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Décisions | Chambre civile

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C/29838/2019

ACJC/1488/2021 du 10.11.2021 ( ADOPT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29838/2019 ACJC/1488/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 10 NOVEMBRE 2021

 

Requête (C/29838/2019) formée le 19 octobre 2019 par Madame A______, domiciliée ______[GE] (Genève), comparant en personne, tendant à l'adoption de B______, né le ______ 2018.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 16 novembre 2021 à :

 

- Madame A______
______[GE].

- Madame C______
______[GE].

- AUTORITE CENTRALE CANTONALE EN MATIERE D'ADOPTION
Rue des Granges 7, 1204 Genève.

- DIRECTION CANTONALE DE L'ETAT CIVIL
Route de Chancy 88, 1213 Onex (dispositif uniquement).

 


EN FAIT

A. C______, née le ______ 1988 à D______ (Genève), originaire de E______ (Genève), a donné naissance à Genève le ______ 2018 à l'enfant B______. L'acte de naissance ne mentionne pas de paternité.

B. a) Par requête expédiée le 19 octobre 2019 à la Cour de justice, A______, née le ______ 1972 à D______ (Genève), originaire de Genève et de F______ (Fribourg), a sollicité le prononcé de l'adoption par elle-même de l'enfant B______. Elle a exposé qu'elle avait rencontré C______ en 2014 et qu'elle faisait ménage commun avec elle depuis l'été 2016. Elles avaient rapidement conçu le projet d'avoir un enfant grâce à l'aide d'un donneur anonyme et avaient décidé que C______ allait le porter. B______ était né le ______ 2018, à la plus grande joie du couple. Depuis cette date, ils formaient une famille unie et elle avait récemment acheté une maison pour que tous trois s'y sentent bien. Les grands-parents gardaient B______, chacun leur tour, deux jours par semaine. A______ souhaitait devenir le second parent légal de B______ afin de remplir pleinement son rôle et assurer l'avenir du mineur. Elle sollicitait qu'il soit fait une exception concernant la limite d'âge légale requise pour l'adoption, dès lors qu'elle avait 45 ans révolus lors de la naissance de l'enfant.

Elle a joint à sa requête des photographies de la famille qu'elle formait avec C______ et B______, ainsi que des témoignages de proches attestant de la durée de la vie commune du couple et de ses sentiments pour sa compagne et l'enfant.

b) Dans un courrier complémentaire expédié le 3 mars 2020 à la Cour, se disant consciente de la limite d'âge fixée à 45 ans pour adopter, elle a précisé qu'elle était en parfaite santé et disposait d'excellentes capacités physiques. Elle pratiquait différentes activités sportives, mais également du yoga et de la méditation pour gérer le stress de son métier de médecin. Elle était diplômée de l'Université de G______ pour instruire des groupes de Mindfulness, ce qu'elle pratiquait à son cabinet pour les adolescents stressés. Son âge chronologique n'était ainsi pas représentatif de ses capacités globales, mais au contraire un atout qui amenait plus de stabilité et de conscience. Elle sollicitait une dérogation à la limite d'âge prévue par la loi.

c) Par courrier du 11 octobre 2019, C______ a donné son accord pour l'adoption de son fils B______ par A______.

C. a) En date du 20 mai 2021, le Service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement a rendu son rapport d'enquête sociale duquel il ressort qu'il est dans l'intérêt de l'enfant B______ d'être adopté par A______. Cette adoption aurait pour effet de créer une double filiation en faveur de l'enfant et d'officialiser les liens parentaux qui existent de fait. A______ fournit des soins et pourvoit à l'éducation du mineur B______ depuis sa naissance. L'enfant est parfaitement intégré à la famille de la requérante qui le considère comme l'enfant du couple. Les autres conditions légales sont respectées (durée du ménage commun), à l'exception de la différence d'âge entre l'adoptante et l'adopté, qui est légèrement dépassée (de onze mois), ce qui ne devrait cependant pas constituer un obstacle à l'adoption, la requérante ayant toujours été présente dans la vie du mineur. B______ a été conçu grâce au matériel génétique d'un donneur anonyme et ne possède par conséquent aucune filiation paternelle.

A______ travaille à 80% comme pédiatre dans un cabinet privé et comme médecin répondant d'une clinique genevoise. Elle jouit d'un bon état de santé globale qui est compatible avec l'adoption du mineur, tel qu'en atteste le certificat médical daté du 24 septembre 2020 remis par cette dernière. C______ travaille comme psychologue à 60% à l'hôpital H______ (Vaud). La situation économique du couple est confortable pour assumer l'éducation de B______. Ce dernier a commencé le jardin d'enfants fin août 2020 à raison de quatre demi-journées par semaine. Il est éveillé et arrive très bien à exprimer ce qu'il veut ou ne veut pas. Il passe très facilement de sa mère biologique à la requérante, laquelle se considère comme sa véritable mère. L'enfant considère également la requérante comme sa mère; elle représente une figure de stabilité et de sécurité pour le mineur. Un fort lien d'attachement existe entre B______ et la requérante. Le mineur entretient également des liens affectifs avec la famille de cette dernière et est bien intégré dans la famille élargie. Le couple a le souci d'apporter au mineur une meilleure protection juridique en lui offrant une double filiation et souhaite officialiser la famille qu'ils forment. L'adoption du mineur par la requérante est donc conforme à son intérêt, nonobstant le léger dépassement de l'âge légal de cette dernière. La mère du mineur et la requérante ont manifesté le souhait que l'enfant porte le nom [de] A______ après adoption.

b) A______ a transmis à la Cour, en date du 20 octobre 2021, son certificat individuel d'état civil.

EN DROIT

1. Compte tenu du domicile à Genève de la requérante et du mineur dont l'adoption est requise, la Cour de justice est compétente pour connaître de la requête (art. 268 al. 1 CC; art. 120 al. 1 let. c LOJ).

Il n'existe aucun élément d'extranéité dans la mesure où tant l'adoptante que le mineur concerné ont la nationalité suisse.

2. 2.1.1 Un enfant mineur peut être adopté si le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an et si toutes les circonstances permettent de prévoir que l'établissement d'un lien de filiation servira le bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants du ou des adoptants (art. 264 al. 1 CC). Une adoption n'est possible que si le ou les adoptants, vu leur âge et leur situation personnelle, paraissent à même de prendre l'enfant en charge jusqu'à sa majorité (art. 264 al. 2 CC).

L'art. 264c al. 1 et 2 CC prévoit par ailleurs qu'une personne peut adopter l'enfant de la personne avec laquelle elle mène de fait une vie de couple, si le couple fait ménage commun depuis au moins trois ans. Les personnes qui mènent de fait une vie de couple ne doivent être ni mariés ni liées par un partenariat enregistré (art. 264c al. 3 CC).

2.1.2 La différence d'âge entre l'enfant et le ou les adoptants ne peut être inférieure à seize ans ni supérieure à quarante-cinq ans (art. 264d al. 1 CC). Des exceptions sont possibles si le bien de l'enfant le commande. Le ou les adoptants doivent motiver la demande de dérogation (art. 264d al. 2 CC).

Le critère du bien de l'enfant doit être érigé en clé de voûte de l'institution de l'adoption, option qui se traduit notamment par l'introduction d'exceptions ou de dérogations par rapport aux conditions formelles posées par la loi en matière de seuils d'âge (art. 264a, al. 2, art. 264b, al. 4, art. 264d, al. 2CC). L'analyse du bien ou de l'intérêt de l'enfant ne peut reposer que sur les circonstances propres à chaque cas d'espèce; il importe donc de laisser à l'autorité une large marge d'appréciation et d'éviter ainsi tout carcan formel qui serait de nature à contrecarrer l'objectif finalement recherché (MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 2019, n. 294).

Une exception à l'écart d'âge maximal est ainsi notamment possible si le ou les futurs adoptants ont déjà établi des liens étroits avec l'enfant (MEIER/STETTLER, op. cit., n. 335).

2.1.3 L'adoption requiert le consentement du père et de la mère de l'enfant (art. 265a al. 1 CC). Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable (art. 265c CC).

Si l'enfant est capable de discernement, son consentement à l'adoption est requis (art. 265 al. 1 CC).

2.2 En l'espèce, la requérante vit avec sa compagne, et mère de l'enfant B______, depuis plus de trois ans, soit depuis l'été 2016. Elle a pris soin du mineur depuis sa naissance, s'en occupant et assurant son éducation au même titre que sa mère biologique, et dispose d'une situation financière permettant de pourvoir à l'entretien de l'adopté jusqu'à sa majorité. Le rapport d'enquête fait état du fait que l'enfant se développe harmonieusement et entretient des rapports filiaux avec la requérante, similaires à ceux qui la lient à sa mère biologique. Cette dernière a donné son consentement à l'adoption de son enfant par sa compagne. Aucun père n'étant inscrit à l'Etat civil, l'enfant ayant été conçu avec le matériel génétique d'un donneur anonyme, il n'y a pas d'autre consentement à requérir.

Il ressort en outre du rapport d'évaluation sociale que l'adoption est dans l'intérêt du mineur afin de lui permettre d'officialiser les liens déjà existants et d'acquérir un double lien de filiation. Il peut ainsi être fait abstraction, à titre exceptionnel et au vu de l'ensemble de ces considérations, du faible dépassement de la différence d'âge maximale entre la requérante et l'adopté, dès lors qu'un refus de l'adoption pour ce seul motif serait contraire à l'intérêt de l'enfant B______, toutes les autres conditions légales étant respectées.

Il sera par conséquent donné une suite favorable à la requête.

3. 3.1.1 L'enfant acquiert le statut juridique d'un enfant du ou des parents adoptifs (art. 267 al. 1 CC). Les liens de filiation ne sont pas rompus à l'égard de la personne avec laquelle le parent adoptif mène de fait une vie de couple (art. 267 al. 3 ch. 3 CC).

Le nom de l'enfant est déterminé par les dispositions relatives aux effets de la filiation (art. 267a al. 2 CC).

A la différence du prénom, les père et mère n'ont pas la prérogative d'attribuer un nom de famille librement formé à l'enfant. Pour des raisons d'ordre public et de sécurité des registres de l'état civil, ainsi que pour répondre à ses fonctions d'identification et de rattachement familial, le nom de famille est déterminé par la loi elle-même (MEIER/STETTLER, op. cit., n. 827).

En vertu de l'art. 270a al. 1 CC, lorsque l'autorité parentale est exercée de manière exclusive par l'un des parents, l'enfant acquiert le nom de célibataire de celui-ci. Lorsque l'autorité parentale est exercée de manière conjointe, les parents choisissent lequel de leurs deux noms de célibataire leurs enfants porteront.

Lorsque l'autorité parentale a été instituée après la naissance du premier enfant, les parents peuvent, dans le délai d'une année à partir de son institution, déclarer à l'état civil que l'enfant porte le nom de célibataire de l'autre parent. Cette déclaration vaut pour tous les enfants communs, indépendamment de l'attribution de l'autorité parentale (art. 270a al. 2 CC).

Selon la doctrine, en cas d'adoption de l'enfant du partenaire de vie, l'art. 270a al. 2 CC trouve application par analogie (cf MEIER/STETTLER, op. cit., n. 861).

3.1.2 L'enfant acquiert le droit de cité cantonal et communal du parent dont il porte le nom (art. 271 al. 1 CC).

3.2 En l'espèce, les liens de filiation entre l'adopté et sa mère biologique ne seront pas rompus.

Le choix du nom de famille du mineur suite au prononcé de l'adoption n'est pas laissé à la libre discrétion des parents mais résulte de l'application des dispositions légales rappelées supra. Le couple vivant en union libre et la mère biologique exerçant seule l'autorité parentale sur l'enfant, l'adopté continuera ainsi, après adoption, à porter le nom de famille de sa mère biologique, à savoir I______. Les parents pourront cependant, après le prononcé de l'adoption, déposer une déclaration d'autorité parentale conjointe auprès de l'autorité de protection et, après instauration de celle-ci, déclarer conjointement dans le délai d'une année prévu à l'art. 270a al. 2 CC à l'Etat civil leur souhait de modifier le nom de famille de leur enfant.

Le prononcé de l'adoption n'aura pas d'effet sur le droit de cité de l'adopté qui restera originaire de E______ (Genève), origine correspondant au nom de famille qu'il porte.

4. Les frais de la procédure arrêtés à 1'000 fr. sont mis à la charge de la requérante et entièrement couverts par l'avance de frais effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 2 RTFMC; 98, 101 et 111 CPC).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Prononce l'adoption du mineur B______, né le ______ 2018 à Genève, originaire de E______ (Genève), par A______, née le ______ 1972 à D______ (Genève), originaire de Genève et F______ (Fribourg).

Dit que le lien de filiation entre le mineur B______ et sa mère, C______, née le ______ 1988 à D______ (Genève), originaire de E______ (Genève), n'est pas rompu.

Dit que l'enfant B______ continuera de porter le nom de famille I______ [nom de C______] et demeurera originaire de E______ (Genève).

Arrête les frais de la procédure à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais de même montant qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 308 ss du code de procédure civile (CPC), la présente décision peut faire l'objet d'un appel par-devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans les 10 jours qui suivent sa notification.

 

L'appel doit être adressé à la Cour de justice, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

 

 

Annexes pour le Service de l'état civil :

Pièces déposées par les requérants.