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Décisions | Chambre civile

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C/15023/2021

ACJC/240/2023 du 17.02.2023 ( IUO )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15023/2021 ACJC/240/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 17 FEVRIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, demanderesse et défenderesse reconventionnelle, comparant par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Mme C______, ______, défendeur et demandeur reconventionnel, comparant par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

 


Vu, EN FAIT, la demande déposée à la Cour le 3 août 2021 par A______ SA contre B______, par laquelle elle a conclu à la constatation qu'elle est titulaire de la marque A______ enregistrée le 3 novembre 2020 dans le registre suisse des marques sous n° 1______ pour l'ensemble des produits et services enregistrés, subsidiairement à ce qu'il soit ordonné à B______ de lui transférer la marque A______ précitée, plus subsidiairement à ce que soit constatée la nullité de ladite marque, avec suite de frais et dépens;

Attendu que A______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce genevois le ______ 2020, qui a entre autres pour but l'exploitation d'un restaurant à l'enseigne A______ (sis no. ______ place 2______ à Genève), dont l'administrateur est D______;

Qu'elle a notamment allégué que le précité avait eu l'idée de créer un restaurant consacré au poulet et aux œufs, que pour la mise en œuvre de ce projet, il s'était entouré de divers collaborateurs, dont B______, engagé en qualité de directeur dès le 1er septembre 2020, que le restaurant A______, dont D______ avait trouvé les locaux, avait ouvert le 14 septembre 2020, qu'elle avait licencié B______ le 29 octobre 2020 moyennant un délai de congé de sept jours, que le 3 novembre 2020 ce dernier avait déposé au registre des marques suisses la marque A______, que D______ avait procédé au dépôt de ladite marque le 17 novembre 2020, qu'il avait cédé celle-ci à A______ SA le 29 juillet 2021, que l'établissement connaissait un succès "fulgurant", de sorte qu'il envisageait l'ouverture d'autres enseignes avec le même nom ou la création de produits dérivés portant ce nom;

Qu'elle a offert en preuves de ses allégués des pièces, son interrogatoire et l'audition de témoins (dont l'identité n'a pas été spécifiée) au sujet des allégués 8 à 14, 21 à 25, et 32 de la demande principale;

Vu la réponse de B______, qui a conclu a déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, et a formé une demande reconventionnelle tendant à la constatation qu'il est seul titulaire de la marque A______ précitée, à ce qu'il soit fait interdiction à A______ SA de faire usage de ladite marque, d'exploiter le site internet www.A______.ch, hhtps://www.D______.com/fr/etablissements, d'utiliser le nom sur les comptes Instagram et Facebook, d'utiliser le nom pour se présenter, présenter ses produits et services ou à toute autre fin, que ce soit sur le site internet, en vente directe, ou de toute autre manière d'exploiter la marque tel qu'apposer la marque sur des produits, emballages, étiquettes, serviettes, véhicules ou tout autre support sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, et à ce qu'il soit dit que faute d'exécution dans les 5 jours dès l'entrée en force de l'arrêt, A______ SA devrait payer une astreinte de 1'000 fr. par jour d'inexécution, avec suite de frais et dépens;

Qu'il a notamment allégué qu'il était actif dans le domaine de la restauration et notoirement connu comme un créateur de concept ayant collaboré avec de multiples chefs d'établissements à l'élaboration et la concrétisation de projets, qu'il avait eu l'idée d'un nouveau concept de restauration exclusivement dédié au poulet depuis 2018 et avait établi un dossier (élaboration du logo et de la marque, avec la collaboration d'un graphiste) sur ce thème le 27 août 2018, qu'il avait approché D______ en mars 2019 pour évoquer ce concept et lui remettre son dossier, que ce dernier souhaitant pour sa part un concept basé sur les œufs, ils étaient convenus d'unir leurs efforts pour un projet commun, qu'il avait été chargé de suivre les travaux dans les locaux de l'établissement, de recruter le personnel, de participer à l'élaboration de la ligne culinaire tandis que D______ avait un rôle financier et avait trouvé le local, qu'il avait été engagé par A______ SA en qualité de directeur de l'établissement, qu'un pacte d'actionnaires de la société avait été projeté pour lui permettre d'acquérir une partie du capital-actions, qu'il tenait son licenciement pour abusif et avait intenté une procédure prud'homale, qu'il avait déposé la marque A______ (pour les classes 12, 39 et 43) pour protéger le fruit de son travail, qu'il avait initié une procédure d'opposition auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle après le dépôt de la marque (pour la classe 43) effectué par A______ SA et formé une plainte pénale pour violation du droit à la marque;

Qu'il a notamment admis l'allégué 14 de la demande;

Qu'il a offert en preuves de ses allégués des pièces, l'interrogatoire des parties et l'audition des témoins F______, G______, H______, I______, et J______;

Vu la détermination de A______ SA, qui a conclu au déboutement de B______ des fins de sa demande reconventionnelle;

Attendu qu'il a offert en preuves de ses allégués 9 à 17, 35 et 46 les auditions des témoins K______ et L______, et de l'allégué 46 celles des témoins G______, H______, M______ et N______, produit des procès-verbaux d'audiences du Tribunal des prud'hommes comportant des témoignages, et requis l'apport de la procédure prud'homale C/3______/2021;

Vu les répliques et dupliques des parties sur demande principale et demande reconventionnelle, qui ont persisté dans leurs conclusions respectives;

Que, dans sa duplique, B______ a allégué, au sujet du logo utilisé, qu'il avait trouvé le dessin et repéré son autrice (O______) sur internet, puis mis en contact celle-ci avec le graphiste F______ pour négociation des droits d'auteur sur le logo en faveur de A______ SA, offrant en preuve de son allégué son interrogatoire et l'audition des précités, ainsi qu'un échange de courriels produit sous pièce 8;

Que, dans cet échange, figure un courrier électronique de B______ à O______, daté du 1er août 2020, comprenant le passage suivant: "Mon ami F______ vous avait acheté le dessin du coq en costume";

Attendu que B______ a requis l'audition des témoins O______, P______, Q______, R______;

Que, le 1er avril 2022, A______ SA a produit le jugement rendu le 29 mars 2022 par le Tribunal des prud'hommes (cause C/3______/2021), déboutant B______ des fins de ses conclusions, tandis que, le 16 mai 2022, ce dernier a déposé copie de l'appel qu'il avait formé le 27 avril 2022 contre cette décision;

Attendu qu'à l'audience de débats d'instruction de la Cour du 20 octobre 2022, B______ a requis l'apport de la procédure pénale P/4______/2021 et s'en est rapporté sur la requête d'apport de la procédure prud'homale C/5______/2021, tout en relevant que celle-ci avait un objet distinct de la présente cause, tandis que A______ SA s'est opposé à l'apport de la procédure pénale motif pris de ce que l'allégué de B______ objet de cette offre de preuves n'était pas contesté, que B______ a précisé qu'à sa connaissance des auditions avaient été déléguées à la police par le Ministère public et qu'il n'a maintenu sa requête d'audition que s'agissant des témoins F______ et R______;

Qu'à l'issue de l'audience, la Cour a ouvert les débats principaux, sur quoi les parties ont renoncé aux premières plaidoiries et persisté dans leurs conclusions respectives;

Que l'interrogatoire des parties, qui était requis par celles-ci et qui s'imposait au regard des offres de preuve pertinentes formulées, a eu lieu à l'audience du 22 novembre 2022, sur quoi la suite de la procédure a été réservée;

Que, dans sa déposition, B______, qui s'exprimait sur sa pièce 6 (facture à son attention de F______, datée du 5 avril 2019) a déclaré que celle-ci couvrait l'activité visée dans le courriel qu'il avait produit sous pièce 8, une première utilisation du logo ayant été acquise selon une facture de 200 USD qu'il avait sans doute en sa possession, que A______ SA a requis la production de ladite facture, B______ s'y opposant au motif que le fait n'était pas pertinent et A______ SA répliquant que le fait était pertinent puisque la période de la création du logo était en jeu;

Que B______ a, les 2 et 12 décembre 2022, déposé des pièces correspondant selon lui à ladite facture (pièce 19), ainsi que d'autres titres allégués être en lien avec celle-ci (pièces 20 et 21), et un tirage de meilleure qualité de la pièce 7 déjà produite, avec une très brève explication à leur appui;

Que A______ SA a conclu à l'irrecevabilité de ces pièces et des allégués liés, faute de réalisation de l'art. 229 al. 1 CPC, respectivement requis de pouvoir bénéficier d'un délai pour se prononcer;

Vu le courrier du 23 décembre 2022 de B______ rappelant la réquisition de preuves formulée par A______ SA à l'audience du 22 octobre 2022;

Considérant, EN DROIT, que l'art. 5 al. 1 let. d CPC prévoit que le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relevant de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 francs ou que la Confédération exerce son droit d'action;

Qu'à Genève, il s'agit de la Chambre civile de la Cour civile (art. 120 let. a LOJ);

Que selon l'art. 150 al. 1 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés;

Que toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuves adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC);

Que l'art. 154 CPC prévoit notamment que l'ordonnance de preuve désigne les moyens de preuve admis;

Qu'à teneur de l'art. 221 al. 1 CPC, la demande contient notamment les allégations de fait (let. d) et l'indication, pour chaque allégation, des moyens de preuve proposés (let. e);

Que le demandeur doit indiquer précisément quel moyen de preuve est proposé en relation avec ses allégations; il en résulte notamment que le demandeur ne saurait proposer de manière générale, à l'appui d'une allégation de fait, la preuve "par témoins", mais doit indiquer quel témoin est proposé (ATF 144 III 54 consid. 4.1.3.1);

Que ni le droit d'être entendu, ni l'art. 8 CC, ni l'art. 152 CPC ne s'opposent à ce que le juge procède à une appréciation anticipée des preuves et renonce à ordonner une mesure d'instruction pour le motif qu'elle est manifestement inadéquate, porte sur un fait non pertinent, ou n'est pas de nature à ébranler la conviction que le juge a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (ATF
134 I 140 consid. 5.3; 130 III 734 consid. 2.2.3; 122 III 219 consid. 3c);

Qu'en l'espèce, il est constant que les deux parties ont offert en preuve de leurs allégués respectifs, en tant qu'ils demeurent contestés, outre l'interrogatoire des parties déjà administré, les pièces produites avant le 22 octobre 2022 et des auditions de témoins, moyens de preuve qui seront admis sous les réserves suivantes;

Qu'en ce qui concerne les pièces déposées après l'audience de la Cour du 22 octobre 2022, elles procèdent d'une action spontanée du défendeur d'une part pour faciliter à la Cour la lecture d'un titre déjà déposé et d'autre part pour donner suite à une réquisition de preuves formulée par la demanderesse elle-même, qui a soutenu que le fait était pertinent;

Que la pièce, déposée aux fins de faciliter la tâche de la Cour dans un tirage de meilleure facture que celle figurant dans le chargé initial du défendeur, n'est pas nouvelle de sorte qu'elle sera admise, la demanderesse ayant au demeurant déjà eu l'occasion de se déterminer à son sujet, sans émettre de protestation quant à sa qualité technique;

Qu'il apparaît que le défendeur a allégué les faits, pertinents, visés dans ses pièces 6 et 8, et explicité, sur question lors de son interrogatoire, des éléments résultant desdites pièces, ce qui l'a conduit à faire le lien entre la facture établie par F______ en 2019 (objet de la pièce 6) et le passage de la pièce 8, datant de 2020, relatif à l'achat antérieur du dessin par F______, activité dont il a déclaré qu'elle avait été visée dans la facture de 2019, l'achat du dessin ayant été lui-même facturé;

Que le fait que cet achat avait fait l'objet d'une facture n'était pas pertinent, en tant que tel, comme l'a déclaré le défendeur à l'audience du 22 octobre 2022, au regard de l'allégué en cause, à savoir une activité de F______ en mars 2019 pour un projet avec nom, marque et logo autour d'un concept de restaurant consacré au poulet;

Qu'il est singulier que la demanderesse ait formulé elle-même, à ce stade de la procédure, une réquisition de preuve de ce fait non pertinent, que le défendeur, tout en le considérant comme dépourvu de pertinence, y ait spontanément donné suite, puis que la demanderesse se prévale, après avoir eu communication de ces pièces, de l'irrecevabilité de celles-ci, au vu de l'art. 229 al. 1 let. b CPC;

Qu'au vu de manque de pertinence du fait (existence, voire contenu, d'une facture de l'achat antérieur du dessin par F______ évoquée dans la pièce 8 de l'intimé), la preuve requise et offerte (pièces 19 à 22) ne sera pas admise;

Que s'agissant de la procédure prud'homale, tant les procès-verbaux des dépositions de témoins que le jugement du Tribunal non définitif et l'appel le remettant en cause ont été produits, de sorte que, quoi qu'il en soit de l'objet de ce litige, l'apport de l'entier de la procédure ne s'impose pas;

Qu'en ce qui concerne la procédure pénale, l'allégué formulé par le défendeur était limité au dépôt de la plainte pénale, lequel a été admis par la demanderesse; que, dès lors, la preuve n'a pas à être administrée;

Que les frais et dépens de la présente décision seront réglés dans la décision finale.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant préparatoirement:

Admet les pièces produites par les parties, à l'exclusion des pièces 19 à 22 de B______, ainsi que l'audition des témoins L______, K______, G______, H______, M______, N______, F______ et R______ au titre des moyens de preuve des allégués respectifs des parties.

Rejette les requêtes d'apport des procédures prud'homale C/3______/2021 et pénale P/4______/2021.

Réserve la suite de la procédure.

Dit que les frais de la présente décision seront réglés dans la décision finale.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.