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Décisions | Chambre civile

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C/4688/2020

ACJC/68/2022 du 21.01.2022 sur ORTPI/1155/2021 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4688/2020 ACJC/68/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 21 janvier 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante d’une ordonnance rendue par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 octobre 2021, comparant par Me Suzette CHEVALIER, avocate, rue Pestalozzi 15, 1202 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par Me Aurélie MOYAL-AZRA, avocate, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, Case postale 6120, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance de preuves ORTPI/1155/2021 du 21 octobre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a, dans le cadre de la procédure de divorce opposant A______ (demanderesse) à B______ (défendeur) déclaré irrecevables les allégués 195 et 196 dem., ainsi que les pièces 189 à 212 y afférentes (chiffre 1 du dispositif), autorisé les parties à apporter les preuves des faits qu'elles allèguent qui sont contestés (ch. 2), réservé à chacune des parties la possibilité d'apporter la contre-preuve (ch. 3), admis les moyens de preuve suivants pour A______: a) interrogatoire/déposition de A______ sur les allégués 31, 33, 118 et 119 de la demande ainsi que les allégués 33, 35, 148, 155 et 169 de la réplique; b) interrogatoire/déposition de B______ sur les allégués 31, 33, 118 et 119 de la demande ainsi que l'allégué 35 de la réplique (ch. 4), admis les moyens de preuve suivants pour B______: a) interrogatoire/déposition de A______ sur les allégués 33 à 35, 39, 55, 64, 66, 68, 69 et 71 à 75 de la réponse ainsi que l'allégué 108 de la duplique; b) interrogatoire/déposition de B______ sur les allégués 15, 33 à 35, 39, 55, 56, 64, 66, 68, 69 et 71 à 75 de la réponse ainsi que les allégués 93 à 102, 107, 108, 113 à 116, 118, 129, 131 à 137 de la duplique; c) audition du témoin C______ sur l'allégué 94 de la duplique (ch. 5), imparti à B______ un délai au 20 novembre 2021 pour produire un certain nombre de pièces dûment listées (ch. 6), imparti à B______ un délai au 22 novembre 2021 pour fournir une avance de frais de 150 fr. pour l'éventuelle indemnisation du témoin (ch. 7) et réservé la suite de la procédure (ch. 8).

En substance, le Tribunal a considéré, s'agissant des offres de preuve requises par A______, qu'il n'était pas opportun d'entendre les enfants (majeurs) du couple, la seule question pertinente, s'agissant de l'indemnité requise sur la base de l'art. 165 al. 2 CC, étant celle consistant à déterminer si A______, par ses revenus et sa fortune, avait contribué à l'entretien de la famille dans une mesure notablement supérieure à ce qu'elle devait. Il n'appartenait pas au Tribunal d'instruire la question de savoir quand les relations entre les parties s'étaient dégradées, ni si cela avait été dû au comportement de l'époux et il n'appartenait pas aux enfants de dire quel était l'accord de leurs parents quant à la répartition des tâches au sein du couple. Le Tribunal a par ailleurs considéré qu'il n'était pas nécessaire d'instruire la question de l'héritage reçu par B______ au décès de sa mère, puisqu'il s'agissait de biens propres.

B.            a. Le 3 novembre 2021, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 21 octobre 2021, reçue le 25 octobre 2021, concluant à son annulation et cela fait, statuant à nouveau, à ce que les allégués 195 et 196 dem., ainsi que les pièces 189 à 212 y afférentes soient déclarées irrecevables (sic), à ce que les parties soient autorisées à apporter les preuves des faits contestés qu'elles allèguent et à ce que la possibilité soit réservée à chacune des parties d'apporter la contre-preuve. La recourante a en outre conclu à ce que les moyens de preuve suivants soient admis la concernant: a) et b) interrogatoire/déposition de A______ et de B______ sur un certain nombre d'allégués, c) audition des témoins D______ et E______ sur un certain nombre d'allégués et d) fixation d'un délai pour qu'elle fournisse une avance de frais de 300 fr. pour l'éventuelle indemnisation des témoins. La recourante a également conclu à ce que les moyens de preuve suivants soient admis concernant B______: a) et b) interrogatoire/déposition de A______ et de B______ sur un certain nombre d'allégués, c) audition du témoin C______, un délai devant être fixé à B______ pour qu'il fournisse une avance de frais de 150 fr. pour l'éventuelle indemnisation du témoin. La recourante a enfin sollicité la production, par B______, des documents listés par le Tribunal dans l'ordonnance litigieuse, auxquels s'ajoutaient quelques pièces supplémentaires.

En substance, la recourante a fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit à la preuve en refusant d'entendre les enfants du couple en qualité de témoins, alors qu'aucune disposition légale ne s'opposait à leur audition et que celle-ci apparaissait nécessaire pour déterminer notamment les prestations de A______ pour le bien de la famille et les justes motifs sur lesquels elle se fondait pour s'opposer au partage de ses avoirs de prévoyance professionnelle. C'était également à tort que le Tribunal avait refusé d'instruire la question de l'héritage perçu par B______ au décès de sa mère. Il convenait en effet de déterminer si les terrains et la maison acquis par ce dernier en Algérie constituaient des biens propres ou des acquêts et s'ils étaient suffisants pour garantir sa retraite. Ainsi, la violation du droit à la preuve de la recourante risquait de lui causer un préjudice difficilement réparable, dans la mesure où des faits essentiels pour l'issue de la procédure ne pourraient pas être retenus, ce qui conduirait au rejet de ses conclusions.

b. Dans sa réponse du 22 novembre 2021, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours.

c. Par avis du 13 décembre 2021, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité du recours sont remplies (art. 60 CPC).

1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], 2019, n. 11 ad art. 319 CPC).

Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps (Jeandin, op. cit., n. 14 ad art. 319 CPC).

En l'espèce, l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction, relevant de l'administration des preuves, au sens de l'art. 319 let. b CPC.

1.2 Cette ordonnance est susceptible d'un recours immédiat dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), délai qui a été respecté en l'espèce.

1.3 Il reste à déterminer si la décision querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, les autres hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées (cf. Jeandin, op. cit., n. 18 ad art. 319 CPC).

1.3.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 77; arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2011 du 30 mars 2012 consid. 6.3; ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition. Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Ainsi, l'admissibilité d'un recours contre une ordonnance d'instruction doit demeurer exceptionnelle et le seul fait que le recourant ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1; Message du Conseil fédéral, op. cit., FF 2006 6841, p. 6884; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

1.3.2 En l'espèce, la recourante fait valoir que l'ordonnance querellée, qui écarte certaines offres de preuve, lui cause un préjudice difficilement réparable en portant atteinte à son droit à la preuve. Autrement dit, elle risque de ne pas obtenir gain de cause devant le Tribunal en raison du fait que celui-ci refuse d'administrer certains actes d'instruction qu'elle a requis.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus et en l'absence de circonstances particulières, la prolongation de la procédure due au fait que la recourante ne pourra attaquer l'ordonnance litigieuse qu'avec le jugement au fond ne constitue pas, en tant que telle, un dommage difficilement réparable.

En effet, si à l'issue de la procédure et à réception du jugement au fond la recourante persiste à considérer que le Tribunal a refusé à tort l'audition des témoins proposés et la production de certaines pièces, elle pourra diriger ces griefs contre la décision finale par la voie de l'appel prévue par l'art. 308 CPC, l'instance d'appel ayant la possibilité d'administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC).

Il résulte de ce qui précède que la recourante ne subit pas de préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée, puisqu'elle conserve ses moyens dans le cadre de l'appel contre le jugement au fond. La recourante n'établit pas, ni n'allègue, que l'un ou l'autre des moyens de preuve dont le premier juge a écarté l'administration ne pourrait plus être administré par la suite, notamment par l'instance d'appel, ou ne pourrait l'être que dans des conditions notablement plus onéreuses ou difficiles.

Le recours est dès lors irrecevable. Point n'est besoin d'entrer en matière sur les arguments de la recourante relatifs au fond du litige.

2. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC), lesquels sont arrêtés à 1'000 fr. (art. 41 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC).

Ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera en outre condamnée aux dépens de l'intimé, fixés à 800 fr., débours et TVA inclus (art. 84 ss RTFMC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

À la forme :

Déclare irrecevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance de preuves ORTPI/1155/2021 rendue le 21 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4688/2020.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, qui ne constitue pas une décision finale, peut être portée, dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 LTF), aux conditions de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.