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Décisions | Chambre civile

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C/9481/2020

ACJC/350/2023 du 06.03.2023 sur JTPI/4799/2022 ( OS ) , CONFIRME

Normes : CO.18; CO.143; CO.144; CO.147
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9481/2020 ACJC/350/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 6 MARS 2023

 

Entre

1)   Madame A______, domiciliée ______,

2)   B______ SA, sise ______,

toutes deux appelantes d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 avril 2022, comparant par
Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate, rue de la Fontaine 7, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elles font élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par
Me Carola MASSATSCH, avocate, rue de la Gare 17, case postale 1149, 1260 Nyon 1, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4799/2022 rendu le 25 avril 2022, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a condamné A______ à verser à C______ les montants de 4'248 fr. 80 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2018, 5'311 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2019, 5'311 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2020 et 1'062 fr. 20 (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ SA à verser à C______ les montants de 3'751 fr. 20 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2018, 4'689 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2019, 4'689 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2020 et 937 fr. 80 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'520 fr., les a compensés avec les avances de frais fournies par les parties et les a mis à la charge de A______ et B______ SA, solidairement entre elles (ch. 3), condamné solidairement A______ et B______ SA à verser à C______ la somme de 2'520 fr. à titre de restitution des avances de frais (ch. 4), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 100 fr. à C______ et 100 fr. à A______ et B______ SA (ch. 5), condamné solidairement A______ et B______ SA à verser à C______ la somme de 3'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte déposé le 27 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ SA ont appelé de ce jugement, qu'elles ont reçu le 26 avril 2022, concluant principalement à son annulation et, cela fait, à ce que soit constatée l'absence de litige sur l'interprétation du contrat liant A______, B______ SA et C______, ainsi que l'absence de solidarité entre B______ SA et A______, C______ devant être déboutée de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elles ont conclu au rejet de la demande en paiement formée par C______ le 28 septembre 2020 selon ses conclusions modifiées dans ses déterminations du 9 juin 2021, ainsi qu'au déboutement de toutes ses conclusions.

b. Dans sa réponse du 5 septembre 2022, C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique et duplique des 7 octobre et 9 novembre 2022, les parties ont persisté dans leurs explications et conclusions respectives.

d. Par avis du 28 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. C______ et A______ étaient chacune propriétaire de 50% du capital-actions de B______ SA.

b. C______ a, par la suite, souhaité se retirer de B______ SA, de sorte que les parties sont convenues du rachat par A______ des actions détenues par C______ dans la société.

Elles ont conclu une "convention de cessation d'actions" à teneur de laquelle C______ cédait à A______ les cinquante actions dont elle était propriétaire, avec effet au 1er novembre 2011, au prix de 70'000 fr.

Le prix de vente était "payable comme suit: à concurrence de la somme de SEPTANTE MILLE FRANCS (Fr. 70'000.-) que Madame A______ s'engage à verser par virement bancaire directement en mains de Madame C______ selon reconnaissance de dette et plan de remboursement du 31 octobre 2011 et annexés à la présente dont ils font partie intégrante".

Elles ont prévu un for à Genève.

c. La reconnaissance de dette, datée du 31 octobre 2011, signée par A______ et jointe au contrat avait la teneur suivante:

"Je soussignée, A______, née le ______ 1975, reconnaît par la présente devoir, conjointement et solidairement avec la société B______ SA que j'engage valablement, à Madame C______ la somme de CENT TRENTE ET UN MILLE HUIT CENT FRANCS (131'800 francs suisses), décomposée comme suit:

·         créance détenue par Madame C______ dans la société B______ SA à concurrence de Frs 61'800.- selon extrait de son compte courant au 31 octobre 2011 joint à la présente,

·         cession d'actions entre Madame C______ et moi-même pour le prix de Frs 70'000.- selon convention de cession au 31 octobre 2011 jointe à la présente".

d. Le plan de remboursement conclu entre les parties prévoyait que "l'amortissement de la dette reconnue ci-dessus (était) prévu sur 11 ans à compter du 31 octobre 2011 se terminant le 31 décembre 2022 et portant intérêt à 3% l'an". Ce document a été signé par C______ en qualité de créancière et "A______ et/ou B______ SA" en qualité de débitrice.

Les parties sont convenues d'un remboursement de 20'000 fr. au 31 octobre 2011, puis de 10'000 fr. le 31 décembre de chaque année avec, en sus, un intérêt de 3%.

e. Le montant de 20'000 fr. a été versé le 31 octobre 2011.

Par la suite, les montants totaux suivants ont été versés à C______: 8'000 fr. en 2012, 8'000 fr. en 2013, 6'500 fr. en 2014, 4'000 fr. en 2015, 5'600 fr. en 2016 et 2'000 fr. en 2017.

Une somme de 7'334 fr. 53 lui a également été versée le 24 juin 2014, selon une quittance établie par C______ qui prévoyait "Je soussignée, C______, née le ______ 1964, reconnaît par la présente avoir reçu en remboursement partiel de ma créance du 31 octobre 2011 contre Madame A______, la somme de 7'334.53 CHF (sept mille trois cents trente-quatre francs suisses et cinquante-trois centimes) par compensation de la dette qu'a la société D______ SNC envers B______ SA".

f. Le 28 septembre 2020, C______ a formé une demande en paiement à l'encontre de A______ et B______ SA, tendant à ce qu'elles soient condamnées à lui verser, conjointement et solidairement entre elles, les sommes de 8'000 fr. avec intérêts à 5% au 31 décembre 2017, 10'000 fr. avec intérêts à 5% au 31 décembre 2018, 10'000 fr. avec intérêts à 5% au 31 décembre 2019, et 2'000 fr.

A l'appui de ses conclusions, C______ a expliqué que A______ et B______ SA lui avaient d'ores et déjà versé des montants pour un total de 41'434 fr. 53 (8'000 fr. + 8'000 fr. + 6'500 fr. + 4'000 fr.+ 5'600 fr. +2'000 fr. + 7'334 fr. 53), de sorte qu'elles restaient à lui devoir, au 31 décembre 2019, conjointement et solidairement, un montant de 42'238 fr. 94 en capital et des intérêts de 16'237 fr., soit au total 58'475 fr. 94.

De ce montant, il fallait encore déduire 25'520 fr. 80, correspondant à la somme pour laquelle elle avait mis A______ en poursuite et pour laquelle cette dernière avait fait l'objet d'une saisie.

La somme qui lui était due par A______ et B______ SA, au 31 décembre 2019, était donc de 32'955 fr. 14, soit 8'000 fr. au 31 décembre 2017, 10'000 fr. au 31 décembre 2018, 10'000 fr. au 31 décembre 2019, ainsi que 4'955 fr. 14 d'intérêts, qu'elle a réduit à 2'000 fr. afin que le total de ses prétentions n'excède pas 30'000 fr.

g. Dans leur réponse du 15 février 2021, A______ et B______ SA ont conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande en paiement et à ce que soit constatée l'absence de solidarité entre elles. Subsidiairement, elles ont conclu au rejet de la demande.

Elles ont plaidé l'absence de solidarité entre elles, précisant que A______ avait signé, en sa qualité d'administratrice de B______ SA, la reconnaissance de dette par laquelle la société reconnaissait devoir 61'800 fr. à C______ et, elle-même, à titre personnel, 70'000 fr. Le plan de remboursement ne différenciait pas les dettes et ne comportait aucun échéancier propre à chacune, de sorte qu'il n'était pas possible de distinguer leurs dettes respectives.

h. Dans ses déterminations du 9 juin 2021, C______ a conclu à l'annulation et au remplacement des conclusions prises dans sa demande en paiement concluant, principalement, à ce que A______ soit condamnée à lui verser les montants de 4'248 fr. 80 avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2017, 5'311 fr. avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2018, 5'311 fr. avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2019 et 1'062 fr. 20 au 31 décembre 2019 et à ce que B______ SA soit condamnée à lui verser les montants de 3'751 fr. 20 avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2017, 4'689 fr. avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2018, 4'689 fr. avec intérêts moratoires à 5% au 31 décembre 2019 et 937 fr. 80 au 31 décembre 2019. Subsidiairement, elle a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui verser 8'000 fr. avec intérêts à 5% au 31 décembre 2017, 10'000 fr. avec intérêts à 5% au 31 décembre 2018, 10'000 fr. avec intérêts au 31 décembre 2019 et 2'000 fr.

A l'appui de ses conclusions C______ a expliqué que A______ et B______ SA avaient "reconnu lui devoir une somme déterminée" et que A______ s'était déclarée "caution solidaire" de la société. Néanmoins, ni le plan de remboursement, ni les versements effectués entre 2011 et 2017, ne permettaient de déterminer quelle dette avait été éteinte par les montants versés. Il convenait donc d'appliquer aux montants encore dus une proportion identique à celle existant entre la dette de 70'000 fr. de A______ et celle de 61'800 fr. de B______ SA, soit respectivement 53.11% et 46.89% de la dette.

i. Lors de l'audience du 17 juin 2021 du Tribunal, A______ et B______ SA, constatant que C______ ne prenait plus de conclusions en condamnation solidaire, ont retiré leurs conclusions en irrecevabilité de la demande.

j. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 20 janvier 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

D.           Dans la décision querellée, le premier juge a retenu, s'agissant des points encore litigieux en appel, que le texte de la reconnaissance de dette était parfaitement clair et ne souffrait aucune interprétation, A______ et B______ SA ayant clairement manifesté leur intention de s'engager envers C______, solidairement entre elles, pour la dette de 131'800 fr., soit pour les deux dettes initialement contractées par chacune individuellement. Il importait peu que les parties plaident désormais toutes trois qu'il n'y avait pas de solidarité entre A______ et B______ SA car, au moment de la signature de la reconnaissance de dette, telle était bien la volonté des parties. La dette, dans son ensemble et sans distinction, avait été éteinte progressivement par A______ et B______ SA depuis 2011, ce qui prouvait leur volonté de s'acquitter de la dette totale, sans considération des dettes initiales. La question de l'existence d'un cautionnement au sens des art. 492 et ss CO ne se posait pas, l'engagement de A______ n'étant pas accessoire par rapport à celui de B______ SA.

Au vu de l'engagement solidaire de A______ et B______ SA, chaque paiement était venu diminuer d'autant la dette de 131'800 fr. et avait profité de la même manière à chacune et non pas seulement au pro rata des dettes initialement contractées. Les montants encore dus étaient exigibles puisque le plan de paiement prévoyait clairement la date à laquelle chaque tranche devait être acquittée. C'était à tort que A______ et B______ SA invoquaient la prescription de 5 ans de l'art. 128 CO. A______ et B______ SA pouvaient chacune être actionnée pour la somme de 30'000 fr encore due, soit un montant en capital de 28'000 fr. (correspondant au solde de 8'000 fr. pour l'année 2017 et aux montants de 10'000 fr. dus aux 31 décembre 2018 et 2019) ainsi que des intérêts limités à 2'000 fr. Au vu des conclusions prises par C______ le 9 juin 2021, le Tribunal ne pouvait les condamner conjointement et solidairement, sauf à statuer ultra petita. Elles étaient ainsi condamnées à verser à C______ respectivement 15'933 fr. s'agissant de A______ et 14'067 fr. s'agissant de B______ SA. A l'exception des intérêts conventionnels, un intérêt moratoire à 5% l'an était dû sur les sommes réclamées.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 3, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC), et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.2 Le mémoire de réponse et les écritures subséquentes sont également recevables pour avoir été déposées dans les délais et les formes prescrits par la loi, respectivement impartis à cet effet (art. 145 al. 1 let. b, art. 312, et. 316 al. 2 CPC).

1.3 Pour des motifs de clarté, A______ sera ci-après désignée "l'appelante" et B______ SA "la société appelante". Ensemble, elles seront également désignées "les appelantes". C______ sera quant à elle désignée ci-après "l'intimée".

2.             La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent litige (art. 55 al. 1, 58 al. 1 CPC).

3.             Les appelantes se plaignent d'une violation de la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et reprochent au Tribunal d'avoir modifié l'objet du litige et outrepassé ses compétence en procédant à une interprétation du contrat alors même que les parties s'accordaient, selon elles, sur l'absence d'engagement solidaire des appelantes envers l'intimée.

3.1.1 Aux termes de l'art. 58 al. 1 CPC, le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse.

Le principe de disposition veut que les parties soient libres de déterminer ce qu'elles vont réclamer en justice; à titre de conséquence, le Tribunal ne peut aller au-delà des conclusions des parties (ne ultra petita). Il ne peut donc allouer davantage que demandé ni moins que ce que la partie adverse a reconnu devoir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2016 du 30 novembre 2016, consid. 2.1).

3.1.2 Lorsque le tribunal est tenu d'appliquer le droit d'office, il ne viole pas la maxime de disposition s'il admet la demande par une autre motivation juridique que celle articulée par le demandeur. Selon la jurisprudence fédérale, le principe ne eat iudex ultra petita partium n'est pas violé lorsque sous l'angle juridique, le tribunal apprécie la prétention objet de la demande d'une manière qui s'écarte en tout ou partie de la motivation présentée par les parties, pour autant qu'il demeure dans le cadre des conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2011 du 16 novembre 2011, consid. 2.4).

3.2 En l'espèce, le premier juge a alloué à l'intimée ni plus, ni moins, ni autre chose que les montants auxquels elle a conclu en dernier lieu, de sorte qu'il n'a pas statué ultra petita.

Peu importe au demeurant que, pour statuer dans le cadre des conclusions prises par l'intimée, le Tribunal ait pu s'écarter de la motivation présentée par les parties, le premier juge n'étant pas lié par les motifs invoqués. Dans ces circonstances, le grief des appelantes n'est pas fondé.

4.             Les appelantes reprochent au Tribunal d'avoir procédé à tort à une interprétation de la "reconnaissance de dettes" des parties, alors même que l'interprétation des termes et de la portée de la reconnaissance de dette n'était selon elles plus litigieuse, consécutivement aux déterminations de l'intimée, les parties s'étant accordées sur l'absence d'engagement solidaire.

4.1.1 Les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC). Lorsque la maxime des débats s'applique, le Tribunal est lié par les faits allégués. Ces derniers, ainsi que les conclusions déterminent l'objet du litige et fixent le cadre du procès. Les faits allégués qui ne sont pas contestés sont censés être admis et ne doivent pas être prouvés. Ce principe ressort de l'art. 150 al. 1 CPC et découle du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC). Les parties peuvent admettre certains faits et lier ainsi le tribunal (principe de la "vérité formelle") (Chabloz, Petit commentaire du Code de procédure civile, 2020, n°22 et 24 ad art. 55 al. 1 CPC; ACJC/1172/2011 du 23 septembre 2011, consid. 2.1).

4.1.2 Le Tribunal applique le droit d'office (art. 57 CPC). Ce principe impose aux tribunaux cantonaux d'examiner d'office le bien-fondé des conclusions sous tous les aspects juridiques possibles, sans être lié par les arguments de droit des parties, ni par la motivation retenue par l'instance précédente. Par conséquent, les parties doivent alléguer les faits, y compris les exceptions, mais non le droit. Les tribunaux, quant à eux, ne sont pas liés par l'argumentation juridique des parties, même si celle-ci n'est pas contestée. En première instance, les tribunaux doivent donc se pencher d'office sur tous les arguments juridiques, même ceux qui n'ont pas été soulevés par les parties. (Chabloz, op. cit., n°1 ad art. 57 CPC et les références citées). Dans le cadre des conclusions prises par les parties (art. 58 CPC), le juge est libre d'appliquer le droit, en s'écartant de l'analyse juridique et des arguments des parties. Il n'est pas lié par les causes juridiques invoquées à l'appui des conclusions (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2019 du 12 mai 2020 consid. 1.3.1 et 1.3.2; ATF 120 II 172 consid. 3a et références citées; Haldy, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 3 ad art. 57 CPC).

La qualification juridique d'un contrat est une question de droit (ATF 131 III 217 consid. 3). Le juge détermine librement la nature de la convention d'après l'aménagement objectif de la relation contractuelle, sans être lié par la qualification même concordante donnée par les parties. La dénomination d'un contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa nature juridique (art. 18 al. 1 CO; ATF 129 III 664 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1; 4A_592/2016 du 16 mars 2017 consid. 2.1).

4.2 En l'espèce, si le contenu du contrat – soit la teneur des déclarations de volonté des parties ainsi que le contexte général – relève des faits, sa qualification relève du droit, lequel est établi d'office par le juge, qui n'est lié ni par l'analyse juridique ni par les arguments des parties. Dès lors, quand bien même les parties auraient été d'accord sur la qualification juridique de l'engagement pris par les appelantes envers l'intimée, celle-ci ne liait pas pour autant le Tribunal, lequel, dans le cadre du principe de l'application du droit d'office, était fondé à procéder à une interprétation de la reconnaissance de dette aux fins de rechercher la réelle et commune intention des parties et de pouvoir statuer sur leurs conclusions.

Partant, c'est à raison que le Tribunal a procédé à une interprétation de l'ensemble des documents produits par les parties aux fins de déterminer leur réelle et commune intention. Les griefs des appelantes à cet égard seront ainsi écartés.

5. Les appelantes reprochent encore au Tribunal d'avoir procédé à une interprétation erronée du contrat en retenant à tort l'existence d'une solidarité entre les parties, fondée sur l'art. 143 CO.

5.1.1 Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Le débiteur ne peut opposer l'exception de simulation au tiers qui est devenu créancier sur la foi d'une reconnaissance écrite de la dette (art. 18 al. 2 CO).

Le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les réf. cit.).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF
144 III 93 consid. 5.2.3 et les réf. cit.).

5.1.2 La solidarité existe entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun d'eux soit tenu pour le tout (art. 143 al.1 CO).

Cette disposition consacre la solidarité passive, qui est une modalité d'une obligation qui lie plusieurs débiteurs et qui oblige l'un quelconque d'entre eux à payer la totalité de la dette avec effet libératoire à l'égard des autres. Chaque débiteur répond à l'égard du créancier de toute la dette, lequel peut exiger la prestation intégrale de chacun d'eux (Romy, in Commentaire Romand, Code des obligations I, 2012, n°1 ad art. 143 CO). Cette solidarité a pour but de renforcer la position du créancier en lui offrant plusieurs débiteurs et donc plusieurs garanties patrimoniales pour une même dette et en lui permettant de se désintéresser de la manière la plus complète possible (Romy, op. cit. n°2 ad art. 143 CO).

La solidarité conventionnelle suppose que les codébiteurs solidaires adressent au créancier une déclaration dans ce sens. Un tel engagement ne sera toutefois retenu qu'en présence d'un comportement univoque, qui ne suscite raisonnablement aucun doute, tel qu'il résulte des circonstances ou du contexte du contrat interprété conformément au principe de la confiance (Romy, op. cit., n. 6-7 ad art 143 CO; ATF 116 II 707 consid. 3). Le fardeau de la preuve d'un engagement solidaire incombe au créancier (Romy, op. cit., n. 5 ad art. 143 CO).

5.1.3 A teneur de l'art. 144 al. 1 et 2 CO, le créancier peut, à son choix, exiger de tous les débiteurs solidaires ou de l'un d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation et les débiteurs demeurent tous obligés jusqu'à l'extinction totale de la dette; en outre, seul le paiement d'un débiteur solidaire dont le paiement ou la compensation éteint la dette en totalité ou en partie libère les autres jusqu'à concurrence de la portion éteinte (art. 147 al. 1 CO).

5.2.1 En l'espèce, comme l'a justement retenu le Tribunal, le texte de la reconnaissance de dette est parfaitement limpide, l'intention les deux appelantes de s'engager envers l'intimée, solidairement entre elles, pour un montant total de 131'800 fr., soit pour un montant correspondant à l'addition des deux dettes initialement contractées par elles individuellement, pour des montants de 61'800 fr. et 70'000 fr., étant clairement manifestée.

Cela est corroboré par le plan de remboursement adopté par les parties – lequel forme un tout avec la reconnaissance de dette et le contrat de cession des actions – qui considère et traite la dette de 131'800 fr. comme une seule et unique dette, faisant abstraction des dettes initiales, et ne procède à aucune distinction entre les deux appelantes s'agissant des modalités de remboursement convenues, étant encore précisé que sont désignées en qualité de débitrice, "A______ et/ou B______ SA", sans autre précision, de sorte que l'on en retient la volonté des parties que l'intimée dispose de deux débitrices pouvant être recherchées ensemble ou séparément, pour l'ensemble de la dette.

Comme encore relevé à raison par le premier juge, la reconnaissance de dette n'a de sens que parce qu'elle vient dire autre chose que ce qui figurait déjà dans les documents des parties relatifs aux dettes contractées individuellement par les appelantes.

Au contraire de ce que plaident les appelantes, rien ne permet de douter de la volonté réelle et commune de l'ensemble des parties, au moment de la signature de cette reconnaissance de dette, de conclure un engagement solidaire des appelantes envers l'intimée. C'est en particulier en vain que les appelantes tentent de soutenir l'existence d'une contradiction dans les termes de la reconnaissance de dette en prétendant que le terme "conjointement" signifierait que "les débiteurs ne sont responsables que de leur part respectivement de leur dette". Peu importe au demeurant que les parties aient ultérieurement plaidé l'absence de solidarité car telle était bien la volonté des parties lors de la signature de la reconnaissance de dette.

Dans la mesure où la volonté réelle et commune des parties au moment de la conclusion de la reconnaissance de dette ne fait aucun doute, nul n'est besoin de procéder à une interprétation objective du contrat selon le principe de la confiance, de sorte qu'il ne sera pas revenu sur l'analyse juridique conduite par les appelantes à ce propos. En particulier, dans la mesure où l'existence d'un engagement solidaire entre les parties est avérée, il n'est pas pertinent d'examiner les dispositions légales et la jurisprudence relatives aux engagements accessoires.

Ainsi, c'est à raison que le Tribunal a considéré que les appelantes avaient contracté, solidairement entre elles, une dette de 131'800 fr. envers l'intimée.

Au vu de l'engagement solidaire des appelantes pour le tout, chaque paiement effectué a profité de la même manière à chacune des dettes, et non seulement au pro rata des dettes initiales. Indépendamment de savoir laquelle des deux appelantes s'en est acquitté, ce qui n'est pas pertinent, et quand bien même une seule d'entre elle aurait effectué l'ensemble des paiements, chaque paiement a en effet diminué d'autant la dette totale de 131'800 fr.

Les montants réclamés par l'intimée n'ont pas été contestés en tant que tels par les appelantes. L'exigibilité de ces montants ne souffre quant à elle aucune critique, le plan de remboursement prévoyant clairement et distinctement la date à laquelle chaque tranche de paiement devait être acquittée, soit notamment au 31 décembre 2017, 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019. Les critiques formulées par les appelantes quant à l'exigibilité des créances requises ne sont dès lors pas pertinentes, l'existence d'une solidarité entre elles étant établie.

Dans la mesure où l'intimée était fondée à réclamer l'intégralité des montants dus, soit un montant total de 30'000 fr., aux appelantes ensemble ou à l'une d'entre elle uniquement, elle était également libre de limiter ses conclusions en ne recherchant que l'une des appelantes pour une partie ou le tout, ou encore en les recherchant simultanément, chacune pour une partie du montant total dû, sans avoir à justifier les montants pour lesquelles chacune des appelantes est recherchée, cette prérogative résultant directement de la solidarité existant entre les appelantes.

En modifiant ses conclusions initiales en cours de procédure comme elle l'a fait, l'intimée a toutefois partiellement renoncé à la liberté octroyée par la solidarité existant entre les appelantes et déterminé des montants précis pour lesquels elle entendait rechercher chacune des appelantes séparément.

C'est ainsi à raison que le Tribunal a constaté qu'en vertu de la solidarité existant entre les appelantes, celles-ci auraient chacune pu être recherchées pour la somme totale de 30'000 fr. encore due mais que, au vu des conclusions prises en cours de procédure par l'intimée, le Tribunal ne pouvait condamner les appelantes solidairement et conjointement, sauf à statuer ultra petita, de sorte qu'il a condamné l'appelante à verser 15'933 fr. à l'intimée et la société appelante à lui verser 14'067 fr.

6. Les appelantes ont encore plaidé l'exception de prescription de l'art. 128 ch. 1 CO en lien avec leur raisonnement consistant à soutenir une absence de solidarité entre elles, s'agissant des montants dus à l'intimée. Dans la mesure où l'existence d'un engagement solidaire entre les appelantes a été dûment établie et compte tenu du fait que les prétentions de l'intimée ne portent que sur les prestations dues au 31 décembre 2017, 2018 et 2019, il n'est pas nécessaire de déterminer si les prestations des débitrices sont soumises à la prescription ordinaire de l'art. 127 CO ou bien à la prescription quinquennale de l'art. 128 ch. 1 CO, la créance de l'intimée n'étant en tout état pas prescrite car datant de moins de cinq ans avant l'ouverture de l'action en mai 2022.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

7. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'200 fr. (art. 19 al. 3 let. d LaCC; 95 et 96 CPC; 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge des appelantes qui succombent, solidairement entre elles (art. 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par les appelantes, laquelle demeure acquise à l'Etat (art. 98 et 111 al. 1 CPC).

Les appelantes seront, en outre, condamnées, solidairement entre elles, aux dépens d'appel de leur partie adverse, arrêtés à 2'000 fr., TVA et débours compris, au regard notamment de la valeur litigieuse et de l'activité déployée par le conseil de l'intimée (art. 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 mai 2022 par A______ et B______ SA contre le jugement JTPI/4799/2022 rendu le 25 avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9481/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'200 fr., les mets à la charge de A______ et de B______ SA, solidairement entre elles, et les compense avec l'avance de frais de même montant versée et qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______ SA, solidairement entre elles, à verser à C______ 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.