Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/9480/2019

ACJC/259/2022 du 22.02.2022 sur JTPI/10393/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.24.al1.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9480/2019 ACJC/259/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 FEVRIER 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 août 2021, comparant par Me Raphaël QUINODOZ, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Cédric LENOIR, avocat, Lenoir Delgado & Associés SA, route de Malagnou 26, 1208 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 17 août 2021, le Tribunal de première instance a débouté A______ des fins de ses conclusions (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 5'400 fr. (ch. 2), lui a ordonné de verser 100 fr. à B______ SA à ce titre (ch. 3) et l'a condamné à 10'900 fr. à B______ SA à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 17 septembre 2021, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et, cela fait, à ce que B______ SA soit condamnée, avec suite de frais, à lui restituer la somme de 100'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 21 mars 2019.

b. B______ SA a conclu au rejet de l'appel, avec suite de frais.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été informées par avis de la Cour du 7 décembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents résultent de la procédure :

a. A______ est un professionnel de l’immobilier actif à Genève, directeur de la société C______ SA.

b. B______ SA est une société de droit suisse dont le but social est de réaliser des opérations immobilières.

D______ était administrateur de B______ SA entre le 29 novembre 2010 et le 28 mars 2018, puis à compter de cette date, E______ est devenu administrateur.

c. B______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la Commune F______ située en zone 5, sur laquelle sont érigés une habitation pour logement de 172 m2, sis route G______ et un garage privé de 35 m2.

d. Le 21 janvier 2016, A______ et B______ SA ont passé devant notaire une convention intitulée "promesse de vente et d’achat et constitution de droit d’emption" avec une première échéance au 31 juillet 2017 portant sur une partie de la parcelle n° 1______ pour un prix fixé d’entente entre les parties à 1'250 fr./m2, soit un montant total de 1'250'000 fr.

Un acompte de 100'000 fr. a été versé à la signature.

Cette promesse de vente 2016 stipulait que A______ avait manifesté la volonté d’acquérir une surface de terrain de 1000 m2 environ à détacher de la parcelle 1______ [à] F______, de mettre en valeur cette surface de terrain et d’y faire édifier quatre villas d’habitation contigües, le tout, pour le compte de tiers qui se porteraient directement et respectivement acquéreurs des villas qui seraient issues de cette promotion envisagée.

B______ SA déclarait que son intention consistait uniquement à vendre la surface du terrain et que toute responsabilité et conséquence financière éventuelle liée à la promotion envisagée incomberait exclusivement à A______.

La promesse d’achat de A______ était subordonnée à plusieurs conditions suspensives dont notamment (article 12 de la rubrique "Clauses et conditions"):

a) L’obtention, avant le 31 juillet 2017, du dossier de mutation définitif permettant la réalisation de la division parcellaire n° 1______ [à] F______ telle que prévue sur le plan de situation annexé.

b) L’obtention, avant le 31 juillet 2017, des plans de géomètre nécessaires permettant de constituer toutes les servitudes nécessaires et/ou simplement utiles à la bonne viabilité de la future parcelle à vendre, notamment une servitude de passage.

Il incombait entre autres à A______ d’entreprendre les démarches pour obtenir le dossier de mutation définitif.

c) L’obtention, avant le 31 juillet 2017, des autorisations de construire définitives et exécutoires délivrées par le Département de l’Aménagement, du Logement et de l’Énergie (DALE) permettant la construction des 4 villas envisagées.

A______ s’engageait également dans les 60 jours après signature à déposer un dossier de requête en autorisation de construire.

Les parties s’engageaient également à prolonger, pour une nouvelle durée de six mois au maximum, la promesse de vente par la signature d’un nouvel acte authentique devant intervenir avant le 31 juillet 2017, dans l’hypothèse où les autorisations de construire ne seraient pas encore entrées en force.

De plus, la rubrique "Libération – Prolongation" disposait que si l’autorisation de construire n’était pas entrée en force dans le nouveau délai ainsi prolongé, celle-ci deviendrait caduque et les parties seraient alors déliées l’une envers l’autre de toute obligation quelconque de part et d’autre, se donnant mutuellement quittance pour solde de tout compte, étant précisé que B______ SA pourrait conserver l’acompte de 100'000 fr. versé par A______, à l’exclusion de toute autre indemnité ou pénalité quelconques.

e. Le 10 août 2016, A______ a déposé, par l’intermédiaire de C______ SA, une demande d’autorisation de construire sur la parcelle n° 1______ portant sur la construction de quatre villas (DD 2______).

f. La majorité des services consultés ont émis in fine des préavis favorables, certains sous réserves.

g. Le Service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : le SABRA) a cependant donné un préavis défavorable.

Dans son préavis du 5 avril 2017, il a constaté que la parcelle en question était fortement exposée au bruit de l’aéroport et que les valeurs limites d’immiscions étaient dépassées de 3dB(A) la journée et 4-5-dB(A) pendant les premières heures de la nuit, en dérogation aux dispositions applicables en matière de construction destinées au séjour prolongé de personne et de protection contre le bruit.

Seul un assentiment de l’autorité compétente, au sens de l’art. 31 al. 2 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB), pouvait permettre l’acceptation de l’autorisation de construire. Si tel était le cas, les mesures prévues devraient être mises en place afin d’assurer un confort acoustique acceptable au sens de la LPE.

h. Le 12 juillet 2017, les parties ont conclu une "modification de promesse de vente et prorogation de droit d’emption" afin de prolonger la durée des droits d’emption et promesse de vente concédés à A______.

Cette modification reprenait les clauses et conditions de la promesse d’achat et de vente et prolongeait l’échéance de la promesse au 31 janvier 2018.

Les parties ont ajouté une lettre d) à l’article 12 de la rubrique "Clauses et conditions" dont la teneur était la suivante :

"L’engagement des parties est également subordonné au dégrèvement total, au Registre foncier, dans le délai de la présente promesse de vente d’achat et du droit d’emption constitué ci-après, mais au plus tard pour le jour de la signature de l’acte de vente définitif de la partie de l’immeuble promise en vente de l’annotation de saisie [ ]".

Les parties ont convenu également de modifier la rubrique "Libération–prolongation" en y modifiant la dénomination de la lettre b) qui devenait la lettre c) et en y ajoutant une nouvelle lettre b) disposant que :

"Si le dégrèvement de l’immeuble promis en vente des effets de la susdite annotation de saisie n’était pas obtenu dans le délai de la présente promesse, la présente promesse deviendra caduque et les parties sont alors déliées l’une envers l’autre de toute obligation, se donnant mutuellement quittance pour solde de toute compte, étant toutefois précisé que, dans cette hypothèse, le prometteur-vendeur s’engage d’ores et déjà à restituer immédiatement au prometteur-acquéreur, qui accepte, le susdit acompte de 100'000 fr. qui lui aura été versé par le prometteur -acquéreur, comme dit ci-dessus, le tout sans intérêts et à l’exclusion de toute autre indemnité ni pénalité quelconques".

Les parties ont abrogé "purement et simplement" le contenu de la rubrique "Non-résolution-pénalité" et l'ont remplacées notamment par la clause suivante :

"Si, les quatre conditions suspensives précitées étant réalisées, le promettant-acquéreur refusait de signer l’acte de vente-achat définitif dans le délai fixé, le promettant-vendeur pourra soit contraindre le promettant-acquéreur à s’exécuter, soit lui réclamer une indemnité forfaitaire fixée d’un commun accord entre les parties à la somme de 100'000 fr. à l’exclusion de toute autre indemnité ou pénalité quelconques.

Dans cette hypothèse, le promettant-vendeur pourra conserver l’acompte de 100'000 fr. reçu pour solde de tout compte".

De même, si le promettant-vendeur refusait de signer l’acte définitif alors que les quatre conditions suspensives étaient réunies, le promettant-acquéreur pourrait le contraindre à s’exécuter, respectivement exercer le droit d’emption, ou lui réclamer une indemnité forfaitaire de 100'000 fr. et, en outre le remboursement de l’acompte de 100'000 fr., le tout sans intérêts et à l’exclusion de toute autre indemnité ou pénalité.

i. Le 17 août 2017, Me Julien PACOT, avocat de C______ SA, a adressé à l’Office des autorisations de construire (ci-après : "l’Office") un courrier faisant état d’une inégalité de traitement vis-à-vis de plusieurs autorisations de construire délivrées en application de l'art. 31 al. 2 OPB entre 2014 et 2016 dans le même secteur alors que le préavis du SABRA était défavorable, ce, après le changement de pratique de l'Office au sujet de l'application de l'OPB dans le secteur. Il enjoignait ainsi l’Office à octroyer à A______ une dérogation fondée sur la disposition précitée et, partant, l’autorisation de construire.

j. Par réponse du 30 août 2017, l’Office, en se fondant sur la fiche A20 du Plan directeur cantonal 2030 (PDCn), a indiqué à Me Julien PACOT qu’aucune dérogation au sens de l’art 31 al. 2 OPB n’était envisageable.

L’Office a ajouté que la construction de quatre nouvelles villas exposerait un plus grand nombre de personnes aux nuisances sonores du site, situation que souhaitait précisément éviter la politique cantonale en matière de protection du public contre le bruit.

Partant, l’Office refusait de délivrer une dérogation telle que demandée et rappelait que A______ demeurait libre de présenter un projet modifié conforme aux dispositions de l’OPB.

k. Le 19 octobre 2017, l’Office a rendu une décision de refus d’autorisation de construire, qui est entrée en force.

l. A l’échéance de la promesse de vente, soit au 31 janvier 2018, aucune autorisation de construire n’était délivrée.

m. Dans ces circonstances, A______ a envisagé de déposer une demande de dérogation en zone à bâtir au sens de l’art. 26 LaLAT, afin de prévoir une affectation commerciale de la portion de parcelle faisant l’objet de la promesse.

n. Les parties ont conclu le 18 juin 2018, soit presque six mois après l’échéance de la dernière promesse, une nouvelle promesse d’achat et de vente avec droit d’emption par devant notaire.

Dans cette nouvelle promesse, le prix initialement convenu pour l’achat d’une partie de la parcelle n° 1______ était réduit à 950'000 fr. et la durée de ladite promesse s’étendait jusqu’au 18 juin 2020, avec possibilité de prolonger deux fois de six mois l’échéance, soit au plus tard jusqu’au 18 juin 2021.

Cette promesse rappelait entre autres que l’immeuble figurait sur la carte de secteurs exposés au bruit (carte OPB) pour le bruit des avions et que la signature de l’acte de vente définitive était conditionnée à la délivrance et à l’entrée en force d’une autorisation de construire permettant la construction sur la parcelle promise-vendue d’un immeuble, conforme à la LCI et respectant les exigences du Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (DALE).

Elle prévoyait également la nullité de plein droit dans l’hypothèse où les conditions suspensives prévues, soit notamment la délivrance et l'entrée en force d'une autorisation de construire un immeuble sur la parcelle promise-vendue, n’étaient pas toutes réalisées jusqu’au 18 juin 2020. Dans cette éventualité, l’acompte de 100'000 fr. demeurerait acquis définitivement à B______ SA à titre d’indemnité d’immobilisation du sol.

o. Le 30 janvier 2019, H______, ancien fonctionnaire à l’Office des autorisations de construire mandaté par A______, a contacté par courriel I______, responsable de l'Office des autorisations de construire, afin de lui exposer la situation des parties et examiner si une dérogation aux dispositions de l’OPB serait envisageable.

p. Après plusieurs échanges avec la précitée et J______, directeur des autorisations, il est ressorti qu’une telle dérogation ne pourrait être obtenue, vu les instructions données à l’Office des autorisations de construire consistant à ne pas s’écarter des préavis défavorables du SABRA pour tous les logements en zone d’exposition au bruit.

q. Le 31 janvier 2019, H______ a informé A______ du résultat de ses démarches.

r. A______ s’est dès lors adressé à K______, carreleur de profession, pensant qu’il était employé par B______ SA, afin de lui expliquer qu’il se retrouvait dans un cas d’erreur essentielle justifiant l’invalidation de la promesse de vente de 2016, vu l’impossibilité d'exploiter le bien immobilier en question et qu'il sollicitait par conséquent la restitution de l’acompte de 100'000 fr.

s. Le 20 mars 2019, A______ a déclaré à B______ SA, par courrier recommandé, sa volonté d’invalider formellement la promesse de vente de 2016.

t. Le 3 avril 2019, B______ SA a rappelé que les parties avaient signé deux promesses et que la baisse de prix dans la promesse de vente de 2018 se justifiait par les difficultés éprouvées pour mener à bien ce projet.

Elle a également souligné être consciente que A______ avait investi beaucoup d’argent, tout en relevant que c’était également le cas pour elle.

u. Par réponse du 11 avril 2019, A______ a précisé qu'il invalidait pour cause d’erreur essentielle (art. 24 al. 1 ch. 4 CO) les promesses de vente de 2016, 2017 et 2018. Il a pris note que B______ SA ne souhaitait pas restituer l’acompte de 100'000 fr., de sorte qu'il allait initier une procédure judiciaire à son encontre.

D. a. Le 29 avril 2019, A______ a déposé auprès du Tribunal une requête de conciliation puis, le 21 novembre 2019, à la suite de l'échec de la tentative de conciliation, une demande en paiement. Il a conclu, principalement, à ce que B______ SA soit condamnée à lui restituer la somme de 100'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 21 mars 2019, avec suite de frais. Il a notamment invoqué l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO et a soutenu que toute construction, quelles qu'en soient les configurations, était exclue au vu de la nature du terrain et de la législation applicable.

b. Dans sa réponse du 24 février 2020, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

c. Lors de l'audience du 15 juin 2021, le Tribunal a procédé à l'auditions des témoins, H______ et K______.

c.a Selon H______, le mandat que A______ lui avait confié en 2018 pour l’assister dans le cadre du projet de construction à la route 3______ à L______, consistait à examiner la possibilité d’obtenir une dérogation permettant de construire un bâtiment à usage commercial sur la parcelle 3______ affectée en zone villa.

Il avait eu deux entretiens avec I______ et J______ dont il ressortait qu'un préavis favorable du SABRA était indispensable pour mener à bien tout projet. La construction d’un entrepôt serait possible, mais il était nécessaire qu’il soit lié à un local d’habitation, pour lequel un préavis favorable du SABRA était requis. Or, celui-ci avait déjà préavisé défavorablement dans le cadre du précédent projet et le Département avait pour politique de ne pas s'écarter du préavis du SABRA.

Aussi, il estimait que rien ne pouvait être fait sur cette parcelle, hormis transformer l’habitation déjà existante moyennant préavis favorable du SABRA.

Selon H______, A______ était à tout le moins au courant de la problématique concernant le bruit dans la zone aéroportuaire depuis le 19 octobre 2017, soit la date du refus d’autorisation, le témoin relevant que ces informations sont publiques.

c.b K______ a précisé d’emblée qu’il n’avait jamais été employé par B______ SA. Il avait prêté de l’argent à cette dernière qui lui donnait des chantiers en contrepartie. B______ SA lui devait de l’argent.

Il a expliqué avoir fait la connaissance de A______ en 2015, lorsqu’il travaillait sur la rénovation d’une maison située route 3______. Il était au courant que A______ avait signé une promesse d’achat-vente portant sur une partie de la parcelle en question pour y réaliser un projet. La promesse de vente avait fait l’objet de plusieurs prolongations et modifications, notamment sur la question du prix. A______ lui avait expliqué ne pas pouvoir construire et demander la restitution des 100'000 fr. versés à B______ SA. Il avait indiqué à A______ qu’il transmettrait sa demande à B______ SA, mais qu’à son avis, il serait difficile pour lui de récupérer l’acompte versé vu l’argent dépensé par B______ SA pour la mutation parcellaire.

d. Lors de l'audience du 29 juin 2021, les conseils des parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

e. Dans son jugement du 17 août 2021, le Tribunal a retenu que dès le 19 octobre 2017, A______ savait que l’autorisation décrite dans la promesse de vente de 2016 ne serait pas octroyée et que dès le 31 janvier 2019, il savait que le projet envisagé dans la promesse de vente de 2018 ne serait pas autorisé.

Par la conclusion des promesses de vente de 2017 puis de 2018, les parties avaient successivement remplacé et modifié la promesse de vente de 2016, tout en maintenant le principe du dédit, de sorte que la question de savoir si A______ pouvait se prévaloir d’une erreur essentielle en lien avec la dernière promesse de vente de 2018 était seule pertinente en l’espèce.

A la date de la conclusion de la promesse de vente de 2018, A______ avait essuyé un refus de sa première autorisation de construire et savait donc que la construction de quatre logements n’était pas possible. Il avait alors conçu le projet de construire un bâtiment à usage commercial du type entrepôt, ce qui nécessitait l’octroi d’une dérogation au sens de 26 LaLAT au régime de zone applicable.

L’octroi d’une telle dérogation ne pouvait pas être tenu pour certain et il n’était pas allégué qu’en 2019, le Département aurait changé sa pratique en matière d’octroi de dérogation dans la zone considérée. A______, qui, à l’instar de B______ SA, est professionnel de l’immobilier, n’était donc pas dans l’erreur sur le caractère constructible de la parcelle – quand bien même les possibilités effectives de construire semblent être très limitées, et était bien conscient que l’octroi de la dérogation sollicitée ne pouvait être tenu pour acquis.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC). En l'espèce, la valeur litigieuse est atteinte, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

L'appel, interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi, est recevable (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. L'appelant soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, les possibilités effectives de construire sur la parcelle litigieuse n'étaient pas seulement très limitées, mais ladite parcelle était inconstructible ab initio. L'inconstructibilité de la parcelle constituait l'objet de l'erreur dont il se prévalait pour fonder l'invalidation des contrats, laquelle existait au moment de la conclusion des promesses de vente. L'objet de son erreur ne portait pas sur le fait futur de la délivrance de l'autorisation de construire ou l'impossibilité d'obtenir une dérogation, dont le refus constitue un risque que tout entrepreneur dans le domaine de l'immobilier accepte. Toute construction, quelles qu'en soient les configurations, était exclue sur la parcelle litigieuse au vu de la nature du terrain, de sa situation et du préavis défavorable rendu par le SABRA.

2.1
2.1.1
Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle.

Il ressort de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO que l'erreur est essentielle notamment lorsqu'elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat. Pour que ce cas d'erreur essentielle soit réalisé, il faut tout d'abord que le cocontractant puisse se rendre compte, de bonne foi, que l'erreur de l'autre partie porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues; il faut encore, en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l'erreur, que l'on puisse admettre subjectivement que son erreur l'a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 541 s.; 132 III 737 consid. 1.3 p. 741; 129 III 363 consid. 5.3 p. 365). Ce que les parties avaient à l'esprit au moment de conclure ressortit au fait; savoir si l'erreur doit être qualifiée d'essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO est en revanche une question de droit (ATF 135 III 537 consid. 2.2 p. 542; 113 II 25 consid. 1a p. 27).

En principe, l’ignorance d’une règle de droit ou d’une loi ne peut donner lieu à une invalidation pour erreur. La connaissance du droit est présupposée objectivement comme praesumptio de iure, condition de l’efficacité de toute règle juridique. Le Tribunal fédéral a refusé d’admettre une invalidation pour erreur là où l’ignorance touche des lois et des règles qui, par leur nature générale, doivent être connues de tous (Schmidlin/Campi, Commentaire romand, CO I, 3ème éd., 2021, n. 85 ad art. 23/24 CO). La connaissance générale du droit ne peut toutefois plus être présupposée dans les secteurs qui, par leur complexité, exigent un savoir spécifique, comme dans les assurances, la bourse ou l’immobilier. Pourtant, même dans ces domaines, l’ignorance de la règle n’est admissible que si l’on ne pouvait ou ne devait pas attendre de la partie en erreur qu’elle se procure les informations nécessaires (Schmidlin/Campi, op. cit., n. 86 ad art. 23/24 CO).

2.1.2 Selon l'art. 31 OPB (RS 814.41), lorsque les valeurs limites d’immission sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit (al. 1 let. a) ou des mesures de construction ou d’aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit (al. 1 let. b). Si les mesures fixées à l’al. 1 ne permettent pas de respecter les valeurs limites d’immission, le permis de construire ne sera délivré qu’avec l’assentiment de l’autorité cantonale et pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant (al. 2).

L'art. 26 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT - L 1 30] prévoit en outre que lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage, le département peut déroger aux dispositions des articles 18 [répartition du canton] et 19 [zones à bâtir] quant à la nature des constructions.

2.2 En l'espèce, l'appelant soutient que la parcelle est totalement inconstructible ab initio, soit un fait existant au moment des promesses de vente, ce qui constitue l'objet de son erreur et fonde l'invalidation du contrat.

Cela étant, la parcelle ayant fait l'objet de la promesse de vente est située en cinquième zone, soit une zone résidentielle destinée aux villas (cf. art. 19
al. 3 LaLAT), et y sont érigés une habitation pour logement et un garage privé. L'Office et le SABRA ont par ailleurs indiqué à l'appelant qu'une autorisation pourrait être délivrée s'il obtenait l’assentiment de l’autorité cantonale au sens de l'art. 31 al. 2 OPB. Le conseil de C______ SA a par ailleurs relevé dans son courrier du 17 août 2017 que plusieurs autorisations de construire avaient été délivrées en application de l'art. 31 al. 2 OPB entre 2014 et 2016 dans le même secteur. Ces différents éléments montrent que la parcelle n'est pas totalement inconstructible.

Pour soutenir que la parcelle est inconstructible, l'appelant se prévaut du préavis négatif du SABRA et du fait que l'Office avait pour politique de ne pas s'écarter des préavis de ce service. Cette affirmation est toutefois contredite par les propos du conseil de C______ SA dans son courrier du 17 août 2017 précité, selon lequel des autorisations de construire avaient été délivrée malgré le préavis négatif du SABRA. En outre, le fait que le SABRA ait délivré un préavis négatif sur la base d'un projet qui lui était soumis ne signifie pas encore que la parcelle était absolument inconstructible puisque l'Office a indiqué à l'appelant le 30 août 2017 qu'il demeurait libre de présenter un projet modifié conforme aux dispositions de l’OPB, ce qui permet d'en déduire qu'il tel projet pourrait obtenir, le cas échéant, un préavis favorable du SABRA et une autorisation de construire.

Ainsi, même si les possibilités de construction étaient soumises à des contraintes sur la parcelle litigieuse, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que celle-ci est totalement inconstructible.

De plus, même si les règles en matière de construction sont complexes, l'appelant est un professionnel de l'immobilier. Il ne soutient pas qu'il ignorait que la parcelle litigieuse se trouvait à proximité de l'aéroport et il ne pouvait dès lors ignorer les implications éventuelles que cela pouvait avoir sur les contraintes qui en découlent pour obtenir une autorisation de construire. L'intimée pouvait quant à elle attendre de l'appelant qu'il se renseigne sur les possibilités de construction sur la parcelle compte tenu de sa localisation.

En tout état de cause, l'appelant avait déjà été rendu attentif à la problématique du bruit pour procéder à une construction sur la parcelle litigieuse lorsque l'acte du 18 juin 2018 a été signé puisque dans son préavis du 5 avril 2017, le SABRA avait constaté que celle-ci était fortement exposée au bruit de l’aéroport et que les valeurs limites d’immiscions étaient dépassées la journée et pendant les premières heures de la nuit et que l'appelant devait obtenir l'assentiment de l’autorité compétente, au sens de l’art. 31 al. 2 OPB. L'Office avait en outre rendu une décision de refus de l'autorisation de construire requise le 19 octobre 2017. Par la suite, l'appelant a également envisagé de modifier son projet et d'obtenir une dérogation en application de l'art. 26 al. 1 LaLAT, ce qui tend également à démontrer qu'il connaissait les difficultés liées à la réalisation d'un projet immobilier sur la parcelle. C'est d'ailleurs vraisemblablement en raison de ces contraintes que le prix de vente a été réduit de plus de 20% par rapport au prix de vente initialement convenu. L'appelant connaissait donc la situation de fait et de droit concernant la parcelle faisant l'objet de la promesse de vente lors de sa conclusion le 18 juin 2018. Il ne peut dès lors se prévaloir d'une quelconque erreur.

Au vu de ce qui précède, c'est sans violer le droit fédéral que le Tribunal a débouté l'appelant de ses conclusions. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

3. L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires d'appel (art. 106
al. 1 CPC), arrêtés à 4'500 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera également condamné à verser à l'intimée une somme de 5'000 fr., TVA et débours compris (art. 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/10393/2021 rendu le 17 août 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9480/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 4'500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 5'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.