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Décisions | Chambre civile

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C/25227/2021

ACJC/124/2023 du 19.01.2023 sur JTPI/11620/2022 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.163; CC.176.al1.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25227/2021 ACJC/124/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 19 JANVIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 octobre 2022, comparant par Me Eve DOLON, avocate, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [AG], intimé, comparant par Me Yama SANGIN, avocat, LEXPRO, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/11620/2022 du 4 octobre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ à verser à A______, par mois et d'avance, une somme de 750 fr. pour les mois de février 2022 à décembre 2022, au titre de contribution à son entretien (ch. 2), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 3), prononcé les mesures pour une durée indéterminée (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 620 fr. et les a compensés à due concurrence avec l'avance de frais versée par B______, les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacun des époux, sous réserve du bénéfice de l'assistance judiciaire, laissé la part de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance juridique, condamné B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, le montant de 150 fr. (ch. 5), n'a pas alloué de dépens (ch. 6) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Le 17 octobre 2022, A______ a formé appel de ce jugement, reçu le 10 octobre 2022, concluant à l'annulation du chiffre 2 du dispositif et cela fait à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, la somme de 1'410 fr. dès le 21 décembre 2021 et pour une durée indéterminée.

b. Dans sa réponse du 3 novembre 2022, B______ a conclu au déboutement de l'appelante de toutes ses conclusions.

c. Par avis du greffe de la Cour du 25 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour de justice.

a. B______, né le ______ 1976 et A______, née le ______ 1987, tous deux de nationalité afghane, ont contracté mariage le ______ 2011 à C______ (Iran).

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Les parties, qui se sont installées dans le canton d'Argovie en 2011, se sont séparées en novembre 2021. L'épouse est venue s'installer à Genève, l'époux étant demeuré en Argovie.

b. Le 20 décembre 2021, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant à être autorisée à vivre séparée de son époux, à l'attribution à ce dernier de la jouissance de l'ancien domicile conjugal et à sa condamnation à lui verser, par mois et d'avance, la somme de 3'120 fr. à titre de contribution à son propre entretien, à compter du 18 novembre 2021, date de son départ du domicile conjugal.

c. Dans sa réponse du 21 février 2022, B______ a conclu à l'attribution à lui-même de l'ancien domicile conjugal et au déboutement de son épouse de ses conclusions portant sur le versement d'une contribution d'entretien. Il a allégué percevoir un salaire mensuel net de 4'097 fr., pour des charges de 3'422 fr.
(1'200 fr. de minimum vital, 1'380 fr. de loyer, 120 fr. de frais de parking à domicile, 206 fr. de prime d'assurance LaMal, 26 fr. de prime d'assurance complémentaire, 210 fr. d'impôts, avec la mention « estimation », 30 fr. de frais de parking au travail et 250 fr. de frais de véhicule).

d. Le Tribunal a convoqué une audience le 5 mai 2022, laquelle n'a pas pu se tenir, aucune des parties ne s'exprimant en français et aucun interprète en langue perse n'étant présent.

e. Une audience a pu se tenir le 2 juin 2022.

A______ a expliqué ne pas chercher d'emploi et souhaiter au préalable apprendre le français, tout en indiquant ne pas suivre de cours en l'état ; elle entendait commencer « à la rentrée », afin de travailler plus tard dans le domaine de l'esthétique. Elle avait travaillé au sein de l'usine de production de la société D______ du 1er juin au 15 novembre 2021 en Argovie. En Iran, elle était couturière. Elle avait par ailleurs appris l'allemand après son arrivée en Suisse, langue qu'elle parlait couramment. Elle vivait désormais au foyer E______ et percevait des aides de l'Hospice général. Elle a également indiqué avoir partagé avec son époux, du temps de la vie commune, un compte commun auprès de [la banque] F______. Peu après avoir quitté le canton d'Argovie pour Genève, elle avait retiré dudit compte « la moitié de 7'500 fr. » et avait ensuite remis la moitié de ce qu'elle avait retiré à un ami de son époux.

B______ pour sa part a indiqué travailler à plein temps pour la société D______ depuis 2016. Il possédait une voiture, dont il avait besoin pour se rendre au travail, devant commencer à 5h00 du matin, heure à laquelle les transports publics ne circulent pas; il a allégué effectuer environ 26 kilomètres aller-retour entre son domicile, situé à G______ (Argovie) et la [succursale] D______ de H______ (Argovie). Le Tribunal a retenu que son revenu mensuel net s'élevait à environ 4'100 fr., pour des charges de 3'342 fr. (minimum vital OP : 1'200 fr., loyer : 1'380 fr., prime d'assurance maladie : 392 fr. et frais de transports : 370 fr.). Le Tribunal a écarté la prime d'assurance maladie complémentaire et les impôts.

f. Il résulte des pièces produites qu'en 2021 B______ a perçu un salaire net de 53'589 fr., duquel devait être déduit un montant de 3'965 fr. correspondant à l'impôt à la source.

g. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

D.    a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu, en substance, que A______, âgée de 35 ans, sans enfant et sans problèmes de santé, était en mesure d'exercer une activité professionnelle à plein temps et de subvenir à ses propres besoins. Elle parlait couramment l'allemand, avait déclaré s'être inscrite à des cours de français et avait travaillé par le passé. Elle pouvait par conséquent travailler comme couturière ou manutentionnaire et percevoir ainsi un salaire non inférieur à 3'500 fr. par mois, correspondant au salaire minimum. Ses charges pouvaient être estimées à 2'845 fr. par mois, comprenant un loyer de 1'000 fr., une prime d'assurance maladie de 575 fr., des frais de transport de 70 fr. et le minimum vital OP de 1'200 fr. Il apparaissait raisonnable de lui octroyer un délai jusqu'à la fin de l'année 2022 pour trouver un emploi, de sorte qu'il se justifiait de retenir un revenu hypothétique de 3'500 fr. nets par mois dès janvier 2023.

Pour le surplus, A______, après son départ du domicile conjugal, avait été hébergée à Genève par sa sœur, laquelle avait subvenu à son entretien. Jusqu'au 24 janvier 2022, date à laquelle elle avait vraisemblablement intégré le foyer E______, elle n'avait assumé aucune charge. Elle avait perçu son salaire à tout le moins jusqu'à la fin du mois de novembre 2021 et avait ensuite retiré plusieurs milliers de francs du compte commun des parties. Il ne se justifiait par conséquent pas de lui allouer une contribution d'entretien pour la période allant de la séparation à fin janvier 2022. Pour la période postérieure, les charges de A______ étaient de l'ordre de 2'845 fr. par mois.

Le solde disponible de B______ s'élevait à 750 fr. par mois environ, qu'il devait verser à son épouse à titre de contribution d'entretien pour les mois de février à décembre 2022.

b. Dans son appel, A______ a fait grief au Tribunal d'avoir retenu, pour l'intimé, un salaire de 4'100 fr. par mois, alors que celui-ci s'élevait en réalité à 4'457 fr. Le Tribunal avait en outre retenu un montant de 210 fr. par mois au titre des impôts, alors que celui-ci n'était pas prouvé et que l'intimé faisait l'objet d'un prélèvement à la source, de sorte que le salaire de plus de 4'400 fr. par mois était net d'impôts. Le premier juge avait en outre retenu à tort un montant de 30 fr. au titre des frais de parking sur le lieu de travail de l'intimé, alors que ladite somme était déduite de son salaire. Enfin, le Tribunal avait retenu 250 fr. par mois de frais de véhicule, sans que l'intimé ait produit la moindre pièce à cet égard. Dès lors, les charges de l'intimé n'auraient dû être retenues qu'à concurrence de 3'055 fr. (1'200 fr. de minimum vital, 1'380 fr. de loyer, 120 fr. de frais de parking à domicile, 329 fr. de prime d'assurance-maladie et 26 fr. de prime complémentaire. Le solde disponible de l'intimé était dès lors de 1'410 fr.

Pour le surplus, l'appelante a allégué s'être réfugiée chez sa sœur durant le mois de novembre 2021 et apprendre depuis lors le français; depuis la rentrée scolaire 2022-2023, elle avait commencé des cours intensifs. Elle faisait de son mieux, mais ne pouvait raisonnablement apprendre le français en six mois.

L'appelante a également fait grief au Tribunal de lui avoir imputé un revenu hypothétique alors qu'elle était en Suisse romande depuis moins de six mois (sic), qu'elle ne parlait pas le français et qu'elle n'avait travaillé en Suisse alémanique que durant six mois au cours des dix dernières années. Il était également erroné d'avoir considéré qu'il appartenait à sa sœur et non à son mari de l'entretenir lorsqu'elle résidait chez la première.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la contribution à l'entretien de l'appelante. La valeur litigieuse, calculée conformément à l'art. 92 CPC, dépasse la somme de 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans les délais utiles et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 311 al. 1 CPC).

1.3 La cause présente des éléments d'extranéité en raison de la nationalité afghane des parties.

Avec raison, elles ne remettent pas en cause la compétence de la Cour de justice pour connaître du litige (art. 46 LDIP), ni l'application du droit suisse (art. 48
al. 1, 49 LDIP), puisque l'appelante est domiciliée à Genève.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La présente cause, qui ne porte que sur la contribution d'entretien de l'épouse, est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC).

2. 2.1.1 En cas de suspension de la vie commune, le juge fixe les contributions d'entretien à verser à l'époux (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon
l'art. 176 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF
121 I 97 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1).

Le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux, l'art. 163 CC demeurant la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1).

Récemment, le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille - soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) -, laquelle s'applique immédiatement (ATF 132 II 153 consid. 5.1; 122 I 57
consid. 3c/bb).

Selon cette méthode, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties d'une manière correspondant aux besoins des ayants-droits selon un certain ordre (ATF 147 III 265 consid. 7). Il s'agit d'abord de déterminer les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Le revenu déterminant ne comprend toutefois ni l'assistance sociale ni les prestations complémentaires AVS/AI, car celles-ci sont subsidiaires aux contributions du droit de la famille (arrêts du Tribunal fédéral 5A_128/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1.4.1 et 5A_158/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.2).

Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (OP), les frais de logement effectifs ou raisonnables, les coûts de santé, tels que les cotisations d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels, tels que les frais de repas à l'extérieur (art. 93 LP; ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1; Bastons Bulletti, L'entretien après le divorce : Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 84 s. et 101 s.).

Les frais de véhicule sont pris en considération uniquement si celui-ci est nécessaire à l'exercice d'une profession ou indispensable pour un autre motif, tel un handicap (ATF 108 III 60 consid. 3, 110 III 17 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_65/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.1.2 et 5A_837/2010 du 11 février 2011 consid. 3.2).

Plus la situation financière des parties est serrée, moins le juge devra s'écarter des principes développés pour la détermination du minimum vital au sens de
l'art. 93 LP (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1; 5A_1029/2015 du 1er juin 2016 consid. 3.3.1.3).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3).

2.1.2 Le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations. Le juge doit ainsi examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2;
137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_632/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.3.1).

2.2 En l'espèce, l'appelante fait tout d'abord grief au Tribunal de ne pas avoir correctement établi le revenu et les charges de l'intimé.

2.2.1 En ce qui concerne le salaire de ce dernier, il s'est élevé, en 2021, à 53'589 fr., dont avaient été déduits 3'965 fr. correspondant à l'impôt à la source. L'intimé ayant toutefois allégué, dans son mémoire réponse produit devant les Tribunal, des impôts de l'ordre de 210 fr. par mois, il convient de retenir ce montant, soit un total annuel de 2'520 fr. Ainsi, le salaire net de l'intimé, impôts déduits, doit être retenu à hauteur de 51'069 fr. par année, correspondant à 4'255 fr. par mois.

2.2.2 En ce qui concerne les frais de parking sur le lieu de travail (30 fr.), une lecture attentive du jugement attaqué aurait permis à l'appelante de constater qu'ils n'ont pas été pris en considération par le Tribunal, mais simplement allégués par l'intimé.

L'intimé vit à G______ et travaille à H______, localités situées, selon fr.viamichelin.ch, à une douzaine de kilomètres l'une de l'autre. L'appelante ne l'a pas contesté, ni n'a contesté le fait que l'intimé débute son activité très tôt le matin, de sorte qu'il a besoin de son véhicule automobile pour effectuer les trajets de l'ordre de 25 kilomètres par jour, ce qui correspond, pour un mois et en tenant compte de cinq jours de travail par semaine, à 500 kilomètres au total. Dès lors, les 250 fr. retenus par le Tribunal au titre des frais de véhicule apparaissent adéquats.

Les charges relatives à l'intimé, arrêtées par le Tribunal à 3'342 fr., doivent être confirmées. Le solde disponible de l'intimé, en tenant compte d'un revenu mensuel net de 4'255 fr., s'élève dès lors à un montant de l'ordre de 913 fr.

2.2.3 Sur la base des chiffres ainsi retenus, la somme mensuelle de 750 fr. allouée à l'appelante par le Tribunal paraît adéquate, quand bien même elle n'épuise pas totalement la quotité disponible de l'intimé. Ce montant sera par conséquent confirmé.

2.3 L'appelante conteste ensuite la durée de la contribution d'entretien qui lui a été allouée; elle conteste également le dies a quo.

Il résulte des faits tels qu'exposés par les parties que durant les dix années qu'a duré la vie commune, l'appelante n'a travaillé que pendant six mois environ, soit durant la période ayant immédiatement précédé la séparation. Auparavant, l'intimé pourvoyait seul aux besoins du ménage. Le fait que l'appelante ait toutefois débuté une activité lucrative peu de mois avant de quitter l'intimé permet de retenir que les parties avaient décidé de ne plus faire reposer l'entier des charges du ménage sur les seules épaules de l'intimé. Il découle de ce qui précède que l'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle réclame le versement d'une contribution à son entretien sans limite temporelle.

Agée de 36 ans, ne souffrant d'aucun problème de santé et n'ayant pas d'enfant à charge, elle est en effet en mesure de travailler à plein temps. Il reste à déterminer à partir de quelle date la reprise d'une telle activité peut être attendue d'elle. L'appelante s'est installée en Suisse alémanique en 2011 et a été en mesure, selon ses propres allégations, d'apprendre l'allemand, quelle parle désormais couramment. Elle est établie à Genève depuis la fin de l'année 2021 et a affirmé dans son acte d'appel avoir débuté des cours de français intensifs à compter de la rentrée scolaire 2022. Il y a dès lors lieu de considérer, compte tenu du fait qu'elle vit à Genève depuis plus d'une année et qu'elle suit depuis plus de quatre mois des cours intensifs de français, qu'elle doit désormais avoir la capacité de tenir une conversation courante. Ayant précédemment été employée par la société D______, elle devrait être en mesure de trouver un emploi similaire à Genève, soit auprès de cette même société ou d'une autre, active dans le même domaine, telle la société I______. Elle pourra ainsi espérer réaliser un salaire mensuel, pour une activité à plein temps, de l'ordre de 4'400 fr. bruts, soit 3'800 fr. nets environ, ce qui lui permettra de couvrir entièrement ses charges courantes (cf. Le calculateur national de salaires publié par le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche; https://entsendung.admin.ch/Lohnrechner/home). Un délai au 30 avril 2023 paraît suffisant pour permettre à l'appelante de perfectionner son niveau de français et effectuer les recherches d'emploi nécessaires.

Il reste à déterminer le dies a quo du versement de la contribution d'entretien due à l'appelante. Il ressort de la procédure que celle-ci a perçu un salaire à tout le moins jusqu'à la fin du mois de novembre 2021 et qu'elle a ensuite prélevé sur le compte qu'elle partageait avec l'intimé une somme de l'ordre de 3'750 fr. Bien que l'appelante ait allégué, devant le Tribunal, avoir ensuite remis la moitié dudit montant à un ami de l'intimé, elle n'a fourni sur ce point aucune explication utile, ni n'a produit de pièces à l'appui de ses dires. Il sera donc retenu que le montant ainsi prélevé sur le compte commun des époux a été utilisé pour les besoins de l'appelante, laquelle n'a, au demeurant, pas fait valoir de charges particulières pour la période durant laquelle elle était hébergée par sa sœur, de sorte que seul le montant correspondant à son minimum vital et à sa prime d'assurance maladie doivent être retenus. Il découle de ce qui précède que le dies a quo fixé par le Tribunal au mois de février 2022 pour le versement de la contribution d'entretien due par l'intimé doit être confirmé.

2.4 Au final, seule la durée du versement de la contribution d'entretien sera modifiée.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et l'intimé condamné à verser à l'appelante, par mois et d'avance, la somme de 750 fr. à titre de contribution à son entretien du 1er février 2022 au 30 avril 2023.

3. 3.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107
al. 1 let. c CPC).

3.1.2 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

3.2.1 La modification, de peu d'importance, apportée au dispositif du jugement de première instance ne justifie pas de répartir différemment les frais judiciaires arrêtés par le premier juge, non contestés en tant que tels.

3.2.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 31 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile).

Compte tenu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge des parties à concurrence de la moitié chacune. La part incombant à l'appelante sera provisoirement prise en charge par l'Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire. L'intimé pour sa part sera condamné à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 400 fr.

Au vu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/11620/2022 rendu le 4 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25227/2021-17.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau :

Condamne B______ à verser à A______, par mois et d'avance, la somme de 750 fr. à titre de contribution à son entretien à compter du 1er février 2022 et jusqu'au 30 avril 2023.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d'appel à 800 fr.

Les met à la charge des parties à concurrence de la moitié chacune et dit que la part incombant à A______ est provisoirement prise en charge par l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 400 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.