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Décisions | Chambre civile

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C/26566/2017

ACJC/447/2023 du 16.03.2023 sur JTPI/2486/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.126.al1; LP.83.al2; CO.530.al1; CO.312; CC.27; CO.20ss
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26566/2017 ACJC/447/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 16 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 février 2022, comparant par Me Laurent ISENEGGER, avocat, Meyer Legal, rue Général Dufour 22, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______ Luxembourg, intimée, comparant par Me Barbara LARDI PFISTER, avocate, Dini Lardi Avocats, place du Port 1, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2486/2022 rendu le 28 février 2022, notifié aux parties le 3 mars 2022, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a, notamment et s'agissant des points litigieux en appel, écarté de la procédure les pièces 17 et 19 (annexes 4 à 7) produites par A______ (chiffre 1 du dispositif), ainsi que l'allégué n° 32 du mémoire du 5 mars 2021 de A______ (ch. 2), rejeté la requête de suspension de la procédure formée par A______ le 5 mars 2021 (ch. 3), déclaré recevable l'action en libération de dette formée par A______ dans le cadre de la poursuite n° 1______ initiée par C______ SA (ch. 5), débouté A______ des fins de son action (ch. 6), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, étant précisé que les intérêts moratoires de 17% l'an portent sur les périodes du 1er août 2014 au 8 juillet 2020, puis à compter du 18 novembre 2020 dont à déduire à ce titre le paiement de 1'000'000 fr. effectué le 28 juillet 2020 (ch. 7), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8), arrêté les frais judiciaires à 35'500 fr., mis à la charge de A______ et compensés entièrement avec l'avance de frais payée par les parties, restitué en conséquence 14'500 fr. à A______ et 400 fr. à C______ SA (ch. 9) et condamné A______ à verser à C______ SA 48'800 fr. TTC au titre de dépens (ch. 10).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 4 avril 2022, A______ a formé appel de ce jugement dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour constate qu'il ne devait pas la somme de 2'604'954 fr. 20, plus intérêts, à C______ SA, subsidiairement que cette somme n'était pas exigible au jour de l'appel, et dise que le commandement de payer, poursuite n° 1______ n'irait pas sa voie, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a sollicité la suspension de la cause, jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale dirigée contre D______.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. C______ SA a conclu, préalablement, au rejet de la requête de suspension de la procédure, ainsi qu'à ce que la Cour déclare irrecevable trois allégués et une pièce produite par l'appelant. Principalement, elle a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens des deux instances.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. La Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par avis du 22 novembre 2022.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ est l'administrateur et l'associé unique de la société E______ LTD (ci-après, E______), sise aux Seychelles.

Il se présente comme un homme d'affaires expérimenté dans le domaine des fonds d'investissements privés (private equity), en qualité de conseil ou comme investisseur.

b. C______ SA est sise au Luxembourg. Son but est d'exercer toute opération se rapportant directement ou indirectement à la prise de participation dans toute entreprise sous quelque forme que ce soit.

F______ SA en est l'administrateur unique.

D______ est l'animateur de cette société.

c. A______ et D______, amis de longue date, ont noué plusieurs relations commerciales, notamment à compter de l'année 2005, dont certaines sont l'objet de la présente cause.

d.a. Le 27 octobre 2005, D______ (the Lender; le prêteur) a conclu un contrat, entièrement rédigé en langue anglaise intitulé Loan & Profits distribution Agreement, avec E______ (the Borrower; l'emprunteur), représentée par A______ (the Manager, le gérant).

Aux termes de ce contrat, D______ s'est engagé à remettre la somme de 750'000 fr. à E______, montant que le gérant pouvait mettre à profit pour des investissements privés et à sa seule discrétion.

L'échéance et le remboursement du prêt sont prévus au plus tard le jour du 3ème anniversaire de la signature du contrat.

Le capital porte intérêts à 3.375% l'an payable en une fois le jour du remboursement. Une rémunération supplémentaire est due au prêteur sous la forme d'une part de 50% des profits nets résultant des investissements opérés par l'emprunteur.

Sous le titre Guarantee (clause 6), il est stipulé que le montant du prêt et des intérêts en découlant sont garantis conjointement et solidairement par A______ lui-même ("such Loan and accrued interests shall also jointly and severally be personally guaranteed by A______").

Sous le titre Assignment of claim, il est réaffirmé qu'en cas de défaut de remboursement du prêt et des intérêts par l'emprunteur, le gérant sera automatiquement le seul garant du prêt et des intérêts ("in case of default by the Borrower to reimburse the Loan and interests, the manager shall automatically be the sole guarantor to the Lend of the loan and interests as referred in §6 here-above").

Ce contrat est soumis au droit suisse.

L'annexe au contrat, qui en fait partie intégrante, précise notamment sous le titre Investment Factors que l'investissement dans les fonds privés comporte de nombreux risques dont le prêteur doit être conscient, soit notamment :

-          qu'il n' y a pas d'assurance de retour sur investissement (ch. ii No Assurance of Investment Return ; "There is no guarantee that the Borrower's investment will be attained or that the value of the investments will not decline or that there will be any return of capital") ;

-          que le portfolio des investissements est hautement illiquide (ch. iv Illiquidity of Portfolio Investments ; "even successful investments may be illiquid for prolonged periods of time and in general could require several years before they can be realized").

d.b. En exécution de ce contrat, D______ a versé la somme prévue de 750'000 fr. à E______.

d.c. Par avenant daté des 29 avril et 18 juin 2008, D______ et E______, représentée par A______, ont décidé d'augmenter le montant du prêt (Loan) à 1'000'000 fr. Les intérêts prévus demeuraient les mêmes, mais commençaient à courir pour le montant additionnel de 250'000 fr. seulement à compter du 1er août 2007. Les autres termes du contrat, en particulier la clause 6 ("most notably 6§"), restaient les mêmes.

d.e. D______ a procédé au versement supplémentaire prévu de 250'000 fr. le 29 avril 2008.

d.f. Le 18 juin 2008, tous les droits de D______ découlant de ce contrat ont été cédés à C______ SA.

e.a. Le 23 juin 2008, C______ SA (the Lender; le prêteur) et E______ (the Borrower; l'emprunteur), représentée par A______ (Manager, le gérant) ont conclu un nouveau contrat de Loan & Profits distribution Agreement, dont le contenu est identique au contrat du 27 octobre 2005. Seules divergent les montants du prêt et la quotité des intérêts.

Ainsi, C______ SA s'est obligée à verser 1'000'000 fr. à G______, somme à rembourser au plus tard le jour du 3ème anniversaire de la signature du contrat et portant intérêts à 5% l'an payable en une fois le jour du remboursement.

Le contrat précise les deux projets dans lesquels la somme prêtée allait être placée par le gérant de E______. Il s'agissait d'investir dans un certain projet immobilier dit "H______" dans le Sud de la France et d'un projet dit "I______" visant à acquérir des actions ou d'autres instruments financiers dans la société J______ SA.

e.b. En exécution dudit contrat du 23 juin 2008, C______ SA a versé les sommes de 500'000 fr. à E______ les 5 juillet et 5 août 2008.

f. Par actes authentiques séparés du 1er juillet 2008, passés devant notaire, A______ s'est constitué caution solidaire de la société E______, en faveur de C______ SA, pour le remboursement de toutes les créances découlant des :

- "Contrat de prêt du 27 octobre 2007" (recte: 2005) portant sur un montant de 1'000'000 fr. et jusqu'à concurrence de 1'100'000 fr. au maximum ;

- "Nouveau contrat de prêt" [du 23 juin 2008] portant sur un montant de 1'000'000 fr. et jusqu'à concurrence de 1'200'000 fr. au maximum.

g. Par avenant du 17 janvier 2011, C______ SA et E______, représentée par A______, ont, d'une part, prolongé l'échéance prévue pour le remboursement du prêt au 30 juin 2011 et, d'autre part, augmenté les intérêts à 5.5% l'an dès le 17 septembre 2010 jusqu'à complet remboursement de la créance. Les autres termes du contrat restaient inchangés, en particulier la clause 6 sur les garanties ("most notably §6").

h. Les 30 août et 6 septembre 2011, C______ SA et E______, toujours représentée par A______, ont conclu un avenant aux deux contrats par lequel elles ont prolongé le délai de remboursement et modifié les modalités prévues s'agissant des intérêts et des créances comme suit :

-          le remboursement de l'arriéré des intérêts devait intervenir au 30 août 2011 au plus tard ;

-          le paiement partiel d'un montant de 500'000 fr., ainsi que des intérêts dus à cette date, devait intervenir au 15 octobre 2011 ;

-          le remboursement de l'entier de la créance était dû au 15 décembre 2011 au plus tard ;

-          le taux d'intérêt était porté à 17% dès le 1er juillet 2011 jusqu'à complet remboursement.

i. A______ a procédé aux remboursements suivants:

-          120'000 fr. le 18 août 2011 ;

-          120'000 fr. le 26 août 2011 ;

-          60'000 fr. le 24 octobre 2011 ;

-          500'000 fr. le 21 mai 2012.

Au cours de l'année 2013, aucun versement n'a été effectué.

j. Dans un courriel du 23 décembre 2013, adressé par A______ au conseil de C______ SA de l'époque, l'intéressé a calculé les montants dus, soit 2'410'007 fr. capital et intérêts compris. Il a proposé un nouvel arrangement prévoyant notamment d'assumer personnellement la dette, de rédiger une reconnaissance de dette formelle et notariée, de se soumettre à un nouveau calendrier de paiement et d'accepter de faire l'objet d'une exécution forcée en cas de non-respect.

k. Le 25 juin 2014, A______ et E______, représentée par A______, ont signé un document intitulé "attestation" rédigé en français valant selon les termes utilisés "reconnaissance de dette" soumise au droit suisse.

A teneur de ce document, il est constaté par A______ que E______ est débitrice de C______ SA pour un montant, calculé au 31 juillet 2014, de 2'604'954 fr. 20 et que cette créance, dont le taux d'intérêt applicable est de 17% l'an, est assortie d'une "caution solidaire personnelle" fournie par A______.

A______ et E______ s'engageaient "solidairement" ("chacun d'eux étant tenu pour le tout"), à rembourser cette somme à C______ SA à raison de 1'250'000 fr. au 31 juillet 2014 au plus tard, puis le solde avec intérêts courus le 31 janvier 2015 au plus tard.

l. Le 20 octobre 2015, A______ et E______, représentée par A______, ont renoncé à se prévaloir de l'exception de prescription pendant une durée de 10 ans "concernant toute prétention en relation avec la dette dont ils sont codébiteurs solidaires envers C______ et/ou Monsieur D______". Dite dette s'élevait à 2'604'954 fr. 20 au 31 juillet 2014 conformément à l'attestation du 25 juin 2014, intérêts courus depuis en sus.

m. Le 10 mai 2016, C______ SA a requis la poursuite de A______ qui s'est vu notifier, le 11 octobre 2016, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 2'604'954 fr. 20, avec intérêts à 17% dès le 1er août 2014. Comme titre de la créance, il est fait mention de la reconnaissance de dette du 25 juin 2014.

A______ y a formé opposition totale.

Par décision du 20 octobre 2017, rectifiée en raison d'une erreur matérielle et notifiée une seconde fois le 3 novembre 2017, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______, décision confirmée par la Cour par arrêt du 1er mars 2018.

En substance, il a été retenu que l'attestation du mois de juin 2014 signée par A______ valait reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP et permettait le prononcé de la mainlevée provisoire. Par ce document, A______ s'était bel et bien engagé personnellement en qualité de codébiteur solidaire aux côtés de E______ pour la somme indiquée et non pas en qualité de caution au sens de l'art. 493 CO. La volonté de s'engager personnellement ressortait d'ailleurs également des contrats des 27 octobre 2005 et 23 juin 2008 et de la déclaration de renonciation à invoquer la prescription.

n. Par demande déposée au greffe le 13 novembre 2017, A______ a formé une action en libération de dette, sous suite de frais judiciaires et dépens, concluant à ce que le Tribunal dise principalement qu'il ne devait pas la somme déduite en poursuite, "ni toute autre somme à C______", subsidiairement que la somme déduite en poursuite "ou tout autre créance" de C______ SA contre lui-même n'était pas exigible à ce jour, dise que le commandement de payer, poursuite n° 1______, n'irait pas sa voie et annule ledit commandement de payer.

A l'appui de sa demande, il a contesté être partie "personnellement" aux contrats des 27 octobre 2005 et 23 juin 2008. Il s'était seulement engagé comme caution solidaire (actes signés par-devant notaire) pour un montant maximum de 2'300'000 fr. Les contrats conclus entre les parties concernées étaient des contrats de société simple et non des prêts dans la mesure où D______, puis C______, avait prévu un partage à parts égales des profits et des pertes des investissements réalisés par E______ avec les fonds mis à disposition. Enfin, les créances invoquées n'étaient pas exigibles puisque la société simple n'avait pas été dénoncée et qu'en tout état de cause le partage et le remboursement n'étaient ni envisageables ni exigibles dès lors que les investissements n'étaient pas achevés, comme le soulignaient les contrats en faisant référence aux risques d'illiquidités.

o. Par réponse du 6 juillet 2018, C______ SA a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal rejette l'action en libération de dette, dise et constate que A______ lui doit la somme de 2'604'954 fr. 20, plus intérêts à 17% l'an dès le 1er août 2014 et dise et prononce que la poursuite n° 1______ irait sa voie.

p. Lors de son audition par le Tribunal, A______ a exposé travailler depuis de nombreuses années dans les fonds d'investissements privés (private equity) et avoir, dans ce contexte, sollicité D______ à qui il avait proposé un partenariat dans le cadre d'une opération immobilière en France : il apportait ses connaissances pour ce projet et D______ les fonds nécessaires. Le partage par moitié des gains était prévu. Le projet immobilier dans lequel il avait investi avait connu des retards. Ce projet comportait en outre un risque de perte, également un risque d'illiquidité des investissements.

S'agissant de la rédaction des contrats, A______ a admis les avoirs écrits conjointement avec D______ et l'avocat de celui-ci à l'époque. Selon sa compréhension, le contrat prévoyait une double rémunération, à savoir "une part prépondérante correspondant à 50% du profit et en quelque sorte une avance sur cette performance consistant en un rendement". La part de risque portait en définitive sur le tout, le capital et le rendement. La notion de risque était également prévue par une clause au contrat.

Par la signature de l'Attestation du 23 juin 2014, il s'engageait aux côtés de E______, confirmant par-là, selon lui, le cautionnement. Il était alors parfaitement de bonne foi, étant sur le point de signer un refinancement avec un grand groupe qui lui permettrait notamment d'honorer ses engagements vis-à-vis de C______ SA. Ce document, tout comme la renonciation à la prescription, lui avait été présenté par C______ SA. A______ a confirmé qu'il savait ce qu'il signait. Il se trouvait dans une situation personnelle et financière difficile et voulait, à l'époque, éviter un contentieux. Il n'avait pas l'intention de se cacher derrière la société E______ dont il était le bénéficiaire.

Quant à D______, il a exposé avoir investi dans d'autres projets portés par A______ avant la conclusion des contrats litigieux. Ceux-ci n'ayant pas abouti et l'intéressé le sollicitant pour obtenir d'autres fonds, il avait décidé de les lui octroyer sous forme de prêt, ce qui était clair pour A______. Il avait ainsi décidé d'aider un ami, à la condition que les intérêts et le capital soient garantis, sans grand espoir d'un éventuel retour sur les bénéfices que pourraient procurer les investissements. La participation à hauteur de 50% des bénéfices n'était pas une requête de sa part, elle avait été proposée par A______, qui avait rédigé les contrats revus ensuite par son propre avocat. Les clauses relatives aux risques étaient incluses dans la partie investissement et non dans celle relative au prêt. Les risques énumérés étaient en lien avec les profits liés aux investissements et non sur la partie du prêt. Ces risques ne pouvaient atteindre le capital.

q. A______ et C______ SA ont conclu une convention le 8 juillet 2020, ainsi qu'un avenant à celle-ci le 2 octobre 2020, par laquelle A______ s'est engagé à verser la somme totale de 3'000'000 fr. de francs à C______ SA pour solde de tous comptes et de toutes prétentions.

Un premier versement de 1'000'000 fr. devait intervenir au 31 juillet 2020. En contrepartie immédiate de ce paiement, C______ SA devait demander la suspension de la présente cause et de l'instruction de la procédure pénale ouverte suite à une plainte déposée contre A______ le 1er novembre 2019 et instruite par le Ministère public genevois.

La somme complémentaire de 2'000'000 fr. devait quant à elle, être versée, en une fois, au 18 novembre 2020.

Pour le cas où les échéances de paiement ne devaient pas être respectées, le versement de 1'000'000 fr. serait considéré intervenu uniquement à titre de paiement partiel des intérêts dus conformément à l'art. 85 al. 1 CO et que l'entier de la créance de C______ SA en 2'604'954 fr. 20 deviendrait immédiatement exigible et porterait à nouveau intérêts à 17% l'an à compter de l'échéance à laquelle il aurait été fait défaut. Dans le même temps, C______ SA reprendrait tous ses droits tant sur le plan civil que pénal.

r. A______ a payé à C______ SA 1'000'000 fr. le 31 juillet 2020, mais non l'autre somme due selon la convention susmentionnée.

s. C______ SA a ainsi modifié ses conclusions dans la présente procédure en ce sens qu'il devait être dit et constaté que A______ lui devait "CHF 2'605'954.20, avec suite d'intérêts à 17% dès le 1er août 2014 et jusqu'au 8 juillet 2020, puis dès le 18 novembre 2020, sous déduction de l'acompte sur intérêts de CHF 1'000'000.- versé le 28 juillet 2020" et, partant, que la poursuite devait aller sa voie, sous déduction de l'acompte sur intérêts de 1'000'000 fr. versé le 28 juillet 2020.

t. Dans ses déterminations responsives du 5 mars 2021, A______ a informé le Tribunal qu'il avait déposé plainte pénale "au début de l'année 2021" dans le canton de Vaud contre D______.

u. Lors de l'audience du 7 septembre 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

v. Par courrier du 23 novembre 2021, le conseil de C______ SA a transmis l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 novembre 2021 par le Ministère public de l'Est-Vaudois dans le cadre de la plainte dirigée contre D______.

Sur recours de A______, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a annulé dite ordonnance par arrêt du 27 janvier 2022 et renvoyé la cause au Ministère public vaudois pour violation du droit d'être entendu de A______.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a refusé la suspension de la procédure requise par A______ en raison de l'existence d'une procédure pénale connexe : la présente procédure avait été introduite depuis plusieurs années et ne pouvait donc souffrir un rallongement supplémentaire en raison d'une procédure pénale qui n'en était qu'à ses débuts. Sur le fond, le Tribunal a retenu que la validité de la reconnaissance de dette signée en juin 2014 n'était plus contestée. Il n'était pas non plus contesté que dite reconnaissance résultait de deux contrats signés en octobre 2005 et juin 2008, ainsi que des avenants à ces contrats. Faute de but commun déterminable ou de volonté exprimée de former une société, la qualification de société simple préconisée par A______ était exclue. Les relations contractuelles devaient donc être qualifiées de prêt partiaire, étant souligné qu'une participation aux pertes était exclue. Le comportement des parties reflétait une volonté de conclure un prêt, dont le remboursement était désormais exigible. S'agissant de la question de savoir si A______ était intervenu comme débiteur solidaire ou comme caution pour un montant limité à 2'000'000 fr., la volonté des parties était que A______ s'engage aux côtés de sa société sans limite de montant. Les actes de cautionnement solidaires postérieurs n'y changeaient rien.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse minimale étant manifestement atteinte, la voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi, l'appel est en l'espèce recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen. Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.4 Les deux parties ont produit des pièces nouvelles en appel.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération au stade de l'appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

1.4.2 Les pièces nouvelles produites par les parties, ainsi que les faits qui s'y rapportent, concernent la procédure pénale diligentée par le Ministère public du canton de Vaud. Etant postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée par le Tribunal, elles sont recevables et les faits pertinents ont été intégrés dans la partie en fait ci-dessus.

2. L'appelant a conclu à la suspension de la procédure dans l'attente du résultat d'une procédure pénale connexe instruite dans le Canton de Vaud.

2.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

Selon la jurisprudence, la suspension d'une procédure n'entre en considération qu'exceptionnellement. Dans le doute, le principe de célérité prévaut (ATF 135 III 127 consid. 3.4 ; 119 II 386 consid. 1b). Elle est ordonnée par souci d'économie de procédure et dans le but d'éviter des jugements contradictoires, lorsque plusieurs tribunaux sont saisis simultanément d'objets identiques. Il en va ainsi notamment lorsque la décision à rendre dépend du sort d'une autre procédure (ATF 141 III 549 consid. 6.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2.1).

Comme le juge civil n'est pas lié par le jugement pénal (art. 53 CO), l'existence d'une procédure pénale ne justifiera qu'exceptionnellement la suspension de la procédure civile. Le Tribunal fédéral a ainsi confirmé le refus de suspendre une procédure prud'homale jusqu'à droit connu au pénal, au motif que la procédure pénale était encore loin d'aboutir puisque, au moment où l'autorité précédente avait statué, l'acte d'accusation n'avait même pas été établi. La seule existence d'un rapport de connexité très étroit entre les deux procédures ne suffisait pas à justifier la suspension (arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1 et 2.2).

2.2 En l'occurrence, le Tribunal a refusé de suspendre la procédure civile, malgré l'existence d'une procédure pénale connexe.

Sur ce point, l'appelant s'est limité, dans son appel, à prendre des conclusions en suspension identiques à celles prises en première instance, sans aucune motivation correspondante. Il a développé des considérations supplémentaires dans sa réplique et après que l'intimé avait souligné le défaut de son appel.

La conclusion de l'appelant est irrecevable, respectivement doit être rejetée, pour plusieurs raisons qu'il suffit d'esquisser ci-après.

D'une part, à supposer qu'il s'agisse d'une conclusion en annulation du refus de suspendre résultant du jugement entrepris, elle serait insuffisamment motivée (art. 311 CPC), donc irrecevable. La formulation d'une argumentation dans la réplique, alors qu'elle aurait pu figurer dans l'appel est par ailleurs elle aussi irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_666/2015 du 26 avril 2016 consid. 3.1).

D'autre part, à supposer qu'il faille entrer en matière, la requête de suspension est manifestement infondée, dès lors que la procédure pénale, dont l'influence sur la présente cause n'est pas même rendue vraisemblable, en est à un stade embryonnaire, soit l'instruction préalable devant le ministère public compétent. L'admettre contreviendrait au principe de célérité et ralentirait indûment l'issue de la présente cause.

Il s'ensuit que l'appelant sera débouté de sa requête en suspension de la procédure, dans la mesure de sa recevabilité.

3. 3.1 L'action en libération de dette prévue à l'art. 83 al. 2 LP est une action négatoire de droit matériel, qui tend à faire constater l'inexistence ou l'inexigibilité de la créance invoquée par le poursuivant. Elle aboutit à un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée en dehors de la poursuite en cours quant à l'existence de la créance litigieuse; elle est le pendant de l'action en reconnaissance de dette, au sens de l'art. 79 LP, dont elle ne se distingue que par le renversement du rôle procédural des parties. En effet, le créancier est défendeur au lieu d'être demandeur. La répartition du fardeau de la preuve est en revanche inchangée. Il incombe donc au défendeur (le poursuivant) d'établir que la créance litigieuse a pris naissance, par exemple en produisant une reconnaissance de dette. Quant au demandeur (le poursuivi), il devra établir la non-existence ou le défaut d'exigibilité de la dette constatée par le titre de mainlevée provisoire (ATF 131 III 268 consid. 3.1, SJ 2005 I 401; 130 III 285 consid. 5.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.3.1.2).

La reconnaissance de dette est une déclaration par laquelle un débiteur manifeste au créancier qu'une dette déterminée existe. Elle peut être causale, lorsque la cause de l'obligation y est mentionnée, ou abstraite à ce défaut; dans les deux cas, elle est valable (art. 17 CO). Toutefois, la cause sous-jacente doit exister et être valable, conformément à la conception causale de l'obligation en droit suisse (ATF 119 II 452 consid. 1d; 105 II 183 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2013 du 20 septembre 2013 consid. 2.3). L'art. 17 CO n'a pas d'incidence sur l'existence matérielle de l'obligation du débiteur. La reconnaissance de dette entraîne cependant un renversement du fardeau de la preuve. Le créancier n'a pas à prouver la cause de sa créance, ni la réalisation d'autres conditions que celles qui sont indiquées dans l'acte. Le débiteur qui conteste la dette doit établir quelle est la cause de l'obligation (en cas de reconnaissance abstraite), respectivement démontrer que la cause de l'obligation n'est pas valable, par exemple parce que le rapport juridique à la base de la reconnaissance est inexistant, nul (art. 19 et 20 CO), a été simulé (art. 18 al. 1 CO) ou invalidé (art. 31 CO) (ATF 131 III 268 consid. 3.1 et 3.2, SJ 2005 I 401; 105 II 183 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2018 du 12 février 2019 consid. 5.1; 4A_344/2015 du 10 décembre 2015 consid. 3.1). Plus généralement, le procès en libération de dette étant instruit en la forme ordinaire (cf. art. 83 al. 2 LP), le débiteur peut se prévaloir de toutes les objections et exceptions (exécution, remise de dette, exception de l'inexécution, prescription, etc.) qui sont dirigées contre la dette reconnue (ATF 131 III cité consid. 3.1; 124 III 207 consid. 3b, JdT 1999 II p. 55; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2018 du 12 février 2019 consid. 5.1).

3.2 En l'espèce, la mainlevée provisoire a été octroyée sur la base de la reconnaissance de dette de l'appelant du 25 juin 2014. L'appelant entend démontrer présentement que l'obligation sous-jacente à cette reconnaissance de dette n'existe pas ou n'est pas exigible. Ses griefs seront examinés à la lumière des principes juridiques évoqués ci-dessus.

4. L'appelant fait grief au premier juge de ne pas avoir qualifié ses rapports avec l'intimée, respectivement avec D______, de société simple.

4.1
4.1.1
Selon l'art. 530 al. 1 CO, la société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun. La société simple se présente comme un contrat de durée dont les éléments caractéristiques sont, d'une part, le but commun qui rassemble les efforts des associés et, d'autre part, l'existence d'un apport, c'est-à-dire une prestation que chaque associé doit faire au profit de la société. Ce contrat ne requiert, pour sa validité, l'observation d'aucune forme spéciale; il peut donc se créer par actes concluants, voire sans que les parties en aient même conscience (ATF 124 III 363 consid. II/2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_377/2018 du 5 juillet 2019 consid. 4.1 et 5A_881/2018 du 19 juin 2019 consid. 3.1.1.3).

Chaque associé doit fournir un apport, qui peut consister aussi bien dans une prestation patrimoniale que dans une prestation personnelle (ATF 137 III 455 consid. 3.1). Les associés doivent avoir l'animus societatis, soit la volonté de mettre en commun des biens, ressources ou activités en vue d'atteindre un objectif déterminé, d'exercer une influence sur les décisions et de partager non seulement les risques et les profits, mais surtout la substance de l'entreprise (ATF 99 II 303 consid 4a). Chaque associé a l'obligation de favoriser la réalisation du but commun, dans lequel se confondent les intérêts de tous les associés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_421/2020 du 26 février 2021 consid. 3.1 et 4A_619/2011 du 20 mars 2012 consid. 3.6; cf. aussi arrêt 4A_251/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1).

Ce contrat n'est soumis à aucune forme spéciale, de sorte qu'il peut se créer par actes concluants, voire sans que les parties en aient même conscience (ATF 124 III 363 consid. II/2a).

4.1.2 A teneur de l'art. 312 CO, le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une somme d'argent ou d'autres choses fongibles à l'emprunteur, à charge par ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité.

Le prêt partiaire a ceci de particulier que le bailleur de fonds se voit promettre, en sus d'intérêts ou non, une participation au gain. Sa rémunération est aléatoire; elle dépend du succès d'une entreprise ou d'une opération déterminée de l'emprunteur. Le prêteur, qui doit pouvoir vérifier l'exactitude du calcul de sa rémunération, jouit d'un certain droit de surveiller l'activité de l'emprunteur. Il n'en devient pas pour autant l'associé. En principe, il n'intervient pas dans la gestion ni dans la représentation. Il n'entend pas assumer les responsabilités de l'entreprise et ne répond pas envers les créanciers de l'emprunteur. Il lui manque l'élément caractéristique de la société simple qu'est l'animus societatis, soit la volonté de mettre en commun des biens, ressources ou activités en vue d'atteindre un objectif déterminé, d'exercer une influence sur les décisions et de partager non seulement les risques et les profits, mais surtout la substance de l'entreprise (ATF 99 II 303 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_276/2020 du 26 février 2021 consid. 8.2 4C.355/2004 du 15 février 2005 consid. 4.2.)

Lorsque le bailleur de fonds se réserve le droit d'être consulté sur l'activité de l'entreprise ou même d'y collaborer, allant ainsi au-delà du droit de contrôle inhérent au prêt, il y a un fort indice de société simple, le cas échéant sous la forme d'une société tacite (arrêt du Tribunal fédéral 4A_509/2010 du 11 mars 2011 consid. 5.2). La participation aux risques et aux pertes est aussi un indice de société simple, mais la jurisprudence ne lui accorde pas un poids décisif (ATF 99 II 303 consid. 4c); il n'en demeure pas moins que pour la doctrine, il permettra souvent de démarquer une société simple d'un prêt partiaire. En fin de compte, il faut privilégier une appréciation globale des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_276/2020 du 26 février 2021 consid. 8.2).

4.1.3 En matière d'interprétation des contrats, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2).

L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à rechercher comment chacune des parties pouvait et devait comprendre de bonne foi les déclarations de l'autre, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte écrit n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée; en effet, lorsque la teneur d'un texte paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Cependant, il n'y a pas lieu de s'écarter du sens littéral d'un texte lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à la volonté ainsi exprimée (ATF 135 III 295 consid. 5.2 et les arrêts cités). D'après le principe de la confiance, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Ce principe permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2).

4.2 En l'espèce, il sied en premier lieu de qualifier les relations contractuelles des parties, puisque la qualification retenue par le Tribunal, soit celle de prêt partiaire, est contestée par l'appelant.

Celui-ci soutient qu'un contrat de société simple avait été conclu avec l'intimée : il pouvait en être ainsi, même si l'un des associés - l'intimée en l'occurrence - se limitait à fournir de l'argent, sans s'impliquer dans la gestion. De plus, il était erroné de retenir, comme le Tribunal, que l'intimée ne participait pas aux pertes.

Très succinct, le raisonnement de l'appelant ne peut être suivi.

En effet, il est constant que la conclusion d'un contrat de prêt implique toujours la remise d'argent ou d'une autre chose fongible par le prêteur à l'emprunteur, celui-ci ayant généralement pour but de faire fructifier l'objet du prêt pour pouvoir d'une part le rembourser au prêteur et d'autre part en tirer un bénéfice. Il est donc évident que le prêteur n'a aucun intérêt à ce que l'emprunteur perde sans rémission et sans bénéfice l'objet du prêt et soit dans l'incapacité de le rembourser. Cela ne suffit toutefois pas à retenir une volonté des parties d'atteindre un but commun, sauf à qualifier tout contrat de prêt de société simple.

De même, dans le cadre d'un prêt partiaire, figure juridique à laquelle correspond très exactement le texte des conventions conclues originellement, le prêteur a certes un intérêt supplémentaire à ce que l'emprunteur réalise une opération favorable, puisqu'il percevra une part des bénéfices de celle-ci, mais ne s'implique pas pour autant dans les affaires de l'emprunteur et ne participe pas aux pertes. Ici encore, dans une telle situation, il n'existe pas de but commun au sens de la jurisprudence.

Ainsi, les conventions conclues ne contiennent pas la moindre indication quant à un but commun qui aurait été poursuivi par les parties.

L'appelant se prévaut des clauses sur les risques des investissements opérés et sur leur caractère illiquide : selon son interprétation, elles signifiaient que l'intimée avait accepté de participer aux pertes. Ces clauses évoquent plutôt les clauses standards contenues dans les contrats de gestion de fortune discrétionnaire dans lesquelles le mandataire souhaite limiter sa responsabilité pour les pertes. Or, la conclusion d'un tel contrat - qui n'est pas un contrat de société simple - n'est pas plaidée, ni a fortiori prouvée. Au vu de l'intitulé des conventions conclues en l'espèce, de même que leur économie générale, la fixation d'un taux d'intérêt et une obligation de remboursement à une échéance fixe, il est évident que la volonté concordante des parties était de conclure un contrat de prêt partiaire, comprenant une obligation de rembourser. Aucun élément concret ne permet de démentir cette conclusion, les engagements postérieurs et successifs de l'appelant de rembourser les montants dus en obtenant des échéances supplémentaires la renforcent au contraire. Tout au plus, pourrait-il être retenu que ces clauses sur les risques, comme le soutient l'intimée, sont applicables à l'aspect de la rémunération variable du prêt prévu par les conventions. Il sera revenu sur ce point ci-après, lorsque la question de l'exigibilité des montants sera examinée (cf. consid. 6 infra).

En tous les cas, contrairement à ce que soutient l'appelant, ces clauses, insolites au vu des autres caractéristiques des conventions, ne dénotent aucunement la volonté de fonder une société simple, bien au contraire. Elles ne révèlent en tous les cas pas d'intention d'atteindre un but commun, condition manquante en l'espèce, ni même une acceptation de participer aux pertes de l'entreprise exclusivement menée par l'appelant et sa société.

Par conséquent, l'interprétation subjective à laquelle a procédé le Tribunal échappe à la critique. Les parties ont conclu deux contrats de prêt partiaire et n'ont jamais formé de société simple.

Les griefs de l'appelant seront donc rejetés.

5. L'appelant se prévaut ensuite du caractère usuraire des conventions conclues, se fondant notamment sur l'art. 27 CC.

5.1
5.1.1
A teneur de l'art. 20 al. 1 CO, le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux mœurs. Les contrats contraires aux mœurs sont ceux qui contreviennent aux règles générales de la morale, à savoir le sens de la décence, les principes éthiques et les valeurs immanentes de l'ordre juridique dans son ensemble (ATF 132 III 455 consid. 4.1 ; 129 III 604 consid. 5.3 ; 123 III 101 consid. 2 ; 115 II 232 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2014 du 28 avril 2014 consid. 6.3.1).

La question de la contrariété aux mœurs est une question juridique qui doit être examinée d'office (voir ATF 80 II 45 consid. 2b). La partie qui se prévaut du caractère contraire aux mœurs d'un contrat doit cependant présenter les faits pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2014 du 9 avril 2014 consid. 3.1).

Les prescriptions légales relatives au taux d'intérêt sont de nature dispositive. Les parties peuvent en principe librement fixer la quotité du taux d'intérêt (voir art. 73 al. 1 CO). Cela étant, il existe un frein à l'autonomie des parties : les règles de droit public sont réservées (art. 73 al. 2 CO). De même, le législateur fédéral a proscrit l'anatocisme (art. 105 al. 3 et 314 al. 3 CO) : cela étant, ne sont pas visés par l'interdiction de l'art. 314 al. 3 CO les intérêts moratoires qui portent sur les intérêts conventionnels à partir de la poursuite ou de la demande en justice (Bovet / Richa, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 5 ad art. 314 CO). Enfin, la convention ne peut contrevenir à la morale (art. 20 CO) ou constituer une lésion (art. 21 CO).

Il existe en outre des prescriptions en matière de crédit à la consommation, non applicables en l'espèce, ainsi qu'une convention intercantonale abrogée depuis le 1er janvier 2005.

Le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu'un intérêt conventionnel de 26% par an était inhabituel et contrevenait à l'exercice habituel et aux notions admises pour un taux d'intérêt équitable : le contrat était donc partiellement nul en vertu de l'art. 20 CO, le taux d'intérêt devant être ramené au taux admissible de 18% (ATF 93 II 189 consid. b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2014 du 28 avril 2014 consid. 6.3.2).

5.1.2 A teneur de l'art. 21 al. 1 CO, en cas de disproportion évidente entre la prestation promise par l'une des parties et la contre-prestation de l'autre, la partie lésée peut, dans le délai d'un an, déclarer qu'elle résilie le contrat et répéter ce qu'elle a payé, si la lésion a été déterminée par l'exploitation de sa gêne, de sa légèreté ou de son inexpérience.

5.1.3 L'art. 27 CC prévoit que nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils (al. 1) et que nul ne peut aliéner sa liberté, ni s'en interdire l'usage dans une mesure contraire aux lois ou aux mœurs (al. 2).

Tant la question du déséquilibre entre les prestations, que celle du caractère excessif d'une prestation pécuniaire par rapport à la capacité financière du débiteur ne sont pas du ressort de l'art. 27 CC, mais des art. 20 et suivants CO, voire des règles sur la poursuite et la faillite (ATF 115 II 232 consid. 4c ; Marchand, Commentaire Romand - CC I, 2010, n. 16 ad art. 27 CC).

5.2 L'appelant estime usuraires et excessives les conditions de rémunération convenues, soit un taux d'intérêt trop élevé selon lui, en plus d'une participation au bénéfice. Il se plaint de ce que le premier juge n'ait pas examiné cet argument qu'il prétend avoir invoqué en première instance, notamment dans une détermination écrite et lors de ses plaidoiries orales.

Il ne ressort pas des écritures de première instance, ni du procès-verbal de l'audience de plaidoiries finales que l'appelant aurait soulevé une telle argumentation, de sorte qu'il ne saurait être question d'une violation de son droit d'être entendu par le premier juge.

Quoi qu'il en soit, la question, juridique, peut être examinée d'office.

Outre que l'appelant se fonde sur des bases légales inapplicables (règlementation fédérale sur le crédit à la consommation) ou abrogées (concordat intercantonal sur les intérêts) - ce qu'il reconnaît -, son argumentation est imprécise. En effet, le taux d'intérêts de 17% par an n'a pas été convenu ab initio par les parties, mais seulement après que l'appelant n'a pas respecté ses obligations contractuelles de remboursement découlant des premières conventions. En effet, le taux d'intérêt convenu initialement, soit inférieur à 4%, était pour le moins raisonnable, même couplé à une obligation de remettre la moitié des bénéfices. Dans le second contrat, ce taux a été porté à 5%, ce qui apparaît toujours plutôt bas au vu des circonstances. Ce n'est que six ans après le premier contrat et trois ans après l'échéance de remboursement fixée par celui-ci que le taux de 17% a été introduit. Il est à supposer que dès cette époque l'intimée a constaté qu'il était improbable qu'elle perçoive une part de bénéfice, qui, près de 18 ans après la conclusion du premier contrat, ne s'est en effet pas matérialisée.

Ainsi, l'argument principal de l'appelant, soit un cumul d'un intérêt de 17% et d'une participation au bénéfice, est écarté.

Pour le surplus, l'application de l'art. 27 CC n'est pas envisageable dans le cas d'espèce : tout au plus les art. 20 ou 21 CO pourraient entrer en considération et conduire à une réduction du taux d'intérêt convenu. Toutefois, le taux de 17% par an n'est pas excessif, conformément à la jurisprudence. L'appelant n'a jamais mentionné de surcroît que sa gêne aurait été exploitée, ni quel serait le taux d'intérêt conforme.

Ses griefs seront rejetés.

6. L'appelant prétend que les montants litigieux ne sont pas exigibles.

Etant donné qu'un pan de l'argumentation de l'appelant est fondé sur la qualification de société simple de la convention qu'il a conclue avec l'intimée, il peut d'emblée être écarté (cf. consid. 4 supra).

Au surplus, l'appelant revient sur les clauses concernant les risques des investissements opérés et sur leur caractère illiquide pour en déduire que l'intimée avait accepté que le montant prêté puisse être perdu, respectivement que les investissements puissent demeurer immobilisés pendant de nombreuses années et donc ne pas pouvoir être remboursés. Cette immobilisation prolongée avait été acceptée par l'intimée en échange d'un taux d'intérêt plus élevé.

Ce raisonnement fait abstraction des éléments saillants des contrats litigieux déjà évoqués ci-dessus, soit une obligation de remboursement claire à une date déterminée, puis des conventions successives étendant les délais de remboursement en échange de taux d'intérêts plus élevés. La position de l'appelant est donc contraire au texte des conventions et à leur logique économique, jamais l'intimé n'ayant accepté de renoncer au remboursement du montant prêté. Une telle conception priverait de sens les conventions conclues. Elle ne repose sur aucun élément factuel concret dénotant une volonté concordante des parties et sera rejetée.

Sous cet angle déjà, les paiements réclamés sont exigibles.

7. L'appelant soutient n'être pas personnellement lié par les deux contrats de prêt initiaux.

Selon lui, il n'avait pas signé ces deux contrats en son nom propre. En outre, il s'était subséquemment engagé en tant que caution solidaire, par acte authentique, ce qui démontrait qu'il n'était pas lié précédemment. Les textes postérieurs confirmaient que sa responsabilité était limitée au montant de la caution précitée.

Cette argumentation spécieuse n'est guère convaincante et peut être écartée comme suit.

L'appelant s'est engagé personnellement à de réitérées reprises en signant des documents dont le contenu signifiait matériellement qu'il agissait tant en qualité de représentant de sa société qu'en son nom propre, puisque des obligations étaient mises à sa charge en tant que personne physique indépendante, ce qu'il ne pouvait ignorer. A titre d'exemple, les deux contrats initiaux mentionnent spécifiquement l'appelant comme partie au contrat (ce qui n'est pas le cas du représentant de la société contrepartie) et contiennent un engagement solidaire de l'appelant pour l'entier de la dette, sur lequel les documents postérieurs insistent expressément. Prétendre que l'appelant, homme d'affaires expérimenté, n'agissait que pour sa société et non en son nom propre, alors qu'il prenait un engagement solidaire va à l'encontre du sens même de ces clauses. Il est vrai que l'on pourrait s'interroger sur la raison de signer ensuite un cautionnement solidaire par acte authentique, alors que l'intimée bénéficiait déjà de la garantie de l'appelant. Cette garantie est valable, même en l'absence de forme particulière à la convention, comme l'a retenu le premier juge, sans que l'appelant ne fournisse de développements motivés dans son appel sur cette question. En effet, le porte-fort, la garantie ou l'engagement comme débiteur solidaire ne requiert pas la forme authentique (voir à ce sujet les développements dans Meier, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 18 et suivantes ad Intro. aux art. 492- 512 CO). Par ailleurs, l'appelant s'est engagée à nouveau personnellement et sur le tout par la suite, notamment dans la reconnaissance de dette du 25 juin 2014. Contrairement à ce qu'il affirme, son engagement total et illimité aux côtés de sa société a été reconfirmé dans ce texte, limpide sur ce point. Ceci conforte encore l'interprétation de la volonté des parties selon laquelle l'appelant était débiteur solidaire aux côtés de sa société.

Ainsi, la décision du Tribunal de considérer l'appelant comme solidairement responsable pour le tout de la dette résultant des deux conventions initiales est conforme au droit.

Les griefs de l'appelant seront donc rejetés.

8. Enfin, l'appelant se prévaut de l'accord transactionnel conclu entre les parties en 2020, qui ferait, selon lui, obstacle à l'exigibilité des montants dus.

8.1 L'exécution d'une dette d'argent par impécuniosité n'est jamais impossible ; l'impécuniosité et l'insolvabilité du débiteur sont spécifiquement régies par la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (Thévenoz, Commentaire Romand – CO I, 3ème éd. 2021, n. 17 ad art. 97 CO et l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.344/204 du 12 novembre 2003 consid. 4.2 cité par cet auteur).

8.2 L'appelant prétend qu'incapable de réunir les fonds pour respecter l'accord transactionnel, celui-ci ne lui était pas opposable en raison d'une impossibilité.

L'argument de l'appelant est sans portée : il ne peut prétendre s'être trouvé dans une situation d'impossibilité protégée par le droit par le simple fait qu'il n'avait pas pu trouver les fonds pour respecter l'accord transactionnel conclu. Celui-ci est donc caduc et ne peut donc être brandi par l'appelant pour faire obstacle aux prétentions de l'intimée.

Ces griefs de l'appelant seront encore rejetés.

9. Au vu de l'issue de la procédure, il apparaît superflu de statuer sur les griefs de l'intimée sur l'irrecevabilité de certains allégués et pièces de l'appelant.

L'appel est entièrement rejeté.

10. Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront fixés à 25'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence et lui est restituée pour le surplus (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera condamné aux dépens d'appel de l'intimée, arrêtés à 20'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 avril 2022 par A______ contre le jugement JTPI/2486/2022 rendu le 28 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26566/2017-11.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 25'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance qu'il a versée et qui demeure acquise à due concurrence à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 20'000 fr. à A______.

Condamne A______ à payer 20'000 fr. à titre de dépens d'appel à C______ SA.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.