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Décisions | Chambre civile

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C/12195/2021

ACJC/74/2022 du 21.01.2022 sur JCTPI/323/2021 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12195/2021 ACJC/74/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 21 JANVIER 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 août 2021, comparant par Me Jean-Marie FAIVRE, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Julien LIECHTI, avocat, Perréard de Boccard SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JCTPI/323/2021 du 27 août 2021 communiqué aux parties pour notification le 1er septembre 2021, l'autorité de conciliation du Tribunal de première instance a condamné A______ à verser à B______ la somme de 1'962 fr.83 plus intérêts à 4% dès le 8 novembre 2020 (ch. 1 du dispositif), prononcé à due concurrence la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite no 1______ (ch. 2), arrêté les frais de la procédure à 100 fr. mis à la charge de A______ et condamné cette dernière à les verser à B______ qui en avait fait l'avance (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch .4).

En substance, l'autorité de conciliation, constatant sa compétence pour statuer, a estimé que les parties étaient liées par un mandat depuis 2019 dans le cadre duquel les prestations facturées avaient été fournies, de sorte qu'elles devaient être payées, celles-ci n'étant pas contestées. A______ n'avait pas émis de prétention reconventionnelle ni déclaration de compensation, les arguments soulevés relatifs à un conflit entre organes et/ou actionnaires excédant le litige.

B. Par acte du 30 septembre 2021, A______ a recouru contre ce jugement concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la précédente autorité pour délivrance de l'autorisation de procéder. Le tout sous suite de frais et dépens. Elle soutient que l'autorité de conciliation a violé son droit à la preuve ainsi que les règles du fardeau de la preuve, soutenant pour le surplus ne pas avoir eu l'occasion de présenter une demande reconventionnelle, celle-ci ne pouvant être déposée selon elle qu'au stade de la réponse à la demande dans la procédure au fond.

Elle dépose un chargé de 9 pièces.

Par mémoire réponse du 27 octobre 2021, l'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, tout en ayant préalablement écarté les faits et pièces nouveaux de la recourante, sous suite de frais et dépens. L'autorité de conciliation pouvait parfaitement se prononcer au fond, comme elle l'avait d'ailleurs requis, les faits étant simples et démontrés à satisfaction par le dossier produit, aucun acte d'instruction n'ayant par ailleurs été requis par la défenderesse recourante.

La recourante a répliqué le 18 novembre 2021 considérant la cause comme complexe et les faits allégués par la demanderesse intimée comme non démontrés, de sorte que la procédure devait être instruite au fond ce qu'elle n'avait pas été.

L'intimée a dupliqué le 6 décembre 2021 persistant dans ses conclusions et les motifs de sa réponse, la procédure de première instance n'ayant pas été bâclée.

C. Résultent pour le surplus du dossier les faits pertinents suivants :

a. B______ est une société active dans les services, exerçant notamment des activités de bureau fiduciaire et comptable.

b. A______ est active dans l'acquisition, la distribution et la vente de toutes matières premières, notamment.

c. B______ a procédé dès le 2e semestre 2019 à divers travaux de comptabilité pour A______ en lui adressant des factures pour ces travaux pour les trimestres 2, 3 et 4 de l'année 2019 (3 factures) et pour les trimestres 1, 2 et 3 de l'année 2020 (3 factures), la facture relative au 3e trimestre 2020 d'un montant de 1'962 fr. 83 étant l'objet du litige.

Les factures de B______ (hormis la dernière) ont été réglées.

Certains échanges de mails entre les parties font ressortir qu'une activité était également déployée par B______ relativement à la taxation personnelle de l'ancien administrateur de A______.

d. Le 12 décembre 2019, B______ avait adressé à A______ "une offre de service/proposition de contrat" visant à formaliser la relation, qui ne lui avait jamais été retournée, quand bien même l'activité s'était poursuivie.

e. A la suite de la réception de la facture litigieuse du 8 octobre 2020 de B______, A______ a requis le 28 octobre 2020 de celle-ci des informations relatives au temps passé (time sheet) depuis le début des relations par B______, ayant fait l'objet de l'ensemble des factures qui lui avaient été adressées, notamment, et sollicité une facture finale.

f. Par courrier du 6 novembre 2020, B______ a répondu que le temps passé ayant fait l'objet des précédentes facturations avait déjà été justifié. S'agissant de la dernière facture (litigieuse), elle a produit son time-sheet.

g. La facture n'ayant pas été payée, B______ a fait notifier le 9 décembre 2020 à A______ un commandement de payer auquel cette dernière a fait opposition.

h. En date du 18 juin 2021, elle a introduit une requête en conciliation "avec demande de décision au sens de l'art. 212 CPC", visant la condamnation de son adverse partie au paiement du montant de la facture et au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer.

i. La cause a été convoquée en conciliation pour l'audience de l'autorité de conciliation du 23 août 2021. La convocation donnait rappel de la disposition de l'art 212 CPC.

Lors de ladite audience, A______ a contesté la demande estimant avoir contesté dans son courrier du 28 octobre 2020 également la facturation antérieure de la demanderesse. Elle a admis que B______ travaillait pour elle déjà depuis 2018 mais soutenu que les factures pour l'activité déployée en 2019 et 2020 concernaient son ancien administrateur, respectivement la propre société de celui-ci. La demanderesse a exposé que rien ne permettait de soutenir le raisonnement de la citée. Les conseils ont plaidé. L'autorité de conciliation a gardé la cause à juger. Suite à quoi la décision querellée a été rendue.

EN DROIT

1. Selon l'art. 319 let.a CPC, le recours est recevable contre les décisions finales non susceptibles d'appel. Tel est le cas notamment des décisions finales dont la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr.. Le recours ne peut être formé que pour violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il doit être formé dans les 30 jours dès la notification de la décision attaquée (art. 321 al.1 CPC).

En l'espèce, ces conditions, s'agissant d'un jugement portant sur une valeur litigieuse de 1'962 fr. 83, sont réalisées de sorte que le recours est recevable.

2. La recourante a déposé un chargé de pièces à l'appui de son recours.

Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables en procédure de recours.

Dans la mesure où elles n'ont pas été présentées en procédure de première instance, les pièces produites numérotées 16 à 23 sont irrecevables, à l'exception de la pièce no 21 (facture objet du litige produite par l'intimée en première instance).

3. La recourante soutient que l'autorité de conciliation, choisissant de statuer, a commis l'arbitraire et a de surcroît violé les règles du fardeau de la preuve, appréciant manifestement de manière erronée les faits, l'empêchant en outre en procédant comme elle l'a fait, de déposer une demande reconventionnelle qu'elle envisageait.

3.1.1 Selon l'art. 212 al.1 CPC l'autorité de conciliation peut, sur requête du demandeur, statuer au fond dans les litiges patrimoniaux dont la valeur litigieuse n'excède pas 2'000 fr.. La procédure est orale (al. 2).

Le texte, laconique, de l’art. 212 al. 2 CPC indique uniquement que la procédure est "orale". A l'instar des autres tribunaux, l'autorité de conciliation, lorsqu'elle fonctionne en qualité de véritable autorité juridictionnelle de première instance, doit en principe appliquer les dispositions générales du CPC (art. 1 à 196 CPC) et assurer le respect des garanties procédurales de rang constitutionnel ou conventionnel. S'agissant du type de procédure applicable à la décision rendue sur la base de l'art. 212 CPC (ordinaire, simplifiée ou sommaire), l'art. 219 CPC prévoit que les dispositions du titre 3 de la partie 2 du CPC s'appliquent à la procédure ordinaire et, par analogie, aux autres procédures, sauf disposition contraire de la loi. Or, selon l'art. 243 al. 1 CPC, la procédure simplifiée s'applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr., ce qui est précisément le cas des causes dans lesquelles l'autorité de conciliation peut rendre une décision (art. 212 al. 1 CPC). Les dispositions de la procédure simplifiée et, subsidiairement, celles de la procédure ordinaire vu la teneur de l'art. 219 CPC, doivent dès lors en principe trouver application lorsque l'autorité de conciliation entend statuer sur le fond, tout en gardant néanmoins à l'esprit que la procédure décisionnelle prévue à l'art. 212 CPC présente certaines spécificités. Ainsi, l’objectif poursuivi par la procédure selon l’art. 212 CPC est de permettre à l'autorité de conciliation de trancher des litiges patrimoniaux de faible valeur en état d'être jugés lors de la première audience. Des procédures d'administration de preuves onéreuses nécessitant plusieurs audiences n'ont ainsi pas à être traitées. En outre, la procédure étant orale (art. 212 al. 2 CPC), l'autorité de conciliation qui envisage de rendre une décision ne peut pas ordonner un échange d'écritures (arrêt du Tribunal fédéral 4D_76/2020 c. 3.3.1). La procédure de décision de l'autorité de conciliation est une procédure de décision à part entière, dans laquelle les prescriptions en matière de preuve des art. 150 ss CPC sont applicables sans restriction et où les prétentions invoquées doivent être pleinement prouvées; la vraisemblance ne suffit pas (OGer/ZH du 30.1.2018 (RU170057) c. III.5.2). 

L’art. 212 al. 1 CPC n’oblige en principe pas l’autorité de conciliation à rendre un jugement lorsque le demandeur en fait la requête, mais soumet seulement cette possibilité à son appréciation. Ainsi, l’autorité de conciliation peut toujours renoncer à rendre une décision, en fonction des éléments dont elle a eu connaissance pendant la procédure de décision (ATF 142 III 638 c. 3.3).

3.1.2 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Selon l'art. 152 al.1 CPC, toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuves proposés régulièrement et en temps utile. Aux termes de l'art. 157 CPC, le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves.

3.2 Dans le cas d'espèce, la recourante reproche tout d'abord à l'autorité de conciliation d'avoir statué.

Or, conformément aux principes rappelés ci-dessus, le choix de l'autorité de conciliation de statuer relève de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle en a été requise comme c'est le cas en l'espèce. On ne voit pas où l'autorité aurait violé la loi ou commis l'arbitraire en faisant usage de la faculté que lui donne la loi. La demande déposée par devant elle sollicitait expressément qu'il soit fait usage de cette faculté, ce qui est l'une des conditions prévues par la loi. L'autorité a considéré que sur la base de son instruction et du dossier qui lui était soumis, elle pouvait faire droit à cette requête de prononcé de jugement, ce qu'elle a fait sans que l'on puisse le lui reprocher.

Contrairement à ce que soutient en outre la recourante, l'autorité de conciliation ne l'a pas privée, en statuant, de la possibilité de faire valoir une prétention reconventionnelle. De telles prétentions peuvent être annoncées en procédure de conciliation. Elles sont par ailleurs un moyen d'éviter que l'autorité de conciliation ne statue, si, cumulées avec la prétention initiale, elles ont pour effet de faire passer la valeur litigieuse au-delà du montant de 2'000 fr. jusqu'auquel l'autorité de conciliation peut trancher (Bohnet, CR-CPC 2019, ad art. 212 no 4). Ce grief doit être rejeté.

3.3 D'autre part, la recourante fait valoir que l'autorité précédente aurait violé la loi en renversant le fardeau de la preuve et en tenant pour démontrés des faits qui ne l'étaient pas.

L'autorité de conciliation a retenu que les parties étaient liées par un contrat de mandat valable, conclu oralement et exécuté sans que cette exécution ne soit remise en question, les prestations facturées devant ainsi être payées. La recourante a fait valoir que le contrat sur lequel se fonde la facture dont le paiement est réclamé n'a pas été signé par elle et que l'activité exercée l'aurait été en faveur de l'un de ses précédents administrateurs.

Or, la validité des contrats n'est subordonnée à l'observation d'une forme particulière qu'en vertu d'une prescription spéciale de la loi (art. 11 al. 1 CO) ou de la volonté des parties (art. 16 al. 1 CO). Comme tout contrat, le contrat de mandat peut être conclu oralement.

Dans le cas présent, on ne voit pas en quoi l'appréciation de l'autorité de conciliation violerait la loi et les règles relatives à la charge du fardeau de la preuve. En effet, il ressort de la procédure et de pièces produites en première instance (échanges de mails) que si certes, une part d'activité de l'intimée concernait l'ancien administrateur de la recourante, les échanges y relatifs avaient lieu entre la recourante elle-même et l'intimée, les factures de cette dernière des années 2019 et 2020, jusqu'à la facture litigieuse, ayant été adressées à la recourante et payées par elle, sans reproche. Les rapports internes entre la recourante et son ancien administrateur sont pour l'intimée une res inter alios sans impact, comme l'a retenu l'autorité de conciliation, sur le litige. Ce faisant, ladite autorité n'a ni apprécié les faits de manière arbitraire ni renversé le fardeau de la preuve, sa solution consacrant une saine application de la loi.

4. Par conséquent, le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté sous suite de frais judiciaires, fixés à 200 fr et entièrement compensés avec l'avance de frais versée, et de dépens fixés à 300 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JCTPI/323/2021 rendu le 27 août 2021 par l'autorité de conciliation du Tribunal de première instance dans la cause C/12195/2021-14.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 200 fr.

Les met à la charge de A______ et les compense entièrement avec l'avance versée qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 300 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.