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Décisions | Chambre civile

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C/19155/2020

ACJC/100/2023 du 24.01.2023 sur JTPI/3803/2022 ( OS ) , MODIFIE

Normes : CPC.59; CC.641; CC.930.al2; CC.714.al1; CO.184; CO.214.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

 

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19155/2020 ACJC/100/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 24 JANVIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mars 2022, comparant par Me Lorenzo PARUZZOLO, avocat, route des Acacias 6, case postale 588,
1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Madame C______, ______, intimé, comparant par Me Olivier FAIVRE, avocat, ETUDE E2R, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______, qui exploite un garage, et B______, qui allègue être employé dudit garage, prétendent tous deux être propriétaires de la moto D______/2______ [marque, modèle], numéro de châssis 1______.

b. Il n'est pas contesté que ce véhicule a appartenu à B______ jusqu'en juillet 2017.

c. Par contrat écrit du 10 juillet 2017, B______ a vendu cette moto à E______ au prix de 25'000 fr.

Il lui a remis la moto et reçu un acompte de 10'300 fr. de la part du précité.

d. Le 8 mai 2018, E______ a remis la moto à A______, F______ et G______.

A cette occasion, il a signé un document à l'entête pré-imprimée intitulé "facture", complété à l'écriture manuscrite "Pour Mr A______ de Mr E______ (sic), reçu 10'300 fr. pour achat D______".

e. La moto se trouve actuellement auprès du garage H______, exploité par I______ à Genève.

Il résulte des déclarations concordantes des parties et du témoin I______ que la moto a été déposée à une date indéterminée chez ce dernier par B______ en vue d'exécuter les travaux de réparation nécessaires à l'expertise technique du véhicule.

B. a. Par demande déposée le 23 avril 2021 après échec de la tentative de conciliation requise le 25 septembre 2020 dirigée contre B______, A______ a demandé au Tribunal de constater qu'il était le propriétaire de la moto D______/2______, numéro de châssis 1______, avec suite de frais et dépens.

Il a allégué avoir acheté cette moto à E______ en mai 2018 au prix de 10'300 fr., s'être rendu au garage de I______ pour prendre celle-ci, ce que ce dernier avait refusé au motif qu'elle appartenait à B______.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ et pris des conclusions reconventionnelles en constatation que ce dernier n'avait jamais acquis la moto et ne disposait d'aucun titre ou droit sur cette moto (ch. 2) et qu'il était lui-même l'unique et régulier propriétaire de cette moto (ch. 3), avec suite de frais et dépens.

Il a allégué avoir vendu la moto à E______ en juillet 2017 au prix de 25'000 fr., sur lequel il avait encaissé un acompte de 10'300 fr. Le précité lui avait par la suite annoncé ne pas être en mesure de lui verser le solde du prix de vente de 14'700 fr., de sorte qu'ils avaient convenu de se restituer respectivement la moto et l'acompte versé. Comme il n'avait plus les moyens de rendre le montant de 10'300 fr., il avait demandé à A______ de lui consentir une avance sur ses salaires afin de récupérer sa moto et d'essayer de la vendre à un tiers pour 25'000 fr. environ. A______ avait accepté de lui avancer ce montant et s'était exécuté auprès de E______, qui lui avait restitué la moto et signé un reçu.

c. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition des témoins E______, F______, J______, K______ et I______.

Il a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience tenue le 9 février 2022.

C. Par jugement JTPI/3803/2022 rendu le 22 mars 2022, le Tribunal de première instance a débouté A______ des fins de sa demande tendant à la constatation de ce qu'il était propriétaire de la moto D______/2______, numéro de châssis 1______ (ch. 1 du dispositif), constaté que B______ était propriétaire de cette moto (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'700 fr., qu'il a partiellement compensés avec les avances fournies et mis à la charge de A______, ordonné à l'Etat de Genève de restituer à ce dernier le solde de ses avances de frais de 100 fr. (ch. 3), condamné A______ à verser à B______ un montant de 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

D. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 16 avril 2022, A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 26 mars 2022. Il conclut à l'annulation de ce jugement et, cela fait, à la constatation qu'il est le propriétaire de la moto D______/2______, numéro de châssis 1______, à la condamnation de B______ aux frais judiciaires et dépens des deux instances et au déboutement de celui-ci ce toutes ses conclusions.

b. Dans sa réponse du 8 juin 2022, B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du 30 août 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

E. L'interrogatoire des parties et l'audition des témoins par le Tribunal a fait ressortir ce qui suit :

a. Lors de son interrogatoire par le Tribunal, A______ a déclaré avoir acheté la moto à E______. Il s'était rendu chez celui-ci avec F______ et G______ et lui avait remis 10'300 fr. La moto n'était alors pas en état de rouler, il manquait des pièces et il y avait un problème de démarreur et d'homologation de la fourche ainsi que de la selle. La moto était restée environ un an au garage car il avait été hospitalisé durant huit mois, de sorte qu'il ne l'avait pas mise en route et n'avait pas effectué l'expertise technique. B______ voulait faire l'expertise et avait porté la moto chez un ami, avec lequel il avait dit faire une contre-affaire, en réparant son fourgon chez lui au garage. Les travaux n'avaient pas été faits. A______ a déclaré que lorsqu'il avait voulu récupérer la moto chez l'ami en question, ce dernier avait refusé de la lui remettre au motif qu'elle ne lui appartenait pas, malgré la photo de la carte grise qu'il lui avait transmise par messagerie WhatsApp.

b. Interrogé par le Tribunal, B______ a déclaré que la moto lui appartenait. Il l'avait vendue à E______ pour 25'000 fr., qui lui avait alors remis la somme de 10'300 fr. en échange de la remise de la moto. Il lui avait déjà transéféré la moto même si l'acompte versé n'était que de 10'300 fr., vu que c'était un ami. Ils avaient convenu d'un plan de paiement pour le solde mais il ne se rappelait pas en combien de temps le solde du prix de 14'700 fr. devait lui être versé. Quand E______ s'était rétracté, B______ s'était "un peu fâché", car il ne disposait alors plus de l'acompte. Il avait donc demandé à A______ de lui prêter ce montant. Ils avaient ainsi conclu un accord selon lequel il devait préparer la moto pour passer la visite, la vendre puis restituer à A______ le montant de 10'300 fr. et lui remettre, en sus, un montant de 2'000 fr. pour le service rendu. A______ était ainsi allé récupérer la moto chez E______ avec F______. B______ n'était pas présent car il était fâché avec l'acheteur mais avait demandé à son ami, F______, de faire le lien. Il avait ensuite conclu un accord avec I______ selon lequel lui-même réparerait le fourgon du précité en échange de la réparation de la moto à son garage.

c. Lors de son audition en qualité de témoin, E______ a déclaré avoir acheté à B______ une moto au prix de 25'000 fr., lui avoir versé une partie du prix mais n'avoir pas été en mesure de verser le solde du prix. Il avait ainsi dû rendre la moto et B______ lui avait reversé l'acompte. C'était F______ qui lui avait versé l'argent, car B______ avait envoyé ce dernier reprendre la moto et verser l'acompte. F______ était alors accompagné de A______ et d'une personne d'origine albanaise. Quand F______ avait versé l'acompte, A______ avait indiqué qu'il fallait "quand-même" un reçu. Il avait alors signé le reçu sans faire attention au libellé de celui-ci.

d. Entendu en qualité de témoin, F______ a déclaré que A______ avait acheté une D______ à E______ pour 10'300 fr. Auparavant, la moto appartenait à B______. Il était allé avec A______ chercher la moto, avec une troisième personne prénommée Patrick. La moto n'était pas en état de rouler, raison pour laquelle ils étaient allés à trois pour la monter sur un camion. Ils avaient ensuite déposé la moto au garage de A______, où elle était restée environ une année. Elle avait ensuite été emmenée chez un tiers pour être réparée. A______ lui avait remis un montant de 10'300 fr. qu'il avait ensuite remis à E______. B______ était au courant de cet achat. A la question de savoir si E______ avait payé l'intégralité du prix d'achat à B______, F______ a répondu qu'il n'en savait rien.

e. J______, employé de A______, a déclaré qu'il savait que celui-ci avait acheté une D______ à E______ au prix de 10'000 fr. Il n'était en revanche pas présent quand A______ avait été chercher la moto. Celle-ci avait été entreposée au garage de A______ pendant trois mois ou plus. La moto avait ensuite été amenée dans un garage à Meyrin pour être réparée. Il était allé la rechercher avec A______.

f. K______ a déclaré connaître A______ "depuis des années" et avoir connu B______ au garage. En 2018, A______ avait acheté une D______, soit juste avant qu'il n'achète la sienne. Le témoin cherchait une moto et A______ lui avait proposé de la lui vendre environ 25'000 fr. en lui disant que c'était sa valeur. Ce n'était pas le modèle qui l'intéressait donc il ne l'avait pas achetée. Après coup, A______ lui avait dit l'avoir payée 10'300 fr. Il avait remarqué que les échappements et la fourche n'étaient pas homologués de sorte que cela aurait coûté trop cher pour passer la visite.

g. Devant le Tribunal, B______ a allégué avoir été engagé par A______ au sein de son entreprise "Garage L______" pour une période d'environ six à huit mois, n'avoir pas été rémunéré dans ce cadre et être ainsi créancier de ce dernier sur la base d'un contrat de travail.

Lors de son interrogatoire, il a déclaré avoir travaillé tous les jours dans le garage de A______ durant six à huit mois. A______ lui avait payé une partie de ce qu'il lui devait mais restait lui devoir l'argent, notamment en lien avec des réparations qu'il avait faites sur des voitures qui se trouvaient depuis plus de deux ans dans son garage. Ils s'étaient réunis et avaient fait le point sur ce que A______ lui devait.

Lors de son interrogatoire, A______ a déclaré que B______ n'avait jamais été engagé au sein de son garage, mais avait été appelé pour certains travaux liés à la tôlerie, une à deux fois par mois en 2019 ou 2020 et avait été rémunéré à la tâche au moment où l'assurance le payait, soit deux semaines ou un mois plus tard. Ils avaient eu un rendez-vous lors duquel il avait établi une liste des travaux effectués et porté en déduction les montants relatifs aux pièces que B______ avait commandées pour lui-même. Ce dernier lui devait encore de l'argent.

Lors de l'interrogatoire des parties, le Tribunal a refusé au conseil de A______ de poser une question à B______ concernant la date de fin des supposés rapports de service.

Le témoin F______ a déclaré qu'il y avait eu des périodes où B______ travaillait tous les jours avec A______, qu'il avait travaillé pour lui-même et pour A______. B______ travaillait encore au garage pendant que la moto y était entreposée.

h. Entendu en qualité de témoin, E______ a déclaré avoir versé l'acompte à B______ dans un bar. Lors de son interrogatoire, B______ a déclaré que cet acompte lui avait été versé au domicile de E______.

i. Dans son écriture de réponse devant le Tribunal du 13 septembre 2021, B______ a allégué que E______ lui avait annoncé quelque temps après qu'il n'était plus en mesure de régler le solde du prix.

Lors de son interrogatoire, B______ a déclaré qu'avec E______, ils avaient convenu d'un plan de paiement pour le solde, mais qu'il ne se rappelait plus quand ce dernier avait cessé de respecter ce plan.

Sur ce point, le témoin E______ a déclaré qu'il ne se rappelait plus en combien de temps il devait payer le solde du prix, que ce n'était pas limité dans le temps, qu'il lui semblait qu'ils avaient dit un an ou un an et demi et que B______ avait attendu un peu plus.

j. Entendu en qualité de témoin, I______ a déclaré que B______ lui avait apporté la moto D______ début novembre 2019 pour la préparer en vue de passer l'expertise. Il avait alors entrepris des travaux mais il lui manquait des documents d'homologation. Il avait par la suite arrêté les travaux car A______ était venu en vue de récupérer la moto au garage en lui disant qu'elle était à lui. Une plainte avait été déposée à la police, qui lui avait dit qu'il devait conserver le véhicule car il serait responsable s'il rendait la moto à celui qui n'était pas propriétaire. Lorsque A______ était venu au garage, il avait contacté B______, qui lui avait confirmé que la moto était à lui. C'était B______ qui lui avait apporté la carte grise du véhicule, contrairement à A______ qui ne lui avait pas envoyé de documents, sous réserve d'un message WhatsApp assorti d'une photographie.

F. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ n'avait pas démontré avoir légitimement acquis la moto : E______ n'avait eu aucune intention de lui transférer la propriété du véhicule lorsqu'il le lui avait remis le 8 mai 2018, puisqu'il entendait restituer la moto et récupérer l'acompte qu'il avait versé. Aucune intention de transférer la propriété de la moto ne pouvait par ailleurs être imputée à B______.

Le Tribunal a fait droit aux conclusions reconventionnelles de B______ en considérant que ce dernier avait démontré avoir vendu la moto à E______ en juillet 2017, l'avoir récupérée en mai 2018 lorsque la vente avait été résolue puis l'avoir amenée chez un garagiste en novembre 2019 avec la carte grise, indiquant qu'il en était le propriétaire.

EN DROIT

1. Interjeté dans les forme et délai prescrits, contre une décision finale de première instance rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigeuse est supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable (art.130, 131, 308 al. 1 let. a et al. 2 et 311 al. 1 CPC).

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

3. 3.1.1 Le juge examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, dont notamment l'intérêt digne de protection du demandeur (art. 59 al. 1 et 2 let. a CPC).

3.1.2 L'action en constatation de la propriété est subsidiaire par rapport aux actions condamnatoires ou formatrices, et ne peut en principe être intentée si l'action en revendication ou l'action négatoire sont ouvertes (Foëx, in Commentaire romand, CC II (2016), n. 52 et 53 ad art. 641).

Il est admis que le propriétaire a un intérêt juridique à ouvrir une action en constatation de la propriété notamment lorsqu'il résulte du comportement du défendeur une insécurité relative à un rapport juridique, que cette insécurité constitue une menace pour la situation juridique du propriétaire et que cette menace comporte des inconvénients si elle n'est pas écartée, et qu'une action en constatation de droit apparaît comme un moyen approprié d'éliminer cette insécurité juridique (Steinauer, Les droits réels, tome I (2019), n. 1399).

3.1.3 L'action en revendication permet au propriétaire de réclamer la restitution du bien qui fait l'objet de son droit; il s'agit d'une action condamnatoire (Foëx, op. cit., n. 28 ad art. 641). Elle est dirigée contre celui qui possède le bien revendiqué : il s'agira en principe du possesseur immédiat, mais l'action peut également être intentée contre le possesseur médiat; dans cette hypothèse, l'action peut tendre soit à la restitution de la chose, soit à la cession de la prétention en restitution du possesseur médiat envers le possesseur immédiat (Foëx, op. cit., n. 30 ad art. 641). L'auxiliaire de la possession, soit celui qui exerce directement la maîtrise de fait sur un bien, mais seulement à titre subalterne pour le compte d'une autre personne qui, elle, est possesseur, n'a pas qualité pour défendre (Steinauer, op. cit., n. 219 et 1405 ad art. 641; WIEGAND in BSK ZGB II (201 ), n. 47 ad art. 641).

3.2 En l'espèce, les parties agissent toutes deux en constatation de leur droit de propriété sur la moto litigieuse. Cette action étant subsidiaire à une action condamnatoire, il y a lieu d'examiner si seule cette voie leur est ouverte, à défaut de quoi il ne peut être entré en matière sur l'action constatatoire, faute d'intérêt à agir.

3.2.1 L'appelant expose agir en constatation de propriété à l'encontre de l'intimé en vue de récupérer la moto confiée au garagiste I______, lequel refuse de lui remettre le véhicule, au motif qu'il appartiendrait à l'intimé.

Il n'est pas contesté que la moto a été confiée au garagiste I______ par B______ en vue d'exécuter les travaux de réparation nécessaires à l'expertise technique du véhicule.

A juste titre, l'appelant n'a pas agi en revendication contre le garagiste, qui certes est actuellement en possession du véhicule, mais le détient pour le compte de l'intimé et sans revendiquer aucun droit préférable sur l'engin.

L'appelant disposait en revanche d'une telle action en revendication contre l'intimé en sa qualité de possesseur médiat du véhicule : il aurait, par ce biais, pu agir en condamnation de l'intimé de lui céder le droit à la restitution de la moto à l'encontre du garagiste. Dans la mesure où l'action en constatation de droit est subsidiaire à l'action en revendication, ses prétentions en constatation de son droit de propriété ne sont pas recevables. Il sera toutefois relevé ici que l'irrecevabilité de son action n'a pas d'incidence sur l'issue du litige, puisque la question de la propriété du véhicule sera néanmoins examinée dans le cadre des prétentions reconventionnelles formulées par l'intimé.

Le chiffre premier du jugement entrepris sera en conséquence annulé et l'action en constatation du droit de propriété de l'appelant sera déclarée irrecevable.

3.2.2 L'intimé ne dispose en revanche que de l'action en constatation du droit de propriété qu'il allègue : il est possesseur médiat de la moto puisqu'il a amené l'engin litigieux auprès du garage exploité par I______ et ne peut ainsi agir en revendication contre l'appelant qui n'en est pas possesseur médiat. L'intimé a par ailleurs un intérêt digne de protection à faire constater son droit ainsi que l'inexistence du droit invoqué par l'appelant, puisque l'incertitude sur la situation juridique liée à la moto litigieuse ne lui permet pas de la récupérer auprès du garagiste. Son action en constatation de droit est en conséquence recevable.

4. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir violé son droit à la preuve en lui refusant d'interroger l'intimé sur les faits allégués par ce dernier dans sa réponse du 13 septembre 2021.

4.1 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 CPC).

Le juge enfreint le droit à la preuve lorsqu'il refuse d'administrer une preuve régulièrement offerte, dans les formes et les délais prévus par la loi de procédure, et portant sur un fait pertinent pour l'appréciation juridique de la cause (ATF
133 III 189 consid. 5.2.2). Une mesure probatoire peut néanmoins être refusée à la suite d'une appréciation anticipée des preuves, c'est-à-dire lorsque l'autorité parvient à la conclusion que l'administration de la preuve sollicitée ne pourrait plus modifier sa conviction (ATF 131 I 153 consid. 3; 129 III 18 consid. 2.6).

4.2 En l'espèce, il est vrai que l'intimé a allégué avoir été engagé par l'appelant au sein du garage L______ pour une période d'environ six à huit mois et que le Tribunal a refusé au conseil de l'appelant d'interroger l'intimé à ce sujet. Le premier juge a toutefois à juste titre considéré que la question de savoir si l'intimé était l'employé de l'appelant ou s'il était ponctuellement mandaté pour réaliser un ouvrage pouvait demeurer indécise. Les dates exactes de la collaboration des parties n'ont en effet pas d'incidence sur l'issue du présent litige, de sorte que le Tribunal était fondé à restreindre le droit à la contre-preuve de l'appelant en procédant à une appréciation anticipée des preuves.

Ce grief n'est pas fondé.

5. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir retenu que la moto litigieuse appartenait à l'intimé.

5.1.1 La propriété est le droit réel conférant à son titulaire la maîtrise totale et exclusive d'une chose ou d'un animal, dans les limites de l'ordre juridique (art. 641 al. 1 CC.

5.1.2 Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire (art. 930 al. 1 CC). Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession (art. 930 al. 2 CC).

5.1.3.1 L'acquisition de la propriété mobilière suppose un titre d'acquisition valable, suivi d'une opération d'acquisition, à savoir un acte de disposition et un transfert de possession. L'acquisition est parfaite lorsque le transfert de la possession à l'acquéreur complète l'opération d'acquisition par laquelle l'aliénateur exécute l'obligation résultant pour lui du titre d'acquisition (art. 714 al. 1 CC; 5A_583/2012 consid. 3.1.1).

5.1.3.2 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté. Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 CO). La manifestation de volonté est l'élément fondamental de l'acte juridique. Elle se définit comme un comportement par lequel une personne communique à une autre personne sa volonté de créer, modifier, supprimer ou transférer un droit ou un rapport de droit. Ladite manifestation implique donc non seulement un processus de communication mais aussi la volonté du déclarant (Morin, Commentaire Romand, CO I, n. 7 ad art. 1).

5.1.3.3 La vente est un contrat par lequel le vendeur s'oblige à livrer la chose vendue à l'acheteur et à lui en transférer la propriété, moyennant un prix que l'acheteur s'engage à lui payer (art. 184 al. 1 CO).

Conformément aux principes généraux du droit des obligations, le contrat de vente n'est valablement conclu que si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels. Il s'agit, d'une part, des éléments objectivement essentiels - éléments nécessaires pour individualiser le contrat : la chose et le prix (art. 184 al. 1 CO) - et, d'autre part, des éléments subjectivement essentiels - éléments qui, pour l'une ou l'autre partie, constituent des conditions sine qua non reconnaissables de la conclusion de la vente (Venturi/Zen-Ruffinen, Commentaire romand, CO I, n. 54ss ad art. 184).

5.1.4 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées. Selon les règles de droit fédéral sur le degré de la preuve, une preuve est tenue pour établie lorsque le Tribunal, par un examen objectif, a pu se convaincre de la vérité d'une allégation de fait (art. 157 CO; ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1).

5.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté que la moto litigieuse appartenait à l'intimé avant qu'il l'ait vendue en juillet 2017. Il peut ainsi être retenu qu'il était alors propriétaire de la moto, sur la base des présomptions posées par l'art. 930 CC.

Il n'est de même pas contesté que l'intimé a vendu ce véhicule à E______ le 10 juillet 2017.

Les parties s'opposent en revanche sur ce qu'il est advenu de cette moto lorsque ce dernier l'a remise à l'appelant, F______ et G______ le 8 mai 2018.

A cette occasion, l'appelant a versé la somme de 10'300 fr. à E______, qui a signé le document intitulé "facture", attestant avoir reçu ce montant de l'appelant pour l'achat du véhicule.

Ces éléments ne permettent toutefois pas de considérer que l'appelant a acquis la propriété de ce véhicule. Il résulte en effet des déclarations de E______, entendu en qualité de témoin, que celui-ci n'avait aucune intention de vendre la moto: le témoin a en effet déclaré qu'étant dans l'incapacité de payer le solde du prix, il avait préféré rendre la moto à l'intimé. Les déclarations du témoin et de l'intimé concordent sur le fait qu'ils s'étaient entendus pour résoudre la vente et se restituer les prestations échangées : le témoin et l'intimé ont ainsi déclaré que l'intimé s'était fâché lorsque E______ lui avait indiqué ne pas être en mesure de s'acquitter du solde, qu'ils s'étaient néanmoins entendus pour se restituer mutuellement la moto et l'acompte versé et qu'ils procéderaient à la restitution des prestations par l'intermédiaire de F______.

C'est à juste titre que le premier juge s'est fondé sur le témoignage de E______ pour retenir que ce dernier et l'appelant ne s'étaient pas entendus pour conclure un contrat de vente ce 8 mai 2018. Il est vrai que les témoins J______, K______ et F______ ont déclaré que l'appelant avait acheté une moto à E______. Leurs témoignages doivent toutefois être appréciés avec circonspection, dans la mesure où leurs déclarations ne sont pas susceptibles d'éclairer le juge sur le contexte et l'intention qu'avait E______ lorsqu'il a remis la moto.

L'on ne saurait par ailleurs suivre l'appelant lorsqu'il soutient que les déclarations du témoin E______ et de l'intimé devraient être appréciées avec retenue en raison des divergences de leurs propos s'agissant du lieu du paiement de l'acompte versé lors de la vente en juillet 2017 ou du délai de paiement prévu pour le solde du prix de vente. Il est vrai que l'intimé a déclaré avoir reçu l'acompte au domicile du témoin alors que celui-ci a dit avoir versé ce montant à l'intimé dans un bar. L'intimé et le témoin ont par ailleurs tous deux déclaré ne plus se souvenir s'ils avaient prévu des échéances de paiement pour le solde du prix de vente. Ces imprécisions ne sauraient toutefois conduire à dénier toute force probante au témoignage de E______, dont les déclarations concordent avec celles de l'intimé quant à leur accord de résoudre la vente et sont corroborées par le fait que le montant versé à E______ correspond exactement au montant de l'acompte qu'il avait versé lors de la vente en juillet 2017.

Les témoignages recueillis et les pièces produites conduisent ainsi la Cour à retenir, à l'instar du Tribunal, que l'appelant n'a pas démontré avoir passé un contrat de vente avec E______ et avoir ainsi acquis la propriété de la moto litigieuse.

5.2.2 Dès lors que l'appelant n'a pas démontré avoir valablement acheté la moto litigieuse de E______, qu'il est admis que celle-ci appartenait à l'intimé avant qu'il ne la vende à E______ en juillet 2017 et que cette vente a été résolue lorsque ce dernier et l'intimé ont convenu de se restituer respectivement l'engin et l'acompte versé, il y a lieu de retenir que la moto appartient à l'intimé.

6. L'appelant reproche par ailleurs au Tribunal d'avoir violé les articles 214 al. 3 CO, 714, 715, 933 et 936 CC en retenant que l'intimé était à nouveau propriétaire de la moto litigieuse.

6.1 Lorsque l'acheteur a été mis en possession de l'objet de la vente avant d'en avoir payé le prix, sa demeure n'autorise le vendeur à se départir du contrat et à répéter la chose que s'il s'en est expressément réservé le droit (art. 214 al. 3 CO). Le pacte en vertu duquel l'aliénateur se réserve la propriété d'un meuble transféré à l'acquéreur n'est valable que s'il a été inscrit au domicile actuel de ce dernier, dans un registre tenu par l'office des poursuites (art. 715 al. 1 CC).

Celui qui, étant de bonne foi, est mis à titre de propriétaire en possession d'un meuble en acquiert la propriété, même si l'auteur du transfert n'avait pas qualité pour l'opérer, la propriété lui est acquise dès qu'il est protégé selon les règles de la possession (art. 714 al. 2 CC). L'acquéreur de bonne foi auquel une chose mobilière est transférée à titre de propriété ou d'autre droit réel par celui auquel elle avait été confiée, doit être maintenu dans son acquisition, même si l'auteur du transfert n'avait pas l'autorisation de l'opérer (art. 933 CC).

La protection de la bonne foi prévue à l'art. 714 al. 2 ne guérit que l'absence de disposer : il n'y a pas de protection de l'acquéreur de bonne foi en cas de vice ou d'absence de cause valable (PANNATIER KESSLER, in Commentaire romand – Code civil II (2016), n. 17 ad art. 714).

6.2 En l'espèce, l'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que E______ serait demeuré propriétaire de la moto en dépit du non versement du solde du prix de vente en l'absence de clause de réserve de propriété. Les dispositions légales dont il se prévaut régissant la réserve de propriété et le droit du vendeur de se départir du contrat n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cas d'espèce, puisque E______ et l'intimé s'étaient entendus pour résoudre le contrat de vente en procédant à la restitution des prestations échangées.

Il en va de même des dispositions régissant la protection de la bonne foi de l'acquéreur, qui ne sont d'aucun secours à l'appelant, dans la mesure où elles ne s'appliquent qu'en présence d'une cause valable pour guérir une absence de disposer, soit notamment lorsqu'un vendeur vend une chose dont il n'est pas propriétaire. Or, dans le cas d'espèce, il s'agit précisément de la cause valable qui fait défaut, puisqu'en l'absence d'une volonté de E______ de vendre la moto, aucun contrat de vente n'a été conclu.

Ces griefs ne sont pas fondés.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a constaté que l'intimé était propriétaire de ce véhicule. Le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera donc confirmé.

7. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'800 fr. et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 al. 1 let. a et al. 2 CPC, 106 al. 1 CPC; 17 et 35 RTFMC). Ils seront compensés avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera condamné à verser 1'500 fr. à l'intimé à titre de dépens d'appel (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 106 al. 1 CPC; art. 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 avril 2022 par A______ contre le jugement JTPI/3803/2022 rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19155/2020-13.

Au fond :

Annule le chiffre premier du dispositif du jugement querellé et, cela fait :

Déclare irrecevable l'action déposée par A______ à l'encontre de B______ tendant à la constatation de son droit de propriété sur la moto D______/2______, numéro de châssis 1______.

Confirme ce jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'500 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.