoires » et « passifs transitoires » pour 2020 et 2021.

2. Comment justifier en 2021 le montant de CHF 678'600.- au poste « Installations » alors qu'une partie significative de ce montant provient de l'acquisition de machines pour échographies, utilisées principalement pour les infiltrations, et donc par la société L______ SA (ci-après : « L______ ») ?

3. Comment justifier que les travaux occasionnés par l'acquisition des machines précitées, ainsi que ceux liés à l'acquisition d'un scanner en 2020 pour environ CHF 500'000.-, soient entièrement payés par B______ SA alors que l'usage en est partagé avec L______ ?

4. Comment justifier que L______ soit créancière de B______ SA à hauteur de CHF 69'137.- en 2020 et CHF 112'954.- en 2021 ?

5. Où figure la rétribution que L______ devrait effectuer à B______ SA dans le cadre des encaissements d'honoraires suite à l'utilisation de machines payées par B______ SA ?

6. Comment justifier les montants de CHF 757'899.- en 2020 et CHF 831'406.- au poste « leasing équipements médicaux » alors que l'essentiel de ces montants concerne L______ ?

7. Comment justifier les montants de CHF 538'307.- en 2020 et CHF 382'946.- en 2021 au poste « entretien équipements médicaux » entièrement à la charge de B______ SA alors que l'usage en est partagé ?

8. Comment justifier que le salaire de M. M______ soit pris en charge à 100% par B______ SA alors que son temps est majoritairement consacré à L______ ?

9. Comment justifier que le Dr. C______ soit salarié de B______ SA depuis son recrutement à environ 80% alors qu'il travaille à plus de la moitié de son temps pour L______ ?

10. Comment justifier les « frais de locaux » à hauteur de CHF 269'805.- en 2020 et CHF 261'039.- en 2021 alors qu'une partie des locaux abrite des machines appartenant à L______, sans compensation en faveur de B______ SA ?

11. Comment justifier que l'essentiel des « frais de ports et de communication » à hauteur de CHF 53'212.- en 2020 et CHF 45'934.- en 2021 soient totalement pris en charge par B______ SA alors que ces montants incluent les communications de L______ ?

12. Détails des montants « honoraires » en sachant que sur la période 2018 à 2021 ces montants concernaient des frais privés de certains employés, notamment des honoraires d'avocats, sans aucune justification en lien avec B______ SA ?

13. Comment justifier les montants de CHF 146'160.- en 2020 et CHF 229'869.- en 2021 au poste « amortissement sur installations » au regard des questions posées plus haut ?

14. Quel est le détail du poste « produits hors exploitation » pour un montant de CHF 285'112.- en 2020 ?

15. Quel est le détail du poste « charges exercices antérieurs » pour un montant de CHF 250'000.- en 2020 ?

16. Comment justifier le montant de CHF 446'700.- au poste « impôts exercices antérieurs » en 2019 ?

17. En lien avec la question précédente, à quoi se réfère le nouveau Président du Conseil d'administration, Dr. [C______], lorsqu'au cours de la dernière séance du Conseil d'administration, il mentionne la nécessité de provisionner la somme de CHF 400'000.- pour un litige fiscal ? en quoi ce litige concernerait et devrait impacter B______ SA ?"

n. Par courrier du 21 septembre 2022 adressé aux autres administrateurs, A______ et F______ ont demandé l'institution d'un contrôle spécial. Les informations requises figuraient dans un document annexe libellé de manière identique à celui annexé au courrier du 16 septembre 2022 et reproduit à l'attendu m. ci-dessus.

o. Par courrier du lendemain, lesdits administrateurs ont rejeté la demande de contrôle spécial. Selon eux, le temps imparti pour donner suite à leur demande était insuffisant. La documentation avait été mise à disposition au siège de B______ SA La condition de subsidiarité à l'institution d'un contrôle spécial n'était pas réalisée.

p. Au cours de l'assemblée générale des actionnaires de B______ SA du 30 septembre 2022, lors de laquelle l'ensemble des actionnaires étaient présents ou représentés, il a été mis fin au mandat d'administrateur de A______. Selon celui-ci, cette décision était nulle, respectivement annulable, car la majorité qualifiée applicable de 75% du capital social n'avait pas été atteinte, dès lors qu'il avait voté contre son éviction, de même que F______.

Il a été en outre, à la même majorité, refusé de distribuer un dividende en raison de travaux en cours, de l'achat de nouveau matériel et de l'augmentation des coûts de l'électricité.

Le point 12 du procès-verbal est libellé comme suit : "Point divers : A la demande de Me N______ [le mandataire de A______], il est inscrit au procès-verbal que les actionnaires ont refusé de voter sur l'instauration d'un contrôle spécial de la comptabilité des années précédant l'exercice écoulé".

q. Ce même 30 septembre 2022, A______ a déposé une action en annulation des décisions de l'assemblée générale par-devant le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal). Cette procédure a été référencée sous le numéro de cause C/1______/2022.

r. Par courrier du 6 octobre 2022, anticipé par courriel expédié à trois adresses différentes, le conseil de B______ SA a fourni aux conseils de A______ et F______ des réponses à chacune des questions posées précédemment et leur a communiqué des documents.

B. a. Par acte expédié le 29 décembre 2022 au greffe de la Cour, A______ a requis, sous suite de frais judiciaires et dépens, la désignation d'un expert indépendant chargé de réaliser un contrôle spécial au sein de B______ SA, concernant notamment : le lien entre B______ SA et L______ SA ; la répartition des charges, profits, actifs et passifs entre ces deux sociétés ; le détail des charges de B______ SA ; la charge fiscale de B______ SA ; les boni accordés. Il a en outre conclu à ce que la Cour demande à l'expert de répondre aux questions suivantes :

"1. Déterminer la nature des liens, notamment contractuels, existant entre B______ SA et L______ SA.

2. Déterminer s'il y [avait] un transfert d'activité vers L______ SA au détriment de B______ SA ;

3. Déterminer s'il y [avait] un transfert des charges de L______ SA ver [sic] B______ SA, au détriment de celle-ci."

Pour le surplus, par ses questions 4 à 20, il a conclu à ce que les questions listées à l'attendu A.m. supra soient posées à l'expert.

Il a enfin conclu à ce que la Cour mette tous les frais résultant du contrôle spécial à la charge de B______ SA

b. B______ SA a conclu à l'irrecevabilité de la requête de A______. Subsidiairement, elle a conclu à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans les causes C/2______/2022 (soit une action en dissolution de la société anonyme déposée par A______ et F______ devant le Tribunal) et C/1______/2022, puis au rejet de la requête, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont spontanément répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. La Cour a informé les parties par avis du 28 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1. Etant donné l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme le 1er janvier 2023, se pose la question du droit transitoire applicable à la requête introduite le 29 décembre 2022.

1.1. A teneur des dispositions transitoires prévues dans la modification du droit de la société anonyme du 19 juin 2020, les art. 1 à 4 du titre final du code civil sont applicables à dite modification, sous réserve des dispositions suivantes (art. 1 al. 1). Les dispositions du nouveau droit s’appliquent dès son entrée en vigueur à toutes les sociétés existantes (art. 1 al. 2). Aucune autre disposition transitoire n'est prévue pour les articles du code des obligations trouvant application dans le présent litige.

L'art. 1 al. 1 du titre final du code civil prévoit que les effets juridiques de faits antérieurs à l’entrée en vigueur du code civil continuent à être régis par les dispositions du droit fédéral ou cantonal sous l’empire duquel ces faits se sont passés. Cette disposition pose le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle. L'idée est qu'un "fait passé" ne doit en principe pas produire d'effets différents par la seule entrée en vigueur d'une loi nouvelle (Pichonnaz / Piotet, Commentaire Romand - CC II, 2016, n. 45 ad art. 1-4 Tit. fin.). Il en va ainsi lorsque des rapports ont débuté avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, ont généré un droit acquis sous l'empire de l'ancien droit et existent toujours après le changement de loi (Ibid., n. 89 ad art. 1-4 Tit. fin.).

1.2 En l'occurrence, la requête d'institution d'un contrôle spécial a été déposée avant l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme. La question de savoir s'il doit être donné une suite favorable à cette requête doit donc être examinée à l'aune de l'ancien droit, qui sera désigné ci-après comme aCO, puisque les faits pertinents pour la naissance du droit sont tous survenus sous l'empire de celui-ci. Il en ira de même quant aux dispositions correspondantes du CPC.

2. 2.1 La Chambre civile de la Cour de justice est compétente pour statuer en instance cantonale unique sur la désignation d'un contrôleur spécial en vertu de l'art. 697b aCO, soit en cas de refus de l'assemblée générale d'instituer un tel contrôle (art. 5 al. 1 let. g aCPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ).

2.2 Relevant de la procédure contentieuse (art. 697c al. 1 aCO; Pauli Pedrazzini, Commentaire romand - CO II, 2ème éd. 2017, n. 26 ad art. 697a aCO et l'arrêt cité), l'action fondée sur l'art. 697a al. 2 aCO est régie par la maxime des débats (art. 255 let. b CPC a contrario) et la maxime de disposition (art. 58 CPC; Pauli Pedrazzini, op. cit., n. 4 ad art. 697c aCO).

La procédure sommaire s'applique à l'institution d'un contrôle spécial de la société anonyme (art. 250 let. c ch. 8 aCPC). Il n'y a dès lors en principe qu'un seul échange d'écritures. La phase d'allégations est par conséquent close après que les parties se sont exprimées une fois et celles-ci ne peuvent pas introduire de nova en exerçant leur droit constitutionnel inconditionnel à la réplique (ATF 144 III 117 consid. 2.2 et 2.3). Le degré de preuve est par ailleurs limité à la vraisemblance (arrêts du Tribunal fédéral 4A_129/2013 du 20 juin 2013 consid. 7.2.1; 4A_359/2007 du 26 novembre 2007 consid. 2.2).

3. Le requérant sollicite l'institution d'un contrôle spécial sur la base de l'art. 697b al. 2 aCO.

Etant donné qu'il résulte de l'examen des conditions matérielles ci-après que l'institution d'un contrôle spécial n'est pas justifiée, la question, débattue par les parties, de la réunion des conditions formelles posées par la loi (art. 697a al. 1 et 2 et 697b al. 1 aCO) peut demeurer ouverte.

3.1
3.1.1
Le contrôle spécial, régi par les art. 697a à 697g aCO, est une des mesures prévues par la loi pour donner aux actionnaires un droit de contrôle sur la marche de la société (art. 696 ss aCO; ATF 138 III 252 consid. 3.1).

Lors de l'assemblée générale, tout actionnaire peut demander des renseignements au conseil d'administration sur les affaires de la société et à l'organe de révision sur l'exécution et le résultat de sa vérification; les renseignements doivent être fournis dans la mesure où ils sont nécessaires à l'exercice des droits de l'actionnaire (art. 697 al. 1 et 2 aCO).

Tout actionnaire peut proposer à l'assemblée générale l'institution d'un contrôle spécial afin d'élucider des faits déterminés si cela est nécessaire à l'exercice de ses droits et s'il a déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces (art. 697a al. 1 aCO).

Si l'assemblée générale ne donne pas suite à la proposition, des actionnaires représentant 10% au moins du capital-actions ou des actions d'une valeur nominale de 2'000'000 de francs peuvent dans les trois mois demander au tribunal la désignation d'un contrôleur spécial (art. 697b al. 1 aCO).

3.1.2 Le requérant a droit à la désignation d'un contrôleur spécial lorsqu'il rend vraisemblable que des fondateurs ou des organes ont violé la loi ou les statuts et qu'ils ont ainsi causé un préjudice à la société ou aux actionnaires (art. 697b al. 2 aCO). Le requérant doit justifier d'un intérêt actuel digne de protection : l'information requise doit lui permettre d'exercer ses droits d'actionnaire en connaissance de cause (ATF 138 III 252 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2022 du 5 août 2022 consid. 4.1.3 et les références citées).  

Sur le droit à l'institution d'un contrôle spécial, les conditions de vraisemblance de l'art. 697b al. 2 aCO constituent un point crucial. Le droit pourrait rester lettre morte si les conditions étaient trop strictes. A l'inverse, des conditions trop libérales seraient contraires à l'intention du législateur pour qui le contrôle spécial ne doit pas être imposé trop facilement. La vraisemblance concerne le droit comme le fait. Quant aux faits, il faut rendre vraisemblables des actions ou des omissions déterminées des fondateurs ou des organes et les dommages qui en découlent. Il n'est pas nécessaire de convaincre pleinement le tribunal de l'existence de ces faits. Une certaine probabilité suffit même si le tribunal admet que ces faits pourraient ne pas être réalisés (ATF 138 III 252 consid. 3.1 ;
120 II 393 consid. 4c). Il faut empêcher les démarches abusives ou quérulentes, les prospections tous azimuts ou autres "fishing expeditions" en quête d'éventuelles irrégularités qui ne sont étayées par aucun indice. Le juge doit s'interroger sur la plausibilité des soupçons émis en pondérant les intérêts en présence. Le risque abstrait d'un conflit d'intérêts est insuffisant pour justifier un contrôle spécial (ATF 140 III 610 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2022 du
5 août 2022 consid. 4.1.4 et les références citées). Le requérant ne peut pas se contenter d'exprimer des soupçons ou d'affirmer qu'il y a eu des comportements contraires aux obligations de gestion (arrêt du Tribunal fédéral 4C_190/2005 du 6 septembre 2006 consid. 3.4.). Il lui incombe donc de rendre vraisemblable que le comportement ou l'omission des organes viole une disposition légale ou statutaire précise et d'indiquer en quoi consiste la violation (ATF 120 II 393 consid. 4c ; 138 III 252 consid. 3.). De même, un examen général d'une partie de la gestion de la société, dans l'espoir de découvrir des irrégularités, n'est pas admissible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.1.3).

3.1.3 Le contrôle spécial doit tendre à établir des faits, non pas à obtenir des appréciations ou des jugements de valeur (art. 697 al. 2 et 697a al. 2 aCO; ATF 138 III 252 consid. 3.1 ; 133 III 453 consid. 7.5). En d'autres termes, le contrôle spécial doit avoir pour objet des faits, et ceux-ci doivent être déterminés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2022 du 5 août 2022 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.1.4 Le requérant doit rendre vraisemblable que les renseignements demandés sont nécessaires à l'exercice de ses droits d'actionnaire (art. 697 al. 2 aCO), par exemple son droit d'agir en responsabilité à l'encontre du conseil d'administration (art. 754 CO) ou d'agir en restitution de prestations indues (art. 678 CO), articles dont la teneur n'a pas fondamentalement changé depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit.

Parmi les devoirs de l'administrateur figure notamment son devoir de fidélité envers la société, qui lui impose de veiller fidèlement aux intérêts de celle-ci et de traiter de la même manière les actionnaires qui se trouvent dans la même situation (art. 717 CO).

3.2 En l'espèce, le requérant motive sa requête eu égard à "différentes questions" et un empêchement d'exercer "ses droits d'actionnaire", ce à la lumière de la convention conclue entre les actionnaires de la citée. Il souhaiterait éclaircir les liens, "en particulier comptables", entre la citée et L______ SA, car la plupart des charges de celle-ci étaient "imputées" à celle-là, ce sans contrôle de sa part et alors que les deux sociétés étaient des concurrentes. Il évoque ensuite le devoir des administrateurs de ne pas faire concurrence et d'éviter les conflits d'intérêts. Or, plusieurs administrateurs de la citée étaient aussi administrateurs de L______ SA. Il était "évident" qu'ils avaient la volonté de vider la citée de sa substance en faveur de L______ SA. Les autres administrateurs avaient en outre la volonté de nuire à ses propres intérêts en le forçant à vendre ses actions à vil prix et en refusant d'allouer des dividendes aux actionnaires, tout en accordant des boni à certains de ceux-ci. Il souhaitait donc obtenir "des informations précises sur les mesures prises pour s'assurer que les intérêts de la citée étaient dûment pris en considération et sauvegardés".

A cela, la citée oppose que la requête était motivée par un désir de représailles du requérant à la suite du refus de vendre l'intégralité de son capital-actions à un tiers. Elle considère de surcroît que le requérant n'avait pas exercé son droit d'information préalable. Sa demande n'était pas mise en lien avec ses droits d'actionnaire. Même plus, il avait été répondu à ses questions, ce dont il ne faisait pas état, notamment par courrier du 6 octobre 2022. En outre, la demande de renseignement portait majoritairement sur une période lors de laquelle il était encore membre du conseil d'administration. Une partie des questions posées ne lui avait jamais été soumise précédemment.

3.3 Comme le souligne la citée, les questions 1 à 3 formulées dans la requête n'ont pas été soumises précédemment à la citée et peuvent donc d'emblée être écartées pour cette raison déjà.

3.4 S'agissant des autres questions posées par le requérant, qui remplissent cette condition, il y a lieu d'examiner si celui-ci rend vraisemblable un intérêt légitime à obtenir les renseignements demandés, s'il se prévaut de la violation de la loi ou des statuts au préjudice des actionnaires minoritaires ou au préjudice de la citée et si la demande de renseignement est suffisamment ciblée.

Il sera relevé d'emblée que l'argumentation du requérant quant à ces différents aspects de la cause est peu étayée.

Son intérêt légitime à obtenir les réponses aux questions posées est douteux par le simple fait que, par courrier du 6 octobre 2022, le conseil d'administration, sous la plume d'un avocat, a répondu point par point aux questions posées et fourni des documents pour étayer ses réponses. Le requérant se contente de contester l'existence de ce courrier, pourtant échangé entre avocats et anticipé par courriel, sans pour autant prendre position de quelque manière que ce soit à son sujet dans sa réplique. Or, il lui incombait, de bonne foi, d'expliciter en quoi les informations obtenues par ce biais n'étaient pas encore suffisantes pour satisfaire son intérêt au renseignement. Il peut donc déjà être parti du principe, faute de contestation ou d'explicitation, que ce courrier contenait une réponse suffisante aux interrogations soulevées.

D'ailleurs, l'intérêt du requérant à obtenir les informations demandées est d'autant moins évident qu'il était administrateur à l'époque des faits pour lesquels il demande éclaircissement. Or, bien que la citée soulève ce point, il n'apporte pas d'explication tangible sur la raison pour laquelle il n'aurait pas eu connaissance des éléments pertinents pour la gestion de la citée lorsqu'il en était administrateur en 2020 et 2021, soit déjà avant que ne naisse le conflit qui l'oppose aux autres administrateurs. Tout au plus, se limite-t-il à suggérer l'existence d'un complot ourdi contre lui, sans apporter la moindre preuve qu'il en irait ainsi. S'il s'est - comme le soutient la citée et comme le révèlent ses absences lors des séances du conseil d'administration - désintéressé des affaires de la citée, il ne saurait combler ce déficit d'information par l'instauration d'un contrôle spécial fondé sur ses droits d'actionnaire. Il en va plus particulièrement ainsi de la question 20 ("En lien avec la question précédente, à quoi se réfère le nouveau Président du Conseil d'administration, Dr. [C______], lorsqu'au cours de la dernière séance du Conseil d'administration, il mentionne la nécessité de provisionner la somme de CHF 400'000.- pour un litige fiscal ? en quoi ce litige concernerait et devrait impacter B______ SA ?"), le requérant n'ayant rien demandé, ni fait poser aucune question sur ce point lors de la séance concernée.

Si le requérant cite des dispositions légales se rapportant aux restitutions de prestations faites au préjudice de la société (art. 678 CO), ainsi qu'à la diligence des administrateurs et à leur devoir de fidélité (art. 717 CO), il ne décrit aucun comportement précis qui constituerait une violation de ces règles légales. Il se limite ainsi à évoquer de manière générale ses droits d'actionnaire, ainsi qu'un transfert d'activité de la citée vers L______ SA et un soupçon de conflit d'intérêts. Ce transfert est défini comme "évident" alors que, précisément, il n'existe pas le moindre élément au dossier susceptible d'établir que les autres actionnaires et les administrateurs auraient pour volonté de favoriser L______ SA ou de vider de sa substance la citée. Par son raisonnement schématique qui ne convainc pas, le requérant invoque une situation de concurrence entre les deux sociétés, que rien ne démontre. Il occulte ainsi le fait que les deux sociétés entretiennent des liens économiques étroits puisque la citée détient 49% des parts de L______ SA, le solde étant détenu par l'un de ses actionnaires (pour être tout à fait précis par une personne physique qui détient l'une des sociétés actionnaires de la citée). Elles ont en outre un administrateur en commun. Il est ainsi peu plausible que l'une des sociétés tentent de vider l'autre de sa substance si leur capital action est entre les mêmes mains. De surcroît, la simple possibilité d'un conflit d'intérêts d'un ou de plusieurs membres du conseil d'administration (en raison de liens familiaux ou financiers) est insuffisant à fonder une violation des droits du requérant que celui-ci chercherait à prévenir.

Le requérant soutient encore qu'on tenterait de nuire à ses intérêts en le forçant à vendre ses actions à vil prix et en lui refusant l'allocation d'un dividende, alors que des boni seraient alloués en parallèle à des tiers indéterminés. Comme il le soulève lui-même dans ses écritures, il est exclu par le droit de la société anonyme, sauf situations très particulières justifiées par un intérêt supérieur de l'Etat, de forcer un actionnaire à vendre ses actions. En outre, un actionnaire minoritaire prend, précisément, le risque d'être minorisé dans les décisions de l'assemblée générale, notamment eu égard à l'attribution de dividendes. Il ne saurait donc être question d'une violation du droit de l'actionnaire ou de la société lorsqu'une décision est prise contre l'avis de l'actionnaire minoritaire alors que tous les actionnaires sont traités semblablement par le refus d'octroyer un dividende, comme en l'espèce. En outre, le requérant ne fournit aucun élément - et d'ailleurs ne propose aucune question liée au contrôle spécial sur ce sujet - quant à la distribution de rémunérations extraordinaires à des employés ou à des organes de la citée. Ce fait n'est donc pas rendu vraisemblable.

En dernier lieu, la demande de renseignement du requérant apparaît, comme le souligne la citée, exploratoire et imprécise. La question 4 ("Détails des postes « actifs transitoires » et « passifs transitoires » pour 2020 et 2021") est trop vague et étendue pour donner lieu à une mesure de contrôle spécial. Les questions posées en rapport avec des postes délimités des comptes de la citée (questions 5 à 19) sont incompréhensibles à défaut d'allégués correspondants dans la partie en fait de ses écritures. En effet, le requérant désigne des transactions ou des créances dans plusieurs de ses questions, mais son exposé en fait ne permet pas de comprendre d'où il tient l'information litigieuse, ni quand et comment ces transactions ont eu lieu, respectivement quand et comment ces créances sont nées. Il semble que le requérant possède de nombreuses informations (vraisemblablement l'accès complet aux comptes de la citée au vu du caractère très détaillé de ses questions), tout en prétendant n'en détenir aucune, de sorte que, faute de toute explication dans ses écritures, ses demandes apparaissent exploratoires et chicanières. Même plus, en mêlant des écritures comptables avec des allégués propres non prouvés qu'il tient pour des faits établis (à titre d'exemple, la question "Comment justifier les montants de CHF 757'899.- en 2020 et CHF 831'406.- au poste « leasing équipements médicaux » alors que l'essentiel de ces montants concerne L______ ?"), le traitement des questions du requérant impliquerait une analyse complète des rapports entre les deux sociétés, sur le plan comptable et juridique, ce qui excède le but d'un contrôle spécial, qui tend uniquement à établir des faits, sans appréciation, ni jugement de valeur.

Par conséquent, outre que le requérant a sans doute déjà obtenu réponse à ses questions, il n'apporte que des éléments disparates et insuffisants pour justifier de son intérêt à agir, respectivement pour rendre vraisemblable une éventuelle violation de la loi dont il pourrait souffrir.

Sa requête sera donc intégralement rejetée.

4. Au vu de l'issue de la procédure, la requête de suspension de la procédure formulée par la citée est sans objet.

5. Les frais judiciaires de la présente procédure, arrêtés à 2'000 fr. (art. 95 al. 1 et 96 CPC; art. 26 RTFMC), seront mis à la charge du requérant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le requérant sera condamné à verser à la citée un montant de 2'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens (art. 95 al. 2 CPC; 84 et ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant en instance unique par voie de procédure sommaire :

Rejette la requête en désignation d'un contrôleur spécial déposée le 29 décembre 2022 par A______ à l'encontre de B______ SA.

Arrête les frais judiciaires à 2'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 2'000 fr. à B______ SA à titre de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.