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Décisions | Chambre civile

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C/18430/2020

ACJC/598/2023 du 09.05.2023 sur JTPI/9785/2022 ( OO ) , JUGE

Recours TF déposé le 12.06.2023, 4A_308/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18430/2020 ACJC/598/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 MAI 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 août 2022, comparant par Me Christophe GAL, avocat, CG Partners, rue du Rhône 100,
1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (VD), intimé, comparant par
Me Clarence PETER, avocat, KELLERHALS CARRARD GENÈVE SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/9785/2022 du 24 août 2022, notifié aux parties le 5 septembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ de sa demande en paiement formée à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif).

Les frais judiciaires, arrêtés à 10'300 fr. et compensés à due concurrence avec les avances fournies par A______, ont été mis à la charge de ce dernier. L'Etat de Genève a été invité à restituer les sommes de 50 fr. à A______ et de 300 fr. à B______ à titre de surplus d'avances de frais (ch. 2). Enfin, A______ a été condamné à payer à B______ 13'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 4).

b. Par acte expédié le 5 octobre 2022, A______ a formé appel à l'encontre dudit jugement, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et, cela fait, à la condamnation de B______ à lui verser la somme de 124'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 avril 2013, subsidiairement les sommes de 50'000 fr. avec intérêts à 6% dès le 8 juin 2011 et de 65'000 fr. avec intérêts à 6% dès le 15 juillet 2011. Plus subsidiairement, il a requis le renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants.

c. Aux termes de son mémoire de réponse expédié au greffe de la Cour de justice le 18 novembre 2022, B______ a conclu, sous suite de frais, à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______ a répliqué le 23 décembre 2022 et B______ a dupliqué le 23 janvier 2023, persistant chacun dans leurs conclusions respectives.

e. Le 3 février 2023, A______ s'est déterminé sur le mémoire de duplique de B______.

f. Par plis séparés du 27 février 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. C______ SA était une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève le ______ 2005, dont le but social consistait en la prestation de services et conseils dans le domaine du bien-être et de la santé "on-line", ainsi qu'en la formation en entreprise. Sa faillite a été prononcée à Genève par jugement du 25 juin 2012.

b. C______/1______ SA était une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Vaud le ______ 2009, dont le but social consistait en la prestation de services, de conseils et en la vente de produits dérivés dans le domaine du bien-être et de la santé "on-line", ainsi qu'en la formation en entreprise. Sa faillite a été prononcée le ______ 2015 par le Tribunal de l'arrondissement de K______ [VD].

c. C______/1______ SA a été créée alors que C______ SA était en proie à des difficultés financières, lesquelles avaient conduit à un ajournement de faillite dès l'année 2008.

d. Avant qu'elle ne soit déclarée en faillite le ______ 2015, C______/1______ SA a fait l'objet d'une première faillite prononcée par le Tribunal de l'arrondissement de K______ le 18 octobre 2012, annulée par décision du même Tribunal le 29 novembre 2012 et remplacée par un sursis concordataire régulièrement renouvelé jusqu'au 31 octobre 2014.

e. B______ a été à l'origine de la création tant de C______ SA que de C______/1______ SA et était un actionnaire important des deux sociétés. Il a occupé la fonction d'administrateur unique, avec pouvoir de signature individuelle, de C______ SA, et celle d'administrateur président de C______/1______ SA du ______ 2009 au 4 septembre 2012. Il a également été employé par C______/1______ SA en qualité de directeur du 1er novembre 2009 au 31 août 2012.

f. A______ a œuvré professionnellement dans le domaine du conseil en entreprise. Il a par ailleurs été l'administrateur et l'ayant-droit économique de la société D______/2______ SA (ci-après : D______ SA), inscrite au registre du commerce du canton de Lucerne le ______ 2011, puis à celui de Genève dès le ______ 2014, dont le but social était de développer un réseau international exclusif de professionnels qualifiés pour l'échange de savoir-faire, ______, ______, ______, ______, ______ et ______ ainsi que pour ______, ______ et ______ au sein de leur communauté d'affaires et de coopérer dans l'exécution de tels services.

g. Au mois de mars 2011, alors qu'il était à la recherche d'investisseurs pour financer C______/1______ SA, B______ a fait la connaissance de A______.

h. Le 16 mai 2011, C______/1______ SA et A______ ont conclu un contrat de mandat de conseil en entreprise, par lequel ce dernier s'est essentiellement engagé, contre rémunération, à assister la société dans son développement, notamment par la levée de fonds.

i. Parallèlement, B______, qui connaissait des difficultés financières, a sollicité de A______ l'octroi d'un prêt. Par contrat du 8 juin 2011 rédigé par A______, D______ SA (dont la raison sociale était alors D______/3______ SA) a prêté 50'000 fr. à B______, au taux de 6 % l'an. L'échéance du prêt a été fixée au 30 septembre 2011. B______ garantissait le remboursement du prêt par le nantissement de 15'000 actions de C______/1______ SA en faveur de D______ SA.

j. Le 22 juin 2011, A______ a souscrit 680'000 actions de C______/1______ SA au prix de 15 centimes par action, correspondant à un prix total de 102'000 fr.

k. Lors de l'assemblée générale du 27 juin 2011 de C______/1______ SA, A______ a été nommé administrateur de la société et sa souscription des actions a été acceptée. Ses pouvoirs d'administrateur ont été inscrits au registre du commerce dès le 4 septembre 2012.

l. Le 15 juillet 2011, faisant suite à une demande de B______ formulée par courriel du 6 juillet 2011, A______ a prêté à ce dernier 65'000 fr. au taux de 6 % l'an. L'échéance du prêt a été fixée au 31 décembre 2011 et B______ garantissait son remboursement par le nantissement de 450'000 actions de C______/1______ SA en faveur de A______.

Dans le courriel précité, B______ évoquait un investissement futur dans C______/1______ SA de l'ordre de 1'000'000 fr. provenant de E______, qui était dans l'attente de la vente de ses actions dans une société nommée F______ INC. Au courriel était jointe une lettre adressée par E______ à B______, dans laquelle le premier confirmait, essentiellement, son intention d'investir 1'000'000 fr. dans C______/1______ SA dès la vente de ses actions F______ INC. S'agissant de ces dernières, E______ précisait détenir 2'743'820 actions préférentielles, dont le prix avait été fixé à 6 euros par action. Le Département américain de la Défense, soit le Pentagone, avait demandé à une grande compagnie pharmaceutique américaine d'acheter F______ INC afin de bénéficier de la molécule G______ développée par la société.

Entendu en qualité de témoin, E______ a déclaré qu'il connaissait B______ depuis une vingtaine d'années et avait tissé avec lui des liens d'amitié et financiers. Il s'était bien engagé à investir 1'000'000 fr. dans C______/1______ SA par la vente de ses actions F______ INC.

A______ a déclaré que le prêt de 65'000 fr. visait à remédier à l'impossibilité pour B______ de percevoir ses arriérés de salaire (dus pour son poste de directeur de C______/1______ SA).

m. Le 24 mai 2012, A______ a rédigé une note à l'attention des anciens administrateurs de C______/1______ SA et de ceux en poste. Celle-ci faisait état d'irrégularités dans les relations entre C______ SA et C______/1______ SA. Cette dernière avait repris sans fondement des dettes de la première. Par ailleurs, C______ SA avait accordé à C______/1______ SA la licence, contre redevance, de droits de propriété intellectuelle lui appartenant. Or, ces droits étaient devenus inutiles à C______/1______ SA. Le bilan de C______/1______ SA était faussé en raison de ces irrégularités et A______ recommandait que B______ démissionne de ses fonctions d'administrateur et de directeur de la société.

n. Par courrier du 31 mai 2012, C______/1______ SA a licencié B______ de son poste de directeur pour le 31 août 2012. Celui-ci a toutefois continué à travailler en qualité de consultant.

o. Lors de l'assemblée générale de C______/1______ SA du 23 août 2012, B______ a démissionné de sa fonction d'administrateur président. Il détenait alors 17'300'000 actions de C______/1______ SA, représentant 64.2% du capital-actions.

p. Une augmentation du capital-actions de C______/1______ SA intervenue le 15 septembre 2012 a réduit la participation de B______ à 31.4 % du capital social.

q. Au 18 octobre 2012, B______ n'avait remboursé ni le prêt octroyé le 8 juin 2011 par D______ SA, ni celui accordé le 15 juillet 2011 par A______.

C. a. Le 19 octobre 2012, deux conventions ont été conclues entre B______ et D______ SA, ainsi que deux autres liant B______ à A______.

Les quatre conventions ont été rédigées par A______.

b.a Ainsi, par convention de cession d'actions, B______ a cédé à D______ SA 5'000'000 actions (valeur nominale d'un centime) de C______/1______ SA lui appartenant, à titre de remboursement complet du prêt de 50'000 fr. qui lui avait été octroyé. Par une convention analogue, B______ a cédé à A______ 6'500'000 actions (valeur nominale d'un centime) de C______/1______ SA à titre de paiement complet du prêt de 65'000 fr.

L'art. 2 desdites conventions précisait que la vente des 5'000'000 actions, respectivement des 6'500'000 actions, était acceptée moyennant l'annulation des prêts consentis par D______ SA et A______ à B______ et de toutes les obligations en capital et intérêts qui en découlaient.

A la suite de ces cessions, B______ ne détenait plus que 11.42% du capital-actions de C______/1______ SA.

b.b Par convention séparée intitulée "convention d'achat d'actions", D______ SA a cédé à B______ 2'570'000 actions nominatives de C______/1______ SA contre le paiement de 28'000 fr. Par une convention séparée analogue, A______ a cédé à B______ 8'930'000 actions nominatives de C______/1______ SA contre le paiement de 96'000 fr. La validité de ces deux conventions, respectivement leur exécution, font l'objet du présent litige.

Les conventions sont libellées de manière identique et contiennent un article 2 formulé ainsi: "La vente de 2'570'000 [respectivement 8'930'000] actions de C______/1______ SA par le vendeur est consentie et acceptée moyennant le paiement au vendeur de CHF 28'000 (vingt-huit mille francs suisses) [respectivement 96'000 fr. (nonante six mille francs suisse)] sous un délai maximum de 6 mois à compter de la date de signature de la présente convention."

L'art. 3 des conventions est quant à lui formulé de la manière suivante : "La propriété des actions présentement cédées sera transférée par le vendeur à l'acheteur simultanément au paiement effectif de l'intégralité de la somme due et mentionnée à l'article 2; les droits patrimoniaux afférents aux actions cédées seront transférés à l'acheteur à la date d'exécution du paiement.".

Enfin, les conventions contiennent le préambule suivant:

"( )

2. A la suite d'une cession d'actions intervenue ce jour, D______ SA AG [respectivement M. A______] dispose de la pleine et entière propriété de 8'000'000 [respectivement 8'930'000] actions nominatives de la société C______/1______ SA d'une valeur nominale de CHF 0.01 (un centime de franc suisse) chacune, entièrement libérées.

3. M. B______ désire acheter 2'570'000 [respectivement 8'930'000] actions de C______/1______ SA société dont il est déjà actionnaire, et ce, dès qu'il sera revenu à meilleure fortune.

4. Confiant que la vente de sa maison sise Chemin 4______ no. ______ à H______ [VD] va se concrétiser rapidement et/ou que Monsieur E______, domicilié à Zurich, lui avancera prochainement l'argent nécessaire, M. B______ accepte de prendre l'engagement ferme et définitif de racheter 2'570'000 [respectivement 8'930'000] actions à D______ SA AG [respectivement à M. A______] aux conditions de cette convention.

( )".

Selon l'art. 4 des conventions, aucune garantie n'était donnée à B______, qui déclarait connaître parfaitement la situation comptable de C______/1______ SA à la date du 30 juin 2012.

b.c. A______ a déclaré que le délai de six mois stipulé dans les conventions avait pour fonction d'exercer une pression sur B______, qui n'avait pas été capable d'honorer ses précédents engagements. Dans l'esprit des parties, l'argent restait dû même au-delà du délai de six mois. La différence entre les montants articulés dans les conventions correspondait aux intérêts dus depuis les mois d'octobre 2012 à décembre 2013, soit le délai qui lui apparaissait raisonnable pour la vente de la maison. Plusieurs contrats avaient été conclus au lieu d'un seul pour permettre à B______ de donner des explications aux autorités. Il n'avait, au mois d'octobre 2012, aucun intérêt à détenir des actions de C______/1______ SA en raison d'un risque important de faillite.

B______ a déclaré que A______ avait un intérêt à détenir des actions de C______/1______ SA lors de la conclusion des conventions de cession d'actions, dès lors qu'une entreprise belge était intéressée à investir et qu'une levée de fonds avait eu lieu précédemment. La condition pour racheter les actions était qu'il revienne à meilleure fortune dans un délai de six mois. A l'échéance du délai, A______ était libre de vendre les actions à qui il le souhaitait.

c. Entre le 19 octobre 2012 et le 19 avril 2013, échéance du délai de six mois prévu par l'art. 2 des conventions d'achat d'actions, B______ et A______ ont échangé à plusieurs reprises par courriel au sujet de la vente par E______ de ses actions F______ INC et de la vente par B______ de sa maison. Il en ressortait que B______ n'avait pas encore trouvé d'acheteur pour sa maison, tandis que E______ était en très bonne voie de concrétiser la vente de ses actions F______ INC.

Par courriel du 14 janvier 2013, B______ a notamment indiqué que les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 prévoyant un délai de 6 mois, il ferait "tout [son] possible pour [s'en] sortir et récupérer ses parts plus tôt". Il a en outre, par courriel du 16 janvier 2013, confirmé son intention d'honorer son engagement de racheter "l'action" avant fin avril 2013.

d. Aucun rachat d'actions par B______ n'est intervenu dans le délai de six mois prévu dans les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012.

Lors de son audition, B______ a déclaré n'avoir pas écrit à l'échéance du délai de 6 mois à A______ pour lui dire que les conventions d'achat d'actions étaient caduques, car il avait la volonté de sauver C______/1______ SA, qu'il avait créée et qui était son "bébé", et car il était dans une "situation mentale précaire".

e. Par courriel du 31 mai 2013, B______ a informé A______ avoir eu des visites le jour même pour la vente de sa villa et que E______ devait se rendre aux Etats-Unis le 16 juin 2013 en vue de la vente de ses actions F______ INC.

f. Par courrier adressé le 14 juin 2013 à B______, lequel l'a transmis à A______, E______ confirmait sa détermination à investir 1'000'000 fr. dans C______/1______ SA dès la vente de ses actions F______ INC sous la forme d'achats d'actions de C______/1______ SA. Il détenait 11'792'880 actions ordinaires de F______ INC, dont le prix avait été fixé à 6.10 euros par action. Il confirmait que le Pentagone avait demandé à une grande entreprise pharmaceutique américaine d'acheter F______ INC pour disposer de la molécule G______ et la mettre sur le marché.

g. Le 27 juin 2013, le Tribunal de l'arrondissement de K______ a prolongé au 28 février 2014 le sursis concordataire octroyé à C______/1______ SA. Le Tribunal s'est notamment fondé sur la postposition de plusieurs créances, ainsi que sur deux projets de contrat en cours de 450'000 fr. au total pour prolonger le sursis.

h. Par courriel du 30 août 2013, B______ a informé A______ qu'il présenterait avec E______ dans le courant du mois de septembre une proposition écrite concernant C______/1______ SA, intégrant notamment le rachat d'actions.

i. Par courriel du 7 septembre 2013 intitulé "rachat d'actions" (b[u]y back shares), B______ a indiqué à A______ qu'il attendait des nouvelles de E______ et qu'il travaillait sur d'autres solutions afin d'"effacer le passé".

j. Le 17 novembre 2013, A______ a demandé à B______ s'il avait rencontré E______ et s'il disposait de nouvelles informations. Il lui a en outre indiqué qu'il espérait qu'il ait fait des progrès concrets pour rembourser ses dettes à brève échéance.

Le 21 novembre 2013, B______ a répondu avoir rencontré E______ la veille et qu'une proposition serait faite une fois que celui-ci aurait perçu les fonds attendus.

k. Le 2 février 2014, A______ a avisé B______ qu'il était indispensable qu'il rembourse ses dettes personnelles dans le courant du mois.

l. Par courrier du 24 février 2014 adressé au conseil d'administration de C______/1______ SA, E______ a confirmé son engagement à avancer à B______ les fonds nécessaires au rachat des actions C______/1______ SA convenu dans le cadre des conventions du 19 octobre 2012 dès qu'il recevrait le produit de la vente de ses actions F______ INC.

Questionné au sujet de ce courrier, E______ a déclaré qu'il ne se souvenait pas si son investissement de 1'000'000 fr. dans C______/1______ SA par la vente de ses actions F______ INC devait permettre à B______ de racheter les actions à A______.

m. Le 27 février 2014, le Tribunal de l'arrondissement de K______ a prolongé à nouveau le sursis concordataire octroyé à C______/1______ SA au 30 juin 2014. Le jugement se fonde notamment sur une offre de E______ d'investir 160'000 fr. contre la remise d'actions, ainsi que sur la négociation en cours d'un contrat susceptible de générer 300'000 euros pour la société.

n. Le 6 mars 2014, A______ a adressé un courriel à B______, par lequel il proposait à ce dernier d'acheter notamment toutes ses actions et celles de D______ SA dans C______/1______ SA pour un montant de 400'000 fr.

o. Le 26 juin 2014, le Tribunal de l'arrondissement de K______ a prolongé le sursis concordataire au 31 octobre 2014. Le Tribunal s'est fondé sur les discussions en cours avec E______, lequel devait investir dans la société. Les autres projets de financement ne s'étaient par contre pas concrétisés.

p. Le 1er septembre 2014, A______ a demandé à B______ quelles mesures il envisageait de prendre, dans l'hypothèse où E______ ne parviendrait pas à tenir ses engagements envers lui et C______/1______ SA, pour rembourser sa dette avant la mi-octobre en l'avertissant qu'aucun nouveau délai de paiement ne lui serait accordé. Il précisait qu'il était sans importance que le remboursement se fasse au moyen du produit de la vente de sa maison ou d'un prêt de E______, mais qu'il lui incombait de trouver une solution car la faillite de C______/1______ SA n'effacerait pas sa dette. Sans perspective d'un redressement financier de C______/1______ SA, il n'avait plus aucune raison d'être patient.

B______ a répondu en proposant de planifier une rencontre mi-septembre.

Aucune rencontre n'a eu lieu.

q. Par courriel du 27 octobre 2014, A______ a informé le commissaire au sursis concordataire que l'investissement de E______ ne se concrétisait pas. C______/1______ SA n'était pas en mesure de verser un dividende concordataire et la faillite de la société était devenue dès lors inéluctable.

E______ a déclaré que la vente de ses actions F______ INC ne s'était pas concrétisée dès lors qu'il s'agissait d'une affaire criminelle et que ses actions ne valaient plus rien.

D. a. Le 10 décembre 2014, par l'intermédiaire de leur conseil commun, A______ a réclamé à B______ le paiement de 65'000 fr. en capital et de 13'260 fr. d'intérêts à 6 % l'an au 15 décembre 2014 et D______ SA le paiement de 50'000 fr. en capital et de 10'500 fr. d'intérêts à 6 % l'an au 15 décembre 2014.

b. Par courrier de son conseil du 16 décembre 2014, B______ a contesté être débiteur des sommes réclamées.

c. La faillite de C______/1______ SA, prononcée le ______ 2015, a été clôturée le 17 octobre 2016. L'inscription de la société au registre du commerce du canton de Vaud a été radiée d'office le même jour.

d. Le 7 avril 2015, A______, conjointement avec I______, a déposé plainte pénale auprès du Ministère public de l'arrondissement de K______. En substance, il reprochait à B______, aidé par E______, de l'avoir trompé en le poussant à investir dans C______/1______ SA, puis en sollicitant un prêt qu'il n'avait jamais eu l'intention de rembourser.

Par avis de clôture du 5 janvier 2021, le Ministère public de l'arrondissement de K______ a fait part de son intention de rendre une ordonnance de classement.

Entendu en qualité de témoin, I______ a déclaré qu'il avait été confronté à une situation analogue à celle vécue par A______. Il avait investi dans C______/1______ SA puis avait prêté de l'argent à B______. Ce dernier ne lui avait pas remboursé le prêt, de sorte qu'ils avaient convenu de conclure des conventions identiques à celles liant A______ à B______. L'idée était de garantir le remboursement du prêt initial. A______ avait rédigé les conventions. Un délai de 6 mois avait été prévu pour le rachat des actions, mais l'obligation de B______ s'étendait au-delà de ce délai. B______ ne lui avait pas racheté les actions, bien qu'il l'ait relancé à plusieurs reprises après l'échéance du délai et ait engagé des poursuites, sans succès. Comme sa créance à l'égard de B______ s'élevait à 10'000 fr., il avait préféré renoncer à son remboursement plutôt que d'engager d'autres frais. Le délai de six mois correspondait à celui dans lequel B______ leur avait dit qu'il pouvait les rembourser, soit en vendant sa maison, soit avec l'aide d'un ami.

e. Le 2 octobre 2015, B______ s'est vu notifier un commandement de payer de 96'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 20 avril 2013, sur réquisition de A______, ainsi qu'un second commandement de payer de 28'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 20 avril 2013, sur réquisition de D______ SA, contre lesquels il a formé opposition. Les deux commandements de payer mentionnaient le prix de vente fixé dans les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 comme titre de la créance.

f. A______ et D______ SA ont, chacun, requis la mainlevée provisoire de l'opposition, procédures qui se sont achevées par deux arrêts du 19 avril 2017 de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois maintenant les oppositions formées par B______, au motif que A______ et D______ SA n'avaient pas établi avoir procédé à la consignation des actions vendues ou, à tout le moins, des certificats d'actions regroupant ces dernières.

g. Le 6 février 2018, A______ et D______ SA ont consigné auprès de Me J______, notaire, les certificats d'actions concernés en instruisant irrévocablement ce dernier de remettre les certificats à B______ sur présentation de tout document démontrant le paiement du prix de vente. Le 14 février 2018, A______ et D______ SA ont informé le conseil de B______ de la consignation des actions.

h. Le 23 février 2018, B______ s'est vu, sur réquisition de A______ et de D______ SA, notifier deux nouveaux commandements de payer, identiques aux précédents, contre lesquels il a formé opposition.

i. A______ et D______ SA ont à nouveau requis séparément la mainlevée provisoire de l'opposition.

Par décisions du 4 juin 2018, la Juge de Paix du district de L______ [VD] a donné une suite favorable à leurs requêtes, considérant que les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 n'étaient pas soumises à la condition suspensive du retour à meilleure fortune de B______ ni à la condition résolutoire du paiement des sommes convenues dans un délai de six mois dès la signature des conventions et qu'elles valaient titre de mainlevée provisoire, le délai de paiement de 6 mois étant échu et les actions concernées ayant été consignées.

Ces décisions ont été réformées par arrêts du 12 décembre 2018 de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois en ce sens que les oppositions formées par B______ ont été maintenues, au motif que les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 étaient assorties d'une condition suspensive, à savoir le paiement du prix convenu dans un délai maximum de six mois à compter de la signature des conventions, laquelle ne s'était pas réalisée.

Par arrêts du 7 août 2019, le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par A______ contre l'arrêt cantonal, et déclaré irrecevable celui interjeté par D______ SA (arrêts du Tribunal fédéral 5A_105/2019 et 5D_32/2019).

Dans l'arrêt de rejet, le Tribunal fédéral a retenu que l'art. 2 de la convention d'achat d'actions du 19 octobre 2012, selon lequel la vente était consentie et acceptée par le vendeur moyennant paiement du prix convenu "sous un délai maximum de 6 mois à compter de la date de la signature", était équivoque. Il pouvait être interprété en ce sens que A______ avait entendu soumettre l'offre d'achat exprimée par B______ dans le préambule à un délai maximum au-delà duquel il n'accepterait plus de vendre ou signifier qu'il avait voulu accorder à ce dernier, au vu de la confiance affichée quant au retour à meilleur fortune, le délai utile à la réunion des fonds nécessaires à l'acquisition. Aucun des éléments de la convention ne permettait cependant de dégager une interprétation plutôt qu'une autre. A______ ne pouvait en particulier rien tirer de la définition de la préposition "moyennant", laquelle pouvait tout aussi bien vouloir dire "au moyen de", "par le moyen de" que "à la condition de". Le sens et l'interprétation objective de la convention étant source de doutes et ne permettant pas d'établir clairement la volonté des parties, la mainlevée provisoire devait être refusée.

j. Par convention écrite du 15 septembre 2019, D______ SA a cédé à A______ ses droits issus du prêt accordé le 8 juin 2011 à B______ et ceux relatifs aux conventions de cession et d'achat d'actions conclues le 19 octobre 2012 avec ce dernier.

E. a. Par demande en paiement déposée en vue de conciliation le 16 septembre 2020 et introduite devant le Tribunal le 2 décembre 2020, A______ a conclu, sous suite de dépens, à la condamnation de B______ à lui payer, à titre principal, 124'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 20 avril 2013 et, à titre subsidiaire, 50'000 fr. avec intérêts à 6 % dès le 8 juin 2011, ainsi que 65'000 fr. avec intérêts à 6 % dès le 15 juillet 2011.

A______ a fait valoir qu'il résultait des circonstances antérieures et postérieures à la conclusion des conventions de cession et d'achat d'actions du 19 octobre 2012 que la réelle et commune intention des parties était d'accorder à B______ du temps pour lui permettre de réunir les fonds nécessaires au rachat des actions. Les parties n'avaient jamais considéré le rachat des actions dans le délai de 6 mois prévu à l'art. 2 des conventions comme une condition suspensive ou résolutoire. Par ailleurs, les conventions de cession d'actions du 19 octobre 2012, lesquelles avaient éteint par novation les créances en remboursement des prêts consentis, n'auraient jamais été conclues si B______ n'avait pas simultanément pris l'engagement ferme et définitif de racheter lesdites actions. A défaut, l'existence d'une novation devrait être niée et les obligations résultant des contrats de prêt des 8 juin et 15 juillet 2011 renaîtraient.

b. B______ a conclu, sous suite de frais, au déboutement de A______ de ses conclusions en paiement.

Selon lui, la réelle et commune intention des parties avait été de soumettre les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 à la condition du paiement du prix dans le délai de 6 mois prévu par l'art. 2. Faute de réalisation de cette condition, les conventions étaient devenues caduques. Une interprétation objective des conventions aboutissait au même résultat. Par ailleurs, la novation des contrats de prêt résultant de la cession de ses actions en faveur de A______ et D______ SA ayant été exécutée, ces derniers ne disposaient plus d'aucune prétention à cet égard. Enfin, la faillite de C______/1______ SA avait rendu un transfert des actions de la société impossible, de sorte que A______ ne pouvait pas exiger l'exécution des conventions d'achat d'actions.

c. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties et des témoins I______ et E______. Leurs déclarations ont été reportées ci-dessus dans la mesure de leur pertinence pour l'issue du litige.

d. Une audience de plaidoiries finales a eu lieu le 10 mai 2022 lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de cette audience, le tribunal a gardé la cause à juger.

F. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ avait échoué à démontrer que la réelle et commune intention des parties était que l'engagement pris par B______ de racheter les actions de C______/1______ SA perdurait au-delà du délai de six mois. Si B______ avait, après l'échéance de ce délai, continué pendant de nombreux mois à informer A______ des démarches liées à la vente de sa maison ainsi qu'à entretenir l'espoir que E______ investirait dans C______/1______ SA et/ou l'aiderait à racheter les actions, cet espoir d'investissement avait surtout permis de renouveler le sursis concordataire octroyé à C______/1______ SA. Au demeurant, le fait que A______ avait proposé le 6 mars 2014 à B______ de racheter l'ensemble de ses actions et celles de D______ SA dans C______/1______ SA pour un montant de 400'000 fr. démontrait qu'il ne s'estimait pas lié par une vente des actions au prix fixé par les conventions. Enfin, il ne ressortait pas de l'instruction de la cause que A______ aurait, à l'échéance du délai de 6 mois, tenté d'obtenir l'exécution des conventions d'achat d'actions, les tentatives n'étant intervenues qu'après la faillite de C______/1______ SA.

Dès lors que la réelle et commune volonté des parties ne pouvait pas être déterminée, il convenait de recourir à une interprétation objective. Il pouvait à cet égard être relevé que les conventions avaient été rédigées par A______ et que les difficultés économiques de C______/1______ SA étaient bien connues des parties. En outre, la vente préalable d'actions de C______/1______ SA par B______ à A______ ayant eu pour conséquence d'éteindre les créances en remboursement des prêts de ce dernier, ni un rachat immédiat des actions, ni l'octroi d'un terme à B______ pour s'acquitter du prix n'avait de sens économique ou juridique pour l'une ou l'autre des parties. L'art. 2 des conventions d'achat d'actions devait ainsi être interprété dans le sens que la vente des actions était consentie et acceptée à la condition que le paiement du prix convenu intervienne dans un délai maximum de 6 mois. Les parties avaient bien conscience du caractère incertain de la réalisation de cette condition, dans la mesure où le préambule des conventions exposait que B______ se montrait confiant, et donc pas certain, soit de la vente de sa maison, soit de l'apport par E______ d'une aide financière. La condition suspensive ne s'étant pas réalisée, les conventions d'achat d'actions étaient devenues caduques. A______ ne pouvait en conséquence exiger leur exécution.

Enfin, le Tribunal a considéré que la solution n'aurait pas été différente en cas d'interprétation contraire. En effet, le Tribunal fédéral ayant mentionné, dans un obiter dictum, que des actions incorporées dans des titres d'une société dont la faillite avait été liquidée n'avaient plus de valeur, de sorte qu'il s'agissait d'un aliud, A______ ne pourrait pas exécuter son obligation de cession des actions et devrait en conséquence être débouté de ses conclusions en paiement sur la base de l'art. 82 CO. Les conclusions subsidiaires de ce dernier devaient également être rejetées dès lors que la cession par B______ de 11'500'000 de ses actions avait éteint ses obligations en remboursement des prêts, sous la forme d'une novation au sens de l'art. 116 CO, immédiatement exécutée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des prétentions élevées en première instance, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

Le mémoire de réponse est également recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Il en va de même des écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC; sur le droit à la réplique spontanée : cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références citées).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire s'applique (art. 219 et ss CPC).

2. L'appelant se plaint d'une constatation inexacte des faits au motif que le premier juge aurait omis certains éléments essentiels.

L'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile.

3. L'appelant reproche au premier juge d'avoir considéré que les éléments au dossier ne permettaient pas de déterminer la réelle et commune volonté des parties. Il soutient que la prise en compte de l'ensemble des circonstances déterminantes aurait dû le conduire à retenir que l'intimé s'était, en concluant les conventions d'achat d'actions, engagé à procéder à l'achat des actions concernées dans un délai maximum de six mois et qu'en conséquence ce délai ne constituait pas une condition suspensive mais un terme de paiement.

3.1 Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat, le juge doit - en vertu de l'art. 18 al. 1 CO - rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime. La détermination de la volonté objective des parties est une question de droit. Pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, et non les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; 130 III 417 consid. 3.2).

L'interprétation de la volonté subjective a la priorité sur l'interprétation de la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et l'arrêt cité).

3.2 Un contrat est soumis à une condition suspensive, lorsque son efficacité ou certains de ses effets dépendent d'un événement futur dont la survenance est incertaine (cf. art. 151 al. 1 CO). La condition suspensive n'est, en principe, soumise à aucune forme et peut donc être expresse ou tacite, c'est-à-dire résulter de l'interprétation du contrat, des circonstances ou du contexte (arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.3). Les parties peuvent fixer un délai déterminé durant lequel la condition suspensive doit se réaliser. Passé ce délai, la condition fait définitivement défaut. L'existence ou non d'un terme, exprès ou tacite, qui assortit la condition est affaire d'interprétation de la volonté des parties (Pichonnaz, Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 55 et 56 ad art. 151 CO).

La condition doit être distinguée de l'obligation contractuelle. La distinction entre les deux est également une affaire d'interprétation. Il s'agit d'une condition lorsqu'une partie veut limiter sa liberté de faire ou ne pas faire un acte, mais ne veut pas l'abandonner complètement. En outre, les conditions sont souvent exprimées de manière plus précise que les devoirs contractuels (Pichonnaz, op. cit., n. 12 ad art. 151 CO).

3.3 En l'espèce, comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 7 août 2019, le texte des conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 est équivoque.

En effet, la manifestation, au chiffre 3 du préambule des conventions, par l'intimé de son souhait de racheter les actions cédées le jour même dès qu'il serait revenu à meilleure fortune, pourrait laisser penser que le rachat envisagé est soumis à la condition suspensive que l'intimé parvienne à réunir les fonds nécessaires à la réalisation de l'opération.

Cependant, au chiffre 4 du préambule, le retour à meilleur fortune apparaît être envisagé dans un avenir proche puisque l'intimé se déclare confiant que la vente de sa maison se concrétisera "rapidement" et/ou que E______ lui avancera "prochainement" l'argent nécessaire. L'intimé indique ainsi prendre l'engagement "ferme et définitif" de procéder au rachat des actions, de sorte que le rachat semble constituer un engagement inconditionnel.

Or, aucun autre élément des conventions ne permet de privilégier une interprétation plutôt qu'une autre. Il s'ensuit que, comme retenu par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 7 août 2019, l'art. 2 des conventions d'achat d'actions selon lequel la vente des actions était consentie et acceptée moyennement le paiement du prix convenu "sous un délai maximum de 6 mois à compter de la date de signature" des conventions peut signifier soit que le rachat des actions par l'intimé devait intervenir dans un délai maximum de six mois au-delà duquel une acquisition n'était plus possible soit qu'un délai de paiement lui était accordé afin de lui permettre de réunir les fonds nécessaires au rachat.

Il convient ainsi, afin de déterminer le sens des conventions, d'examiner les circonstances de leur conclusion. A cet égard, D______ SA ayant cédé ses droits à l'encontre de l'intimé à l'appelant, unique administrateur de la société, elle sera par la suite, pour des motifs de simplification, considérée, avec ce dernier, comme une même entité, de sorte que seul l'appelant sera mentionné.

Au moment de la conclusion des conventions, C______/1______ SA venait d'être déclarée en faillite, de sorte que les actions de la société étaient susceptibles de perdre toute valeur dans un futur proche. L'appelant, qui, en sa qualité d'administrateur de C______/1______ SA, avait connaissance de la faillite, n'avait ainsi a priori aucun intérêt à renoncer au remboursement des sommes prêtées à l'intimé en 2011 en contrepartie de la remise d'actions de C______/1______ SA. L'appelant disposait en effet de créances en remboursement de prêts exigibles et attestées par contrats écrits et un recouvrement des montants dus n'était pas exclu puisque l'intimé était propriétaire d'une maison dans le canton de Vaud. Si, comme le soutient l'intimé, le but poursuivi par l'appelant était d'augmenter son pouvoir décisionnel au sein de C______/1______ SA, il est peu plausible qu'il aurait accepté, après avoir obtenu la cession en sa faveur des actions, une convention laissant à l'intimé la possibilité de procéder à leur rachat, ce d'autant plus vu la confiance affichée par ce dernier quant à son retour à meilleur fortune.

Ainsi, la version de l'appelant selon laquelle les conventions de cession et d'achat d'actions ont été passées afin de faciliter le droit au chômage de l'intimé semble davantage convaincante, compte tenu du licenciement de ce dernier peu avant la conclusion des conventions et des conditions posées par la jurisprudence fédérale à l'obtention d'indemnités de chômage pour un travailleur jouissant d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_384/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1 et 8C_811/2019 du 12 novembre 2020 consid. 3). L'absence d'un intérêt de l'appelant à la conclusion des conventions de cession d'actions plaide en faveur de l'existence d'un engagement inconditionnel de l'intimé à procéder au rachat des actions.

S'agissant des circonstances postérieures à la conclusion des conventions, il peut tout d'abord être relevé que trois mois après la conclusion des conventions, l'intimé a, par courriels des 14 et 16 janvier 2013, fait part de son intention de respecter son engagement de racheter les actions avant l'échéance du délai de six mois, ce qui tend à démontrer que la cession des actions à l'appelant ne devait, dans l'esprit des parties, revêtir qu'un caractère temporaire. En outre, postérieurement au délai de six mois mentionné dans les conventions d'achat d'actions, l'intimé a, par courriel du 31 mai 2013, fourni des informations à l'appelant au sujet de la réunion des fonds envisagés pour l'acquisition des actions et a ultérieurement envoyé, les 30 août et 7 septembre 2013, des courriels concernant le "rachat d'actions", qui faisaient selon toute vraisemblance référence au rachat litigieux, aucun autre projet de rachat ne ressortant du dossier. Or, l'envoi de tels courriels n'avait aucun sens si, comme le soutient l'intimé, le rachat des actions n'était possible que dans un délai maximum de six mois à compter de la signature des conventions. L'appelant a par ailleurs, par courriels des 17 novembre 2013, 2 février et 1er septembre 2014, sollicité de l'intimé le remboursement de ses "dettes", sans que cela ne suscite de dénégations de la part de ce dernier. Dès lors qu'à teneur du dossier les seuls engagements personnels pris par l'intimé à l'égard de l'appelant sont liés aux prêts accordés en 2011 ainsi qu'au remboursement de ceux-ci, il peut en être conclu que les parties considéraient que, malgré l'échéance du délai de six mois fixé dans les conventions, l'intimé demeurait endetté à l'égard de l'appelant. Il est ainsi faux de prétendre que l'appelant a attendu le prononcé de la faillite de C______/1______ SA pour requérir l'exécution des conventions d'achat d'actions. Enfin, le fait que, par courrier du 24 février 2014, E______, ami de l'intimé, a confirmé son engagement d'avancer à l'intimé les fonds nécessaires au rachat des actions C______/1______ SA convenu dans les conventions dès qu'il recevrait le produit de la vente de ses actions confirme que lesdites conventions demeuraient exécutables bien que le délai de six mois fixé était échu. Cette interprétation est au demeurant corroborée par le témoignage de I______.

Au vu de ce qui précède, il existe, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, suffisamment d'indices permettant de retenir que la réelle et commune volonté des parties était que l'intimé procède au rachat des actions de C______/1______ SA cédées le jour même dans un délai maximum de six mois dès la signature des conventions. Le délai fixé constituait ainsi un délai de paiement et non une limite temporelle au-delà de laquelle le rachat prévu ne pouvait plus intervenir.

Le fait que l'appelant ait, le 6 mars 2014, proposé à l'intimé de lui racheter l'ensemble de ses actions et non seulement celles cédées dans le cadre des conventions de cession d'actions ne saurait remettre en cause cette interprétation. En effet, contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne peut être déduit de cette seule proposition que l'appelant estimait que les conventions d'achat d'actions ne déployaient plus d'effet, ce d'autant plus que, tant antérieurement que postérieurement à sa formulation (cf. courriels du 17 novembre 2013, 2 février et 1er septembre 2014), l'appelant a persisté à réclamer que l'intimé s'acquitte de ses dettes et que l'objet de la nouvelle convention proposée différait de celles conclues antérieurement. Enfin, le fait que l'appelant ait, le 10 décembre 2014, par l'intermédiaire de son conseil, exigé le remboursement des prêts initialement accordés en juin et juillet 2011 et non le paiement du prix des actions n'apparaît pas déterminant au regard des circonstance susexposées.

Il s'ensuit que l'appelant peut en principe prétendre, sur la base des conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012, au paiement par l'intimé du prix convenu pour le rachat des actions cédées.

Se pose toutefois la question de savoir si, compte tenu de la faillite de C______/1______ SA, l'obligation de l'intimé de s'acquitter du prix des actions demeure.

4. Il est acquis que les conventions d'achat d'actions du 19 octobre 2012 constituent des contrats de vente au sens des art. 184 et ss CO.

4.1 Aux termes de l'art. 185 al. 1 CO, qui constitue une norme spéciale par rapport à l'art. 119 CO, les profits et les risques de la chose passent à l'acquéreur dès la conclusion du contrat, sauf les exceptions résultant de circonstances ou de stipulations particulières.

Il résulte de cette disposition que si la chose mobilière périt sans la faute du vendeur entre la conclusion du contrat et le transfert de possession entraînant le transfert de la propriété (art. 714 al. 1 CC), l'acheteur reste en principe tenu de payer le prix. Cette solution se conciliant mal avec les principes généraux du droit des obligations suisse, en particulier avec la règle qui veut que le propriétaire supporte les risques de la chose (res perit domino), tant la jurisprudence que la doctrine préconisent une application restrictive de la règle et une interprétation extensive des exceptions qui y sont faites (ATF 128 III 370 consid. 4a; 84 II 158 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_601/2009 du 8 février 2010 consid. 3.2.3).

Un transfert des risques à l'acheteur dès la conclusion du contrat se justifie pleinement lorsque la séparation temporelle entre l'acte obligationnel et l'acte de disposition intervient dans l'intérêt de ce dernier (ATF 128 III 370 consid. 4b/aa et 4c).

4.2 Les droits sociaux incorporés dans une action continuent à exister durant la phase de liquidation d'une société et peuvent être transférés. Ils ne s'éteignent définitivement qu'après la disparition de la personne morale (ATF 128 III 370 consid. 5).

4.3 En l'espèce, lors de la conclusion des conventions d'achat d'actions, une cession des actions de C______/1______ SA demeurait possible, la faillite de celle-ci venant d'être prononcée et ayant été annulée le 29 novembre 2012. Un transfert des actions n'est devenu impossible que le 17 octobre 2016 lorsque la faillite de C______/1______ SA a été clôturée, entraînant sa radiation du registre du commerce.

Ainsi, s'agissant d'une impossibilité subséquente à la conclusion des conventions, le prix des actions demeure en principe dû, conformément à l'art. 185 al. 1 CO, sauf exception résultant des circonstances ou de stipulations particulières. Il n'apparaît toutefois pas qu'il existerait, dans le cas d'espèce, une exception justifiant de déroger à cette disposition.

Il n'est en effet pas établi ni même allégué que les parties auraient convenu de stipulation particulière dérogeant à l'art. 185 al. 1 CO. En outre, la fixation d'un délai pour l'exécution des conventions d'achat d'actions a été prévue dans l'intérêt de l'intimé afin de lui permettre de réunir les fonds nécessaires à l'achat des actions, de sorte que les circonstances ne sauraient justifier une exception.

La règle de l'art. 185 al. 1 CO selon laquelle les risques sont transférés à l'acheteur dès la conclusion du contrat étant applicable, l'intimé demeure tenu de payer le prix des actions, totalisant 124'000 fr., quand bien même C______/1______ SA n'existe plus.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 1 du dispositif du jugement sera annulé et l'intimé sera condamné à verser à l'appelant la somme de 124'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 avril 2013.

Compte tenu de la solution retenue, il est superflu d'examiner les conclusions subsidiaires prises par l'appelant.

5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Le premier juge a arrêté les frais judiciaires de première instance à 10'300 fr., comprenant 200 fr. d'émolument de conciliation, 10'000 fr. d'émolument forfaitaire de décision et 100 fr. d'indemnisation du témoin E______. Ces montants étant conformes au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (art. 15, 17 et 74 RTFMC) et n'étant pas critiqués par les parties, ils seront confirmés.

Les frais judiciaires concernés seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Une compensation sera opérée avec l'avance de frais de 300 fr. qu'il a fournie et, pour le solde, avec celle opérée par l'appelant, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera en conséquence condamné à rembourser à l'appelant 10'000 fr. à titre de frais judiciaires de première instance (art. 111 al. 2 CPC) et les Services financiers du Pouvoir judiciaire invités à restituer à l'appelant le solde de son avance de frais, soit 350 fr.

Les dépens de première instance seront, pour les mêmes motifs, mis à la charge de l'intimé. Ils seront arrêtés au montant retenu par le premier juge, soit à 13'000 fr., débours et TVA inclus, ce montant apparaissant adéquat au regard de la valeur litigieuse (cf. art. 85 RTFMC) et de l'ampleur du travail accompli (dépôt d'un mémoire de demande de 62 pages, d'un chargé de 116 pièces ainsi que d'une détermination sur les allégués de la réponse et participation à trois audiences).

Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué seront modifiés en conséquence.

5.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par l'appelant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera en conséquence condamné à rembourser à l'appelant la somme de 9'000 fr. à titre de frais judiciaires d'appel.

L'intimé sera également condamné à s'acquitter des dépens de l'appelant, lesquels seront arrêtés à 6'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 90 RTFMC, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/9785/2022 rendu le 24 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18430/2020-15.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Condamne B______ à verser à A______ 124'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 20 avril 2013.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 10'300 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés à due concurrence avec les avances de frais versées par les parties.

Condamne B______ à verser à A______ 10'000 fr. à titre de frais judiciaires de première instance.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de frais de 350 fr.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 13'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ les sommes de 9'000 fr. et 6'000 fr. à titre, respectivement, de frais judiciaires et dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.