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Décisions | Chambre civile

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C/29025/2019

ACJC/130/2023 du 31.01.2023 sur JTPI/12536/2022 ( OO )

Normes : CPC.276; CC.308; CC.315.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29025/2019 ACJC/130/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 JANVIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 octobre 2022 et requérante sur mesures provisionnelles, comparant par Me Anne SONNEX KYD, avocate, Perréard de Boccard SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Monsieur C______, ______, intimé et cité sur mesures provisionnelles, comparant par Me Damien BLANC, avocat, place de l'Octroi 15, case postale 1007, 1227 Carouge, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1978, et B______, né le ______ 1968, se sont mariés le ______ 2010.

Ils sont les parents de D______, né le ______ 2010.

D______ a fréquenté l’école [privée] E______, puis l’[école privée] F______. En septembre 2021, il a rejoint un programme spécialisé auprès de l’Ecole [privée] G______ (ci-après: l'Ecole G______). Il n’a jamais fréquenté l’école publique.

b. Depuis leur séparation, intervenue en 2015, les parties exercent une garde alternée sur leur fils.

c. Le 20 décembre 2019, A______ a formé une demande unilatérale en divorce devant le Tribunal de première instance.

Celui-ci a ordonné une expertise du groupe familial en raison du grave conflit parental autour de l’enfant et des divergences des parties au sujet des droits parentaux.

d. Dans leur rapport reçu le 26 octobre 2021 par le Tribunal, les experts ont notamment relevé ce qui:

- D______ a des limitations intellectuelles importantes. Il souffre d’un trouble du déficit de l'attention (TDAH) sévère associé à une intelligence limite à moyenne faible, un syndrome dys (en voie d’amélioration) et une immaturité affective.

- A______ et B______ sont de bons parents mais ne peuvent pas fonctionner ensemble. Le père sous-évalue les capacités de D______ alors que la mère les surévalue.

- La mère est imperméable à toute critique. Malgré un diagnostic très grave et un pronostic réservé concernant D______ elle voit son enfant avec toutes les potentialités et en parle avec des superlatifs. Elle entretient une relation fusionnelle et indifférenciée avec D______. Malgré son intelligence, elle crée autour de son enfant un monde clos ou seule l’acceptation inconditionnelle est tolérée. Cela représente des freins majeurs au niveau de ses compétences parentales et empêche l’autonomisation de D______. Sa vision de son fils peut la priver des capacités à répondre de manière adéquate aux besoins intellectuels et éducatifs de D______. Elle est capable d’assumer les autres aspects des compétences parentales, comme répondre aux besoins de base, montrer un engagement affectif, et une attitude positive envers l’enfant, et promouvoir sa socialisation.

- Le père a des difficultés à assumer son rôle avec pertinence et à s’impliquer dans les besoins intellectuels et éducatifs de son fils. Il est en grande difficulté à se décentrer du conflit conjugal. Il se montre passif dans la recherche des solutions, critique les choix de la mère mais ne propose pas d’alternative. Il surestime les déficits cognitifs et affectifs de D______ ce qui peut le mener à la résignation et à un déterminisme négatif. Il est capable d’assumer les autres aspects des compétences parentales, comme répondre aux besoins de base, montrer un engagement affectif, et une attitude positive envers l’enfant, le traiter comme une entité distincte et promouvoir sa socialisation.

- Le problème essentiel est la prise de décisions pour l’avenir de D______. Au vu des difficultés et du fonctionnement parental, à savoir, le conflit existant, la vision divergente de la pathologie de l’enfant, la passivité du père et l’imperméabilité à la critique de la mère, l’exercice de l’autorité parentale conjointe est, selon l’expert, illusoire à l’heure actuelle.

En effet, la difficulté des parents à gérer leur conflit limite leurs compétences parentales et expose l’enfant par rapport à des domaines aussi essentiels que la santé ou la scolarité. La moins mauvaise solution est l’exercice du système de garde actuellement mis en place, l’enfant arrivant à profiter de chacun de ses parents. Toutefois une assistance éducative doit être mise en place autour de la garde alternée pour éviter des accusations réciproques et la non-administration des médicaments.

d.a Les experts ont conclu à ce que l’autorité parentale soit confiée à un curateur pour toutes les décisions significatives pour l’avenir de l’enfant, y compris les soins, après consultation des parents, que la garde alternée se poursuive avec une assistance éducative, que la mère poursuive son suivi psychiatrique et que, si la scolarité de D______ à l’Ecole G______ échouait, une évaluation par le Département de l’instruction publique ait lieu avec orientation vers le système public.

En particulier, il était urgent de "substituer les parents dans la prise de décisions par rapport à D______ étant donné leur difficulté manifeste à gérer leur conflit qui limit[ait] leurs compétences parentales et expos[ait] leur enfant par rapport à des domaines aussi importants que la scolarité et les soins donnés". Il était important que l'enfant soit "accompagné vers la préadolescence grâce au réseau des professionnels qui l'accompagn[aient] de longue date sans déformer ses difficultés ou en les aggravant".

d.b L'expertise fait notamment état d'un entretien téléphonique avec la logopédiste de D______, qui suivait l'enfant depuis janvier 2019 à une fréquence hebdomadaire. L'enfant bénéficiait déjà d'un suivi logopédique auparavant, de sorte qu'il était suivi au total depuis six ans. Le début du suivi avait été compliqué. Durant les deux premières années, D______ avait de la peine à se mettre au travail. La logopédiste avait noté un progrès par rapport à l'attitude de l'enfant au fil des deux dernières années. Il était davantage partant pour lire et écrire. Concernant la lecture, il y avait du progrès, mais l'enfant avait tendance à inventer des mots. L'écriture se limitait usuellement à une phrase. La collaboration avec les parents était bonne. La mère demandait souvent à la logopédiste des rapports quant à la progression de l'enfant.

e. Entendus le 17 janvier 2022 par le Tribunal, les experts ont déclaré que D______ avait besoin d’un cadre stable et d’une cohérence entre les parents, d’une cohérence du système éducatif, de prise régulière de médicaments et d’un suivi sécurisant. Il fallait à tout prix éviter une errance scolaire. Son suivi actuel était bon et adapté. Les bilans entre 2017 et 2020 notaient une péjoration chez D______. La dernière année et avec le traitement, il y avait eu une amélioration observée par les deux parents. Les changements fréquents d'école avaient pu influer sur la péjoration constatée.

A l'avenir, il fallait être très attentif, car un adolescent avec les pathologies de D______ pouvait être attiré par des bandes de jeunes, puisqu'il était à la recherche d'un cadre rassurant. Concernant la stabilité du cadre, les experts avaient privilégié l'attachement de D______ à ses deux parents. Par contre, ces derniers devaient être cohérents dans la prise en charge. Attribuer la garde à un seul parent aurait aggravé le conflit entre les parents avec des répercussions très néfastes sur l'enfant. Actuellement, la situation de l'enfant s'améliorait. D______ devait continuer tous ses suivis de manière régulière. Une ritualisation de son quotidien était essentielle à son équilibre. La stabilité de l'établissement scolaire était également un facteur d'équilibre. Concernant l'école, il fallait faire une sorte de mise à jour perpétuelle pour éviter des échecs en série (au niveau du comportement et des apprentissages). Si on le surestimait, il allait échouer et si on le sous-estimait, on allait le tirer vers le bas. Les parents devaient communiquer sur cette question avec les enseignants. Une école avec une approche traditionnelle et cadrante serait plus appropriée qu'une école du type E______. L'Ecole G______ pouvait être une bonne école. L'attribution de la garde à l'un ou l'autre des parents était totalement exclue, car très néfaste pour D______. L'organisation actuelle de la garde devait être maintenue.

La limitation de l'autorité parentale avec la délégation à un curateur concernant la santé et la scolarité pouvait être une bonne solution. Il était essentiel que les parents soient sur un pied d'égalité et que la décision ne soit pas disqualifiante pour l'un des deux.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 10 octobre 2022, A______ a déclaré que D______ ne suivait plus de "logothérapie" puisque l'assurance-maladie ne la prenait plus en charge. La neuropédiatre de l'Ecole G______ estimait que l'enfant en avait toujours besoin. Selon la précédente "logothérapeute", D______ avait fait des progrès, mais en l'absence de couverture de l'assurance-maladie, elle ne souhaitait plus intervenir. L'enfant était sur une liste d'attente pour une "logothérapie" à l'Ecole G______.

B______ a déclaré que la "logothérapeute" lui avait confirmé que D______ avait fait beaucoup de progrès et qu'il n'y avait plus besoin de poursuivre. Il ne s'opposait cependant pas à ce qu'il suive une "logothérapie".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

g.a Par jugement JTPI/12536/2022 du 21 octobre 2022, reçu le 25 octobre 2022 par A______, le Tribunal a prononcé le divorce des parties (chiffre 1 du dispositif).

Il a laissé aux parents l’autorité parentale conjointe sur leur fils D______ (ch. 2), instauré une curatelle ad hoc pour les questions de santé et de scolarité concernant l'enfant (ch. 3), limité en conséquence l’autorité parentale des parties (ch. 4), instauré une curatelle d’appui éducatif en faveur de deux parents (ch. 5), transmis le jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l’enfant pour la nomination du curateur (ch. 6) et instauré une garde alternée pour la prise en charge de D______, du lundi au lundi chez chacun des parents (ch. 7).

Le Tribunal a dit que D______ passerait les vacances d’octobre et février en alternance avec chacun de ses parents, les vacances de février 2023 étant réservées au père (ch. 8), dit que D______ passerait les vacances de Noël et Nouvel An en alternance avec chacun de ses parents, la semaine de Noël 2022 D______ étant réservée la mère et la semaine de Nouvel An 2023 au père (ch. 9), dit que le 24 décembre de chaque année, dès 16 heures, et jusqu’au 25 décembre à 16 heures, D______ serait avec sa mère et que dès 16 heures le 25 décembre au 26 décembre à 16 heures, il serait avec son père, celui-ci venant chercher et ramenant D______ chez sa mère (ch. 10), dit que D______ passerait les deux semaines de vacances de Pâques en alternance avec chacun de ses parents, la première semaine 2023 étant réservées au père et la seconde à la mère (ch. 11), et dit que D______ passerait les trois premières semaines de vacances d’été (juillet) avec un parent et les trois suivantes (une en juillet et deux en août) avec l’autre, en alternance (ch. 12).

Le premier juge a dit que le bonus éducatif était attribué à A______ (ch. 13), que les allocations familiales, y compris tout arriéré dû au 21 octobre 2022, seraient versées à A______ (ch. 14) et que les parties se partageraient par moitié les allocations familiales (ch. 15).

Il a donné acte à B______ de son accord de partager par moitié les frais fixes de D______, de 775 fr. par mois actuellement et de verser à A______ le montant de 237 fr. 50 par mois et d’avance, dit que le montant de 237 fr. 50 était dû à A______ dès le 1er janvier 2020, condamné en tant que de besoin B______ à verser la somme de 8'075 fr. au titre d’arriéré à A______ (ch. 16) et condamné B______ à payer le montant de 1'000 fr. par mois à A______ à titre de participation à l’écolage de D______, dès le 1er novembre 2022 (ch. 17).

Le premier juge a dit que les parties se partageraient au prorata de leurs revenus les frais extraordinaires de D______, moyennant un accord préalable (ch. 18), donné acte à A______ de ce qu’elle renonçait à toute contribution post-divorce (ch. 19), donné acte aux parties de ce qu'elles renonçaient au partage des avoir du 2ème pilier (ch. 20, dit que le régime matrimonial était liquidé (ch. 21), statué sur les frais judiciaires et les dépens (ch. 22 et 23) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 24).

g.b Le Tribunal a retenu que l’expertise du groupe familial mettait en évidence une problématique parentale autour de l’enfant, gravement impactée par le conflit conjugal, toujours aigu, malgré la séparation qui datait de 2015. Selon l’expert, la mère avait une vision de son fils qui pouvait la priver des capacités à répondre de manière adéquate aux besoins intellectuels et éducatifs de l’enfant. Quant au père il se montrait passif dans la recherche des solutions, critiquait les choix de la mère mais ne proposait pas d’alternative. Chacun avait une vision divergente de la pathologie de l’enfant. Ainsi les décisions importantes pour la santé et l’avenir de D______ pouvaient être bloquées. Au vu du fonctionnement parental, l’exercice de l’autorité parentale conjointe avec tous ses aspects était, selon les experts, illusoire à l’heure actuelle. Toutefois, une limitation de l'autorité parentale conjointe sur les questions de santé et de scolarité serait suffisante pour protéger l’enfant du fonctionnement parental. Les experts insistaient sur l’importance de mettre les parents sur un pied d'égalité et sur le fait que la décision ne devait pas être disqualifiante pour l'un des deux. C’était pour ces raisons que les experts préconisaient le maintien du statu quo au niveau de la garde alternée qui s’exerçait du lundi au lundi.

Le Tribunal a considéré que la position des experts devait être suivie. En effet, les déclarations des parties lors de l’audience du 10 octobre 2022 démontraient que leur problématique était toujours d’actualité. En effet, le père estimait que la mère ne prenait pas de bonnes décisions pour l’enfant; il n’avait pas signé la demande AI pour ce dernier malgré les demandes de la mère. Celle-ci exigeait, malgré les conclusions de l’expertise, une autorité parentale exclusive et s’était résolue à y renoncer lors de l’audience du 10 octobre 2022 pour que son autorité parentale ne soit pas limitée. Il apparaissait ainsi qu’elle n’était pas consciente de sa propre problématique, même si les solutions étaient préconisées dans l’intérêt de son fils. Le fonctionnement parental sans intervention de tiers était dès lors impossible.

La proposition des parties, à savoir une curatelle éducative, ne pouvait remplacer une limitation de l’autorité parentale sur les questions de santé et de scolarité. En effet, le curateur n’aurait aucun pouvoir de choisir telle ou telle solution si l’autorité parentale n’était pas limitée et le conflit des parents pourrait se déployer sans fin, ces derniers pouvant faire pression sur le curateur. Dès lors, une autorité parentale conjointe et une curatelle ad hoc pour des questions médicales et de scolarité serait instaurée et l’autorité parentale limitée en conséquence.

Une curatelle éducative serait également mise en place afin de soutenir les parents au vu de leurs difficultés autour de l’enfant.

Quant à la répartition de la garde alternée, l’expertise serait suivie s'agissant de la répartition égalitaire du temps passé avec l’enfant. De plus, le père s’était engagé à respecter les séances d’ergothérapie de D______, seul élément mis en avant par la mère pour modifier la répartition des jours de garde. Si le père ne devait pas respecter ses engagements à l’avenir, une limitation de sa garde pourrait être envisagée.

h. Par acte déposé le 17 novembre 2022, A______ a formé appel contre les chiffres 2 à 4, 7, 15 et 16 du jugement précité, dont elle requiert l'annulation. Sur le fond, elle conclut principalement à ce que la Cour de justice lui attribue l'autorité parentale exclusive sur D______ en ce qui concerne les décisions relatives à sa scolarité et à sa santé, lui attribue la garde exclusive de l'enfant, avec un droit de visite en faveur du père, condamne celui-ci à lui verser, par mois et d'avance à compter du 1er janvier 2020, allocations familiales non comprises, une participation aux frais d'entretien de D______ de 237 fr. 50 de 11 ans à 14 ans révolus et 300 fr. de 15 ans à la majorité, dise que le montant de 237 fr. 50 lui est dû dès le 1er janvier 2020, condamne B______ à lui payer 8'76 fr. à titre d'arriéré, dise que, si les allocations familiales entre le 1er janvier 2020 et le 30 octobre 2022 ne pouvaient pas être récupérées, B______ serait condamné à lui payer 13'175 fr. à titre d'arriéré et condamne celui-ci en tous les frais de deuxième instance.

B a. Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, A______ conclut, avec suite de frais, à ce que la Cour autorise D______ à suivre une "logothérapie" hebdomadaire au sein de l'Ecole G______ et limite l'autorité parentale de B______ sur leur fils dans la mesure nécessaire.

Elle allègue qu'une place de "logothérapie" s'est libérée le 11 novembre 2022 à l'Ecole G______ et a été proposée à D______, qu'en suivant cette thérapie à l'école, l'enfant manquerait moins de cours que si elle avait lieu en dehors du cadre scolaire, que la "logothérapie" est recommandée par l'école et par les médecins de D______ pour l'aider à surmonter ses difficultés d'apprentissage, que le père s'est opposé à ce que son fils suive cette thérapie, que cette opposition est inexplicable puisque le père justifie son refus par la nomination d'un curateur (objet de l'appel, mesure donc suspendue) qui prendrait prétendument toutes les décisions, que la place est réservée pour D______ pendant quelques jours et qu'elle sera attribuée à un autre enfant, si une décision de justice n'est pas rendue rapidement.

b. Par arrêt du 18 novembre 2022, la Cour a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles de A______ et condamné celle-ci à 500 fr. à titre de frais judiciaires.

La Cour a retenu que les mesures requises rendaient vraisemblable que les parents étaient en conflit sur les questions liées à la santé de l'enfant, conflit qui entraînait un blocage, qui avait précisément justifié l'instauration d'une curatelle ad hoc par le Tribunal, que A______ remettait toutefois en cause dans son appel.

Cette dernière ne rendait pas suffisamment vraisemblable que le retard dans le début de la "logothérapie" dans l'attente d'une décision sur mesures provisionnelles qui ferait droit à ses conclusions était de nature à causer un préjudice difficilement réparable à l'enfant et, en particulier, que si l'enfant ne pouvait pas bénéficier de la place qui lui était réservée à l'époque, une autre place ne serait pas disponible dans son l'école dans un délai raisonnable, ni qu'elle ne pourrait pas en trouver une ailleurs permettant d'assurer un suivi adapté à l'enfant.

c. Dans sa réponse du 5 décembre 2022, B______ conclut au rejet de la requête de mesures provisionnelles, avec suite de frais.

Il allègue que le 27 janvier 2022, la "logothérapeute", vu les progrès de D______, a proposé de mettre fin aux séances. Par courriel du 10 novembre 2022, il avait fait part à la maîtresse de D______ de ses interrogations sur le traitement que l'enfant devait commencer le 14 novembre 2022 sur décision unilatérale de la mère. Il avait rencontré le 23 novembre 2022 la "maîtresse" ainsi que la "logothérapeute". Celle-ci avait proposé de procéder à une évaluation des besoins de D______ avant de revenir vers les parents.

Il produit un courriel du 24 novembre 2022 de H______, coordinatrice du programme de soutien approfondi ("I______") à l'Ecole G______ à J______, logopédiste, ainsi que la réponse de celle-ci du même jour. Il en résulte que la première a convenu avec les parents que la logopédiste pouvait commencer des séances pour une évaluation des compétences de l'enfant en paroles et langage. Les résultats de l'évaluation devaient être partagés avec les parents et "un curateur" pour examiner la nécessité d'une thérapie et les coûts que cela engendrerait si ce suivi ne devait pas être pris en charge par l'assurance-maladie de l'enfant. Le bilan logopédique allait nécessiter trois à cinq séances. La logopédiste n'était pas en mesure de répondre à la question concernant la prise en charge par l'assurance-maladie. Elle proposait une première séance le 28 novembre 2022.

d. A______ a répliqué spontanément le 12 décembre 2022, en persistant dans ses conclusions.

Elle a allégué que la place de D______ avait pu être conservée jusqu'à la fin de l'année, du fait de l'évaluation. Il y avait lieu de craindre que le père change une nouvelle fois de position et estime que la thérapie ne serait pas nécessaire et/ou trop chère. Il convenait ainsi de donner acte aux parties de leur accord quant à "l'inscription pérenne" de D______ à la "logothérapie", selon les modalités proposées par la "logothérapeute".

e. Les parties ont été informées le 3 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

EN DROIT

1. 1.1 Dans le cadre d'une procédure de divorce, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires (art. 276 al. 1 1ère phrase CPC).

Il peut ordonner des mesures provisionnelles après la dissolution du mariage, tant que la procédure relative aux effets du divorce n’est pas close (art. 276 al. 3 CPC).

Les dispositions régissant la protection de l’union conjugale sont applicables par analogie aux mesures provisionnelles de divorce (art. 276 al. 1 2ème phrase CPC).

1.2 Lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC). Il peut donc prévoir des mesures de protection en faveur d'un enfant mineur, de la compétence du juge du divorce dès l'ouverture du procès (art. 315 al. 1 CC; TAPPY, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 37 ad art. 276 CPC).

1.2.1 Lorsque les circonstances l'exigent, le juge chargé de régler les relations des père et mère avec l'enfant selon les dispositions régissant le divorce ou la protection de l'union conjugale nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l'enfant (art. 308 al. 1 CC en relation avec l'art. 315a al. 1 CC).

Il peut conférer au curateur certains pouvoirs tels que celui de représenter l'enfant pour établir sa filiation paternelle et pour faire valoir sa créance alimentaires et d'autres droits, ainsi que la surveillance des relations personnelles (art. 308 al. 2 CC).

L'autorité parentale peut être limitée en conséquence (art. 308 al. 3 CC).

1.2.2 Le juge doit clairement indiquer la nature et l'étendue des pouvoirs confiés au curateur. Ceux-ci dépendront des situations de mise en danger de l'enfant et de la façon jugée la plus appropriée d'y faire face (Meier, Commentaire romand, Code civil I, Pichonnaz/Foëx (éd.), n. 13 ad art. 308 CC).

La loi ne cite, à titre exemplatif, que deux cas de pouvoirs particuliers, en réservant d'autres situations. L'art. 13 al. 2 DPMin mentionne pour sa part des pouvoirs "en rapport avec l'éducation, le traitement et la formation du mineur". Les pouvoirs en question peuvent toucher tous les domaines de la vie et de l'éducation de l'enfant. Dans le respect du principe de proportionnalité, ces pouvoirs particuliers (combinés le cas échéant avec un retrait partiel de l'autorité parentale selon l'art. 308 al. 3 CC) évitent d'avoir à retirer l'autorité parentale dans son entier pour atteindre un but bien spécifique (Meier, op. cit. n. 14, 24 et 25 ad art. 308 CC).

La doctrine cite notamment le cas du consentement à un acte médical (traitement, prise de sang, transfusion, opération), auquel les père et mère se refusent alors qu'il est dans l'intérêt de l'enfant (Meier, op. cit. n. 26 ad art. 308).

1.2.3 Dans la mesure de ces pouvoirs particuliers, le curateur représente l'enfant. Ce pouvoir de représentation est concurrent à celui des père et mère; ceux-ci peuvent par conséquent contrecarrer les actes du curateur. Si un tel risque existe ou s'est déjà réalisé, l'autorité tutélaire - respectivement le juge - devra expressément limiter l'autorité parentale (art. 308 al. 3 CC), en décrivant précisément les points sur lesquels les père et mère sont privés de leur pouvoir (Meier, op. cit. n. 28 ad art. 308 CC).

1.3 Les mesures provisionnelles sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire avec limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il n'y a pas de violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst.) lorsque le juge parvient à se former une conviction de la vraisemblance des faits en se fondant sur les preuves administrées. Il suffit donc que les faits soient rendus plausibles. Dans cette procédure, il s'agit d'aménager le plus rapidement possible une situation optimale pour les enfants. De longs éclaircissements, notamment par expertise, ne sauraient être la règle, même dans les cas litigieux; ils ne doivent être ordonnés que dans des circonstances particulières. Le sort des enfants est régi par la liberté de la preuve. L'expertise pédopsychologique est l'une des mesures d'instruction que le juge peut, mais ne doit pas, ordonner dans les affaires concernant les enfants régies par la maxime d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_745/2015 du 15 juin 2016 consid. 3.1.2.2;5A_265/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2.2 et les références).

Par ailleurs, la cognition du juge est limitée à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.4 L'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC).

L'instance d'appel peut autoriser l'exécution anticipée (art. 315 al. 2 CPC). L'ordre d'exécution anticipée du jugement de première instance est une mesure provisionnelle, prise au cours de la procédure d'appel (ATF 134 I 83 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_440/2011 du 21 octobre 2011 consid. 1).

1.5 S'agissant du sort des enfants mineurs, les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A _512/2017 du 22 décembre 2017 consid. 6.1), ce qui a pour conséquence que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

2. 2.1 En l'espèce, la requérante dirige son appel notamment contre les chiffres 2 à 4 et 7 du dispositif du jugement de divorce du 21 octobre 2022, par lesquels le Tribunal a maintenu l'exercice en commun par les parties de l'autorité parentale sur leur fils D______ (ch. 2), instauré une curatelle ad hoc pour les questions de santé et de scolarité concernant le mineur (ch. 3), limité l'autorité parentale des parents dans la mesure nécessaire (ch. 4) et instauré une garde alternée sur l'enfant (ch. 7). Sur ces questions, la requérante conclut, sur le fond, à l'attribution à elle-même de l'autorité parentale exclusive sur l'enfant concernant les décisions relatives à la scolarité et à la santé de celui-ci, au maintien de l'autorité parentale conjointe pour le surplus et à l'attribution à elle-même de la garde de l'enfant, avec un droit de visite en faveur du père.

L'appel de la mère a suspendu la force de chose jugée et le caractère exécutoire des mesures de protection de l'enfant ordonnées par le juge du divorce en matière de de santé et de scolarité (ch. 3 et 4 du dispositif du jugement attaqué).

L'appelante demande à la Cour de régler une question particulière relative à la santé de l'enfant, soit le suivi logopédique de celui-ci, en ordonnant des mesures provisionnelles. Elle requiert que l'enfant soit autorisé à être suivi hebdomadairement par une logopédiste au sein de l'Ecole G______, qu'il fréquente, et que l'autorité parentale du père soit limitée dans la mesure nécessaire.

Le cité soutient que les conclusions de la requérante devraient être rejetées, au motif que les parents ont finalement convenu qu'il fallait que la nouvelle logopédiste évalue les besoins de leur fils avant de déterminer la thérapie à mettre en place.

2.2 La nécessité des mesures provisionnelles doit être examinée à la lumière de l'intérêt de l'enfant, celui des parents étant relégué à l'arrière-plan, ainsi que des appréciations que les experts ont exposées dans leur rapport et lors de l'audience du Tribunal du 17 janvier 2022. Il s'agit d'aménager le plus rapidement possible une situation optimale pour D______, indépendamment des conclusions prises par les parties.

Les experts relèvent qu'il est important pour le mineur de continuer à être soutenu de manière régulière par le réseau de professionnels qui le suivent de longue date; ils soulignent qu'il est urgent de confier à un curateur les pouvoirs relatifs à des domaines aussi essentiels que sa santé et sa scolarité. En effet, les parents entretiennent un conflit tellement aigu - qui limite leurs compétences parentales - et ont une vision si divergente de la pathologie de leur fils, qu'il leur est impossible de s'accorder même sur lesdites questions.

La présente procédure sur mesures provisionnelles et les allégations des parents confirment que ceux-ci ne parviennent pas à se coordonner avant la prise des décisions importantes au sujet de l'enfant. S'ils ont finalement réussi à se mettre d'accord sur le fait qu'un professionnel évalue les compétences de leur fils en paroles et langage, à l'heure actuelle ils divergent toujours au sujet de la nécessité de la reprise d'un suivi logopédique.

De manière plus générale, l'absence de mesures de protection risque de porter atteinte au bien de l'enfant et le menace sérieusement; les mesures de protection ordonnées par le Tribunal s'imposent, en ce sens que la situation actuelle nuit davantage au bien de l'enfant que l'entrée en force desdites mesures. En effet, vu les difficultés que rencontre le mineur, il est vraisemblable que des décisions essentielles pour l'avenir de celui-ci devront être prises rapidement dans les domaines de la santé et/ou de la scolarité; l'attitude des parents, mise en évidence par les experts, risque de rendre impossibles de telles prises de décisions, mettant ainsi en péril l'intérêt de l'enfant. Il est donc nécessaire de confier à un curateur les pouvoirs en question et, dans la mesure où les parents risquent de contrecarrer les actes de celui-ci, de retirer partiellement l'autorité parentale aux deux parties.

En définitive, il est conforme au bien de l'enfant d'autoriser l'exécution anticipée des chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement attaqué. Le présent arrêt sera transmis au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour qu'il nomme et instruise le curateur de sa mission.

3. La décision sur les frais des mesures provisionnelles sera renvoyée à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures provisionnelles :

Ordonne l'exécution anticipée des chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement JTPI/12536/2022 rendu le 21 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29025/2019-20.

Transmet le présent arrêt au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour qu'il nomme le curateur et l'instruise de sa mission.

Renvoie la décision sur les frais de la procédure de mesures provisionnelles à l'arrêt au fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.