Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/25572/2021

ACJC/279/2023 du 14.02.2023 sur JTPI/11243/2022 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25572/2021 ACJC/279/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 14 FEVRIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 septembre 2022, comparant par Me Anne ISELI DUBOIS, avocate, IDR AVOCATS, rue Neuve-du-Molard 4-6, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Diane BROTO, avocate, CG Partners, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 27 septembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment instauré une garde alternée sur l'enfant C______, née le ______ 2016 (ch. 3 du dispositif), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, pour l'entretien de C______, les montants de 1'400 fr. pour la période du 15 janvier 2021 au 31 août 2021 durant laquelle les allocations familiales sont acquises à A______ puis, pour la période du 1er septembre 2021 au 15 octobre 2022, 1'400 fr. par mois, allocations familiales non comprises, celles-ci étant dues à B______, sous imputation des montants d'ores et déjà versés à ce titre, en particulier un montant global de 24'000 fr. au 29 août 2022 (ch. 6), puis 1'000 fr. dès le 15 octobre 2022, les allocations familiales étant versées directement à B______ (ch. 7), donné acte à A______ de son engagement à s'acquitter de l'ensemble des frais extraordinaires de C______, moyennant son accord préalable sur l'engagement de ces frais (ch. 8), condamné celui-ci à verser à B______, par mois et d'avance, le montant de 775 fr. pour son entretien dès le 15 janvier 2021 (ch. 9), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 10) et statué sur les frais (ch. 11 et 12).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 13 octobre 2022, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation du ch. 9 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'il soit dit qu'aucune contribution d'entretien n'est due entre les époux A______/B______ et à la confirmation du jugement attaqué pour le surplus, avec suite de frais.

b. B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informée le 23 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a.a B______, née B______ [nom de jeune fille] le ______ 1986, de nationalité suisse, et A______, né le ______ 1987, de nationalité française, se sont mariés le ______ 2017.

a.b Les époux A______/B______ sont les parents de C______, née le ______ 2016.

a.c Ils vivent séparées depuis le 15 janvier 2021, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal.

b. Le 15 avril 2021, B______ a déposé une première requête de mesures protectrices de l'union conjugale, qu'elle a retirée le 2 juin 2021, sans pour autant que les époux reprennent la vie commune.

c. Le 23 décembre 2021, B______ a déposé une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle a notamment requis du Tribunal, sur le plan financier, la condamnation de A______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de C______, les montants de 2'000 fr. du 15 janvier au 31 août 2021 et de 1'300 fr. à compter du 1er septembre 2021 et, à titre de contribution à son entretien, les montants de 775 fr. du 15 janvier au 31 août 2021 et de 1'240 fr. dès le 1er septembre 2021.

d. Lors de l'audience du 10 février 2022, A______ s'est notamment opposé au versement d'une contribution pour l'entretien de B______.

e. Lors de l'audience du 15 septembre 2022, A______ s'est notamment engagé à verser à B______, par mois et par avance, allocations familiales non comprises, pour l'entretien de C______, les montants de 1'000 fr. jusqu'au 31 décembre 2023 et de 700 fr. dès le 1er janvier 2024, mais aussi à prendre en charge les frais extraordinaires de l'enfant, qui ont été consentis par les deux parents. Il a en revanche persisté dans son opposition au versement d'une contribution pour l'entretien de B______.

B______ a confirmé prétendre à une contribution pour son entretien. Elle a conclu au versement d'un montant de 1'400 fr. par mois dès le 1er septembre 2021 et de 775 fr. par mois du 15 janvier au 31 août 2021.

La cause a été gardée à juger au terme de cette audience.

f. La situation personnelle et financière des parties est la suivante:

f.a B______ est employée chez D______ [banque] à 80%. Elle perçoit un salaire mensuel net de 6'231 fr. 30, bonus compris.

Ses charges mensuelles s'élèvent à 5'936 fr. 70, arrondis à 5'940 fr. et se composent de son loyer (2'685 fr.), de son parking (180 fr.), de sa prime d'assurance-maladie LAMAL (430 fr. 45), de ses frais médicaux non remboursés (96 fr.), de ses frais de télécommunication (100 fr. [estimation]), de son assurance ménage (27 fr. 70), de ses impôts (1'000 fr. [estimation]), de ses frais de véhicule (67 fr. 55, soit 49 fr. 15 d'assurance et 18 fr. 40 d'impôts) et de son minimum vital (1'350 fr.).

f.b A______ est informaticien auprès de [la banque] E______. Il perçoit un revenu mensuel net de 9'219 fr. 70.

Ses charges mensuelles s'élèvent à 6'173 fr. 10, arrondis à 6'175 fr. et se composent de son loyer (2'110 fr.), de son parking (140 fr.), de sa prime d'assurance-maladie LAMAL (324 fr. 45), de ses frais de télécommunication (100 fr. [estimation]), de ses frais de véhicule (748 fr. 65, soit 70 fr. d'impôts, 135 fr. 70 d'assurance et 542 fr. 95 de leasing), de ses impôts (1'400 fr. [estimation]), et de son minimum vital (1'350 fr.).

g. Dans son jugement du 27 septembre 2022, le Tribunal a considéré que une fois l'ensemble des charges de la famille prise en considération, il restait un montant de 290 fr. (6'230 fr. – 5'940 fr.) à disposition de B______ et de 1'840 fr., y compris le versement de la contribution d'entretien en faveur de l'enfant (9'215 fr. – 6'175 fr. –1'000 fr.– 200 fr.) à disposition de A______. L'excédent de la famille se chiffrait ainsi à 2'130 fr. Dans la mesure où les parties n'avaient pas allégué avoir effectué des économies durant la vie commune, sous réserve des 300 fr. d'allocations familiales versées sur le compte de C______, et où la contribution d'entretien en faveur de cette dernière comprenait déjà une part à l'excédent arrêtée d'entente entre les parties, le montant susmentionné devait être réparti par moitié entre les parties, ce qui correspondait à 1'065 fr. chacun. A______ devait donc verser à B______ un montant de 775 fr. (1'065 fr. – 290 fr.) pour son entretien. Par ailleurs, il n'était pas contesté que A______ n'avait versé aucun montant pour l'entretien de son épouse depuis la séparation. Un effet rétroactif au jour de la séparation pour le versement de ce montant serait ainsi fixé.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la capitalisation, conformément à l'art. 92 al. 1 CPC, du montant des contributions d'entretien restées litigieuses au vu des dernières conclusions des parties devant le premier juge excède 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire, la cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 138 III 97 consid. 3.4.2; 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352).

2. L'appelant soutient qu'il ne doit verser aucune contribution d'entretien à son épouse au motif qu'une reprise de la vie commune est exclue et que le principe de l'autonomie financière, applicable en matière de divorce, exclut le partage de l'excédent familial et, par conséquent, le versement d'une contribution d'entretien.

2.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, à la requête d’un époux et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe les contributions d’entretien à verser respectivement aux enfants et à l’époux.

2.1.1 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien (ATF 145 III 169 consid. 3.6; 140 III 337 consid. 4.2.1; 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2).

Le juge doit donc partir de la convention, expresse ou tacite, que les conjoints ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux (art. 163 al. 2 CC). Il doit ensuite prendre en considération qu'en cas de suspension de la vie commune, le but de l'art. 163 CC, soit l'entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie séparée.

Si leur situation financière le permet encore, le standard de vie antérieur choisi d'un commun accord - qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien afin de ne pas anticiper sur la répartition de la fortune - doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce standard, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. Il se peut donc que, suite à cet examen, le juge doive modifier la convention conclue pour la vie commune afin de l'adapter à ces faits nouveaux, la reprise de la vie commune n'étant ni recherché, ni vraisemblable.

C'est dans ce sens qu'il y a lieu de comprendre la jurisprudence selon laquelle, lorsque la séparation est irrémédiable, le juge doit prendre en considération, dans le cadre de l'art. 163 CC, les critères applicables à l'entretien après le divorce pour statuer sur la contribution d'entretien et, en particulier, sur la question de la reprise ou de l'augmentation de l'activité lucrative d'un époux.

En revanche, le juge des mesures protectrices ne doit pas trancher, même sous l'angle de la vraisemblance, les questions de fond, objet du procès en divorce, en particulier celle de savoir si le mariage a influencé concrètement la situation financière du conjoint (ATF 147 III 293 consid. 4.4; 140 III 337 consid. 4.2.1;
137 III 385 consid. 3.1, précisant l'arrêt paru aux ATF 128 III 65; arrêts du tribunal fédéral 5A_935/2021 du 19 décembre 2022, consid. 3.1; 5A_554/2021 du 11 mai 2022 consid. 8.1; 5A_112/2020 du 28 mars 2022 consid. 6.2).

2.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF
147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition. Ensuite, il s'agit de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement, en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. S'il subsiste un excédent, il sera réparti en équité entre les ayants droit (soit les parents et les enfants mineurs). La répartition par "grandes et petites têtes", soit à raison de deux parts par adulte et d'une part par enfant mineur, s'impose comme nouvelle règle, en tenant compte à ce stade de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF
147 III 265 précité consid. 7).

2.2 En l'espèce, l'appelant considère qu'une reprise de la vie commune avec l'intimée est exclue. Cette dernière le conteste en relevant que les parties avaient souhaité donner une chance à leur couple, raison pour laquelle elle avait retiré la première requête de mesures protectrices de l'union conjugale qu'elle avait formée. Elle en a toutefois déposé une seconde par la suite et ne fournit aucun élément permettant de rendre vraisemblable qu'une reprise de la vie commune pourrait être, en l'état, envisageable.

L'appelant soutient que du fait de l'absence de perspective de reprise de la vie commune, les principes applicables en matière de divorce doivent d'ores et déjà s'appliquer dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale et que par conséquent l'intimée ne saurait bénéficier d'une contribution d'entretien; une part de l'excédent ne devrait donc pas lui être allouée. Cela étant, l'absence de perspective de reprise de la vie ne constitue pas selon les principes applicables en matière de divorce un motif permettant d'exclure le versement de toute contribution d'entretien, faute de quoi aucune contribution d'entretien post-divorce ne pourrait jamais être allouée. De plus, le fait que les principes applicables en matière de divorce s'appliquent n'exclut pas non plus, par principe, le partage de l'excédent. Ledit partage résulte de l'application de la méthode en deux étapes, laquelle sert à déterminer tant l'entretien matrimonial que l'entretien post-divorce. Or, l'appelant ne conteste pas, à juste titre, l'application de cette méthode en l'espèce.

L'application des principes applicables au divorce dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale doit par ailleurs être compris en ce sens qu'il peut être exigé d'un époux qui n'utilisait pas, ou que partiellement, sa capacité de travail durant la vie commune qu'il mette davantage celle-ci à profit. Ce point n'est toutefois pas litigieux en l'espèce, l'appelant ne soutenant pas que l'intimée devrait travailler à un taux d'occupation supérieur à 80%.

Enfin, l'appelant motive son affirmation selon laquelle l'intimée ne devrait pas obtenir une part de l'excédent par le fait qu'elle est financièrement autonome, puisque ses charges, qui comprennent pourtant un loyer élevé, lui permettent de dégager un disponible de 290 fr. L'appelant n'allègue cependant pas, ni ne rend vraisemblable, qu'un tel solde, voire un solde légèrement plus élevé en tenant compte d'un loyer inférieur, permettrait à l'intimée de maintenir le standard de vie antérieur choisi d'un commun accord entre les parties. La disparité des soldes (1'840 fr. pour l'appelant et 290 fr. pour l'intimée) ne permet par ailleurs pas aux parties de bénéficier d'un train de vie semblable.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal n'a commis aucune violation de l'art. 176 CC en condamnant l'appelant à verser une contribution à l'entretien de l'intimée. L'appel n'est pas fondé, de sorte que le jugement attaqué sera confirmé.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant opérée par ce dernier, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de la nature du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/11243/2022 rendu le 27 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25572/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.