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Décisions | Chambre civile

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C/133/2021

ACJC/372/2023 du 07.03.2023 sur JTPI/7213/2022 ( OS ) , JUGE

Normes : CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/133/2021 ACJC/372/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 7 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Italie, appelant d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 juin 2022, comparant par Me Alain GROS, avocat, MLL FRORIEP SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

FONDATION B______, sise c/o C______, ______ [GE], intimée, comparant par Me Pascal PETROZ, avocat, PERRÉARD DE BOCCARD SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7213/2022 du 15 juin 2022, notifié aux parties le 20 du même mois, le Tribunal de première instance a condamné A______ à verser à la FONDATION B______ la somme de 28'182 fr. 50 plus intérêts à 5% dès le 5 septembre 2020 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'100 fr., compensés avec les avances fournies par la FONDATION B______, les a mis à la charge de A______, condamné en conséquence ce dernier à rembourser 2'100 fr. à sa partie adverse, et dit que l'avance de frais de 100 fr. versée par A______ serait restituée à celui-ci (ch. 2), condamné A______ à verser à la FONDATION B______ la somme de 5'170 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 22 août 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ interjette appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut à ce que la FONDATION B______ soit déboutée de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens de première et seconde instances.

b. La FONDATION B______ conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du greffe de la Cour du 16 janvier 2023, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier :

a. La FONDATION B______, sise à Fribourg, a notamment pour but de ______, ______ domaine de l'assistance ou de la recherche médicale, paramédicale ou dans le domaine de l'art.

b. A______ était nu-propriétaire de l'immeuble 1______/2______ sis rue 3______ no. ______ à Genève, acquis par donation du 28 juin 2016 de sa mère, D______, laquelle est restée usufruitière de l'immeuble.

c. Par acte notarié du 30 mars 2020, A______, en qualité de vendeur, et la FONDATION B______, en qualité d'acquéreur, ont conclu un contrat de vente et d'achat de l'immeuble précité.

Aux termes de ce contrat, A______ a vendu à la FONDATION B______ la nue-propriété de l'immeuble précité au prix de 6'562'500 fr.

Par acte notarié du même jour conclu entre la FONDATION B______, en qualité de nue-propriétaire, et D______, cette dernière a renoncé à l'usufruit sur l'immeuble moyennant un prix de 937'500 fr., ladite renonciation ayant été enregistrée le ______ avril 2020 et inscrite au Registre foncier le ______ 2020.

c. Le chiffre 2 du contrat de vente du 30 mars 2020 stipule que l'acquéreur supportera les contributions publiques afférentes à l'immeuble […] à compter de la date d'entrée en jouissance, soit après la radiation de la servitude d'usufruit.

Le chiffre 7 du contrat prévoit notamment que "le vendeur garantit l'exactitude et l'exhaustivité de l'état locatif établi le [27 mars 2020] par le E______ […]. Cet état locatif fait partie intégrante du présent contrat.

L'acquéreur fera son affaire des contrats de bail à loyer existants à l'entière décharge du vendeur, étant entendu que le vendeur a d'ores et déjà transmis à l'acquéreur les originaux de tous les contrats de bail […].

Le vendeur garantit à l'acquéreur qu'à sa connaissance, tous les baux à loyer en vigueur ont été conclus régulièrement, sont valables et exécutables conformément à leurs termes, et qu'il n'existe avec les locataires aucune convention ou accord écrit ou oral, autres que les baux à loyer conclus."

Le chiffre 8 du contrat a la teneur suivante : "Un décompte acheteur-vendeur sera établi séparément et en dehors de ce contrat, prorata temporis, par le vendeur, concernant toutes les prestations périodiques telles que les taxes de droit public et des Services industriels, les impôts, les loyers, les frais de chauffage et d'exploitation, etc.

Le décompte sera établi dans un délai de nonante (90) jours depuis l'entrée en jouissance et communiqué sans frais à l'acquéreur. Le décompte sera reconnu comme exact s'il n'est pas contesté dans les trente (30) jours par écrit suivant sa réception. Tout solde, en faveur de l'acquéreur ou du vendeur, reconnu sera exigible par la partie créancière dans les trente (30) jours après réception du décompte. "

Le contrat de vente du 30 mars 2020 contient en outre une élection de for en faveur des tribunaux genevois et prévoit l'application du droit suisse.

d. Selon les allégués de A______, la FONDATION B______ est devenue l'unique propriétaire de l'immeuble susvisé à partir du 31 mars 2020, avec pour conséquence que les loyers encaissés à partir de cette date lui revenaient à elle.

e. Depuis le 1er mai 2020, la gérance de cet immeuble, assurée jusque-là par E______ a été reprise par C______.

f. Les loyers encaissés postérieurement au 30 mars 2020 ont été perçus, pour le mois d'avril 2020 et jusqu'au 30 juin 2020 pour certains, par E______.

g. Par courriel du 1er juillet 2020, C______ a demandé à E______ de lui faire parvenir dans les meilleurs délais un nouvel état d'encaissement des loyers, tout en rappelant que les loyers encaissés aux mois de mai et juin 2020 devaient lui être reversés puisqu'ils appartenaient à la FONDATION B______, qu'elle représentait.

Par courrier du 9 juillet 2020, C______ a requis de E______ qu'elle lui verse les loyers et les charges perçus pour les mois de mai et juin 2020 et lui fasse parvenir un nouveau relevé de l'ensemble des encaissements, afin de vérifier d'éventuels nouveaux versements de loyers pour le mois de juillet 2020.

h. Le 29 juillet 2020, E______ a établi un décompte sur lequel figuraient, au crédit de l'acheteur et au débit de vendeur (indiqué comme étant D______), des loyers du 30 mars 2020 au 30 juin 2020 d'un montant total de 32'398 fr., et un solde en faveur de l'acheteur de 27'859 fr. 40, honoraires de E______ de 323 fr. 10 compris.

i. Par courrier du 30 juillet 2020, C______ a demandé à E______ l'établissement d'un nouveau décompte acheteur/vendeur tenant compte du décompte à effectuer sur la période du 1er janvier 2020 au 30 mars 2020 (date de la vente) et d'effectuer un contrôle de tous les libellés, ainsi que le versement des loyers perçus indûment pour les mois de mai, juin et juillet 2020.

j. Par courriel du 2 octobre 2020, C______ a demandé au conseil de A______ de tout mettre en œuvre afin que le règlement du décompte lui parvienne dans les meilleurs délais.

k. Les 4 et 17 novembre 2020, la FONDATION B______ a mis en demeure A______ de s'acquitter de la somme de 28'182 fr. 50 dans un délai de 10 jours, respectivement de 5 jours.

l. Le 16 mars 2021, D______, agissant par l'intermédiaire de son conseil, a transmis à la FONDATION B______ une copie du courrier adressé le même jour à E______. Selon la première nommée, E______ détenait sans cause les paiements effectués par certains locataires.

m. Par courriel du 25 mars 2021, le conseil de la FONDATION B______ a relevé que la prétendue retenue des loyers par le E______ ne changeait rien aux obligations contractuelles de A______.

n. En juin 2021, D______ a fait notifier un commandement de payer à E______ d'un montant de 52'867 fr. plus intérêts à 5% dès le 30 mars 2020, correspondant aux loyers des mois de janvier à mars 2020, la cause invoquée de la créance étant "créance résultant d'inexécution contractuelle, avec intérêts et frais".

o. Par acte déclaré non concilié le 11 mars 2021 et déposé au greffe du Tribunal de première instance le 10 mai 2021, la FONDATION B______ a assigné A______ en paiement de la somme de 28'182 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 5 septembre 2020, sous suite de frais et dépens.

p. A______ a conclu au déboutement de la FONDATION B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

Il a en substance allégué que le décompte litigieux avait été établi par E______, et non par le vendeur, qu'il n'avait pas été fait entre l'acheteur et le vendeur, dont le nom ne figurait pas sur le document, qu'il mentionnait en revanche le nom de l'usufruitière, qui n'était pas partie au contrat de vente. Il a ainsi fait valoir que le décompte en question n'était pas conforme au chiffre 8 du contrat de vente.

Par ailleurs, il a exposé que E______ avait perçu indûment et conservait les loyers postérieurs à la vente. La régie tentait de convaincre la FONDATION B______ qu'elle était créancière du vendeur, alors qu'elle serait en réalité créancière du E______, auprès de qui les locataires avaient payé leur loyer.

q. Le Tribunal a entendu un témoin, soit F______, gérante d'immeuble auprès de C______, en charge de la gestion de l'immeuble de la rue 3______ no. ______ depuis le 1er mai 2020.

Elle a expliqué que C______ avait le mandat de percevoir les loyers de cet immeuble, ce qu'elle faisait depuis le 1er mai 2020 pour certains appartements. Elle a précisé que certains locataires avaient continué à payer "par erreur" le loyer auprès de l'ancienne régie, soit E______, car la vente était intervenue pendant le premier confinement. Elle a expliqué que la plupart des locataires utilisaient ces appartements comme logement d'appoint, de sorte qu'ils n'avaient pas tous été informés à temps du changement de propriétaire et de régie. Elle a ajouté que C______ s'était de ce fait adressée directement aux locataires pour leur indiquer qu'elle percevrait désormais les loyers. Le témoin a par ailleurs confirmé avoir reçu de E______ des relevés pour les loyers des mois de mai et juin 2020. Elle a indiqué ignorer que A______ n'était que nu-propriétaire dans le cadre de la vente de l'immeuble, ce qu'elle avait appris par la suite.

r. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 31 mars 2022.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l’appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. Le présent litige porte sur l'interprétation du contrat de vente conclu entre les parties.

En première instance, les parties se sont essentiellement déterminées au sujet de la clause n° 8 du contrat de vente du 30 mars 2020, qui concerne l'établissement d'un décompte vendeur-acheteur concernant notamment les loyers relatifs aux objets loués dans l'immeuble vendu.

Cela étant, d'autres clauses du contrat de vente se rapportent également aux contrats de bail en vigueur au moment de la vente. Les parties se sont d'ailleurs toutes deux prévalues en seconde instance de clauses contractuelles non discutées devant le premier juge.

Dans la mesure où certaines clauses du contrat, non mentionnées dans l'état de fait du jugement entrepris, apparaissent également déterminantes pour interpréter la volonté des parties, l'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile à la solution du litige.

En effet, il est exclu d'interpréter de manière isolée les divers éléments du contrat, chaque clause contractuelle devant être interprétée à partir du contrat dans son ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 5C.79/2004 du 6 octobre 2004 consid. 3 et les références citées).

3. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimée pouvait se fonder sur le contrat de vente conclu entre les parties pour agir contre lui en paiement des loyers des mois d'avril à juin 2020.

3.1.1 Un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO).

Pour déterminer s'il y a eu effectivement accord entre les parties, il y a lieu de rechercher leur réelle et commune intention (art. 18 al. 1 CO). La volonté réelle des parties s'établit, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la véritable nature de la convention. Pour ce faire, le juge prendra en compte non seulement la teneur de leurs déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit aussi les circonstances et leurs déclarations antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat, le comportement ultérieur des parties établissant en particulier quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 131 III 606 consid. 4.1; 127 III 444 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2018 du 28 août 2018 consid. 3.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, en fonction de l'ensemble des circonstances. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 131 III 606 consid. 4.1 et les références; 128 III 419 consid. 2.2).

3.1.2 L’usufruitier a la possession, l’usage et la jouissance de la chose. Il en a aussi la gestion (art. 755 al. 1 et 2 CC). Il peut ainsi faire des actes juridiques, par exemple conclure des baux (Steinauer, Les droits réels - Tome III, Servitudes personnelles/charges foncières/droits de gage immobiliers/droits de gage mobiliers, 5e éd., Berne 2021, p. 76).

La renonciation à un usufruit immobilier exige la radiation de l'inscription au registre foncier (art. 748 al. 2 CC; arrêt du Tribunal fédéral 4C.235/2005 du 24 octobre 2005 consid. 3.2).

Le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent mettre fin à l’usufruit d’un commun accord. Une telle hypothèse peut se produire lorsque le nu-propriétaire veut racheter l’usufruit pour vendre l’immeuble libre de toute charge. Le cas échéant, le nu-propriétaire et l’usufruitier devront passer un contrat par lequel ils mettent fin à l’usufruit. Ensuite, sur la base de ce contrat, l’usufruitier requerra la radiation de l’usufruit, s’il porte sur un immeuble. La validité du contrat n’est soumise à aucune forme (art. 115 CO). La forme écrite est toutefois nécessaire pour requérir la radiation en vertu de l’art. 964 al. 1 CC. Dans la mesure où elle constitue l’extinction de l’engagement pris par l’usufruitier, la radiation a un effet extinctif (Farine Fabbro, Commentaire romand CC II, 2017, n. 12-13 ad art. 748 CC).

Dans l’hypothèse où un contrat de bail a été passé entre un usufruitier et un tiers et que l’usufruit s’éteint, le bailleur-usufruitier perd le pouvoir de céder l’exercice du droit de jouissance attaché à son usufruit. Ce pouvoir revient au nu-propriétaire, qui est sur ce plan placé dans une situation semblable à celle d’un acquéreur de la chose, si bien que l'art. 261 CO est applicable par analogie (Steinauer, op. cit., p. 81).

Le bail passe à l’acquéreur à dater de la réquisition de transfert de propriété au registre foncier (inscription au journal) sans effets rétroactifs (Lachat/Bohnet, Commentaire romand CO I, 2021, n. 3 ad art. 261 CO).

3.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que les parties se sont liées par un contrat de vente d'immeuble au sens des art. 216 ss CO, conclu le 30 mars 2020, portant sur l'immeuble 1______/2______ sis rue 3______ no. ______ à Genève.

L'immeuble en question était notamment constitué de plusieurs logements, qui faisaient l'objet de contrats de bail conclus entre D______, usufruitière, et les locataires concernés.

Aux termes du contrat de vente précité, l'appelant a vendu la nue-propriété de l'immeuble susmentionné à l'intimée, avec la précision que cette dernière acquerrait la jouissance de ce bien après la radiation de la servitude d'usufruit inscrite en faveur de la mère du premier nommé (cf. clause n° 2 du contrat).

Par acte notarié conclu le même jour que la vente, l'usufruitière et l'acquéreur de l'immeuble, en qualité de nu-propriétaire, ont mis fin à la servitude d'usufruit d'un commun accord, les parties ayant convenu qu'il serait procédé à la radiation de la servitude immédiatement après l'inscription du transfert de propriété au nom de l'acquéreur. La servitude a été radiée du registre foncier le ______ 2020, cette radiation ayant un effet extinctif. Dès cette date-là, la nouvelle nue-propriétaire a pris la pleine disposition de l'immeuble qu'elle venait d'acquérir, avec pour conséquence que les rapports de bail en cours lui ont été transférés conformément à l'art. 261 CO, applicable par analogie.

Les parties s'accordent cependant sur le fait que les loyers relatifs aux baux transférés en faveur de l'intimée sont dus à cette dernière à compter du 31 mars 2020. Il est également admis qu'une partie des loyers dus pour les mois d'avril à juin 2020 ont été perçus par E______, alors même que celle-ci n'a assuré la gérance de l'immeuble que jusqu'au 30 avril 2020.

Sur demande insistante de C______, qui a repris la gérance de l'immeuble pour le compte de l'intimée, E______ a établi un décompte "acheteur-vendeur" le 29 juillet 2020, ce document mentionnant l'intimée en qualité d'acheteur et D______ en qualité de vendeur. Ledit décompte fait état, en tenant notamment compte des loyers encaissés du 30 mars 2020 au 30 juin 2020, d'un solde final en faveur de l'acheteur d'un montant de 27'859 fr. 40, après déduction des honoraires de E______, chiffrés à 323 fr. 10, pour l'établissement de celui-ci.

Cependant, malgré plusieurs demandes en ce sens, E______ n'a pas reversé à C______ les loyers encaissés postérieurement à la vente de l'immeuble.

Aussi, saisi d'une action en paiement de l'intimée, le Tribunal a retenu que celle-ci était fondée à réclamer de l'appelant, sur la base de l'article 8 du contrat de vente, le versement d'un montant de 28'182 fr. 50 correspondant au solde indiqué en faveur de l'acheteur (honoraires de E______ non déduits) dans le décompte précité.

L'appelant remettant en cause cette appréciation, il convient d'examiner si le premier juge a correctement interprété les clauses du contrat.

3.2.1 Avant d'en venir à la clause présentement litigieuse du contrat, il y a lieu d'analyser le contrat de vente dans son ensemble ainsi que les circonstances entourant la conclusion de celui-ci, en vue de déterminer la volonté des parties.

Comme déjà rappelé ci-dessus, ledit contrat de vente indique expressément que l'acheteur entrerait en jouissance du bien vendu une fois que la servitude d'usufruit serait radiée (cf. chiffre 2 du contrat). Il apparaissait ainsi clairement aux yeux des parties que l'appelant n'a jamais eu la jouissance de l'immeuble dont il n'était que nu-propriétaire. En effet, la renonciation à l'usufruit n'étant intervenue que postérieurement à la vente de l'immeuble, les droits et obligations attachés aux contrats de bail n'ont jamais été transférés à l'appelant. L'appelant n'ayant jamais eu un droit à percevoir les loyers relatifs aux baux liant l'usufruitière aux locataires (et personne n'ayant d'ailleurs allégué qu'il en aurait perçu), il apparaît logique que le décompte établi par E______ comportait les noms de l'ancienne et de la nouvelle bailleresse.

Bien que l'appelant n'ait jamais été titulaire d'aucun droit sur les contrats de bail conclus par l'usufruitière, il a garanti à l'intimée l'exactitude et l'exhaustivité de l'état locatif établi le 27 mars 2020 par E______ et remis à celle-ci les originaux de tous les contrats de bail relatifs aux objets loués dans le bien immobilier faisant l'objet de la vente. Selon cette même clause, l'appelant s'est engagé à transférer à l'intimée toutes les cautions de loyer bloquées sur des comptes séparés. L'appelant a en outre garanti qu'à sa connaissance, tous les baux à loyer en vigueur avaient été conclus régulièrement et étaient valables (cf. clause n° 7 du contrat de vente du 30 mars 2020).

La clause n° 8 du contrat de vente stipule par ailleurs qu'un décompte acheteur-vendeur serait établi séparément par le vendeur (en dehors du contrat de vente) concernant toutes les prestations périodiques telles que les loyers, les frais de chauffage, etc., ce décompte devant être établi dans un délai de 90 jours dès l'entrée en jouissance. Le Tribunal a correctement retenu que l'appelant avait satisfait à son devoir sur ce dernier point, vu le décompte établi par E______ le 29 juillet 2020.

Le second paragraphe du chiffre 8 du contrat précise encore que ce décompte serait reconnu comme exact s'il n'était pas contesté dans les 30 jours dès sa réception. Enfin, il a été prévu que tout solde en faveur de l'acquéreur ou du vendeur serait exigible par la partie créancière dans les 30 jours suivant la réception du décompte.

Cela étant, l'interprétation préconisée par l'intimée, et retenue par le Tribunal, selon laquelle cette clause du contrat permettrait à la première nommée de requérir de l'appelant le paiement du solde indiqué sur le décompte "acheteur-vendeur" ne convainc pas.

En effet, la clause litigieuse prévoit uniquement que le "solde en faveur de l'acquéreur ou du vendeur serait exigible par la partie créancière". Une telle formulation ne permet pas de retenir que le solde en question serait exigible de la part du vendeur.

Dès lors qu'il était évident que les loyers en question ne pouvaient être encaissés que par l'usufruitière (ou par la gérance qu'elle avait mandatée, qui les aurait encaissés pour son compte), il paraît logique que les éventuels loyers encaissés en trop ensuite de la vente seraient exigibles de sa part. L'intimée l'a d'ailleurs bien compris dans ce sens également, puisque, par l'intermédiaire de la gérance qui la représentait, elle a plusieurs fois requis de E______, qui représentait l'ancienne usufruitière (et non pas l'appelant, dont le nom n'apparaît au demeurant, à juste titre, pas sur le décompte du 29 juillet 2020), qu'elle lui transfère les loyers encaissés pour la période postérieure à la vente. Ce n'est que parce que E______ a refusé de s'exécuter que l'intimée a décidé d'agir contre l'appelant, pour tenter d'obtenir le paiement de loyers dont il n'a jamais bénéficié.

Si l'on se réfère, à titre de comparaison, à la formulation des clauses de l'article 7 du contrat, rédigées par le notaire, force est de constater que l'appelant, en sa qualité de vendeur, s'est expressément engagé à fournir certaines garanties en faveur de l'acquéreur en lien avec les contrats de bail auxquels il n'était pourtant pas partie. Au contraire des dispositions du chiffre 7, la phrase présentement litigieuse du chiffre 8 du contrat ne comporte aucun engagement de l'appelant de payer ou de garantir le paiement des loyers dus en faveur de la nouvelle bailleresse. Le libellé de cette phrase ne permet aucunement de retenir qu'il aurait été convenu que l'acquéreur de l'immeuble pourrait se retourner contre le vendeur pour obtenir le paiement des loyers dus pour la période postérieure à la vente de l'immeuble dans l'hypothèse où ceux-ci auraient été encaissés par l'ancienne bailleresse ou sa représentante.

Ainsi, rien dans les éléments exposés ci-dessus ne permet de retenir une volonté réelle et commune des parties de convenir d'une quelconque garantie du vendeur au sujet des loyers encaissés postérieurement à la vente. Si tel avait été le cas, cela aurait été stipulé de manière claire, comme par exemple en ce qui concerne le transfert des cautions.

3.2.2 Une interprétation de la clause litigieuse selon le principe de la confiance (interprétation objective) ne conduirait pas à un résultat différent. En effet, l'intimée ne pouvait raisonnablement pas, de bonne foi, imaginer que l'appelant entendait être tenu pour responsable en cas de non rétrocession de loyers indûment encaissés par l'usufruitière ou sa représentante postérieurement à la vente.

3.3 Compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que le premier juge a condamné l'appelant à payer à l'intimée le montant de 28'182 fr. 50 sur la base du contrat de vente et du décompte "acheteur-vendeur" établi par E______.

L'appel doit dès lors être admis. Partant, le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et l'intimée déboutée de toutes ses conclusions.

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

La quotité des frais (2'100 fr.) et dépens (5'170 fr.) fixés par le Tribunal, conforme au Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC) n'a pas été contestée par les parties, de sorte qu'elle sera confirmée.

Compte tenu de l'issue du litige, ces frais et dépens seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe. Les frais judiciaires de première instance de 2'100 fr. dus par l'intimée seront compensés avec l'avance de frais du même montant qu'elle a fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il sera par ailleurs ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à l'appelant l'avance de 100 fr. qu'il avait versée.

Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement querellé seront annulés et il sera statué en ce sens.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'800 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais versée par l'appelant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera dès lors condamnée à rembourser 1'800 fr. à l'appelant à ce titre.

L'intimée sera, en outre, condamnée à verser 3'000 fr. à l'appelant à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 85 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 août 2022 par A______ contre le jugement JTPI/7213/2022 rendu le 15 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/133/2021-15.

Au fond :

Annule le jugement entrepris et cela fait :

Déboute la FONDATION B______ des fins de sa demande du 7 mai 2021.

Met les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 2'100 fr., à la charge de la FONDATION B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 100 fr. à A______.

Condamne la FONDATION B______ à verser à A______ la somme de 5'170 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., le met à charge de la FONDATION B______ et les compense avec l'avance de frais versée par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne la FONDATION B______ à rembourser 1'800 fr. à A______ à titre de frais judiciaires d'appel.


 

Condamne la FONDATION B______ à verser 3'000 fr. à A______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.