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Décisions | Chambre civile

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C/8688/2020

ACJC/420/2022 du 22.03.2022 sur JTPI/3719/2021 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8688/2020 ACJC/420/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 MARS 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 mars 2021, comparant en personne,

et

B______, sise ______, intimée, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3719/2021 du 17 mars 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ à payer à B______ (ci-après : B______ ou la banque) la somme de 2'323 fr. 40 avec intérêts à 11.5% l'an, courant dès le 1er septembre 2011 (chiffre 1 du dispositif du jugement), prononcé à concurrence dudit montant la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), condamné A______ à rembourser 600 fr. à B______ à titre de frais judiciaires, après avoir arrêté ceux-ci audit montant, les avoir compensés avec l'avance fournie par B______ et les avoir mis à la charge de A______ (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 20 avril 2021 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a recouru contre ce jugement, qu'elle avait reçu le 29 mars 2021, concluant à ce que "sa dette envers B______ soit annulée".

b. Dans sa réponse du 25 juin 2021, B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

c. A______ a répliqué le 22 juillet 2021, concluant au "rejet de la réponse au recours".

Elle a produit deux pièces nouvelles, soit des fiches de salaire des mois d'octobre 2020 et juin 2021 afin d'établir sa situation financière précaire.

d. Par écriture du 30 juillet 2021, B______ a renoncé à dupliquer.

e. Le greffe de la Cour a informé les parties par courrier du 16 août 2021 que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 22 mars 2000, A______, née le ______ 1962, a ouvert un compte "salaire" n° 2______ auprès de B______.

A cette occasion, elle a signé les conditions générales de la banque, lesquelles comportent notamment les dispositions suivantes : art. 3 – Communications de la banque : "Les communications de la banque sont réputées faites lorsqu'elles ont été envoyées à la dernière adresse indiquée par le client"; art. 13 – Adaptation des conditions : "La banque se réserve le droit de modifier en tout temps, avec effet immédiat, ses taux d’intérêts et de commissions, notamment si la situation change sur le marché de l’argent. Elle en informera le client par voie de circulaire, par affiches placées dans le hall des guichets, ou par tout autre moyen approprié".

b. Le 5 avril 2001, A______ a sollicité et obtenu une limite de crédit de 2'000 fr., à verser sur le compte précité. La demande prévoyait que les intérêts débiteurs, fixé au taux de 9% l’an au moment de la signature, étaient payables à la fin de chaque trimestre, au plus tard le 31 décembre de chaque année.

La demande de crédit renvoyait aux conditions figurant à son verso, remises au client qui déclarait les accepter sans restriction, pour toute modification éventuelle du taux ou pour la facturation éventuelle de frais.

La demande de crédit indiquait également que l’emprunteur reconnaissait avoir pris connaissance des conditions du contrat de crédit mentionnées au verso ainsi que des conditions générales de la banque qui lui avaient été remises et déclarait les accepter sans restriction.

Les conditions de crédit prévoyaient notamment que, si la banque n’avait pas fixé d’amortissement mensuel, l’emprunteur pouvait utiliser à son gré la limite de crédit jusqu’à son échéance (art. 2). A teneur de l’art. 4, en cas de non observation des conditions du contrat, en particulier en cas de dépassement de la limite autorisée, le remboursement du crédit et des intérêts devenait immédiatement exigible.

c. Au 31 décembre 2010, le compte n° 2______ présentait un solde débiteur de 2'210 fr. 30, dépassant de 210 fr. 30 la limite de crédit octroyée.

d. La banque a édité le 1er janvier 2011 une plaquette portant sur les "Taux en vigueur au 01.01.2011". Elle portait essentiellement sur les intérêts rémunératoires versés par la banque sur les différents types de comptes qu'elle proposait. Dans de petites notes en bas de page, des taux débiteurs ou en cas de dépassement étaient également mentionnés, lesquels s'élevaient, pour les comptes privés en francs suisses, à 8 % en cas de position débitrice et à 11.5% en cas de découvert ou de dépassement.

e. Le 5 janvier 2011, B______ a adressé, par pli simple, un courrier invitant A______ à régulariser la situation dans un délai échéant le 20 janvier 2011 ou à prendre contact avec la banque pour discuter d’éventuelles modalités de paiement, au sujet du dépassement de crédit de 210 fr. 30.

f. Un rappel puis un rappel/sommation ont été adressés à A______ les 25 mars et 11 avril 2011, par courriers simples.

g. Par courrier simple du 6 mai 2011, la banque a dénoncé au remboursement le crédit de 2'000 fr. octroyé à A______. Cette dernière a été invitée à payer 2'387 fr. 15 à la banque, soit : 2'323 fr. 40 de capital, 34 fr. 15 d’intérêts débiteurs au taux de 11.5% courant du 1er avril au 15 mai 2011 et 29 fr. 60 de frais de gestion.

h. Par courrier simple du 5 mars 2019, la banque a invité A______ à régulariser le découvert en compte, qui s'élevait à 4'351 fr. 10 à cette date, se décomposant en 2'323 fr. 40 de capital et 2'027 fr. 67 d'intérêts à 11.5% depuis le 1er septembre 2011.

i. Le 18 mars 2019, A______ a répondu à la banque qu'elle n'avait jamais reçu de courrier de sa part au sujet de la somme réclamée. Elle demandait des explications au sujet du total de 4'351 fr. 10 exigé.

j. Le 10 mai 2019, sur réquisition de B______, un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié à A______, pour le montant de 4'351 fr. 10 avec intérêts à 11.5% dès le 4 avril 2019.

A______ a formé opposition le jour même.

k. Le 24 juin 2019, la banque a introduit une demande en paiement auprès du Tribunal, selon la procédure en cas clair, à l’encontre de A______, déclarée irrecevable par jugement JTPI/15109/2019 du 29 octobre 2019 dans la cause C/3______/2019, la situation n’étant claire, ni en fait, ni en droit.

l. B______ a déposé le 5 mai 2020 une requête de conciliation au Tribunal. Elle a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui payer 4'641 fr. 30 avec intérêts à 11.5% dès le 6 mai 2020, avec suite de frais et dépens, ainsi que des frais de gestion de 29 fr. 60, et à ce que soit prononcée la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

m. Une proposition de jugement n° PJTPI/22/2020 a été rendue par le Tribunal le 7 juillet 2020, par laquelle A______ a été condamnée à payer à B______ 2'323 fr. 40 plus intérêts à 9% l’an dès le 2 septembre 2011 et la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer a été prononcée à hauteur de ce montant. Le juge conciliateur a considéré que le contrat de crédit prévoyait un taux d’intérêts de 9%, et que la banque ne démontrait pas avoir communiqué à A______ le taux d’intérêts de 11.5%.

n. Le 3 septembre 2020, A______ a formé opposition à la proposition de jugement, de sorte qu’une autorisation de procéder a été délivrée.

o. B______ a déposé auprès du Tribunal, le 29 octobre 2020, la demande en paiement de 4'641 fr. 30 plus intérêts à 11.5% dès le 6 mai 2020, ainsi que des frais de gestion de 29 fr. 60, avec suite de frais judiciaires et dépens, contre A______ et en prononcé de la mainlevée définitive au commandement de payer, poursuite n° 1______.

p. Dans sa réponse du 8 janvier 2021, A______ n'a pas pris de conclusions formelles. Elle a exposé qu’elle était dans une situation financière précaire, ayant perdu son emploi de secrétaire juridique, travaillant dans un hôtel comme femme de chambre, et élevant seule son fils, qui était étudiant. Elle a également allégué ne pas avoir reçu de la banque les courriers de rappel et de dénonciation en 2011, ni d’information au sujet des taux d’intérêts au 1er janvier 2011, et fait valoir que la banque n’avait pas donné suite à sa demande d’explication du 18 mars 2019.

q. Lors de l'audience du Tribunal du 11 mars 2021, B______ a persisté dans sa demande en paiement, sous réserve des frais de gestion en 29 fr. 60 auxquels elle a renoncé. La banque a souligné que le dépassement de la limite de crédit avait rendu l’intégralité du crédit exigible dès le 1er janvier 2011 et fait valoir que le taux d’intérêts était de 11.5% dès lors qu’il y avait un découvert en compte. Ce taux fixe de 11.5% avait cours depuis de nombreuses années.

A______ a implicitement conclu au rejet de la demande. Elle a maintenu qu'elle n'avait pas reçu les courriers de la banque en 2011 et qu’elle pensait ne plus rien devoir à cette dernière vu le temps écoulé.

D. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que les parties étaient liées par une relation de compte "salaire", laquelle relevait du contrat de mandat. Les conditions générales de la banque et les conditions pour l'octroi d'une limite de crédit avaient été valablement incorporées au contrat. A teneur de l'art. 13 des conditions générales, la banque pouvait modifier en tout temps ses taux d'intérêts, l'information au client pouvant se faire par voie de circulaire, d'affichage dans le hall des guichets ou tout autre moyen approprié. Les conditions de l'octroi d'une limite de crédit mentionnaient un taux d'intérêt ordinaire de 9% et la plaquette éditée le 1er janvier 2011 prévoyait un taux d'intérêt de 11.5% en cas de découvert ou de dépassement de la limite. La communication de ce taux par voie de plaquette figurant dans le hall des guichets de la banque était valable. L'absence de manifestation de la banque entre 2011 et 2019 n'avait aucune incidence sur la créance en remboursement du capital et en versement d'intérêts, notamment par le biais de la prescription qui n'était pas acquise. La demande était ainsi fondée, tant sur le principe du remboursement du solde en compte arrêté au 2 septembre 2011 dans le décompte adressé par la banque à sa cliente le 5 mars 2019 (pièce 9 dem.), soit 2'323 fr. 40, que sur la perception d'un intérêt de 11.5 % l'an dès le 1er septembre 2011. En revanche, le montant réclamé impliquait que des intérêts avaient été capitalisés et portaient eux-mêmes intérêts, ce qui était inadmissible au regard de l'art. 105 al. 3 CO. La demande était donc admise à hauteur de 2'323 fr. 40 plus intérêt à 11.5% dès le 1er septembre 2011, la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer étant prononcée dans la même mesure.


 

EN DROIT

1. 1.1. Selon l'art. 308 al. 2 CPC, l'appel est recevable dans les affaires patrimoniales, si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins au dernier état des conclusions. Si tel n'est pas le cas, seul le recours est recevable (art. 319 let. a CPC). Ainsi, seule la voie du recours est ouverte en l'espèce.

Introduit dans le délai prévu par la loi (art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable de ce point de vue.

1.2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. La recourante a déposé à l'appui de sa réplique deux pièces nouvelles.

Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans une procédure de recours. En tout état, ces pièces ne visant que la situation financière précaire de la recourante, elles sont sans portée sur l'issue du litige (cf. infra 4).

3. Les parties sont liées par une relation de compte "salaire", laquelle relève du contrat de compte-courant – assorti en l'occurrence d'une limite de crédit –, soit un contrat innommé, du contrat de giro bancaire, soit un contrat qui relève du mandat, et du contrat de dépôt bancaire, soit un contrat innommé qui relève du mandat et du contrat de dépôt (Guggenheim, Contrats de la pratique bancaire, 2014, n° 522 et ss, notamment 573 ss, , n° 1730 et ss, notamment 1733, 1738, 1740, 1741 ss, et n° 1768 et ss, notamment 1768, 1788 ss).

Les parties ne remettent pas en cause, dans le cadre du recours, le raisonnement du premier juge portant sur la dénonciation de la relation, le calcul, le taux et le dies a quo des intérêts générés par le dépassement de la limite de crédit ainsi que l'interdiction de l'anatocisme (art. 105 al. 3 CO). Il n'y sera donc pas revenu.

La recourante reproche essentiellement au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ce qu'elle contestait avoir reçu les communications de la banque en 2011 et de ce qu'elle affirmait n'avoir plus eu de nouvelles de l'intimée jusqu'en 2019, si bien qu'elle pensait qu'elle ne lui devait rien.

3.1 La recourante reprend, à propos de l'extinction de son obligation par l'écoulement du temps, des arguments déjà exposés en première instance et ne mentionne pas en quoi le premier juge aurait erré dans sa décision. Le recours est donc irrecevable à cet égard faute de motivation (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2, 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1; 5A_82/2013 du 18 mars 2013 consid. 3.2).

3.2 Comme le soutient la recourante, le Tribunal n'a pas examiné l'argument selon lequel elle n'avait pas reçu les communications de la banque en 2011.

3.2.1 Une clause telle que l'art. 3 des conditions générales de l'intimée – "Communication de la banque" – crée une fiction en faveur de la banque selon laquelle une communication de celle-ci a véritablement atteint le client. La banque doit par conséquent simplement démontrer qu'elle a envoyé la communication. Le risque d'une communication qui n'atteint pas le client est transféré sur ce dernier (Guggenheim, op. cit., n° 356).

3.2.2 En l'espèce, en raison de la fiction de validité des communications de la banque, la recourante est présumée avoir reçu les courriers de celle-ci en 2011. Elle n'expose pas de circonstances dont pourrait résulter une absence de réception, étant précisé qu'elle ne s'est pas plainte de ne pas avoir reçu les décomptes réguliers de l'intimée jusqu'en décembre 2010.

En tout état, la question peut rester ouverte. En application de l'art. 4 des conditions de crédit, la dénonciation de la relation et l'exigibilité de son remboursement découlent de la seule existence d'un dépassement de la limite de crédit. Aucun avis de mise en conformité, rappel ou dénonciation de la ligne de crédit n'était nécessaire pour entraîner l'exigibilité de la dette et le cours des intérêts à 11.5% en cas de découvert. Il en découle que le premier juge n'avait pas à examiner cet aspect du litige, sans pertinence pour son issue.

Le grief de la recourante sera par conséquent écarté.

4. La recourante reproche également au premier juge de ne pas avoir tenu compte de sa situation financière obérée et de son incapacité à assumer sa dette. Un tel argument n'est toutefois pas pertinent au stade d'une procédure ayant pour objet l'existence et l'exigibilité de la créance alléguée et non son exécution forcée.

5. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 500 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe, et compensés avec l'avance de même montant qu'elle a fournie (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1, 106 al. 1, 111 al. 1 CPC; art. 17 et 38 RTFMC).

Il ne sera alloué aucuns dépens de recours, les parties plaidant en personne (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 96, 104 al. 2 CPC; art. 84 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 20 avril 2021 par A______ contre le jugement JTPI/3719/2021 rendu le 17 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8688/2020.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant versée par la recourante, laquelle est acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.