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Décisions | Chambre civile

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C/20402/2019

ACJC/65/2023 du 17.01.2023 sur ORTPI/1404/2021 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch1; CPC.126.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20402/2019 ACJC/65/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 JANVIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______[GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 16 décembre 2021, comparant par Me Jean-Charles LOPEZ, avocat, BUDIN & ASSOCIÉS, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Monaco, intimé, comparant par Me Alec REYMOND, avocat, @LEX AVOCATS, rue de Contamines 6, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______[GE], intervenante, comparant par Me Olivier NICOD, avocat, WALDER WYSS SA, avenue du Théâtre 1, case postale, 1002 Lausanne, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/1404/2021 rendue le 16 décembre 2021 entre B______, demandeur, d'une part, A______ SA (ci-après : A______), défenderesse, d'autre part, et C______ SA (ci-après : C______), intervenante, d'autre part encore, reçue par les parties le
20 décembre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a rejeté la requête de suspension de la procédure formée par A______ le
24 novembre 2021.

B. a. Par acte déposé le 30 décembre 2021 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), dirigé uniquement contre B______, A______ recourt contre cette ordonnance et requiert son annulation. Cela fait, elle conclut principalement à ce que la Cour suspende la cause jusqu'à droit connu sur la demande de jonction à celle-ci de la procédure C/3______/2021 que A______ entend formuler dans la procédure C/3______/2021; subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour suspende la présente cause pendant quatre mois; plus subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dans les trois cas de figure, A______ conclut à ce que les frais de recours soient mis à la charge de B______ et que ce dernier soit débouté de toutes autres conclusions.

b. Par arrêt ACJC/104/2022 du 25 janvier 2022, la Cour a rejeté la requête en suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise et en suspension conservatoire de la procédure C/20402/2019 jusqu'à droit connu sur le sort du recours.

c. Dans sa réponse du 31 janvier 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais de recours à charge de A______.

d. Par écriture spontanée du 31 janvier 2022, A______ a informé la Cour de ce que B______ avait introduit
le 5 janvier 2022 la demande au fond, dans la cause C/3______/2021, suite à l'échec de la tentative de conciliation (cf. infra let. C.m).

e. Par courrier adressé le 2 février 2022 à la Cour, C______ a demandé à pouvoir être entendue dans le cadre de la procédure de recours.

La Cour lui ayant fixé un délai à cette fin, elle s'est ralliée aux conclusions de la recourante par courrier du 17 février 2022.

f. A______ a répliqué spontanément le 14 février 2022 à la réponse du 31 janvier 2022 de B______ et persisté dans ses conclusions.

g. Par écriture spontanée du 17 mars 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité de cette réplique spontanée au motif de sa tardiveté.

h. La Cour a informé les parties le 7 avril 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but est la prise, l'achat, la vente, l'administration et la gestion de participations dans des sociétés ou entreprises actives dans l'achat, la vente ou la distribution de produits pharmaceutiques, en particulier de produits conçus par des laboratoires biopharmaceutiques en Suisse ou à l'étranger.

b. Il s'agit d'une holding qui chapeaute le GROUPE A______ et détient à 100 % ses deux filiales : (i) A______ /1______ SA (ci-après A______ /1______), ayant son siège en Suisse, dont le but est l'achat, la vente, la fabrication et l'emballage de produits pharmaceutiques, de même que l'achat, la vente, la détention et l'exploitation de licences et de brevets relatifs à de tels produits; (ii) A______ LLC, ayant son siège en Russie et pour but le développement des activités de A______ et A______ /1______ en Russie.

c. Le capital-actions de A______ est détenu à parts égales par B______ et D______.

d. Depuis 2006, B______ et D______ ont toujours été membres du conseil d'administration de A______. Depuis 2016, le conseil est composé des deux précités, ainsi que du fils de D______, E______, et de F______.

B______ a également été membre du conseil d'administration de A______ /1______ et employé de cette société.

e. A______ et A______ /1______ ont déposé une plainte pénale contre B______ le 2 mai 2018 pour gestion déloyale et abus de pouvoir de représentation, dont l'intéressé allègue n'avoir été informé que dans le courant de l'été 2018.

f. A______ /1______ a résilié avec effet immédiat le contrat de travail de B______ le 3 mai 2019.

g. Lors de trois assemblées générales de A______ tenues
les 8, 31 juillet et 30 août 2019, les décisions suivantes ont été prises :
non-reconduction du mandat d'administrateur de B______; approbation des comptes 2018; décharge des membres du conseil d'administration pour l'exercice 2018; modification de l'art. 10 des statuts (droit des actionnaires au bénéfice et au produit de liquidation non plus en proportion des seuls versements opérés au capital-actions, mais également en proportion des apports sous forme de capital-participation, d'agio ou d'apports en fonds perdus); dissolution d'une réserve de 2'500'000 USD et distribution de son produit quasi intégral en faveur de D______, conformément à la nouvelle teneur de l'art. 10 des statuts.

Ces décisions ont été prises, contre l'avis de B______, grâce à la voix prépondérante dont D______ bénéficiait à l'assemblée générale du fait de sa désignation, peu de temps auparavant, à la présidence du conseil d'administration (cf. art. 20 al. 3 des statuts).

h. B______ a demandé le 1er octobre 2019 au conseil d'administration de A______ la convocation d'une assemblée générale et sollicité l'inscription à l'ordre du jour d'une demande de renseignements et de consultation de pièces relative aux comptes de la société, notamment les prétendus apports de D______ et leur redistribution par dissolution de réserves.

Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée le 8 janvier 2020, au cours de laquelle B______ a estimé ne pas avoir obtenu de réponses satisfaisantes à ses demandes de renseignements. Il allègue également ne pas avoir pu consulter les pièces requises.

i. B______ a requis le 8 novembre 2019 des mesures provisionnelles et superprovisionnelles du Tribunal en vue de faire interdiction à A______ de distribuer le produit de la dissolution de la réserve. Le Tribunal a ordonné cette mesure à titre superprovisionnel le 11 novembre 2019 et à titre provisionnel le 12 mars 2020 (cause C/2______/2019).

j. A une date indéterminée durant le premier semestre 2020, le conseil d'administration de A______ a mandaté G______ SA (ci-après : G______) pour établir un rapport d'expertise dans le cadre du litige opposant B______ et D______. La mission confiée à l'expert consistait en substance à contrôler les opérations comptables de 2013 à 2019, notamment en lien avec la comptabilisation de deux prêts actionnaires de 2'500'000 USD, des versements aux actionnaires en 2017, de deux versements en 2018 en faveur de D______ de 1'030'000 USD et de 1'003'299 USD, ainsi que la reconnaissance en 2018 par A______ d'une réserve issue d'un apport en capital effectué par D______ pour un montant de 2'500'000 USD.

G______ a rendu un rapport d'expertise le 17 juin 2020 et un rapport complémentaire le 20 août 2020 qui ont pointé certaines erreurs comptables.

k.a Par requête en conciliation déposée le 6 septembre 2019, déclarée non conciliée le 13 novembre 2019, et demande introduite devant Tribunal le 13 février 2020, B______ a assigné A______, sous suite de frais judiciaires et dépens, en annulation et constat de nullité des décisions prises lors des assemblées générales des 8 juillet, 31 juillet et 30 août 2019. Il s'est prévalu en substance de l'invalidité de décisions prises sur la base de comptes erronés, de la violation du principe d'égalité de traitement des actionnaires et de procédés abusifs (recours abusif à la voix prépondérante du président du conseil d'administration pour l'ensemble des décisions attaquées), de la violation de l'obligation de mettre les comptes à disposition des actionnaires avant le vote sur leur approbation, de la violation de l'interdiction de voter la décharge en sa propre faveur, d'une atteinte disproportionnée aux droits de certains actionnaires et d'un remboursement illicite de capital (modification de l'art. 10 des statuts, puis dissolution et distribution de réserves).

k.b A______ a requis plusieurs reports du délai fixé pour répondre à la demande.

Elle a également sollicité, le 19 juin 2020, la suspension de la procédure, subsidiairement le report du délai pour répondre au 31 août 2020. Elle a invoqué la reddition du rapport d'expertise G______ et la convocation d'une nouvelle assemblée générale courant août 2020 qui devait permettre de résoudre un certain nombre de points litigieux dans la procédure.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, le Tribunal a rejeté la requête de suspension et prolongé le délai pour répondre au 31 août 2020.

k.c Dans sa réponse, A______ a conclu au déboutement de B______ des fins de sa demande. Les conclusions de ce dernier en annulation de l'approbation des comptes 2018 étaient devenues sans objet suite à l'assemblée générale d'août 2020. La non-réélection de B______ au conseil d'administration était justifiée par les faits qui lui étaient reprochés dans la procédure pénale. Pour le surplus, les décisions prises étaient conformes au droit.

k.d B______ a répliqué spontanément le 30 septembre 2020, alléguant une quinzaine de faits nouveaux et se déterminant sur les allégués de la réponse.

k.e A______ a requis le 7 octobre 2020 de pouvoir dupliquer et sollicité, à plusieurs reprises, la prolongation du délai fixé à cette fin par le Tribunal.

La duplique a été déposée le 5 janvier 2021.

k.f Lors de l'audience du Tribunal du 3 mars 2021, dévolue aux débats d'instruction, à l'ouverture des débats principaux et aux premières plaidoiries, B______ a admis que la décision approuvant les comptes 2018 avait été révoquée par une décision prise lors de l'assemblée générale tenue en août 2020, de sorte que sa conclusion tendant à l'annulation de cette décision était devenue sans objet.

k.g Le Tribunal a rendu une ordonnance de preuves le 9 mars 2021 ne retenant que l'administration d'une preuve, soit l'interrogatoire des parties. Une audience a été fixée le 14 juin 2021 pour y procéder.

k.h Par courrier du 10 juin 2021, C______ a formé une requête en intervention accessoire à la procédure au motif qu'elle était devenue actionnaire à 50 % de A______ en décembre 2020. Elle a sollicité une décision rapide sur la recevabilité de l'intervention ou l'annulation de l'audience du 14 juin 2021.

k.i B______ s'est opposé, par courrier du 11 juin 2021, à cette intervention et à ce que le déroulement de la procédure soit retardé. La cession de ses actions par D______ à C______ ne modifiait en rien la situation puisque D______ était l'actionnaire unique de C______. Le procédé n'avait ainsi qu'un but dilatoire, à trois jours d'une audience dont l'annulation était demandée, alors que la cession de la participation de D______ remontait à près de six mois.

k.j Le Tribunal a annulé l'audience du 14 juin 2021, conduit une instruction sur recevabilité de l'intervention accessoire de C______ et rendu un jugement le 20 octobre 2021 admettant celle-ci.

l. Deux nouvelles assemblées générales de A______ ont été tenues les 17 décembre 2020 et 5 novembre 2021, la première dévolue à l'approbation des comptes modifiés de la société pour les exercices 2013 à 2018 suite à l'expertise G______ et la seconde à l'approbation des comptes 2019.

m. B______ a déposé au Tribunal, le 17 février 2021, une requête en conciliation tendant à la constatation de la nullité des décisions prises lors des assemblées générales des 17 décembre 2020 et 5 novembre 2021 (cause C/3______/2021).

Suite à l'échec de la tentative de conciliation, B______ s'est vu délivrer l'autorisation de procéder le 18 novembre 2021.

n.a Le 24 novembre 2021, A______ a requis la suspension en opportunité de la présente cause, au motif qu'elle entendait requérir du Tribunal qu'il ordonne sa jonction avec la cause C/3______/2021, une fois que B______ aurait introduit son action en constatation de la nullité des décisions prises lors des assemblées gérables de décembre 2020 et novembre 2021.

n.b B______ a répondu le 8 décembre 2021 qu'il s'opposait à la suspension qui ne constituait qu'une nouvelle démarche dilatoire dans une procédure où A______ avait multiplié les incidents, ainsi que les demandes de report de délais et d'audiences. En tout état, la suspension n'était pas opportune en l'occurrence, la présente cause étant sur le point d'être jugée après l'interrogatoire des parties.

n.c Dans un courrier du 9 décembre 2021, C______ a adhéré aux conclusions de A______ en suspension de la procédure.

D. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a considéré que le stade d'avancement des procédures C/20402/2019 et C/3______/2021 s'opposait à la suspension en vue de jonction. La seule mesure probatoire qui restait à administrer dans la cause C/20402/2019 consistait dans l'interrogatoire des parties, lequel devait avoir lieu à l'audience de débats principaux convoquée le 21 février 2022.

E. Suite au prononcé de l'arrêt ACJC/104/2022 du 25 janvier 2025 (cf. supra
let. B.b), le Tribunal a poursuivi l'instruction de la présente cause.

EN DROIT

1. Une décision de refus de suspension de la procédure – à la différence du prononcé de la suspension (cf. art. 126 al. 2 en lien avec art. 319 lit. b ch. 1 CPC) – est susceptible de recours immédiat stricto sensu (arrêts du Tribunal fédéral 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3; 5A_545/2017 du 13 avril 2018
consid. 3.2), dans un délai de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b
ch. 2 CPC).

En l'espèce, le recours a été déposé dans le délai et la forme requis par la loi (art. 143 al. 1 et 321 al. 1 et 2 CPC).

2. Reste à examiner si l'ordonnance querellée peut causer à la recourante un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, ce qui est contesté par l'intimé.

2.1.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de
se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès
(ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n° 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2ème éd. 2019, n° 22
ad art. 319 CPC et références citées).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2010, n° 8
ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n° 22a ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n° 9 ad art. 126 CPC).

Un accroissement des frais ou une simple prolongation de la procédure ne constitue pas un dommage difficile à réparer (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n° 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n° 25 ad art. 319 CPC).

2.1.2 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4;
119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013
consid. 3.1; Frei, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n° 1 ad art. 126 CPC). Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1).

La suspension de la procédure est notamment autorisée lorsque la décision dépend de l'issue d'une autre procédure. Dans ce sens, il faut s'accommoder d'une tension avec le principe constitutionnel de la célérité selon l'art. 29 al. 1 Cst. Etant donné que les questions de droit et de preuves à examiner dans les deux procédures sont en grande partie les mêmes, il existe une forte probabilité qu'elles soient examinées deux fois, avec un risque de décisions contradictoires évident. L'intérêt à la suspension l'emporte sur l'intérêt à l'accélération de la procédure dans ce cas. Une suspension en vue d'une autre procédure n'entre pas seulement en ligne de compte lorsque les deux procédures sont à des stades différents ou lorsqu'il faut effectivement s'attendre à ce que le tribunal saisi en premier rende un jugement plus tôt que celui saisi en second. Il convient plutôt de peser concrètement les avantages liés à la suspension d'une part et la durée probable de la suspension d'autre part, la procédure ultérieure ne devant pas être retardée de manière disproportionnée
(ATF 141 III 549 consid. 6.5; 135 III 127 consid. 3.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2-5.4).

2.2 En l'espèce, la recourante soutient que le dommage difficilement réparable résiderait dans le risque de recevoir des jugements contradictoires dans la présente procédure et la cause C/3______/2021, alors qu'elles posent toutes deux la même question dans un contexte factuel quasiment identique. Les différentes décisions de l'assemblée générale sont toutes attaquées pour le même grief, soit leur invalidité consécutive à un recours abusif à la voix prépondérante du président du conseil d'administration pour emporter la décision. Quant au principe de célérité, il doit être relativisé en l'espèce car le litige entre les parties remonte à plusieurs années et n'est pas prêt de s'achever. Aucun retard important n'est à craindre en cas de suspension, la recourante étant sur le point d'introduire sa demande dans la procédure C/3______/2021, permettant une jonction et une reprise de la présente cause juste après le dépôt du mémoire de réponse dans la cause C/3______/2021.

L'intimé conteste que les deux causes portent sur des objets similaires, que toutes les décisions de l'assemblée générale attaquées le soient sous l'angle d'un recours abusif à la voix prépondérante du président du conseil d'administration et qu'il existe un risque de décisions contradictoires. Les décisions des assemblées générales sont également attaquées sous l'angle de l'irrégularité des comptes sur lesquels elle reposent, de la violation du principe d'égalité de traitement entre actionnaires et d'autres normes en matière de droit de la société anonyme. De surcroît, la conclusion en annulation de la décision d'adoption des comptes 2018 à l'assemblée générale du 8 juillet 2019 est devenue sans objet puisqu'elle a été annulée par décision de l'assemblée générale du 25 aout 2021, ôtant une partie de son objet à la présente procédure. Enfin, le stade d'avancement très différent de celle-ci et de la cause C/3______/2021 exclut des décisions contradictoires simultanées dans chacune d'elles. La première cause devrait faire l'objet d'un jugement avant la seconde, ce qui permettrait d'éviter qu'un jugement contraire soit rendu dans cette dernière.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus (consid. 2.1.2 supra), le risque de décisions contradictoires est un motif suffisant pour ordonner la suspension d'une procédure, même si cela doit la ralentir et provoquer une tension avec le principe de célérité. Le Tribunal fédéral accorde par conséquent une attention particulière au risque de jugements contradictoires, de sorte qu'une éventuelle réalisation de ce risque devrait être considérée comme un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. La seule existence d'un risque abstrait apparaît toutefois insuffisante à satisfaire la condition de préjudice difficilement réparable et seul un risque concret de contradiction peut conduire à admettre l'existence d'un tel préjudice. En l'occurrence, le risque de décisions contradictoires fondées sur le grief d'un usage abusif de la voix prépondérante du président du conseil d'administration existe puisque ce grief est invoqué contre toutes les décisions de l'assemblée générale attaquées. Le fait qu'une conclusion soit devenue sans objet dans la présente cause et que d'autres griefs aient également été articulés contre les décisions entreprises n'y change rien. Ce risque est toutefois abstrait puisque les décisions potentiellement contradictoires seront rendues à plusieurs mois d'écart vu le degré d'avancement des procédures concernées. Ainsi, le jugement dans la seconde procédure pourra être rendu en tenant compte du résultat de la procédure la plus avancée. Cas échéant, la seconde procédure pourra être suspendue dans l'attente du jugement dans la première s'il devait ne pas être rendu au moment où la seconde sera en état d'être plaidée et jugée. Il n'existe donc en l'occurrence aucun risque concret de contradiction de jugements et, partant, de préjudice difficilement réparable au détriment de l'appelante.

Le recours sera par conséquent déclaré irrecevable.

3. Compte tenu de l'issue du recours, la question de la recevabilité d'allégués nouveaux en seconde instance au regard de l'art. 326 CPC, ainsi que de la réplique spontanée de l'intimé du 17 mars 2022 ne se pose pas.

4. Les frais judiciaires de recours seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 96 CPC;
art. 41 RTFMC), y compris ceux relatifs à l'arrêt sur effet suspensif, et entièrement compensés avec l’avance de même montant versée par la recourante, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Compte tenu de l'issue du litige, la recourante et l'intervenante seront en outre solidairement condamnées à payer à l'intimé 2'000 fr., débours compris, à titre de dépens de recours (art. 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 LaCC; art. 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 30 décembre 2021 par A______ SA contre l'ordonnance ORTPI/1404/2021 rendue le 16 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20402/2019-5.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance versée, laquelle est acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA et C______ SA, solidairement entre elles, à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Mme Nathalie RAPP

 

La greffière :

Mme Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile aux conditions restreintes de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.