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Décisions | Chambre civile

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C/12653/2022

ACJC/337/2023 du 09.03.2023 sur OTPI/714/2022 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CPC.274; CPC.276.al1; CC.176.al1.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12653/2022 ACJC/337/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 9 MARS 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2022, comparant par Me Vanessa GREEN, avocate, GREEN Avocats, rue Ferdinand-Hodler 9, 1207 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Christian D'ORLANDO, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/714/2022 du 1er novembre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (chiffre 1 du dispositif), l’a condamné à payer à A______, par mois et d’avance, à titre de contribution à son entretien, le montant de 2'950 fr. dès le 1er juillet 2021, sous déduction des montants déjà versés (ch. 2), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 3), n’a pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Le 11 novembre 2022, A______ a formé appel contre cette ordonnance, reçue le 3 novembre 2022, concluant à l’annulation du chiffre 2 du dispositif et cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser, par mois et d’avance, la somme de 5'769 fr. à titre de contribution à son entretien avec effet rétroactif au 1er juillet 2021, sous déduction des montants d’ores et déjà réglés par lui et à ce qu’il soit condamné à s’acquitter des arriérés de contribution d’entretien en sa faveur, calculés du 1er juillet 2021 au jour de la notification de l’arrêt.

b. Dans sa réponse du 2 décembre 2022, l’intimé a conclu, préalablement, à ce qu’il soit ordonné à l’appelante et/ou tout tiers concerné de produire des documents complémentaires et, principalement, au déboutement de l’appelante de toutes ses conclusions.

c. L’appelante a répliqué le 16 décembre 2022, persistant dans ses conclusions.

d. L’intimé a dupliqué le 23 décembre 2022, persistant dans ses conclusions.

e. L’appelante a produit une nouvelle écriture le 9 janvier 2023.

f. Par avis du greffe de la Cour de justice du 27 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. B______, né le ______ 1959 et A______, née le ______ 1963, ont contracté mariage le ______ 1988 à Genève.

Deux filles désormais majeures sont issues de cette union.

Les parties sont propriétaires d’une résidence secondaire sise à C______ (Valais).

b. Le 1er juillet 2022, A______ a formé une demande unilatérale de divorce, avec requête de mesures provisionnelles.

Elle a notamment exposé que les parties s’étaient séparées durant le mois de février 2019 et qu’elles s’étaient entendues pour que B______ contribue à son entretien à hauteur d’un montant d’environ 4'536 fr. par mois, selon les modalités suivantes : il lui versait annuellement un montant de 20'000 fr. et s’acquittait en sus de toutes ses charges mensuelles. Son époux avait respecté cet accord du 1er février 2019 jusqu’au 31 décembre 2020. Depuis le 1er janvier 2021, il avait toutefois décidé unilatéralement de réduire son versement annuel à 5'000 fr. en 2021, puis à 0 fr. en 2022. Il ne prenait par ailleurs plus en charge qu’une partie de ses frais, ce qui l’avait contrainte à emprunter de l’argent à l’une de ses filles, ainsi qu’à ses parents. Sa belle-mère lui avait également versé un montant de 2'500 fr. en mars 2022.

Sur mesures provisionnelles, A______ a conclu à ce que son époux soit condamné à lui verser la somme mensuelle de 4'560 fr.

c. Dans sa réponse du 3 octobre 2022 sur mesures provisionnelles, B______ a conclu à l’attribution à lui-même de la jouissance de l’ancien domicile conjugal et au déboutement de sa partie adverse de ses conclusions.

Il a admis avoir effectué divers versements en faveur de son épouse depuis la séparation, mais a contesté l’existence d’un accord financier entre eux.

d. Le Tribunal a entendu les parties le 13 octobre 2022.

A______ a amplifié ses conclusions sur mesures provisionnelles, concluant au versement de 5'769 fr. par mois à compter du 1er juillet 2021, sous déduction de ce que son époux avait déjà payé. Elle a allégué qu’en 2022, ce dernier avait continué de payer son loyer; il avait en outre payé sa prime d’assurance de 3ème pilier auprès de D______, en 2'400 fr., ainsi que ses primes d’assurance maladie de base en 495 fr. 90 par mois. Elle s’était par contre personnellement acquittée de ses primes pour l’assurance complémentaire. Elle ne s’opposait pas à ce que la jouissance de l’ancien domicile conjugal soit attribuée à B______.

Ce dernier pour sa part a fait état d’un salaire en 5'000 fr. par mois. Il a admis s’être acquitté en faveur de son épouse d’un montant de l’ordre de 2'600 fr. par mois, en prélevant à la fois sur son compte bancaire auprès de E______ et sur le compte de la société F______ SARL, qui avait vu son solde passer de 200'000 fr. au moment de la séparation à 70'000 fr.

Au terme de l’audience, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

e. La situation financière des parties, telle que retenue par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, est la suivante :

e.a A______ est titulaire d’un diplôme des Beaux-Arts et d’un diplôme d’enseignante en arts plastiques de l’[école] G______. Elle a enseigné à mi-temps entre 1986 et 1997. Elle a ensuite quitté son poste d’enseignante pour débuter une activité indépendante, en ouvrant un atelier à l’enseigne « H______ », dans lequel elle a commencé à dispenser des cours, tout en créant ses propres œuvres. Entre 2015 et 2020, elle a perçu un revenu mensuel moyen de 400 fr. pour son activité indépendante. Son bénéfice annuel est passé d’une moyenne de 3'000 fr. entre 2015 et 2019 à plus de 6'000 fr. en 2020. Depuis le mois d’octobre 2020, elle est en outre employée par l’association I______, pour un salaire mensuel net d’environ 345 fr. Le Tribunal a retenu que depuis janvier 2022, l’activité indépendante de A______ lui permettait de réaliser un revenu mensuel net d’environ 520 fr., de sorte que ses revenus s’élevaient au total à 865 fr. par mois.

Ses charges ont été retenues, en chiffres ronds, à 3'800 fr. par mois, correspondant à 1'620 fr. de loyer, 496 fr. de primes d’assurance maladie LaMal et complémentaire, 225 fr. de frais médicaux non remboursés, 250 fr. d’impôts (correspondant à une estimation) et 1'200 fr. de minimum vital. Le Tribunal n’a pas tenu compte des frais de téléphonie allégués par A______, dans la mesure où ceux-ci étaient déduits dans le cadre de son activité indépendante et qu’elle n’avait produit aucune facture s’y rapportant.

A______ détient deux comptes bancaires dont les soldes s’élevaient à 8'450 fr. le 12 octobre 2022 et à 18'101 EUR au 31 décembre 2021.

e.b B______ a créé, en juin 2000, la société F______ SARL (active notamment dans les domaines de la mise en valeur du patrimoine ______ et ______ et ______ et ______), dont il est associé-gérant et dont il détient la majorité des parts sociales.

Son salaire mensuel net s’est élevé, en chiffres ronds, à 6'614 fr. en 2015, 7'292 fr. en 2016, 7'059 fr. en 2017, 4'740 fr. en 2018, 6'169 fr. en 2019, 5'048 fr. en 2020 et en 2021 et 4'685 fr. en 2022.

Les charges mensuelles retenues par le premier juge s’élèvent, en chiffres ronds, à 2'070 fr. par mois, correspondant à 96 fr. d’assurance bâtiment, 46 fr. pour l’entretien de la chaudière, 68 fr. de pellets pour la chaudière, 73 fr. de frais de Services industriels, 452 fr. de primes d’assurance maladie LaMAL et complémentaire, 27 fr. d’assurance ménage, 100 fr. d’impôts et 1'200 fr. de minimum vital. Le Tribunal a retenu en outre que B______ s’acquitte de 300 fr. environ par mois pour l’entretien de la résidence secondaire des parties.

Sur ce dernier point, B______ a produit une facture d’un montant total de 250 fr. pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, relative à la consommation d’eau, aux eaux usées et aux ordures ménagères, une facture en 163 fr. pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 relative aux frais d’électricité, une facture en 1’779 fr. pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 relative au chauffage et une facture en 814 fr. correspondant à la prime d’assurance.

Il détient un compte bancaire auprès de E______ dont le solde s’élevait à 23'654 fr. le 31 juillet 2022. Ledit compte avait été crédité d’un montant de 40'000 fr. le 25 janvier 2021.

e.c Le chiffre d’affaires de la société F______ SARL a évolué de la manière suivante : 163'513 fr. en 2015, 168'610 fr. en 2016, 164'595 fr. en 2017, 122'635 fr. en 2018, 143'272 fr. en 2019, 126'322 fr. en 2020 et 136'285 fr. en 2021.

Le compte courant de la société s’élevait à 58'592 fr. en 2015, 102'775 fr. en 2016, 92'243 fr. en 2017, 97'938 fr. en 2018, 81'074 fr. en 2019, 25'365 fr. en 2020 et 30'722 fr. en 2021.

Un montant total de 45'000 fr. a été versé à A______ au débit du compte de la société après la séparation des parties, soit 20'000 fr. le 10 juillet 2019, 20'000 fr. le 15 mai 2020 et 5'000 fr. le 18 août 2021.

D.                     a. Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que du temps de la vie commune, les parties avaient convenu que l’entretien de la famille serait essentiellement assuré par l’époux. A______ était âgée de 59 ans et elle n’avait plus été salariée dans l’enseignement depuis 1997. Le bénéfice de son activité indépendante avait toutefois augmenté et elle avait repris une activité salariée en octobre 2020, de sorte qu’elle était en train d’acquérir une plus grande indépendance économique. Compte tenu de ces éléments et du caractère provisoire des mesures provisionnelles, le Tribunal a renoncé à imputer à A______ un revenu hypothétique supérieur à celui qu’elle percevait.

En ce qui concernait B______, le Tribunal a effectué une moyenne de son salaire pour les années 2019, 2020 et 2021, correspondant à un revenu mensuel net moyen de 5'420 fr. Il était toutefois vraisemblable que sa capacité financière était supérieure aux salaires qu’il se versait, puisqu’il avait reconnu avoir prélevé divers montants du compte de la société afin d’acquitter les dépenses de son épouse et il s’était également versé un montant de 40'000 fr.

Compte tenu de la situation financière des parties, le premier juge a tenu compte du minimum vital du droit de la famille et a arrêté les charges mensuelles de l’épouse à 3'800 fr., en écartant les primes pour le 3ème pilier et celles de l’époux à 2'370 fr., comprenant les charges de la résidence secondaire en 300 fr. par mois. Le solde disponible de B______ était par conséquent de l’ordre de 3'050 fr. par mois, A______ subissant pour sa part un déficit de 2'935 fr. par mois. Il appartenait à l’époux de couvrir ce déficit, par le versement d’un montant de 2'950 fr. par mois, compte tenu de la répartition de la prise en charge de l’entretien de la famille pendant la vie commune.

b. Dans son acte d’appel, A______ a fait grief au Tribunal d’avoir retenu, dans les charges de B______, des frais de Services industriels et des frais pour les pellets, qui étaient déjà compris dans le minimum vital du droit des poursuites, ainsi que les frais d’entretien de la résidence secondaire en 300 fr., alors que seuls les impôts et la prime d’assurance bâtiment (respectivement en 814 fr. et 300 fr. par année), pour un total de 93 fr. par mois, auraient dû être admis. Ainsi, les charges assumées par l’intimé ne s’élevaient qu’à 2’013 fr. par mois.

Elle a en outre reproché au premier juge d’avoir retenu que l’intimé percevait un revenu de 5'420 fr. nets par mois, alors qu’il effectuait régulièrement des prélèvements sur le compte bancaire de la société F______ SARL. C’était par conséquent un revenu mensuel net de l’ordre de 8'000 fr. qui aurait dû être pris en considération.

Le solde de l’intimé s’élevait dès lors à 5'987 fr. par mois (8'000 fr. – 2'013 fr.). Une fois le déficit mensuel de l’appelante couvert (2'935 fr.), le solde en 3'052 fr. devait être réparti par moitié entre les parties, ce qui correspondait à un montant de 1'526 fr. en sa faveur, pour un total de contribution d’entretien de 4'461 fr.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou celles dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l’espèce, compte tenu du montant des contributions d’entretien en cause, la voie de l’appel est ouverte.

Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 140 al. 1, 271 let. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Toutefois, les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 2.2).

Au vu de ce qui précède, il ne sera pas donné suite à la conclusion préalable prise par l’intimé en production de pièces complémentaires, le dossier étant suffisamment instruit pour permettre de statuer sur mesures provisionnelles.

1.3 Le litige portant sur la contribution à l’entretien de l’appelante, les maximes inquisitoire sociale (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) s’appliquent.

2. 2.1.1 Saisi d'une requête commune ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

2.1.2 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2;
137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2 in SJ 2004 I 529). Tant que dure le mariage, les époux doivent ainsi contribuer, chacun selon ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Si la situation financière des époux le permet encore, le standard de vie antérieur, choisi d'un commun accord, doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les époux ont droit à un train de vie semblable (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_173/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.2 et 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

2.1.3 La loi ne prescrit pas de méthode de calcul particulière pour arrêter la quotité de la contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293; 147 III 301), le Tribunal fédéral a toutefois posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille – soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) – qu'il y a lieu d'appliquer (ATF 142 V 551 consid. 4.1; 135 II consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.3).

Selon cette méthode, il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille (ATF 147 III 265 précité consid. 7).

2.1.4 Pour calculer la contribution d'entretien, il convient en principe de se fonder sur le revenu effectif des parties (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_724/2018 du 14 mars 2019 consid. 3.2.4).

Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années, en principe trois (arrêts du Tribunal fédéral 5A_20/2020 du 28 août 2020 consid. 3.3; 5A_384/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2; 5A_724/2018 du 14 mars 2019 consid. 5.3.1 et 5A_745/2015 du 15 juin 2016 consid. 12.2.2).

2.1.5 Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (art. 93 LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (NI 2023, RS/GE E 3 60.04), soit 1'200 fr. pour un débiteur vivant seul. Sont inclus dans ce montant les frais pour l’alimentation, les vêtements et le linge, y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l’entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l’éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine, etc. S’ajoutent audit montant différents frais supplémentaires, à savoir les frais de logement effectifs ou raisonnables (y compris les charges et les frais de chauffage), les coûts de santé, tels que les primes d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels (ATF 147 III 265 consid. 7.2; Leuba/Meier/Papaux van Delden, Droit du divorce, 2021, p. 310 à 314). Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille, lequel comprend notamment les acomptes d'impôts et les primes d'assurances non obligatoires. Les frais de voyage et de loisirs ne sont pas pris en compte, leur financement devant intervenir au moyen de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2).

S'il reste un excédent après couverture du minimum vital du droit de la famille, il sera réparti en équité entre les ayants droits (ATF 147 III 265 consid. 7.3 et 8.3.2).

Le train de vie mené jusqu'à cessation de la vie commune constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 147 III 293 consid. 4.4; 141 III 465 consid. 3.1).

2.1.6 La détermination de la contribution d'entretien entre conjoints est laissée, pour une part importante, à l'appréciation du juge, qui applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 134 III 577 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2019 du 13 septembre 2021 consid. 3.1; 5A_78/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1).

2.2.1 En l'espèce, les parties ne contestent pas la nécessité d'ordonner des mesures provisionnelles dans le cadre de leur procédure de divorce. Il ne sera dès lors pas revenu sur ce point.

Il y a donc lieu de réexaminer les revenus et les charges des parties à la lumière des griefs soulevés par l'appelante.

2.2.2 C’est à raison que l’appelante conteste l’ajout des frais de Services industriels au minimum vital de l’intimé, les premiers étant déjà compris dans le second; la somme de 73 fr. doit dès lors être retranchée des charges de l’intimé.

En revanche, c’est à juste titre que le Tribunal a tenu compte, en sus du minimum vital de l’intimé, du coût des pellets servant à se chauffer, une telle manière de faire étant conforme aux normes d’insaisissabilité mentionnées sous considérant 2.1.5 ci-dessus.

En ce qui concerne les frais d’entretien de la résidence secondaire des parties, dont l’appelante ne conteste pas, sur le principe, leur prise en compte dans le budget de l’intimé, les montants prouvés par pièces, repris sous considérant C.e.b ci-dessus, totalisent un montant de 250 fr. par mois. L’appelante n’explique pas pour quels motifs seuls les impôts et la prime d’assurance bâtiment auraient dû être retenus, à l’exclusion des autres frais pourtant établis par pièces.

Au vu de ce qui précède, les charges de l’intimé, telles que retenues par le Tribunal, seront réduites de 73 fr. (frais des Services industriels) et de 50 fr. (frais relatifs à la résidence secondaire) par mois et s’élèvent par conséquent à 2'239 fr., montant arrondi à 2'240 fr.

2.2.3 L’appelante fait grief au Tribunal d’avoir retenu que le revenu de l’intimé était de l’ordre de 5'420 fr. par mois, montant qui ne tenait pas compte des prélèvements qu’il effectuait régulièrement sur le compte de la société F______ SARL.

L’argumentation de l’appelante ne saurait toutefois être suivie.

S’il est certes établi que des prélèvements ont été effectués sur le compte courant de la SARL après la séparation des époux, dont une partie a été versée à l’appelante (soit au total 45'000 fr. en trois versements opérés respectivement en 2019, 2020 et 2021), il ressort également des pièces produites que ledit compte, dont le solde s’élevait encore à 81'074 fr. en 2019, n’atteignait plus, en 2021, que 30'722 fr. Il résulte de ce qui précède que les prélèvements opérés sur le compte courant de la société, s’ils devaient perdurer dans la mesure souhaitée par l’appelante, conduiraient très rapidement à son assèchement complet. Il ne saurait par conséquent être retenu que l’intimé est en mesure d’augmenter son revenu en puisant régulièrement dans le compte courant de la société.

C’est dès lors à juste titre que le Tribunal a retenu, pour l’intimé, un revenu de l’ordre de 5'420 fr. par mois, en retenant la moyenne des salaires perçus en 2019, 2020 et 2021.

Sur la base de ce qui précède, le solde dont dispose l’intimé, après paiement de ses propres charges, est d’environ 3'180 fr. (5'420 fr. – 2'240 fr.).

L’appelante ne conteste pas le fait que son déficit mensuel s’élève à 2'935 fr. Une fois ce déficit couvert, le solde de l’intimé ne s’élève par conséquent plus qu’à 245 fr. par mois, de sorte que la part revenant à chacune des parties est de 122 fr. 50, ce qui porte la contribution due à l’appelante à 3'057 fr. 50, arrondie à 3'060 fr. par mois.

L’intimé sera dès lors condamné à verser à l’appelante, par mois et d’avance, à titre de contribution à son entretien, la somme de 3'060 fr. par mois dès le 1er juillet 2021 (le dies a quo n’ayant pas été remis en cause en appel), sous déduction des montants déjà versés, formulation non contestée devant la Cour.

Le chiffre 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée sera par conséquent annulé et il sera statué conformément à ce qui précède.

2.2.4 L’intimé ayant été condamné à verser à l’appelante la somme de 3'060 fr. par mois à compter du 1er juillet 2021, sous déduction des montants déjà versés, il n’apparaît pas nécessaire de le condamner formellement à s’acquitter des arriérés de contribution d’entretien. L’appelante n’expose au demeurant pas en quoi la condamnation, telle que prononcée ci-dessus ne suffirait pas à lui permettre d’obtenir les sommes qui lui sont dues.

Elle sera dès lors déboutée sur ce point.

3. 3.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

3.1.2 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

3.2.1 En l’espèce, le Tribunal n’a pas statué sur les frais judiciaires relatifs à son ordonnance sur mesures provisionnelles, cette question ayant été renvoyée à la décision finale. Il n’y a dès lors pas lieu d’appliquer l’art. 318 al. 3 CPC. Le Tribunal n’a par ailleurs pas alloué de dépens; rien ne justifie de revenir sur ce point.

3.2.2 Les frais judiciaires d’appel seront arrêtés à 1'500 fr. L’appelante, qui de manière surprenante a conclu à l’allocation d’une contribution d’entretien de 5'769 fr. par mois alors que ses propres calculs produisaient un résultat de 4'461 fr., succombe pour l’essentiel. Il se justifie par conséquent de lui faire supporter la plus grande partie des frais judiciaires, soit la somme de 1'300 fr., le solde, en 200 fr., étant mis à la charge de l’intimé, qui devra les rembourser à l’appelante. L’avance de frais versée par celle-ci, en 2'000 fr., demeurera acquise à l’Etat de Genève à concurrence de 1'500 fr., le solde lui étant restitué.

3.2.3 Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens d’appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre l’ordonnance OTPI/714/2022 rendue le 1er novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12653/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée et cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à payer à A______, par mois et d’avance, à titre de contribution à son entretien, le montant de 3'060 fr. dès le 1er juillet 2021, sous déduction des montants déjà versés à ce titre.

Confirme pour le surplus l’ordonnance attaquée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d’appel à 1'500 fr. et les compense avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence.

Les met à la charge de A______ à hauteur de 1'300 fr. et de B______ à concurrence de 200 fr.

Condamne en conséquence B______ à verser à A______ la somme de 200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de l’avance de frais en 500 fr.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Jessica ATHMOUNI

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.