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Décisions | Chambre civile

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C/10807/2021

ACJC/303/2023 du 02.03.2023 sur JTPI/9024/2022 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 20.04.2023, rendu le 05.01.2024, CONFIRME, 5A_304/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10807/2021 ACJC/303/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 2 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, ______, appelant d'un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 août 2022, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale ,1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Jacopo RIVARA, avocat, RIVARA WENGER CORDONIER & AMOS, rue Robert-Céard 13,
1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1965, de nationalité suisse, et C______, née le ______ 1972, de nationalité française, se sont mariés le ______ 1998 à D______ (Genève).

Ils sont les parents de E______, née le ______ 2004, et de F______, né le ______ 2007.

A______ est également le père de deux enfants issus d'une précédente union, à savoir G______, né le ______ 1990, et H______, née le ______ 1992.

b. Par jugement JTPI/18957/2010 du 26 octobre 2010, le Tribunal de première instance, statuant sur requête commune, a notamment prononcé le divorce des parties (chiffre 1 du dispositif), donné acte à A______ de son engagement à verser à C______ à titre de contribution à l'entretien des enfants, par mois, d'avance et par enfant, allocations familiales ou d'études non comprises, 500 fr. jusqu'à l'âge de 6 ans, 600 fr. de 6 ans à 12 ans et 700 fr. de 12 ans jusqu'à la majorité, voire au-delà mais jusqu'à 25 ans au plus tard si l'enfant bénéficiaire poursuivait des études sérieuses et régulières ou n'avait pas achevé sa formation professionnelle (ch. 5), soumis les contributions d'entretien précitées à une clause d'indexation usuelle (ch. 7) et donné acte à A______ de son engagement à contribuer par moitié aux frais nécessaires au traitement du trouble autistique de F______ (ch. 8).

Lors du prononcé du divorce, A______, ______ [musicien] professionnel, réalisait un revenu mensuel net de 2'279 fr. pour un poste à 50 % auprès de [l'orchestre] J______, auquel s'ajoutaient des indemnités de chômage, portant son revenu mensuel brut total à 4'317 fr.

C______, également ______ [musicienne] professionnelle, réalisait un revenu mensuel brut de 3'273 fr. en donnant des cours de ______ [instrument de musique]. Elle touchait en outre des indemnités de chômage, portant son revenu mensuel brut total à 5'686 fr.

Les charges des parties n'ont pas été mentionnées dans le jugement.

c. En 2016, après avoir annoncé à A______ que les enfants ne désiraient plus le voir, C______ a sollicité du Tribunal de la protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : Tribunal de protection) la suspension du droit de visite de celui-ci.

Par ordonnance du 25 janvier 2017, confirmée par arrêt de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 21 juillet 2017, le Tribunal de protection a considéré que les relations entre les mineurs et leur père n'étaient pas compromettantes pour leur développement, contrairement à ce qu'alléguait la mère, et qu'il était urgent qu'elles soient restaurées mais de manière progressive, vu le laps de temps passé sans que les enfants n'aient vu leur père.

d. A______ s'est acquitté des contributions dues à l'entretien de ses enfants jusqu'au mois de décembre 2017.

e. C______ s'est adressée au Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après le SCARPA) le 1er mai 2018, lequel s'est substitué à elle à compter de cette date.

f. C______ s'opposant toujours à l'exercice du droit de visite de A______, le Tribunal de protection a ordonné qu'une expertise familiale soit réalisée.

Dans leur rapport du 13 novembre 2019, les experts ont notamment relevé que C______, de par son trouble de la personnalité, ne permettait pas aux enfants de s'ouvrir au monde et à leur père. E______ avait mis en place ses défenses, comme l'idéalisation de sa mère et son rapport avec elle, et une dépréciation importante de son père. F______ se trouvait également dans l'impossibilité d'évoluer car sa mère renforçait ses angoisses du monde extérieur en lui transmettant sa méfiance et en dénigrant son père. Si les enfants restaient auprès de leur mère, ils ne pouvaient pas s'autoriser à aimer leur père parce qu'ils se sentiraient coupables de la faire souffrir, en la trahissant. Les experts ont ainsi préconisé que la garde des enfants soit retirée à leur mère et que ceux-ci soient placés dans un foyer.

g. Le Tribunal de protection ayant renoncé à retirer la garde des enfants à leur mère, par ordonnance du 14 septembre 2020, il a fixé un nouveau droit de visite au père, relevant que les enfants refusaient de le voir selon toute vraisemblance en raison d'un conflit de loyauté vis-à-vis de leur mère.

h. Malgré cette décision, A______ n'a jamais revu ses enfants.

i. Par ordonnance pénale du 1er avril 2019, confirmée sur le principe par jugement du Tribunal de police du 7 février 2020, A______ a été déclaré coupable de violation d'une obligation d'entretien pour la période de mars 2016 à septembre 2018.

Il a été retenu qu'il aurait été en mesure de s'acquitter pour la période concernée, à tout le moins partiellement, de son obligation d'entretien au vu des emplois qu'il avait déclaré avoir occupés, notamment en qualité d'expert horloger. Par ailleurs, il lui appartenait d'entreprendre toute démarche utile pour satisfaire son obligation d'entretien, en l'occurrence chercher activement un emploi, ce qu'il n'avait pas fait.

j. Par courrier du 2 mars 2021, le SCARPA a informé C______ qu'il cesserait les versements d'avance de contributions d'entretien avec effet au 1er mai 2021.

k. Par acte du 7 juin 2021, A______ a formé une action devant le Tribunal de première instance tendant à la modification du jugement de divorce du 26 octobre 2010. Il a conclu à ce que le Tribunal annule les chiffres 5, 7 et 8 du dispositif du jugement, dise qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de E______ et de F______ avec effet au 1er février 2018 et qu'il n'avait plus à prendre en charge par moitié les frais nécessaires au traitement du trouble autistique de F______.

Il a déclaré s'être remarié le ______ 2021, que sa nouvelle épouse, âgée de 42 ans et de nationalité philippine, n'avait ni formation ni emploi, et qu'il supportait ainsi l'entier des charges du ménage. En outre, sa situation financière s'était détériorée depuis le jugement de divorce car il n'avait jamais pu trouver d'activité professionnelle à plein temps.

l. C______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. Elle a notamment allégué que ce dernier travaillait également comme photographe et qu'il devait donc s'expliquer sur les revenus tirés de cette activité.

m. Lors de l'audience du 11 janvier 2022 du Tribunal, A______ a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à verser à C______, par mois et d'avance, depuis le 1er février 2022, le montant de 200 fr. par enfant jusqu'à leur majorité.

A l'issue de l'audience, les parties ont informé le Tribunal de ce qu'elles souhaitaient encore discuter, de sorte que le Tribunal leur a fixé un délai au 6 avril 2022 pour lui indiquer la suite à donner à la procédure.

n. Les parties n'ayant finalement pas trouvé d'accord, elles ont été informées par le Tribunal le 25 avril 2022 que la cause serait gardée à juger dans un délai de 15 jours.

B. Par jugement JTPI/9024/2022 du 2 août 2022, le Tribunal a débouté A______ de ses conclusions (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr. (ch. 2), qu'il a mis à la charge des parties pour moitié chacune (ch. 2 à 4), et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5).

Le Tribunal a considéré que les parties ayant fixé d'entente entre elles le montant des contributions dues par le père à l'entretien de ses enfants, les possibilités de modifier le montant desdites contributions étaient limitées par l'existence de faits nouveaux se trouvant clairement hors du champ de l'évolution future des événements, telle qu'elle était envisagée, même inconsciemment, par les parties au moment de l'accord. La fin des indemnités de chômage que percevait A______ lors du prononcé du jugement était prévisible et ne pouvait être ignorée par les parties au moment de l'élaboration de leur requête commune de divorce. En outre, le remariage de A______ n'avait en soit pas d'incidence sur la rente qu'il devait verser, son épouse étant tenue de l'assister dans l'exécution de ses obligations légales d'entretien. Pour le surplus, aucun élément nouveau sortant clairement du champ de l'évolution future des événements n'avait été invoqué par A______. Les conditions présidant à une possible modification du jugement de divorce n'apparaissaient donc pas réunies.

A titre superfétatoire, le Tribunal a relevé que la situation financière des parties ne s'était pas modifiée au point que la charge d'entretien soit devenue déséquilibrée entre elles. En effet, comme à l'époque du jugement de divorce, A______ était employé à 50 % par [l'orchestre] J______ et réalisait à ce titre un revenu mensuel net de l'ordre de 2'300 fr. S'il ne percevait plus d'indemnités de la part de l'assurance-chômage, il se justifiait de lui imputer un revenu hypothétique de l'ordre de 2'000 fr. par mois qu'il pourrait réaliser en travaillant à 50% dans l'un de ses domaines d'expérience (vente aux enchères, gestion de projet, logistique ou autres) ou par le biais de son activité de photographe. Son revenu mensuel net pouvait être estimé à 4'370 fr. Ses charges mensuelles pouvaient être arrêtées à 2'511 fr. comprenant le montant de base selon les normes OP (850 fr.), les frais de logement pour un appartement de trois pièces à Genève (1'186 fr.) et la prime d'assurance-maladie de base (475 fr.). Il disposait ainsi d'un solde de 1'859 fr. Par ailleurs, la situation financière de C______ ne s'était pas améliorée, ses revenus étant de 4'334 fr. nets par mois pour des charges mensuelles de 3'409 fr. Elle disposait ainsi d'un solde de 920 fr. par mois.

C. a. Par acte expédié le 15 septembre 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, qu'il a reçu le 16 août 2022. Il a conclu à son annulation et a repris ses dernières conclusions de première instance, C______ devant être condamnée aux frais de la procédure d'appel et les dépens compensés. Subsidiairement il a conclu à ce que la contribution à l'entretien des enfants soit réduite à 200 fr., par mois et d'avance, avec effet au 1er février 2018.

b. Dans sa réponse, C______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leur réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

e. Par avis du 30 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

D. Les éléments pertinents suivants résultent en outre de la procédure :

A______ est toujours employé à un taux de 50 % auprès de [l'orchestre] J______. Il réalise à ce titre un salaire mensuel net de 2'370 fr.

Il est également expert en horlogerie. Il a allégué avoir travaillé en tant que chef des départements horlogerie et instruments de musique au sein de la maison de vente aux enchères L______ de la fin de l'année 2010 à mai 2014.

De juin à décembre 2014, il a allégué avoir travaillé comme chef de projet dans le domaine de la construction auprès de M______.

Après une période de chômage, de janvier à septembre 2015, il a travaillé d'octobre 2015 à juillet 2016 au service de logistique dans le cadre du déménagement d'une grosse entreprise.

Puis il a allégué avoir à nouveau perçu des indemnités de l'assurance-chômage jusqu'au début de l'année 2017.

A______ a expliqué qu'à la fin de l'année 2017, un de ses amis lui avait proposé de s'investir dans la création d'une académie de musique, contre le versement d'une importante somme de départ puis de revenus réguliers. Ce projet n'avait toutefois jamais vu le jour.

Il a soutenu qu'il continuait de rechercher un emploi pour des postes à 50 % mais également à 100 %. Il a produit à cet égard les courriels reçus entre le 26 octobre et le 4 novembre 2019 de la plateforme N______.ch par lesquels ce site lui indiquait les offres d'emploi trouvées, un courrier - non signé - daté du 27 mars 2018 par lequel il a répondu à une offre d'emploi dans le domaine de l'horlogerie, ainsi qu'un courriel adressé le 13 septembre 2018 à des connaissances susceptibles de l'aider dans ses recherches d'emploi.

Dans l'entretien accordé à [l'orchestre] J______, publié au mois de juillet 2020 sur le site facebook de J______, A______ a déclaré qu'en sus de son activité de musicien il s'occupait chaque année de O______ [évènement] lors duquel il préparait les montres et donnait des explications au public pendant toute la durée de l'exposition. En outre, il développait une activité de photographe. Il commençait à obtenir des mandats pour de la photo studio et des portraits. En fin d'interview, il a affirmé "je ne pourrais pas faire une activité à 100%, j'ai besoin de m'aérer l'esprit, faire autre chose".

A______ s'est affilié le 1er septembre 2021 auprès de l'Office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) en qualité de photographe à titre indépendant. Il a indiqué travailler seul et se déplacer sur les lieux de shooting avec son studio mobile. Il a allégué avoir réalisé dix-neuf mandats pour un montant total de 7'310 fr. d'octobre 2021 à octobre 2022, produisant à cet égard un extrait de son logiciel de gestion. Il a établi avoir versé 200 fr. de cotisations par trimestre à l'OCAS en 2022.

Entendu par le Tribunal, A______ a précisé qu'il n'entendait pas rechercher un emploi dans un domaine ne nécessitant pas de formation, en particulier dans le domaine du nettoyage. Ses horaires auprès de [l'orchestre] J______ étaient irréguliers et il devait pouvoir se libérer pour les concerts.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Le litige portant exclusivement sur le montant des contributions d'entretien, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_782/2019 du 15 juin 2020 consid. 1.1). Compte tenu de la capitalisation du montant des contributions d'entretien, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2 CPC; 308 al. 1 let. a et 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai de trente jours (art. 311 al. 1 et 142 al. 3 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les enfants mineurs des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.1). Lorsqu'un enfant devient majeur en cours de procédure, l'application des maximes d'office et inquisitoire illimitée perdure pour la fixation de sa contribution d'entretien (ATF 129 III 55 consid. 3.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_524/2017 précité consid. 3.2.2)

Toutefois, les parties ne sont pas dispensées de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses en renseignant le juge sur les faits de la cause et en lui indiquant les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2020 du 26 janvier 2021 consid. 5.3).


 

2.  Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les parties sont susceptibles d'influencer la décision quant aux montants des contributions d'entretien de leurs enfants, si bien qu'elles sont recevables, de même que les faits auxquels elles se rapportent.

3. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que les conditions permettant une modification du jugement de divorce n'étaient pas remplies et, subsidiairement, d'avoir procédé à un calcul erroné de sa situation financière en lui imputant un revenu hypothétique.

3.1.1 En matière de contribution due pour l'entretien d'un enfant, l'art. 286 al. 2 CC, applicable par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant.

Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles. Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1). Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité).

Dès lors que le Tribunal statue sur les questions relatives aux enfants sans être lié par les conclusions des parties (cf. supra 1.3), une convention des époux sur le sort des enfants ne le lie pas, mais possède plutôt le caractère d'une conclusion commune, dont le Tribunal tient compte dans sa décision (ATF 143 III 361 consid. 7.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1031/2019 du 26 juin 2020 consid. 2.2) et ce, même lorsqu'elle intervient sous la forme d'une convention de divorce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_915/2018 du 15 mai 2019 consid. 3.3). En cas de demande de modification, il convient ainsi de distinguer les questions touchant les époux, soumises cas échéant à des mesures restrictives si les parties avaient conclu une convention (art. 279 CPC par analogie), des questions relatives aux enfants sur lesquelles le tribunal statue d'office (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1031/2019 précité).

La survenance d'un fait nouveau - important et durable - n'entraîne pas automatiquement une modification de la contribution d'entretien. Ce n'est que si la charge d'entretien devient déséquilibrée entre les deux parents, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent, en particulier si cette charge devient excessivement lourde pour le parent débirentier qui aurait une condition modeste, qu'une modification de la contribution peut entrer en considération. Le juge ne peut donc pas se limiter à constater une modification dans la situation d'un des parents pour admettre la demande; il doit procéder à une pesée des intérêts respectifs de l'enfant et de chacun des parents pour juger de la nécessité de modifier la contribution d'entretien dans le cas concret (ATF
137 III 604 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité et les références). 

Lorsque le juge admet que les conditions susmentionnées sont remplies, il doit en principe fixer à nouveau la contribution d'entretien après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 137 III 604 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité et les références). Pour que le juge puisse procéder à cette actualisation, il n'est pas nécessaire que la modification survenue dans ces autres éléments constitue également un fait nouveau (ATF
138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité et les références). Une modification du jugement de divorce ne se justifie en outre que lorsque la différence entre le montant de la contribution d'entretien nouvellement calculée et celle initialement fixée est d'une ampleur suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité et les références). 

Le juge de l’action en modification d’un jugement de divorce peut fixer le moment à partir duquel son jugement prend effet selon son appréciation (art. 4 CC) et en tenant compte des circonstances du cas concret. En principe, la jurisprudence retient la date du dépôt de la demande. Lorsque le motif pour lequel la modification est demandée se trouve déjà réalisé lors du dépôt de la demande, il ne se justifie normalement pas, du point de vue de l’équité, de faire remonter l’effet de la modification à une date postérieure. Le crédirentier doit tenir compte du risque de réduction ou de suppression de la rente dès l’ouverture d’action. Le Tribunal fédéral a cependant admis qu’il était possible de retenir une date ultérieure, par exemple le jour du jugement, notamment lorsque la restitution des contributions versées et utilisées pendant la durée du procès ne peut équitablement être exigée. Cette dernière situation suppose que le crédirentier, sur la base d’indices objectivement sérieux, ait pu compter pendant la durée de la procédure avec le maintien du jugement d’origine; il s’agit ainsi d’un régime d’exception (ATF 117 II 368 consid. 4c; 115 II 315 consid. 3b ; 5A_549/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.1.2 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 du 6 mars 2020 consid. 3.1). Lorsque le débirentier diminue volontairement son revenu alors qu'il savait qu'il lui incombait d'assumer des obligations d'entretien, il n'est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu'il gagnait précédemment, ce avec effet rétroactif au jour de la diminution (arrêt du Tribunal fédéral 5A_318/2014, 5A_333/2014 du 2 octobre 2014 consid. 3.1.3.2 et les références citées).

3.1.3 Aux termes de l'art. 276 CC, l'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1); les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

L'obligation d'entretien des père et mère dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). Selon l'art. 277 al. 2 CC, si à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux.

Le devoir des parents de contribuer à l'entretien de l'enfant mineur résulte du seul lien de filiation et subsiste jusqu'à la majorité du bénéficiaire indépendamment du droit aux relations personnelles. La prétention d'entretien de l'enfant contre ses parents est inaliénable et n'est soumise à aucune condition, la seule limite étant l'abus de droit (ATF 120 III 177 consid. 3 et 4). En revanche, l'obligation d'entretien des père et mère à l'égard de leur enfant majeur, prévue par l'art. 277 al. 2 CC, dépend expressément de l'ensemble des circonstances et notamment des relations personnelles entre les parties. Si l'inexistence de celles-ci attribuée au seul comportement du demandeur d'aliments peut justifier un refus de toute contribution d'entretien, la jurisprudence exige toutefois que l'attitude de l'enfant lui soit imputable à faute, celle-ci devant être appréciée subjectivement; l'enfant doit avoir violé gravement les devoirs qui lui incombent en vertu de l'art. 272 CC – lequel prévoit que les père et mère et l'enfant se doivent mutuellement l'aide, les égards et le respect qu'exige l'intérêt de la famille – dans les cas où les relations personnelles sont rompues, avoir provoqué la rupture par son refus injustifié de les entretenir, son attitude gravement querelleuse ou son hostilité profonde (ATF 120 II 177 consid. 3c; 113 II 374 consid. 2; 111 II 413 consid. 2; arrêt 5A_1018/2018 du 2 juillet 2019 consid. 2.1.2 et les références).

3.2.1 En l'espèce, il doit être rappelé d'entrée de cause que la modification sollicitée par l'appelant, si elle est admise, ne pourra pas rétroagir avant la date du dépôt de sa demande, soit le 7 juin 2021. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la situation financière de l'appelant antérieurement à cette date.

3.2.2 C'est à tort sans que cela ne préjuge du résultat de la procédure, que le premier juge a considéré, alors que seule la modification des contributions à l'entretien des enfants mineurs est requise, que la demande devait être rejetée faute de faits nouveaux se trouvant clairement en dehors du champ de l'évolution future des évènements, telle qu'elle avait été envisagée, même inconsciemment, par les parties au moment de l'accord. En effet, dès lors que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties s'agissant des enfants mineurs, il suffit qu'un fait nouveau important et durable soit survenu depuis le prononcé du jugement de divorce pour qu'il soit entré en matière sur la demande de modification. Or, le fait que l'appelant ne perçoive plus d'indemnités de l'assurance-chômage et qu'il se soit remarié constituent des faits nouveaux. Reste à examiner si ceux-ci justifient que les contributions à l'entretien des enfants soient modifiées.

3.2.3 Certes, contrairement à la situation qui était la sienne lors du prononcé du jugement de divorce, l'appelant ne perçoit plus d'indemnités de l'assurance-chômage. Toutefois, il n'a pas prouvé que sa situation financière se serait péjorée. Celle-ci est opaque et il n'a pas collaboré à la clarifier. Dans sa demande de modification, l'appelant a allégué percevoir uniquement des revenus de son activité à 50% de musicien (2'370 fr.). Or, il est apparu au cours de la procédure qu'il développe également une activité de photographe et qu'il est en outre mandaté chaque année pour O______ [évènement] en sa qualité d'expert-horloger. Ce n'est que devant la Cour que l'appelant a formulé des allégués quant à ses revenus de photographe et il n'a jamais indiqué quelle rémunération il percevait de son activité d'expert-horloger. Par conséquent, il peut être retenu que l'appelant continue, comme au temps du divorce, de réaliser un revenu mensuel net moyen de l'ordre de 4'000 fr. de par ses diverses activités. Par ailleurs, l'appelant n'a pas expliqué pourquoi, alors qu'il a été employé pendant quatre ans comme expert-horloger dans une maison de vente aux enchères, cet emploi a pris fin. Il n'a notamment pas allégué avoir été licencié par cet employeur, de sorte qu'il pourrait être retenu qu'il a volontairement quitté cet emploi et se voir imputer avec effet rétroactif le salaire, dont il n'a pas communiqué le montant, qu'il percevait dans le cadre de cette activité. En tout état, l'on peut et doit attendre de l'appelant, qui est âgé de 57 ans, en bonne santé, de nationalité suisse et dispose d'une formation d'expert-horloger, de photographe et de musicien professionnel, qu'il mette en œuvre sa pleine capacité de travail et de gain pour assurer son entretien propre et celui de ses enfants. Dès lors que le salaire minimum à Genève est de 4'160 fr. brut, il ne fait nul doute qu'en travaillant à mi-temps comme expert-horloger l'appelant réalisera un salaire de 2'000 fr. nets par mois. En outre, selon le calculateur statistique de salaires 2018 Salarium (https://www.gate.bfs.admin.ch/salarium/public/index.html#/start), le salaire brut mensuel médian pour une activité de 20h par semaine comme photographe (inclus dans le groupe de profession 34), sans fonction de cadre et sans formation complète, dans la branche "activités créatives, artistiques et de spectacle", s'élève, pour un homme de 57 ans, de nationalité suisse, à 3'080 fr. bruts par mois. Compte tenu de déductions sociales de l'ordre de 10 à 15%, le revenu mensuel net peut être estimé à 2'700 fr. L'appelant fait valoir qu'il a vainement recherché un emploi. Il n'a toutefois produit ni les offres de service qu'il aurait envoyées, à l'exception d'une seule en mars 2018, ni les éventuelles réponses reçues. Cette allégation est d'autant moins crédible qu'en 2020, soit après sa condamnation pour violation d'une obligation d'entretien lors de laquelle son obligation de développer une activité à plein temps afin de pouvoir assumer les contributions à l'entretien de ses enfants lui a été rappelée, il a exposé dans une interview publiée qu'il ne voulait pas travailler à plein temps, ayant besoin de "s'aérer la tête".

Pour le surplus, l'appelant ne conteste pas les charges retenues pour chacun des membres de la famille par le Tribunal, notamment pas le fait que son épouse doit subvenir à son propre entretien, pas plus que l'ampleur des revenus de l'intimée.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas établi que la situation financière de l'appelant se soit péjorée de manière importante et durable depuis le prononcé du jugement de divorce. Aussi, il ne se justifie pas de revoir les montants des contributions dues à l'entretien des enfants, le solde mensuel de l'appelant, de l'ordre de 1'860 fr. (4'370 fr. – 2'511 fr.), étant suffisant à les couvrir (2 x 700 fr.).

3.2.4 Enfin, il résulte de la procédure que c'est avant tout l'intimée qui est à l'origine de la rupture des relations personnelles entre les enfants et l'appelant. Bien que ceux-ci déclarent que c'est leur choix de ne pas voir leur père, c'est en raison de leur loyauté vis-à-vis de leur mère qu'ils agissent de la sorte. Si E______ est devenue majeure il y a tout juste une année, il n'en reste pas moins qu'elle vit toujours chez sa mère, de sorte qu'elle reste sous l'influence de celle-ci. Dans ce contexte, on ne peut pas reprocher à E______ ne de pas vouloir renouer avec son père, de sorte que, puisqu'il n'est pas contesté qu'elle poursuit des études de manière régulière, elle est en droit de continuer de percevoir une contribution à son entretien de la part de son père.

3.3 En conclusion, la décision du premier juge de maintenir les contributions d'entretien dues aux enfants sera confirmée.

4. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 95 al. 2 et 105 al. 1 CPC; art. 30 et 35 RTFMC).

Compte tenu de l'issue du litige, il se justifie de les mettre intégralement à la charge de l'appelant, qui succombe sur le principe de la modification du jugement de divorce (art. 107 al. 1 let. c CPC). L'appelant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, ils seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Les parties conserveront à leur charge leurs propres dépens d'appel, vu la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 15 septembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/9024/2022 rendu le 2 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10807/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d’appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu’ils sont provisoirement supportés par l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.