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Décisions | Chambre civile

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C/1052/2022

ACJC/1139/2022 du 01.09.2022 sur OTPI/196/2022 ( SDF ) , JUGE

Normes : CC.176
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1052/2022 ACJC/1139/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 1ER SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la
1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er avril 2022, comparant par Me Anne ISELI DUBOIS, avocate, IDR AVOCATS, rue Neuve-du-Molard 4-6, 1204 Genève, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié p.a Auberge C______, ______, intimé, comparant par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. A______ et B______ se sont mariés le ______ 2017 à D______ [GE].

Ils sont les parents de E______, né le ______ 2016, et de F______, née le ______ 2018.

b. B______ a quitté le logement de la famille le 22 janvier 2022 à la suite d'une dispute conjugale.

c. Le 23 janvier 2022, A______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de B______ pour viol, subsidiairement contrainte sexuelle, ainsi que pour injures, voies de fait, menaces et violation du devoir d'éducation, les faits reprochés se situant entre 2014 et 2022.

S'agissant des événements les plus récents, elle a reproché à son époux d'avoir porté atteinte à son intégrité physique (coups de pieds, cheveux tirés) et de l'avoir insultée à plusieurs reprises. Il avait également, lors de la fête d'anniversaire de A______, le 1______ 2021, devant toute la famille, tiré les oreilles de son fils, l'avait empoigné par le col et lui avait tordu un doigt. En outre, il insultait régulièrement les enfants.

d. Les faits qui se sont déroulés lors de la fête d'anniversaire du 1______ 2022 ont été confirmés par écrit par la mère et les deux sœurs de A______.

e. Le 24 janvier 2022, A______ a sollicité du Tribunal de première instance le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale (C/1052/2022). Elle a notamment conclu à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés, lui attribue le domicile conjugal, suspende le droit de visite de son époux jusqu'à réception du rapport "des services de l'enfance" et fasse interdiction à ce dernier de l'approcher, de même que ses enfants, à moins de 300 mètres.

f. Par ordonnance du 24 janvier 2022, statuant sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a autorisé A______ et B______ à vivre séparés, attribué la jouissance du domicile conjugal à A______ ainsi que la garde exclusive sur les enfants. Le Tribunal a, en revanche, considéré qu'il était prématuré de se déterminer sur les droits aux relations personnelles entre B______ et les enfants avant audition des parties et éventuellement une enquête plus approfondie. B______ ayant, en outre, quitté le domicile conjugal de son propre chef, il convenait, en l'état, de lui donner l'occasion de respecter cet éloignement sans prononcer de mesures contraignantes.

g. Le 27 janvier 2022, alors que A______ et sa sœur circulaient dans un véhicule en sens inverse de celui de B______, ce dernier a volontairement modifié sa direction de marche, se déportant sur leur voie de circulation, obligeant ainsi A______ à se déporter sur la droite pour éviter un accident.

h. B______ a été arrêté par la police le jour même pour ces faits. Il a été remis en liberté avec mesures de substitution par ordonnance du Tribunal des mesures des contraintes du 30 janvier 2022. Il lui a notamment été fait interdiction de se rendre au domicile conjugal et d'avoir quelque contact que ce soit avec son épouse et la sœur de celle-ci.

Il ressort de l'ordonnance précitée que B______ est prévenu de viol, contrainte sexuelle, injures, lésions corporelles simples, voies de fait, mise en danger de la vie d'autrui, menaces, violation du devoir d'assistance ou d'éducation et violation grave des règles de la loi sur la circulation routière. Il lui est notamment reproché d'avoir, entre 2014 et 2021, contraint A______ à avoir avec lui des relations sexuelles non consenties (juin 2014), de l'avoir insultée à plusieurs reprises ("pute", "salope", "pauvre conne"), de lui avoir tiré les cheveux à plusieurs reprises, d'avoir tenté de l'étrangler lors d'un rapport sexuel (juillet 2021), de l'avoir menacée lors d'un appel "WhatsApp" en visio conférence en brandissant un fusil (décembre 2021), de l'avoir menacée de lui enlever les enfants, de lui avoir jeté des objets à la tête et donné des coups de poings (22 janvier 2022) et d'avoir tenté de provoquer un accident entre le véhicule dans lequel A______ se trouvait et le sien (27 janvier 2022).

B______ est également accusé d'avoir tiré les oreilles de son fils, de lui avoir tordu un doigt et de l'avoir empoigné par le col en septembre 2021.

Le Tribunal des mesures de contraintes a relevé que ces charges étaient graves et corroborées par des photographies et par le témoignage de la sœur de A______. L'instruction pénale ne faisait que commencer.

i. Le 28 janvier 2022, B______ a également requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale (C/1809/2022). Il a notamment conclu à ce que le Tribunal confie la garde des enfants à son épouse et lui réserve un droit de visite d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires

j. Par ordonnance du 28 février 2022, le Tribunal a ordonné la jonction des causes sous le n° C/1052/2022.

k. Lors de l'audience du 1er avril 2022, B______ a contesté toute forme de violence envers son épouse et ses enfants. Il n'avait plus vu ceux-ci depuis le 22 janvier 2022 et souhaitait les revoir.

A______ a indiqué que les enfants étaient suivis psychologiquement depuis mars 2022, en raison de l'insécurité constante qu'ils présentaient et de l'agressivité dont faisait preuve E______ à l'école. Ce dernier ne souhaitait pas parler de son père, ne voulait rien savoir de lui et souhaitait que les photos de celui-ci soient détruites.

B. a. Par ordonnance non motivée du 1er avril 2022, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a autorisé A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive du logement familial (ch. 2) ainsi que la garde des enfants E______ et F______ (ch. 3), réservé à B______ un droit de visite devant s'exercer au Point Rencontre à raison d'une visite par semaine d'une heure et demie en mode «Accueils» et dit que le droit de visite serait étendu à trois heures par semaine en mode «Passages», temps d'accueil non compris, ceci dès la cinquième visite et moyennant accord du (de la) curateur(rice) (ch. 4), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 5), réservé les frais de la procédure dans le jugement final (ch. 6) ainsi que la suite de la procédure (ch. 7).

b. A______ ayant requis la motivation de l'ordonnance, les parties ont reçu celle-ci le 27 avril 2022.

c. Dans la décision querellée, le Tribunal a notamment retenu qu'il ne pouvait être fait abstraction des comportements inappropriés que A______ avait décrits en évoquant l'attitude de B______ envers ses enfants, lesquels étaient en partie confirmés par des attestations établies par des membres de la famille de A______. En revanche, il n'était pas rendu vraisemblable que B______ ne se soit jamais occupé seul des enfants. Cela faisait déjà plus de deux mois que les enfants n'avaient pas vu leur père et il était urgent de rétablir un lien, ce d'autant plus que, dans le contexte actuel, le discours que A______ était susceptible de tenir en évoquant leur père était peu valorisant pour ce dernier. Il convenait toutefois de procéder par étape et d'organiser des visites surveillées, ces modalités permettant de prévenir chacun des risques évoqués par A______.

C. a. Par acte expédié le 9 mai 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à ce que le droit de visite du père sur les deux enfants soit suspendu jusqu'au rapport et préavis des "services de l'enfance".

Elle a préalablement conclu à ce que l'effet suspensif soit octroyé à son appel.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet de l'appel, tant sur effet suspensif qu'au fond, les frais judiciaires devant être partagés par moitié et les dépens compensés.

c. Par arrêt du 18 mai 2022, la Cour a ordonné la suspension du caractère exécutoire attaché au chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance en tant qu'il prévoyait que le droit de visite serait étendu à 3 heures par semaine en mode «Passages», dès la cinquième visite et moyennant accord du curateur. Elle a rejeté la requête pour le surplus et dit qu'il serait statué sur les frais liés à la décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

La Cour a considéré que le droit de visite très limité que le Tribunal avait accordé au père dans un premier temps au sein du Point Rencontre était de nature à rassurer la mère et les enfants dès lors qu'ils seraient exempts de danger au sein de cette structure. En outre, E______ pourrait être préparé par son thérapeute à la reprise de ces relations personnelles. Il ne se justifiait donc pas de prononcer l'effet suspensif en ce qui concernait le droit de visite surveillé. En revanche, l'élargissement du droit de visite pouvait attendre l'issue de l'appel.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

f. Elles ont été informées par plis du greffe du 29 juillet 2022 que la cause était gardée à juger.

D. Les éléments pertinents suivant résultent en outre de la procédure :

a. B______ n'a pas revu ses enfants depuis le 22 janvier 2022, A______ ne les ayant pas présentés lors des rendez-vous programmés au Point Rencontre.

b. Dans un document daté du 13 avril 2022, la psychothérapeute des enfants a relaté que E______ lui avait dit qu'il avait peur de son père, qu'il n'avait plus de papa, que celui-ci lui avait hurlé dessus et mis une chaussure dans la figure. F______ avait raconté que son papa avait tout cassé. Son père lui manquait, mais elle ne tenait pas à le voir. Il était prévu que les enfants se rendent chez leur psychothérapeute une fois par semaine.

c. Au mois de mai 2022, l'enseignante de E______ a rapporté l'avoir entendu dire à un de ses camarades qu'il n'avait pas du tout envie de parler ni de revoir son père et qu'il avait peur d'être seul avec lui. Elle avait constaté que E______ semblait bien plus calme et serein en classe et avec ses camarades depuis quelques mois. Les bagarres et les violences étaient oubliées. Selon elle, E______ avait encore besoin de calme et de repos pour que ses souvenirs "se calment".

d. En mai 2022, le conseil de A______ a informé celui de B______ que la psychologue des enfants avait déconseillé pour l'instant un contact direct par téléphone entre les enfants et leur père, préconisant l'envoi d'une lettre par le père dans l'optique d'une reprise progressive des relations.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions provisionnelles dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et 2 CPC).

La présente cause est de nature non pécuniaire, dès lors qu'elle porte notamment sur la réglementation des droits parentaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_765/2012 du 19 février 2013 consid. 1.1), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'acte d'appel doit revêtir la forme écrite et être motivé (art. 311 al. 1 CPC).

La motivation de l'appelant doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. La motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office. Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité cantonale n'entre pas en matière (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2015 du 11 janvier 2016 consid. 3).

En l'espèce, l'appelante a conclu à l'annulation de l'ensemble de l'ordonnance. Elle ne critique toutefois pas le raisonnement du Tribunal ayant abouti au prononcé des chiffres 1 à 3, 5 et 6 du dispositif de la décision, de sorte que ses conclusions sur ces points sont irrecevables.

Formé par écrit dans le délai utile de dix jours, l'appel est au surplus recevable (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 314 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La procédure sommaire étant applicable (art. 271 let. a CPC), la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

1.4 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et art. 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC). L'obligation du juge d'établir les faits d'office ne dispense cependant pas les parties de collaborer activement à la procédure. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2).

2. Les parties ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 Les allégations et les pièces nouvelles des parties, qui concernent la situation des enfants mineurs, sont ainsi recevables.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir accordé un droit de visite à l'intimé sans que les "services de l'enfance" n'aient préalablement rendu leur avis. Elle fait notamment valoir que "la grande insécurité et la difficulté de séparation de E______ d'avec sa mère" commandent la suspension du droit de visite. L'enfant ne voulait pas voir son père et la thérapeute de celui-ci déconseillait la reprise des rapports père-fils en l'état.

3.1 L'art. 273 al. 1 CC prévoit que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances.

Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci. Le droit aux relations personnelles vise à sauvegarder le lien existant entre parents et enfants (ATF
131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 130 III 585 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités).

Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, le droit d'entretenir ces relations peut néanmoins être retiré ou refusé en tant qu'ultima ratio (art. 274 al. 2 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités).

Il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (ATF
142 III 617 consid. 3.2.3, 141 III 328 consid. 5.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités).

La volonté de l'enfant constitue l'un des éléments à prendre en considération pour la fixation du droit de visite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités), même si la réglementation de celui-ci ne saurait dépendre uniquement de ce seul critère, en particulier lorsque le comportement défensif de celui-ci est principalement influencé par le parent gardien (ATF 127 III 295 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités). L'âge de l'enfant, sa capacité à se forger une volonté autonome, ce qui est en règle générale le cas aux alentours de 12 ans révolus, ainsi que la constance de son avis, sont des éléments centraux pour apprécier le poids qu'il convient de donner à son avis (arrêts du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité et les arrêts cités; 5A_111/2019 précité ibid.; 5A_875/2017 du 6 novembre 2018 consid. 3.3 publié in : FamPra.ch 2019 p. 243; 5A_459/2015 du 13 août 2015 consid. 6.2.2). Le bien de l'enfant ne se détermine toutefois pas seulement en fonction de son point de vue subjectif selon son bien-être momentané, mais également de manière objective en considérant son évolution future (arrêts du Tribunal fédéral 5A_699/2021 précité; 5A_111/2019 du 9 juillet 2019 consid. 2.3 et les références citées).

L'établissement d'un droit de visite surveillé nécessite, comme le retrait ou le refus du droit aux relations personnelles selon l'art. 274 CC, des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant. Il ne suffit pas que celui-ci risque abstraitement de subir une mauvaise influence pour qu'un droit de visite surveillé soit instauré; il convient dès lors de faire preuve d'une certaine retenue lors du choix de cette mesure. Il en va de même en cas de retrait du droit aux vacances (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2021 du 13 mai 2022 consid. 4.1.1 et les arrêts cités). Le droit de visite surveillé tend à mettre efficacement l'enfant hors de danger, à désamorcer des situations de crise, à réduire les craintes et à contribuer à l'amélioration des relations avec l'enfant et entre les parents. Il constitue en principe une solution provisoire et ne peut donc être ordonné que pour une durée limitée. Il convient toutefois de réserver les cas où il apparaît d'emblée que les visites ne pourront pas, dans un proche avenir, être effectuées sans accompagnement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2021 précité et les arrêts cités).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation du droit de visite (ATF 127 III 295 consid. 4; 122 III 404 in JdT 1998 I 46 consid. 3d).

3.2 En l'espèce, le droit de visite fixé par le Tribunal, à savoir une visite d'une heure trente par semaine dans un point rencontre permet à la fois d'assurer la sécurité physique et psychique des enfants et le maintien des contacts entre l'intimé et ceux-ci.

L'établissement par le SPMi d'un rapport d'évaluation prendra plusieurs mois et une interruption complète des visites entre l'intimé et ses enfants durant une si longue durée aurait vraisemblablement des conséquences néfastes sur les relations entre ceux-ci, ce qui est susceptible d'entraver le bon développement psychologique des enfants.

Le fait que les enfants aient indiqué à leur psychothérapeute qu'ils ne voulaient pas voir leur père n'est pas décisif. En effet, compte tenu de leur jeune âge, à savoir six et quatre ans, les enfants ne sont pas en mesure de se forger un avis éclairé et exempt de l'influence de l'appelante, laquelle s'oppose à la reprise des relations personnelles.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, la psychologue des enfants n'a pas attesté qu'il serait contraire à l'intérêt de ceux-ci de revoir leur père. En tout état de cause, le seul avis de cette thérapeute ne saurait être déterminant, puisque celle-ci n'a rencontré que les enfants et l'appelante, sans recueillir l'avis de l'intimé.

Les visites dans un Point Rencontre permettront aux enfants de revoir leur père dans un environnement sécurisé et apaisé et ainsi de se rendre compte que les contacts avec celui-ci peuvent se passer différemment de ceux entretenus du temps de la vie commune.

A cela s'ajoute qu'une évaluation du déroulement des visites pourra être faite par les intervenants du Point Rencontre ou la curatrice; celle-ci aura la possibilité, si les visites ne devaient pas se dérouler de manière appropriée, d'en appeler au juge pour que celles-ci soient suspendues.

De plus, les enfants bénéficient du soutien d'une psychothérapeute, à même de les aider à exprimer leur ressenti en lien avec les visites de leur père et à préparer celles-ci.

L'ordonnance querellée sera dès lors confirmée dans la mesure où elle prévoit un droit de visite entre l'intimé et ses enfants au Point Rencontre à raison d'une visite par semaine d'une heure trente en mode "Accueils".

Compte tenu des tensions importantes entre les parents et de la procédure pénale dont l'intimé fait l'objet, et dans laquelle il est accusé d'avoir commis des infractions non seulement à l'égard de l'appelante, mais aussi envers son fils, il est par contre prématuré de prévoir d'ores et déjà un élargissement du droit de visite en dehors du Point Rencontre.

En l'absence d'un rapport des services de protection de l'enfance permettant d'évaluer les capacités parentales de l'intimé, le risque qu'un droit de visite s'exerçant en dehors du Point Rencontre porte atteinte au bien-être des enfants ne peut être écarté.

Il convient ainsi d'avoir davantage d'éléments de preuve permettant d'apprécier les aptitudes de l'intimé à prendre en charge les enfants avant de déterminer les modalités d'une éventuel élargissement de son droit de visite.

L'ordonnance querellée sera dès lors annulée dans la mesure où elle étend le droit de visite de l'intimé en dehors du Point Rencontre dès la 5ème visite. Le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera modifié conformément à ce qui précède.

4. 4.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, la modification partielle de la décision entreprise ne commande pas de revoir la décision du Tribunal sur les frais de première instance, lesquels ont été réservés avec la décision sur le fond, qui ne fait l'objet d'aucun grief et est conforme aux normes applicables (art. 104 al. 3 CPC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 1'200 fr. (art. 31 et 37 RTFMC).

Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, compte tenu de l'issue et de la nature du litige, soit 600 fr. à charge de chacune (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, art. 104 al. 1, art. 105 al. 1, 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de 1'000 fr. versée par l'appelante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera donc condamné à verser 400 fr. à l'appelante au titre des frais judiciaire d'appel (art. 111 al. 2 CPC) et la somme de 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire au titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 95 al. 1 let. b et al. 3 et 107 al. 1 let c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 mai 2022 par A______ contre le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/196/2022 rendue le 1er avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1052/2022.

Déclare l'appel irrecevable pour le surplus.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de cette ordonnance et, statuant à nouveau sur ce point :

Réserve à B______ un droit de visite sur les enfants E______ et F______ devant s'exercer au Point Rencontre à raison d'une visite par semaine d'une heure et demie en mode «Accueils».

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance fournie par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de chacune des parties pour moitié.

Condamne B______ à verser 400 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ à verser 200 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires de la procédure d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites des art. 93 et 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.