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Décisions | Chambre civile

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C/24071/2018

ACJC/1429/2021 du 02.11.2021 sur ORTPI/658/2021 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319; CPC.160
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24071/2018 ACJC/1429/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 3 NOVEMBRE 2021

Entre

L'enfant mineur A______, domiciliée chemin ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2021, représentée par son curateur, Me J______, avocat,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par
Me Nicolas JEANDIN, avocat, FONTANET & ASSOCIES, Grand-Rue 25,
case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

2) Monsieur C______, domicilié ______, autre intimé, comparant par
Me Nathalie HUBERT DIETRICH, avocate, KÖSTENBAUM & ASSOCIES SA,
rue François-Bellot 12, case postale 3397, 1211 Genève 3, en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile.

 




EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/658/2021 du 17 juin 2021, reçue par les parties le 18 juin 2021, le Tribunal de première instance a ordonné à B______ de produire les états financiers de la SCI D______ (bilan et PP notamment) pour les exercices 2017 à 2020 ou une attestation signée de sa main à teneur de laquelle aucune comptabilité n'a été tenue, ni ne devait l'être en droit français, l'acte de vente du bien immobilier sis 1______ à F______ [France] et toute pièce utile démontrant que cet immeuble était détenu en indivision par B______ et feu E______, sous la menace des peines de l'art. 292 CP (ch. 1 du dispositif), ordonné à C______ et A______ de produire une copie de la déclaration de succession déposée par leurs soins en décembre 2017 auprès des autorités fiscales françaises avec son complément du mois de janvier 2018, sous la menace des peines de l'art. 292 CP (ch. 2), rappelé aux parties leur devoir de collaborer à l'administration des preuves et les conséquences d'un éventuel refus de collaborer prévues par l'art. 164 CPC (ch. 3), réservé la suite de la procédure (ch. 4) et renvoyé la décision sur les frais à la décision finale (ch. 5).

Cette ordonnance indique qu'elle est susceptible de recours dans un délai de dix jours dès sa notification, conformément aux art. 319 ss CPC.

B. a.Le 22 juin 2021, A______ a formé "appel, subsidiairement recours" contre cette ordonnance, concluant principalement à ce que la Cour l'annule et ordonne à B______ de produire les "livres comptables" de la SCI D______, soit tous documents comptables ou non, permettant de visualiser les entrées et sorties de la société précitée de 2004 à ce jour, afin de déterminer les versements et/ou prêts effectués sur ses comptes par le défunt E______, l'acte de vente complet du 10 octobre 1985 du bien immobilier sis 1______ à F______, qui correspond à l'acte d'achat par les époux B______/C______ ou encore la suite de la pièce 53 de B______ et tous documents démontrant le provenance des fonds ayant permis de financer l'acquisition du bien immobilier précité, avec suite de frais et dépens.

b. Le 15 juillet 2021, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'acte déposé par A______ et, subsidiairement, à la confirmation de l'ordonnance querellée, avec suite de frais et dépens.

c. Le 16 août 2021, C______ a conclu à l'admission de l'appel/recours formé par A______.

d. Le 30 août 2021, A______ a répliqué, persisté dans ses conclusions et produit deux pièces nouvelles.

e. B______ et C______ ont dupliqué et persisté dans leurs conclusions.

f. Les parties ont été informées le 4 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. E______, né le ______ 1925 à F______, de nationalité française, est décédé le ______ 2017 à K______ (GE).

Par testament du 26 avril 2016, E______ a institué comme héritiers universels de tous ses biens, son épouse B______, à concurrence de 40%, C______, son fils né d'un premier mariage, à concurrence de 40% et A______, la fille mineure de ce dernier, à concurrence de 20%.

b. Le 22 juillet 2019, B______ a déposé au Tribunal une action en partage, concluant préalablement à ce que celui-ci ordonne à l'exécuteur testamentaire de produire une pièce et fasse établir des expertises judiciaires visant à estimer la valeur des actifs successoraux. Elle a pris des conclusions au fond, précisant qu'elle se réservait de les modifier en fonction de l'évolution de la phase d'administration des preuves.

Elle a précisé que la valeur litigieuse était de 12'681'393 fr., correspondant au total du montant qui lui était dû.

c. Dans sa réponse du 19 décembre 2019, A______ a conclu, "préalablement et préparatoirement", à ce que le Tribunal ordonne des expertises de différents biens, enjoigne à l'exécuteur testamentaire de procéder à l'inventaire d'un coffre, ordonne à B______ de produire les livres comptables de la SCI D______, de 2004 à ce jour, permettant de totaliser les versements et/ou prêts effectués sur ses comptes par le défunt E______ et ordonne l'audition de témoins.

Sur le fond, elle a conclu principalement à ce que le Tribunal ordonne le partage de la succession, déboute B______ de ses conclusions au fond, dise que sa part dans la succession est de 20% et en fixe la valeur, constate que B______ était débitrice de différents montants qu'elle a chiffrés, constate que les parties ont reçu des avances dont elle a chiffré le montant, ordonne la vente d'un tableau du peintre G______, dise que le prix obtenu fera partie des avoirs à partager, compose des lots permettant le partage et lui attribue la montre de marque H______ que portait le défunt.

A______ a notamment indiqué qu'elle contestait les valeurs articulées par B______ pour les actifs successoraux.

Sa conclusion en production des livres comptables de la SCI D______ était formulée en lien avec son allégué n° 2095.

d. Dans sa réponse du 13 janvier 2020, C______ a pris des conclusions préalables en production de pièces et en expertise. Sur le fond, il a conclu à ce que le Tribunal dise que B______ doit à la succession différents montants qu'il a chiffrés, qu'il détermine l'actif successoral, ordonne le partage, constate que sa part est de 40% de la masse successorale, lui attribue certains biens, fasse différentes injonctions à B______ en lien avec le tableau de G______ et lui réserve le droit d'amplifier ses conclusions en fonction d'éventuels faits nouveaux.

e. Dans sa réplique du 25 mai 2020, B______ a, pour l'essentiel, persisté dans ses conclusions initiales.

f. Par duplique du 7 septembre 2020, A______ a complété ses conclusion préalables, demandant notamment que le Tribunal "ordonne à B______ de reconstituer la comptabilité de la SCI D______ de 2004 à ce jour afin de déterminer les versements effectués sur les comptes" de la société précitée par le de cujus et/ou les prêts accordés à ladite société par ce dernier, produise l'acte de vente complet du bien immobilier sis 1______ à F______ et tout document démontrant la provenance des fonds ayant permis de financer l'acquisition dudit bien immobilier.

Ces conclusions préalables étaient formulées en lien avec les allégués n° 2195 à 2198 de la duplique.

Sur le fond, elle a complété et amplifié ses conclusions.

g. Dans sa duplique du 7 septembre 2020, C______ a pris de nouvelles conclusions préalables en production de pièces. Sur le fond, il a formé des conclusions supplémentaires en lien avec l'acquisition de deux biens immobiliers sis 2______ à Genève, persistant pour le reste dans ses précédentes conclusions.

h. Par ordonnance du 17 février 2021, le Tribunal a limité la procédure "aux conclusions en production de pièces fondées sur le droit matériel" et a cité les parties à une audience de débats d'instruction, de débats principaux et de plaidoiries finales fixée au 12 mars 2021.

Le Tribunal a notamment relevé dans cette ordonnance que les parties avaient formulé, à l'appui de leurs prétentions principales, des conclusions de production de pièces fondées sur le droit matériel qui n'étaient pas toutes rattachées à des allégués de fait. Il devait être statué sur ces conclusions par une décision partielle, ce qui impliquait préalablement la limitation de la procédure aux conclusions en production de pièces fondées sur le droit matériel.

i. Lors de l'audience du Tribunal du 12 mars 2021, A______ a persisté dans ses conclusions en production de pièces. Elle a requis en outre la production du "décompte du notaire" en lien avec sa conclusion tendant à la production de l'acte de vente complet du bien immobilier sis 1______, et celle de "l'acte d'achat" et du "décompte du notaire" en lien avec sa conclusion visant à ce que B______ produise tout document démontrant la provenance des fonds ayant permis de financer l'acquisition du bien immobilier précité.

B______ s'est notamment opposée aux requêtes de production de pièces de ses parties adverses.

Les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger sur la question de la production de pièces.

EN DROIT

1. Dans l'ordonnance querellée le Tribunal a notamment retenu que la production de la comptabilité de la SCI D______ dès le 1er janvier 2017 était pertinente, étant précisé que les pièces relatives à son financement lors de sa création avaient été fournies. Les SCI de droit français n'étaient cependant pas forcément soumises à l'obligation de tenir une comptabilité de sorte qu'une attestation signée par B______ devait être produite à cet effet. Il n'y avait pas lieu d'ordonner la production d'un décompte de toutes les dettes de la société précitée prises en charge par le défunt depuis 2004. Il convenait de vérifier quel était le prix de vente de l'immeuble du 1______ à F______ dont la vente avait permis de financer l'achat de l'immeuble propriété de la SCI D______ et de s'assurer qu'il était détenu en indivision, de sorte que la production de l'acte complet de vente de cet immeuble était ordonnée, de même que celle de toute pièce utile démontrant qu'il était détenu en indivision par B______ et feu E______.

A______ fait valoir que l'ordonnance litigieuse est une décision partielle, partant finale, contre laquelle un appel immédiat est recevable. Elle ajoute que, à supposer que la Cour considère que cette décision n'est susceptible que d'un recours, l'acte déposé, qui respecte les conditions d'un recours, est recevable. Sur le fond, les art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC permettaient aux héritiers d'obtenir toute information utile. La production d'un décompte de toutes les dettes de la SCI D______ prises en charge par le défunt depuis 2004 était nécessaire pour comptabiliser les créances des héritiers à l'encontre de ladite société. Devait également être produit l'acte de vente complet du 10 octobre 1985 du bien immobilier sis 1______ à F______.

L'intimée fait valoir que l'acte déposé par A______ est irrecevable. L'ordonnance litigieuse n'était pas une décision partielle susceptible d'appel immédiat, mais une ordonnance de preuve qui pouvait faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. A______ n'avait jamais indiqué dans ses écritures que ses conclusions en production de pièces devaient être comprises comme une demande de reddition de comptes fondée sur le droit matériel, formée à titre préalable dans le cadre du procès en partage. Les documents dont la production était requise visaient à confirmer ses allégués selon lesquels seul le défunt avait financé l'appartement sis 3______, tout comme l'ensemble des frais ultérieurs en lien avec celui-ci. La recevabilité du recours de A______ supposait un risque de préjudice difficilement réparable, qui n'existait pas en l'espèce. L'ordonnance du Tribunal du 17 février 2021 était inexacte et violait notamment le principe de disposition. Cette ordonnance ne pouvait cependant pas faire l'objet d'un recours immédiat par l'intimée, faute de risque de préjudice difficilement réparable.

1.1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le délai de recours contre les ordonnances d'instruction est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats; elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps. Il en va ainsi notamment lorsque le tribunal émet une ordonnance de preuve (art. 154 CPC) (Jeandin, Commentaire romand, n. 14 art. 319 CPC).

1.1.2 Les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l'administration des preuves. Ils ont en particulier l'obligationde produire les titres requis (art. 160 let. b CPC). Cette obligation d'ordre procédural ne doit pas être confondue avec certains devoirs de rendre des comptes issus du droit matériel (Jeandin, op. cit., n. 5 art. 160 CPC).

Le refus litigieux de collaborer d'une partie se réglera par la mise en œuvre de l'art. 164 CPC, si bien que toute décision y relative pourra être remise en cause avec la décision qui aura été rendue en fonction de l'appréciation des preuves (Jeandin, op. cit., n. 9 art. 160 CPC).

1.1.3 Selon l'art. 607 al. 3 CC, les héritiers possesseurs de biens de la succession ou débiteurs du défunt sont tenus de fournir à cet égard des renseignements précis lors du partage.

Les héritiers sont tenus de se communiquer, sur leur situation envers le défunt, tous les renseignements propres à permettre une égale et juste répartition (art. 610 al. 2 CC).

L'obligation d'informer prévue par l'art. 610 al. 2 CC porte sur tous les renseignements susceptibles d'influencer le partage (Spahr, Commentaire romand, n. 16 ad art. 610 CC).

A l'appui des renseignements qu'il fournit, l'héritier doit également présenter à ses cohéritiers les pièces justificatives dont il dispose (Spahr, op. cit, n. 19-21 ad art. 610 CC).

Lorsque la personne concernée ne livre pas les renseignements demandés, une requête peut être formée devant le tribunal du dernier domicile du défunt ou au for du domicile ou du siège de la partie intimée. La requête en information constitue le préalable à une action en réduction ou en partage; les renseignements fournis permettront, notamment, à l'héritier concerné de formuler ses prétentions en partage en pleine connaissance de cause. Elle peut constituer la première phase d'actions en justice dites successives (Stufenklage) (Spahr, op. cit., n. 24-25, ad art. 610 CC).

Le litige dans ce cas ne porte pas sur le droit de demander le partage mais sur l'obtention de renseignements au sujet de l'état et de l'évolution des biens compris dans la succession. La procédure tendant à l'obtention de renseignements est, dans la plupart des cas, introduite préalablement à une action en partage ou en réduction (Spahr, op. cit., n. 35-36, ad art. 610 CC).

1.1.4 Dans une action échelonnée, la conclusion auxiliaire en remise d'informations et la conclusion principale sont objectivement cumulées, de telle manière qu'il faut d'abord statuer sur la conclusion auxiliaire avant de pouvoir statuer - après remise des informations - sur la conclusion principale, après qu'elle ait été chiffrée. La décision sur la conclusion auxiliaire en remise d'informations est un jugement partiel indépendant au sens de l'art. 91 lit. a LTF (arrêt du Tribunal fédéral 4A_269/2017 du 20 décembre 2017 consid. 1.2).

L'action échelonnée vise à faciliter l'exercice, par le demandeur, d'un droit dont il ignore l'étendue, pour autant que cette ignorance repose sur des faits qui se trouvent dans la sphère du défendeur. Ainsi, une conclusion en reddition de comptes sera liée à une action - indéterminée, dans un premier temps, quant à ses conclusions - en paiement de la somme due (ATF 116 II 215 consid. 4a, JdT 1991 I 34, SJ 1990, 526). La prestation réclamée constitue la conclusion principale, tandis que sa détermination chiffrée au travers de la reddition de comptes constitue la conclusion accessoire. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral a considéré l'action - quoique non chiffrée - comme recevable, étant donné qu'en règle générale, il est impossible pour le demandeur de déterminer avec une complète précision l'étendue de sa prétention sans le complément de la conclusion accessoire. Il serait contraire à l'économie de procédure et au principe de proportionnalité que d'exiger du demandeur qu'il introduise une première action ne tendant qu'à la reddition de comptes, afin d'être au clair sur le montant de la prétention principale, et qu'il introduise ensuite une seconde action en paiement (ATF 123 III 140, JdT 1998 I 22/24 consid. 2b).

L'action échelonnée est caractérisée par le fait qu'une prétention auxiliaire en reddition de comptes est liée à une demande en paiement non chiffrée. Ainsi, l'action n'est par définition pas échelonnée lorsqu'aucune prétention auxiliaire en fourniture de renseignements ne peut être liée à une demande en paiement non chiffrée (ATF 142 III 102 consid. 5.3.2; 140 III 409 consid. 4.3, SJ 2015 I 19).

La réquisition de production de pièces en vertu d'une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements doit être distinguée d'une requête de production du droit de procédure à des fins probatoires. Alors que la prétention en fourniture d'informations ou en reddition de comptes peut être invoquée de manière indépendante et peut notamment être cumulée, à titre de prétention séparée, avec la prétention principale dans une action échelonnée, la réquisition de preuve du droit de procédure suppose que les faits que les documents à produire sont destinés à prouver aient fait l'objet d'allégués réguliers (ATF 144 III 43 consid. 4.1 et 4.2).

1.2 En l'espèce, A______ n'a pas formé d'action en reddition de comptes dans le cadre d'une action échelonnée non chiffrée.

Elle s'est limitée à répondre à la demande formée par l'intimée et a pris, sur le fond, des conclusions en paiement, chiffrant ses prétentions. Ni sa réponse, ni sa duplique n'indiquent qu'elle entend formuler des prétentions auxiliaires en reddition de comptes, séparées de ses prétentions principales.

L'on chercherait d'ailleurs en vain une mention des art. 607 et 610 CC dans ses écritures de première instance.

Les conclusions de A______ tendant à la production des pièces litigieuses ont au contraire été formulées "préalablement et préparatoirement", en lien avec l'allégué n° 2095 de sa réponse et avec les allégués n° 2195 à 2198 de sa duplique.

Il s'agissait ainsi de réquisitions de preuves fondées sur le droit de procédure, destinées à prouver des faits allégués, lesquelles devaient être examinées à la lumière de l'obligation procédurale des parties de collaborer prévue par l'art. 160 CPC.

Contrairement à ce que fait valoir A______, cette constatation ne se heurte pas à l'autorité de force jugée de l'ordonnance du 17 février 2021, dans laquelle le Tribunal a indiqué qu'il considérait que les prétentions respectives des parties en production de pièces étaient fondées sur le droit matériel et qu'il convenait de statuer sur ces prétentions par une décision partielle.

En effet, cette ordonnance, comme toute ordonnance statuant sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploie ni autorité ni force de chose jugée et peut être modifiée en tout temps. Cette ordonnance, erronée, ne lie ainsi pas la Cour.

Le fait que l'intimée, qui n'entendait pas elle-même former de demande séparée en reddition de comptes contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal dans son ordonnance du 17 février 2021, n'ait pas interjeté de recours contre celle-ci n'est pas décisif. Comme le relève à juste titre l'intimée, un recours immédiat contre cette ordonnance aurait probablement été déclaré irrecevable, à défaut de risque de préjudice difficilement réparable.

Le Tribunal a d'ailleurs de lui-même modifié son appréciation sur la question de la qualification de la décision litigieuse du 17 juin 2021 puisqu'il l'a intitulée "ordonnance" et non "décision partielle" et qu'il a précisé que cette ordonnance pouvait faire l'objet d'un recours dans les dix jours conformément aux art. 319ss CPC. Il a de plus indiqué, dans le dispositif de son ordonnance, quelles étaient les conséquences d'un refus de collaborer à l'administration des preuves prévues par l'art. 164 CPC, ce qui confirme que la production des pièces était ordonnée en application du droit procédural prévu par l'art. 160 CPC.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du Tribunal du 17 juin 2021 n'est pas une décision partielle mais une ordonnance d'instruction au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

La recevabilité du recours contre cette ordonnance est dès lors soumise à la condition qu'elle cause à la recourante un préjudice difficilement réparable.

2. 2.1 La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Jean-Luc Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Blickenstorfer, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], n. 39 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, n. 25 ad art. 319 CPC).

Le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Admettre le contraire reviendrait en effet à permettre au plaideur de contester immédiatement toute mesure d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a précisément voulu éviter. Ainsi, les ordonnances de preuve et les refus d'ordonner une preuve doivent en règle générale être contestés dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale (Colombini, op. cit., n. 4.3.1 et 4.3.2 ad art. 319 CPC).

Le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est dès lors en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels, à l'instar du refus d'entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (Jeandin, op. cit., n. 22b ad art. 319 CPC).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 13 ad art. 319 ZPO; Blickenstorfer, op. cit., n. 40 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, Commentaire romand, n. 9 ad art. 126 CPC).

2.2 En l'espèce, la recourante n'a pas allégué, et encore moins établi que la décision querellée lui causait un préjudice difficilement réparable.

Le rejet de ses requêtes en production de pièces n'est pas susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable qui ne pourrait pas être supprimé dans l'hypothèse d'une décision finale qui lui serait défavorable.

A supposer que, à l'issue de la procédure devant le Tribunal, la recourante n'obtienne pas gain de cause, elle pourra, le moment venu, requérir, si elle s'y estime fondée, l'administration des preuves par la Cour (art. 316 al. 3 CPC) ou le renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire (art. 318 al. 1 let. c CPC).

Aucune des situations exceptionnelles prévue par la jurisprudence pour l'admission du recours immédiat contre une décision refusant une mesure probatoire n'est réalisée en l'espèce.

Il n'y a ainsi aucune raison qui justifie in casu de s'écarter du principe selon lequel les ordonnances de preuve et les refus d'ordonner une preuve doivent, conformément à la règle générale, être contestés dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale.

Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 1'000 fr. et compensés avec l'avance versée par ses soins, laquelle restera acquise à l'Etat de Genève (106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 41 RTFMC).

Une indemnité de 3'000 fr., débours et TVA inclus, sera allouée à l'intimée à titre de dépens de recours (art. 85, 87, 90 RTFMC; 23, 25 et 26 LaCC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui a conclu à l'admission du recours et qui n'a de plus pas requis l'allocation de dépens.

* * * *

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance
ORTPI/658/2021 rendue le 17 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24071/2018-9.

Met à la charge de A______ les frais de recours, arrêtés à 1'000 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ 3'000 fr. à titre de dépens de recours.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à C______.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame
Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.