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Décisions | Chambre civile

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C/27496/2019

ACJC/336/2023 du 02.03.2023 sur JTPI/7459/2022 ( OO ) , MODIFIE

Normes : CC.181; CC.196; CC.204.al2; CC.211
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27496/2019 ACJC/336/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 2 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 juin 2022, comparant par Me Reynald BRUTTIN, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Claudio FEDELE, avocat, SAINT-LÉGER AVOCATS, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 


 

EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7459/2022 du 21 juin 2022, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé le divorce des époux A______ et B______ (chiffre 5 du dispositif). Au fond, le Tribunal a attribué à A______ la jouissance exclusive de l'ancien domicile conjugal (ch. 6), dit que les parties ne se devaient aucune contribution d'entretien post-divorce (ch. 7), condamné A______ à verser à B______ la somme de 100'000 fr. à titre de liquidation du régime matrimonial (ch. 8), déclaré irrecevables les conclusions prises en lien avec le partage des biens immobiliers (appartement, garage et terrains agricoles) dont les parties étaient propriétaires en France, y compris via la SCI C______ (ch. 10), débouté les parties de leurs autres prétentions en liquidation de régime matrimonial (ch. 11) et, enfin, a ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des parties (ch. 12).

Pour le surplus, le Tribunal a réparti les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., par moitié entre les parties (ch. 13), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 14) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 15).

Statuant dans le même jugement sur mesures provisionnelles, le Tribunal a supprimé, avec effet au 10 mai 2021, la contribution d'entretien fixée sur mesures protectrices de l'union conjugale en faveur de B______ (ch. 1), renvoyé les frais judiciaires à la décision au fond (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 23 août 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation des chiffres 8 et 11 du dispositif, relatifs à la liquidation du régime matrimonial.

Cela fait, il conclut à ce que la Cour de justice dise qu'il ne doit aucun montant à B______ à titre de liquidation du régime matrimonial concernant en particulier la société D______ SA et à ce que B______ soit condamnée à lui restituer 50 actions de la société E______ SA correspondant à la moitié du capital-actions.

A l'appui de son appel, il produit un chargé comprenant diverses pièces qui figuraient toutefois déjà au dossier de première instance, ainsi qu'un extrait du registre du commerce actualisé au 22 août 2022.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions respectives. A______ a encore produit un extrait du registre du commerce actualisé au 9 novembre 2022.

d. Par avis du greffe de la Cour du 16 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______, né en 1971 à F______ (Italie), de nationalité italienne, et B______, née en 1976 à Genève, originaire de G______ (Genève), se sont mariés le ______ 2004 à H______ (Genève).

Les époux n'ont pas conclu de contrat de mariage.

b. Aucun enfant n’est issu de cette union.

A______ est le père de deux enfants majeurs issus d’une précédente union.

c. Les parties se sont séparées le 1er juin 2016, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal.

d. Sur mesures protectrices de l'union conjugale, requises en mai 2016 et réglées par jugement du Tribunal du 24 mars 2017, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 31 octobre 2017, la jouissance exclusive du domicile conjugal a été attribuée à A______, une contribution d'entretien de 1'380 fr. par mois allouée à B______ et la séparation de biens des parties prononcée.

Au moment du prononcé des mesures protectrices, B______ était en incapacité de travail pour une durée indéterminée en raison d'une opération d'un anévrisme cérébral potentiellement dangereux. Elle exerçait néanmoins une activité professionnelle en qualité d'administratrice avec signature individuelle de la société E______ SA pour un revenu mensuel estimé par le Tribunal à quelque 2'720 fr. pour une activité à mi-temps. Au vu de son état de santé et de son incapacité de travail, aucun revenu hypothétique ne lui avait été imputé pour une quelconque activité accessoire. Quant à A______, il avait perçu un salaire mensuel net de 4'130 fr. jusqu'en septembre 2016, avant de réduire son taux d’activité à 80% sans fournir d'explication. Compte tenu de son âge, de son expérience et de son parcours professionnel, un revenu hypothétique de 4'130 fr. par mois lui avait été imputé, correspondant à une activité à plein-temps. De plus, il était vraisemblable qu'il réalisait, en sus, des revenus accessoires de l'ordre de 1'350 fr. nets par mois, qui pouvaient également lui être imputés.

e. A la suite d'une plainte pénale déposée par B______, A______ a été reconnu coupable de violation de son obligation d'entretien envers son épouse par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du 28 août 2019.

D. a. Le 3 décembre 2019, A______ a saisi le Tribunal d'une requête unilatérale en divorce, assortie d'une requête de mesures provisionnelles tendant à la suppression immédiate de toute contribution d'entretien en faveur de son épouse, requête qui a été rejetée par ordonnance du 29 avril 2020, confirmée par arrêt de la Cour de justice du 28 août 2020.

Au fond, il a préalablement requis la production de pièces financières par sa partie adverse. Principalement, il a demandé au Tribunal de prononcer le divorce, de supprimer toute contribution d'entretien due à son épouse, d'"ordonner la liquidation du régime matrimonial", ainsi que le partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

En substance, il a expliqué que sa situation financière était obérée. Il n'avait pas réalisé le revenu hypothétique qui lui avait été imputé sur mesures protectrices et son salaire faisait l'objet d'une saisie. Il faisait ainsi face à un déficit mensuel de près de 300 fr.

S'agissant de la liquidation du régime matrimonial, A______ a chiffré la valeur des différents biens immobiliers et mobiliers appartenant en copropriété aux époux, sous réserve des actions de la société E______ SA. A cet égard, il a affirmé être le propriétaire légitime de la société, expliquant que son épouse avait été nommée administratrice et qu’elle était actionnaire uniquement pour des raisons fiscales. Il appartenait ainsi à B______ de lui restituer à tout le moins la moitié des parts de E______ SA ou de lui en verser la contre-valeur sitôt leur valeur déterminée. Afin d'établir la valeur desdites parts, il a sollicité la production des bilans et comptes de pertes et profits 2014 à 2018 de la société, ainsi que ses déclarations fiscales et avis de taxation pour la même période. En définitive, il a requis qu'à l'exception des biens situés en France, les acquêts de B______, à savoir sa fortune mobilière ainsi que les actions de E______ SA, alternativement leur contre-valeur, soient répartis par moitié entre les époux.

b. Dans sa réponse du 25 juin 2020, B______ a notamment conclu au prononcé du divorce, à l'allocation d'une contribution à son entretien post-divorce de 1'380 fr. par mois, au partage des avoirs de prévoyance professionnelle et à la liquidation du régime matrimonial. Sur ce dernier point, elle a fait valoir une créance alimentaire de 67'620 fr. au 30 juin 2020 ainsi qu'une créance de 24'620 fr. (soit l'équivalent de EUR 23'150) et a conclu à l'attribution de toutes les parts de copropriété de son époux à titre de compensation.

c. Lors de l'audience de débats d'instruction, de débats principaux et de premières plaidoiries du 12 octobre 2020, les parties ont persisté dans les termes respectifs de leurs conclusions et ont sollicité diverses mesures d'instruction.

A______ a persisté dans sa demande de production des documents comptables relatifs à la société E______ SA. Il a estimé que les bordereaux de taxation 2015 à 2018 de la société produits par B______ n'étaient pas suffisants et qu'il convenait de produire les comptes de bilans et de pertes et profits ainsi que les extraits de comptes bancaires.

d. Les parties ont encore chacune sollicité la production de pièces complémentaires lors de l'audience de débats principaux du 5 mars 2021.

A______ a, par ailleurs, précisé qu'il avait dû s'adresser à l'Hospice général pour obtenir un soutien financier depuis le mois de janvier 2021. Sa situation ne lui permettait définitivement plus de s'acquitter d'une contribution d'entretien en faveur de son épouse.

e. Les parties ont encore déposé plusieurs courriers spontanés relatifs aux pièces requises de part et d'autre.

f. Par ordonnance du 18 mars 2021, le Tribunal a statué sur les demandes de production de pièces des parties, en ordonnant notamment à B______ de produire la comptabilité complète et détaillée de la société E______ SA ainsi que ses relevés de comptes détaillés et à A______ de produire toutes pièces justifiant de ses revenus.

g. Les parties ont toutes deux déposé leurs pièces complémentaires dans le délai imparti par le Tribunal au 31 mars 2021.

B______ a déposé quatre classeurs fédéraux, contenant les pièces requises par sa partie adverse, dont notamment les extraits du compte bancaire de E______ SA et la comptabilité détaillée de la société.

h. Par acte du 10 mai 2021, A______ a formé une (seconde) requête de mesures provisionnelles, par laquelle il a conclu à la suppression de la contribution à l'entretien de B______ et ce avec effet rétroactif ou à tout le moins avec effet immédiat.

A l'appui de sa requête, il a notamment indiqué qu'au vu des pièces produites, il était désormais établi que B______ réalisait, en plus de son salaire, des revenus accessoires tirés de sous-locations effectuées via la plateforme [de location de logements] I______ et que E______ SA prenait en charge ses dépenses privées.

Il a par ailleurs souligné que sa propre situation financière avait durablement changé depuis la mise en faillite de D______ SA et que son salaire mensuel brut s'élevait à 1'300 fr., de sorte qu'il ne réalisait manifestement pas le revenu hypothétique mensuel net de 4'130 fr. qui avait été retenu sur mesures protectrices de l'union conjugale.

i. B______ s'est opposée à cette requête et a conclu à ce que A______ soit débouté de toutes ses conclusions sur mesures provisionnelles.

Elle a notamment fait valoir qu'aucun élément nouveau n'était survenu depuis le jugement du 24 mars 2017 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale.

j. Lors de l'audience du 21 juin 2021, les parties ont sollicité des nouveaux actes d'instruction.

B______ a affirmé que A______ avait acquis un bien immobilier à l'étranger et a sollicité la production de pièces y relatives, subsidiairement l'audition de témoins. Ce dernier s'y est opposé en expliquant qu'il s'agissait d'une acquisition effectuée par sa fille âgée de 28 ans.

A______ a, pour sa part, sollicité la production par son épouse des rapports de l'organe de révision de la société E______ SA, alléguant que si les documents comptables de la société avaient bien été produits, aucun d'entre eux n'était audité alors même que la société disposait d'un réviseur.

Les parties ont été astreintes à produire les documents requis à fin septembre 2021.

k. Par courrier du 27 septembre 2021, B______ a indiqué être dans l'impossibilité de fournir les rapports de révision demandés car les comptes de la société E______ SA n'avaient pas été révisés, comme le confirmait l'attestation de l'organe de révision versée au dossier.

l. Lors de l'audience du 4 octobre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives et se sont exprimées sur leurs situations personnelles et financières.

B______ a actualisé ses prétentions et a notamment chiffré à 100'000 fr. ses prétentions relatives à la société D______ SA, soit la moitié du montant perçu par A______ pour la vente de cette société.

A______ s'est opposé aux conclusions prises par son épouse et a conclu à son déboutement. Il a, pour le surplus, persisté dans ses propres conclusions, sans y apporter de précision.

E. La situation financière des parties s'établit comme suit, selon les pièces versées à la procédure.

a.a A______, âgé de 51 ans, était administrateur, actionnaire unique ainsi que salarié de la société D______ SA jusqu'à la fin du mois de décembre 2019. Son salaire mensuel brut s'élevait à 3'600 fr. et était saisi à hauteur de 225 fr. par mois.

Le fonds de commerce de D______ SA a été vendu, en mai 2019, pour un montant de 200'000 fr. Le contrat de vente du 2 mai 2019 précisait en son art. 9 que l'acheteur ne reprenait aucun passif de la société venderesse, laquelle demeurait seule responsable de ses dettes. Le produit de la vente a été payé en plusieurs versements. Selon l'extrait du compte bancaire de D______ SA, les opérations suivantes ont été enregistrées :

-          le 29 mai 2019, un montant de 30'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 29'999 fr. libellé comme "OPÉRATION";

-          le 31 mai 2019, un montant de 20'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 20'000 fr. libellé comme "VERSEMENTS PAYÉS";

-          le 11 juin 2019, un montant de 20'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 19'997 fr. 50 libellé comme "OPÉRATION";

-          le 19 juin 2019, un montant de 20'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 19'971 fr. 85 libellé comme "OPÉRATION";

-          le 20 juin 2019, un montant de 20'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 19'990 fr. libellé comme "OPÉRATION";

-          le 27 juin 2019, un montant de 30'000 fr. a été crédité, puis un débit effectué de 29'987 fr. 20 libellé comme "OPÉRATION".

A______, en tant que représentant de D______ SA, a encore reçu deux fois 30'000 fr. en espèces les 3 et 13 mai 2019.

Selon les explications de A______, le produit de la vente aurait été utilisé par D______ SA pour rembourser un prêt, le paiement d'honoraires d'avocat, ainsi que le remboursement de plusieurs fournisseurs de la société.

D______ SA a par la suite été dissoute par voie de faillite prononcée par jugement du 17 septembre 2020. La procédure de faillite a été suspendue faute d'actif, puis la société radiée d'office.

Actuellement, A______ exploite un bar sous la raison sociale J______ SA. Cette activité lui procure un salaire mensuel net déclaré de 1'121 fr. 95. Il explique "arrondir ses fins de mois" en récupérant gratuitement, puis en revendant, de vieux véhicules motorisés dont les propriétaires souhaitent se débarrasser. Cette activité lui rapporterait entre 500 fr. et 1'500 fr. par mois.

A______ aurait effectué une demande d'aide financière auprès de l'Hospice général, qui lui aurait toutefois été refusée.

a.b Ses charges mensuelles incompressibles ont été fixées à 3'160 fr. 20 par le Tribunal. Elles comprennent son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer (1'460 fr.), son assurance LAMal (430 fr. 20) et ses frais de transport (70 fr.).

A______ fait l'objet de nombreuses poursuites à hauteur de dizaines de milliers de francs, dont 35'410 fr. 55 sont des actes de défaut de biens, qui concernent notamment des dettes de carte de crédit et d'assurance-maladie.

b.a B______, âgée de 45 ans, est administratrice unique avec signature individuelle de la société E______ SA, dont le but est notamment la sous-location d'appartements meublés, la rénovation et la décoration d'appartements, les activités dans le domaine du prêt-à-porter, ainsi que la vente et l'achat de tous produits mobiliers par internet.

A______ allègue que la société E______ SA lui appartenait initialement ainsi qu’à sa mère et que B______ n'avait été nommée administratrice et n’était devenue actionnaire que pour des raisons fiscales, de sorte qu'il en serait resté le vrai et légitime propriétaire.

Selon ses dernières fiches de salaire relatives à l'année 2021, B______ perçoit un salaire mensuel net de 2'719 fr. 65 au travers de cette société.

B______ loue, en outre, via la plateforme I______, à tout le moins cinq logements dans le quartier de K______, à Genève, en percevant les revenus desdites locations sur son compte bancaire personnel auprès de O______, dont le montant mensuel peut être estimé à 1'400 fr. Bien qu'elle ait indiqué reverser ces montants à la société, elle n'a pas été en mesure d'en apporter la preuve, de sorte que ses revenus totaux ont été retenus à hauteur d'environ 4'120 fr. par mois par le Tribunal (2'720 fr. + 1'400 fr.).

b.b Ses charges mensuelles incompressibles ont été fixées à 3'300 fr. 45 en première instance. Elles comprennent son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer, (1'560 fr.), son assurance LAMal, subside déduit (470 fr. 45) et ses frais de transport (70 fr.).

c. Plusieurs biens ont été acquis par les parties.

Elles sont copropriétaires, à raison de 50% chacune, d'un appartement de 42.67 m2 à L______ (France), estimé à EUR 109'402. Ce bien immobilier a été acquis au moyen d'un emprunt bancaire et de deux prêts concédés aux époux par M______, le père de B______, à concurrence de EUR 35'000, et N______, le frère de A______, à concurrence de EUR 35'000.

Les parties sont également copropriétaires d'un garage, estimé à EUR 30'000, et intégralement payé par A______ au moyen d'acquêts.

Elles détiennent en outre quatre terrains agricoles à L______ (France), dont la valeur vénale totale est estimée à EUR 5'880.

Les parties détiennent la moitié des parts de la SCI C______ sise à L______, elle-même propriétaire des murs d'un local commercial situé à P______ (France). La valeur des parts de la SCI détenues par les époux est estimée à EUR 18'000.

F. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les revenus de A______ avaient diminué depuis le prononcé des mesures protectrices, étant rappelé qu'un revenu hypothétique lui avait été imputé à l'époque, de sorte qu'il devait faire face à un déficit mensuel, tandis que la situation de B______ était en réalité meilleure que celle retenue à l'époque, dans la mesure où il était désormais avéré qu'elle réalisait des revenus accessoires tirés des locations effectuées sur la plateforme I______, ce qui lui permettait de subvenir elle-même à ses besoins. L'allocation d'une contribution à son entretien n'était dès lors plus justifiée. S'agissant de la liquidation du régime matrimonial, le Tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les prétentions des parties en lien avec les biens immobiliers sis à l'étranger. Pour les biens situés en Suisse, en particulier les sociétés E______ SA et D______ SA, le premier juge a considéré que les conclusions formées par A______ étaient irrecevables, faute d'être chiffrées. Quant aux prétentions de B______ en lien avec la société D______ SA, il a été retenu que cette société constituait un acquêt et que sa valeur correspondait à son prix de vente de 200'000 fr., dont la moitié revenait à l'intimée à titre de partage d'acquêts.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al 1 let. a CPC) dans les causes patrimoniales si la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'occurrence, le litige porte sur la liquidation du régime matrimonial, dont la valeur est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.

Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

Cependant, les inscriptions au registre du commerce constituent des faits notoires (ATF 143 IV 380 consid. 1.2), qui ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC) et qui peuvent, selon la jurisprudence, être pris en considération d'office (ATF 137 III 623 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

En l’espèce, les pièces produites devant la Cour figurent pour l'essentiel déjà dans le dossier de la procédure de première instance, de sorte que la question de leur recevabilité ne se pose pas. Pour le surplus, il s'agit uniquement d'extraits du registre du commerce qui constituent des faits notoires au sens de la jurisprudence précitée et qui, partant, sont recevables.

1.3 La maxime des débats s’applique à la procédure concernant le régime matrimonial (art. 277 al. 1 CPC), ainsi que le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_728-756/2020 du 12 janvier 2022 consid. 3.1; 5A_465/2016 du 19 janvier 2017 consid. 3.1).

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés à son encontre (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2 et les références citées).

2. L'appel est circonscrit à la liquidation du régime matrimonial telle qu'opérée par le Tribunal. A cet égard, il n'est, à juste titre, pas contesté que les juridictions genevoises ne sont pas compétentes pour statuer sur le sort des biens appartenant aux parties sis à l'étranger. A ce stade, seules les prétentions en lien avec les sociétés suisses E______ SA et D______ SA demeurent litigieuses.

3. Dans un premier grief, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir déclaré irrecevables ses prétentions formées en lien avec les actions de la société E______ SA et conclut à ce que l'intimée soit condamnée à lui restituer 50 actions de la société, correspondant à la moitié du capital-actions.

3.1.1 Dans les procès soumis à la maxime de disposition, tels que les procès ayant pour objet la liquidation du régime matrimonial, le juge ne peut pas accorder plus ou autre chose que ce qui est demandé (art. 58 al. 1 CPC), de sorte que les parties sont tenues de prendre des conclusions claires, nettes et suffisamment déterminées (ATF 116 II 215 consid. 4a, in JT 1991 I 34). Les conclusions doivent être formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le dispositif de la décision. Lorsqu'elles portent sur la liquidation du régime matrimonial, les conclusions doivent indiquer à quel résultat le demandeur prétend. Les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées, sous peine d'irrecevabilité (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1; 4A_274/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4; 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3 non publié in ATF 146 III 203).

Si nécessaire et à l'instar de toute déclaration en procédure, les conclusions doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi, en particulier à la lumière de la motivation qui leur est donnée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 105 II 149 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4; 4A_312/2019 du 12 mai 2020 consid. 3.2). Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2 et les références citées; 134 III 235 consid. 2; 133 II 409 consid. 1.4.2; arrêt 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3).

3.1.2 Si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée, il peut intenter une action non chiffrée (art. 85 al. 1 CPC).

Si la partie demanderesse invoque une exception à l'obligation de chiffrer, elle doit démontrer dès la requête que les conditions de l'art. 85 al. 1 CPC pour une action non chiffrée sont remplies. A cet égard, une simple indication sur le manque d'informations ne suffit pas. La demanderesse doit au contraire exposer concrètement dans la requête pourquoi, pour des raisons objectives, il lui est impossible ou du moins déraisonnable de chiffrer la créance en justice (ATF 148 III 322 consid. 3.8; 140 III 409 consid. 4.3.2).

Une fois les preuves administrées ou les informations requises fournies par le défendeur, le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu’il est en état de le faire (art. 85 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2016 du 10 octobre 2016 consid. 2.2).

L'art. 85 CPC n'a ainsi pas pour effet de limiter la portée de la maxime de disposition, le demandeur n'étant pas libéré de son obligation de chiffrer ses prétentions, mais pouvant seulement différer le moment auquel il doit y procéder (arrêts du Tribunal fédéral 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1; 4A_516/2019 du 27 avril 2020 consid. 4.2.2; 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3, publié in SJ 2019 I p. 391).

Lorsque le demandeur ne présente pas de conclusions chiffrées dans la demande, alors que les conditions de l'art. 85 al. 1 CPC ne sont pas réalisées, la demande est irrecevable, sans qu'il y ait lieu à fixation d'un délai selon l'art. 132 CPC (ATF 140 III 409 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1; 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.4). Ce qui précède s’applique à tout le moins pour une partie représentée par avocat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_581/2021 du 3 mai 2022 consid. 4; 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.4, publié in SJ 2019 I p. 391).

3.2 En l'espèce, l'appelant a pris la conclusion suivante devant le Tribunal : "ordonner la liquidation du régime matrimonial". Il a précisé dans sa motivation que les actions de E______ SA, alternativement leur contre-valeur, devraient être réparties entre les époux sitôt leur valeur déterminée (cf. demande en divorce du 3 décembre 2019, all. 76 ss p. 13 et 21).

Afin de déterminer la valeur desdites actions, l'appelant a requis la production de diverses pièces de la part de sa partie adverse. Cette dernière s'est exécutée en versant à la procédure les bordereaux de taxation de E______ SA, les courriers des 26 septembre 2018 et 25 novembre 2019 de l'Administration fiscale cantonale concernant l'estimation des titres de la société, la comptabilité détaillée de celle-ci, ainsi que les relevés du compte bancaire de la société et de celui sur lequel les revenus issus des locations via la plateforme I______ étaient versés. La seule pièce sollicitée qui n'a au final pas été produite est le rapport de l'organe de révision, du fait que les comptes n'avaient pas été révisés.

Les dernières pièces fournies par l'intimée ont été versées à la procédure à l'appui de son chargé du 31 mars 2021. Dès cette date, l'appelant disposait ainsi des éléments - qu'il avait lui-même requis - pour chiffrer ses conclusions. Contrairement à ce qu'il prétend, le fait que les comptes de la société n'aient pas été révisés ne signifie pas pour autant qu'ils seraient inexacts ou incomplets, et encore moins qu'ils ne permettraient pas, conjugués aux autres pièces et indications fournies, de déterminer la valeur des actions de la société. Sur ce point, l'appelant n'explique pas en quoi la documentation produite dans son ensemble ne serait pas fiable. Si le compte bancaire de la société ne reflète certes pas l'entier des revenus tirés des différentes sous-locations, force est de constater que l'intimée a également produit le compte ouvert auprès de la banque O______ sur lequel étaient versés les autres loyers encaissés et rien ne permet de retenir qu'il existerait encore d'autres sources de revenus, de sorte que la documentation paraît ainsi complète. L'appelant n'expose pas d'autre contradiction ou incohérence et n'émet aucune critique objective et concrète qui justifierait de s'écarter des pièces produites. Il ne fait qu'alléguer, de manière toute générale, un manque d'information, sans toutefois exposer quelles informations seraient encore nécessaires pour établir la valeur des actions litigieuses. Au vu des pièces versées au dossier, en particulier les bordereaux de taxation, l'estimation des titres établie par l'administration fiscale cantonale et la comptabilité détaillée de la société, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il prétend qu'il n'était pas en mesure de chiffrer ses conclusions.

Or, bien qu'il ait disposé des éléments pertinents, l'appelant n'a pas chiffré ses prétentions une fois les preuves pertinentes administrées, alors même qu'il en avait l'opportunité notamment lors des audiences des 21 juin et 4 octobre 2021 au cours desquelles les éléments relatifs à la liquidation du régime matrimonial ont été discutés. Il s’est contenté, lors de la dernière audience tenue devant le premier juge, de persister dans ses conclusions lesquelles tendaient à "ordonner la liquidation du régime matrimonial", ce qui n’apparaît pas suffisant au regard des exigences susmentionnées.

C'est donc à bon droit que le Tribunal n'est pas entré en matière sur cette prétention, l'art. 85 al. 2 CPC n’ayant pas été respecté.

Quoi qu'il en soit, la conclusion de l'appelant tendant à la restitution de la moitié des actions de E______ SA s'avère infondée et devrait, par conséquent, être rejetée. En effet, il est démontré par pièces que l'intimée est seule et unique propriétaire des actions de la société. Les allégations de l'appelant selon lesquelles l'intimée ne serait devenue administratrice et actionnaire que pour des raisons fiscales en 2011 et qu'il serait lui-même, de même que sa propre mère, le "vrai et l'ultime" propriétaire ne reposent que sur ses propres explications, sans être étayées par des éléments probants. Au contraire, il ressort du registre du commerce de la société que l'intimée occupe la qualité d'administratrice avec signature individuelle depuis la création de la société en 1998, contrairement à ce que soutient l'appelant. Bien qu'elle ait racheté un fonds de commerce à la mère de l'appelant fin 2010, rien ne permet de retenir que cette vente ne reflétait pas la réalité des faits, ni qu'il y aurait eu un changement dans l'actionnariat de la société. Dès lors, l'appelant ne saurait prétendre à la "restitution" de la moitié du capital-actions au motif qu'il lui aurait été "subtilisé".

Infondé, l'appel sera rejeté sur ce point.

4. Dans un second grief, l'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à verser à l'intimée le montant 100'000 fr. au titre du partage de la valeur de la société D______ SA. Invoquant une constatation inexacte des faits, il conteste que la valeur de la société équivalait au prix de vente de 200'000 fr. dans la mesure où ce n'est pas la société qui a été aliénée pour ce montant, mais seulement son fonds de commerce. Pour le surplus, il conteste avoir lui-même perçu le produit tiré de cette vente et d'en avoir disposé à titre personnel.

4.1.1 Les époux sont placés sous le régime de la participation aux acquêts, à moins qu'ils aient adopté un autre régime par contrat de mariage ou qu'ils ne soient soumis au régime matrimonial extraordinaire (art. 181 CC).

Le régime de la participation aux acquêts comprend les acquêts et les biens propres de chaque époux (art. 196 CC). Les acquêts sont des biens acquis par un époux à titre onéreux pendant le régime (art. 197 al. 1 CC) et comprennent notamment les revenus des biens propres et les biens acquis en remploi d'acquêts (art. 197 al. 2 ch. 4 et 5 CC), tandis que les biens propres comprennent notamment les biens qui lui appartenaient au début du régime, qui lui échoient ensuite par succession ou à quelque autre titre gratuit et les biens acquis en remploi des biens propres (art. 198 ch. 1, 2 et 4 CC).

Tout bien d'un époux est présumé acquêt, sauf preuve du contraire (art. 200 al. 3 CC). Quiconque allègue qu'un bien appartient à l'un ou à l'autre des époux est tenu d'en établir la preuve (art. 200 al. 1 CC). Autrement dit, il incombe à l'époux qui prétend qu'un bien lui appartient de l'établir, conformément à la règle générale de l'art. 8 CC (ATF 141 III 53 consid. 5.4.2).

Chaque époux a droit à la moitié du bénéfice de l'autre et les créances sont compensées (art. 215 al. 1 et 2 CC). Pour déterminer le bénéfice de chaque époux (art. 210 CC), les acquêts et les biens propres de chacun sont disjoints dans leur composition au jour de la dissolution du régime (art. 207 al. 1 CC), date à laquelle la composition des actifs et passifs des comptes d'acquêts est définitivement arrêtée (ATF 136 III 209 consid. 5.2).

4.1.2 En cas de séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime matrimonial de la participation aux acquêts rétroagit au jour du dépôt de la demande (art. 204 al. 2 CC). Chaque époux reprend ceux de ses biens qui sont en possession de son conjoint (art. 205 al. 1 CC) et les époux règlent leurs dettes réciproques (al. 3).

Les acquêts existants à la dissolution sont estimés à leur valeur vénale (art. 211 CC; ATF 136 III 209 consid. 6.2.1), au moment de la liquidation, cette estimation intervenant au jour du prononcé du jugement (art. 214 al. 1 CC; ATF 121 III 152 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 du 18 novembre 2015 consid. 9.3 et les références citées).

4.1.3 En vertu de l'art. 208 al. 1 CC, doivent être réunis, en valeur, aux acquêts, d'une part, des biens qui en faisaient partie et dont l'époux a disposé par libéralités entre vifs sans le consentement de son conjoint dans les cinq années antérieures à la dissolution du régime, à l'exception des présents d'usage (ch. 1) et, d'autre part, des aliénations de biens d'acquêts qu'un époux a faites pendant le régime dans l'intention de compromettre la participation de son conjoint (ch. 2 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 du 18 novembre 2015 consid. 8.3 résumé in Droitmatrimonial.ch).

Le but de cette disposition est de protéger l'expectative de chacun des époux en ce qui concerne sa participation au bénéfice de l'autre. Par libéralité au sens du chiffre 1 de l'art. 208 al. 1 CC, il faut comprendre une attribution volontaire partiellement ou entièrement gratuite à un tiers qui a provoqué une diminution des acquêts ou a empêché leur accroissement (ATF 138 III 689 consid. 3.2 s.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 précité, ibidem). Le chiffre 2 vise, quant à lui, tous les actes juridiques par lesquels, durant le régime, un époux dispose d'un acquêt et diminue ainsi la valeur de cette masse. Il peut s'agir de libéralités au sens du chiffre 1 mais également d'actes à titre onéreux désavantageux, de nature à compromettre la participation du conjoint, d'actes de déréliction ou, simplement, d'actes matériels entraînant une diminution de valeur du bien, à l'exception de l'usage personnel (ATF 118 II 27 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 précité, ibidem).

En vertu de l'art. 8 CC, l'époux qui réclame la réunion aux acquêts selon l'art. 208 CC doit prouver que les conditions permettant une telle opération sont remplies. Il doit prouver non seulement que le bien en cause a appartenu à l'autre époux à un moment donné, mais encore ce qu'il en est advenu (ATF 118 II 27 précité consid. 2 et 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 précité, ibidem).

La doctrine considère à cet égard que lorsqu'un conjoint effectue des prélèvements importants sur ses acquêts, sans parvenir à fournir d'explication crédible sur l'utilisation des montants prélevés, et sans prouver le consentement du conjoint pour l'utilisation des fonds, il se justifie d'admettre que les conditions de l'art. 208 al. 1 ch. 2 CC sont remplies, dans la mesure où il s'agit de diminutions déloyales de la fortune (Burgat, in CPra Droit matrimonial, 2016, n. 21 ad art. 208 CC).

L'époux se prévalant de l'art. 208 CC ne peut toutefois pas se limiter à soutenir que son conjoint aurait soustrait des revenus. Ce faisant, il n'allègue en effet, ni ne démontre, que son conjoint aurait fait une libéralité en faveur d'un tiers ou aurait disposé de ces fonds dans le seul but de compromettre sa participation à ses acquêts (ATF 118 II 27 consid. 2-4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2015 précité, consid. 8.4).

Les biens sujets à réunion sont estimés à leur valeur au jour de leur aliénation (art. 214 al. 2 CC).

Si les biens d'acquêts sont aliénés entre la dissolution et la liquidation du régime, l'art. 214 al. 2 CC peut s'appliquer par analogie : le bien doit être estimé au moment de son aliénation (Steinauer in Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 8 ad art. 214 CC). Si le bien a été aliéné à titre onéreux, il faut présumer que le prix obtenu reflète la valeur du bien (ATF 135 III 241 consid. 4; Guillod, CPra Matrimonial, Bâle 2016, n. 12 ad art. 214 CC; Hausheer/Aebi-Müller, in Basler Kommentar ZGB I, 6ème éd., 2018, n. 10 ad art. 214 CC).

4.1.4 Selon le principe de la transparence ("Durchgriff"), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une personne morale appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas deux entités indépendantes, la personne morale étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit, notamment en détournant la loi, en violant un contrat ou en portant une atteinte illicite aux intérêts d'un tiers (art. 2 al. 2 CC; ATF 144 III 541 consid. 8.3.1 et les références citées).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la société D______ SA était en mains de l'appelant en mai 2016, date de la dissolution du régime matrimonial, et qu'elle constitue un bien d'acquêts soumis à partage.

Contrairement à ce qui a été retenu en première instance, la vente intervenue au mois de mai 2019 n'a porté que sur le fonds de commerce de ladite société. Le contrat de vente précisait expressément que la vente ne concernait pas les passifs de la société, laquelle demeurait en conséquence seule responsable de ses dettes. Partant, on ne saurait retenir que le montant du prix de vente de 200'000 fr. correspondait à la valeur de la société dès lors que celui-ci ne représentait que les actifs, à l'exclusion des passifs.

Au jour de la liquidation, la valeur de la société doit être considérée comme nulle puisque celle-ci a été déclarée en faillite dans l'intervalle, le 17 septembre 2020.

L'intimée ne peut, quant à elle, être suivie lorsqu'elle soutient que l'appelant aurait disposé personnellement du produit de la vente précitée, de sorte que le montant de 200'000 fr. devrait être réintégré dans ses acquêts et partagé par moitié entre les parties.

Selon les pièces du dossier, le produit de la vente a été versé sur le compte de D______ SA et, dans une moindre mesure, en mains de l'appelant, en sa qualité de représentant de la société. Bien que ce dernier ait, le jour même, employé l'équivalent des sommes perçues de cette vente, ses explications selon lesquelles il aurait réglé des dettes et des factures de la société apparaissent crédibles. A cet égard, il ressort des relevés bancaires que les mouvements enregistrés à la suite des versements n'étaient pas de simples retraits d'argent en espèces, comme le prétend l'intimée, mais étaient libellés comme étant des "OPÉRATIONS" et des "VERSEMENTS PAYÉS" effectués au guichet postal, ce qui laisse supposer que, comme le soutient l'appelant, ce dernier effectuait des opérations de paiement au moyen de bulletins de versement. Les montants dont il est question, qui sont des chiffres au centime près, semblent d'ailleurs peu compatibles avec des retraits en espèces effectués à titre personnel, et correspondent davantage à des montants de factures additionnées. Rien ne permet de retenir que les montants litigieux avaient été affectés à des dépenses d'ordre privé. De plus, il apparaît à la lecture des relevés de comptes que de telles opérations étaient fréquentes et régulières durant les années d'activité de la société si bien que ce mode de faire ne paraît pas inhabituel et, partant, ne saurait en tant que tel être considéré comme suspect pour autant.

Contrairement à l'avis de l'intimée, il n'y a ainsi aucun motif de considérer que l'appelant aurait usé de manière abusive de la dualité juridique entre sa société et sa propre situation. Il n'est pas non plus démontré que l'appelant aurait disposé de ces fonds dans le but de compromettre la participation de son épouse à ses acquêts, de sorte que les conditions pour intégrer ces revenus dans ses acquêts ne sont en l'occurrence pas réalisées.

L'appel se révèle dès lors fondé sur ce point. Le chiffre 8 du dispositif entrepris sera donc annulé.

5. 5.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, la quotité et la répartition par moitié entre les parties des frais de première instance ne font l'objet d'aucun grief en appel et sont au demeurant conformes au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; E 1 05 10). La modification partielle du jugement entrepris ne commande pas de les revoir, de sorte qu'ils seront confirmés, compte tenu de la nature du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC) et mis à la charge de chacune des parties par moitié, compte tenu de la nature du litige et du sort de celui-ci (art. 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance du même montant fournie par l'appelant. L'intimée sera en conséquence condamnée à verser à ce dernier 1'500 fr. à titre de restitution partielle de l'avance fournie (art. 111 al. 2 CPC).

Compte tenu de la nature du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 août 2022 par A______ contre le jugement JTPI/7459/2022 rendu le 21 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27496/2019.

Au fond :

Annule le chiffre 8 du dispositif de ce jugement.

Confirme pour le surplus le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de chacune des parties par moitié et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance fournie par A______.

Condamne B______ à verser à A______ 1'500 fr. à titre de restitution de frais d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.