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Décisions | Sommaires

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C/15507/2022

ACJC/139/2023 du 27.01.2023 sur OTPI/666/2022 ( SP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 10.02.2023, rendu le 28.03.2023, IRRECEVABLE, 4A_93/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15507/2022 ACJC/139/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 27 JANVIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 octobre 2022, comparant par Me B______, avocat, ______ [GE], en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

C______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Gregory STROHMEIER, avocat, SCHELLENBERG WITTMER SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/666/2022 du 14 octobre 2022, reçue le 20 octobre 2022 par A______ SA, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a déclaré irrecevables les déterminations spontanées de la précitée du 4 octobre 2022 (chiffre 1 du dispositif), rejeté la requête de celle-ci (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., mis à la charge de A______ SA et compensés avec l'avance fournie (ch. 3), condamné celle-ci à verser à [la banque] C______ 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 24 octobre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA appelle de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut à ce qu'il soit fait interdiction à C______ de dénoncer le crédit hypothécaire en cours de 8'500'000 fr., sous suite frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, C______ conclut au rejet de cet appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par avis du greffe de la Cour du 29 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. La société genevoise A______ SA, anciennement D______ SA, a notamment pour but l'acquisition, le commerce, la gestion et l'aménagement intérieur de biens immobiliers, la gestion de biens mobiliers, ainsi que le conseil juridique en lien avec son activité.

Me B______ en est l'unique administrateur et actionnaire.

b. Le 11 octobre 2020, A______ SA et C______ ont signé un "contrat-cadre pour crédit hypothécaire" portant sur une somme de 8'500'000 fr.

Ce contrat prévoyait que les crédits à durée fixe devaient être remboursés à la fin de la durée ou de la durée totale, à moins que l'emprunteur n'ait conclu un nouvel accord avec la banque au moins deux jours ouvrables bancaires avant cette date.

Le contrat-cadre pouvait être résilié en tout temps, par chacune des parties, avec effet immédiat. Sauf disposition écrite contraire, les crédits à durée fixe accordés en vertu du contrat précité ne pouvaient pas être résiliés avant l'échéance de la durée ou de la durée totale.

Les crédits conclus sur la base de ce contrat-cadre étaient notamment garantis par la constitution d'un nantissement sur des avoirs détenus par Me B______ auprès de C______ d'une valeur de 1'775'000 fr.

Le financement convenu entre les parties devait permettre à A______ SA d'acquérir les parcelles n° 1______, 2______ et 3______ de la commune de E______ [GE] pour un montant de 8'000'000 fr. et de s'acquitter des coûts liés à l'étude de faisabilité d'une promotion immobilière à hauteur de 500'000 fr., ce qui ressort des courriels de la banque des 9 et 25 septembre 2020.

c. Le 30 novembre 2020, A______ SA et C______ ont conclu une "hypothèque fix" de 8'500'000 fr., pour une durée du 30 novembre 2020 au 29 novembre 2022, au taux d'intérêt annuel net fixe de 0,95%.

d. Le 30 novembre 2020, A______ SA a acquis les parcelles n° 1______, 2______ et 3______ de la commune de E______ au prix de 8'000'000 fr.

e. Entre avril 2021 et mars 2022, A______ SA a notamment informé la banque, par courriels, de ce qu'elle avait pris contact avec des architectes, obtenu le devis d'un géomètre et souhaitait obtenir une dérogation à l'indice de densité maximale pour pouvoir réaliser la promotion immobilière envisagée. N'ayant pas obtenu ladite dérogation, elle a transmis à C______ un nouveau projet de cette promotion modifié en conséquence.

A______ SA a allégué que, durant cette période, la banque avait donné son accord pour financer le projet de construction envisagé.

f. Par courriel du 22 juillet 2022, C______ a informé A______ SA de ce qu'elle refusait d'entrer en matière sur une demande de financement pour la réalisation de la construction. Elle considérait que le projet immobilier envisagé n'était pas viable financièrement.

g. Par courrier du 23 juillet 2022, A______ SA a donné un "ultimatum" à la banque pour accepter de financer son projet de construction.

h. Par courrier du 28 juillet 2022, la banque a confirmé à A______ SA qu'elle ne donnerait pas suite à sa demande de financement, précisant ne jamais s'être engagée en ce sens.

i. Par acte expédié le 12 août 2022 au greffe du Tribunal, A______ SA a formé une demande en paiement à l'encontre de C______, assortie d'une mesure provisionnelle, par laquelle elle concluait, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce qu'il soit fait interdiction à la banque de dénoncer le crédit hypothécaire en cours de 8'500'000 fr.

Au fond, elle a conclu à la condamnation de la banque à lui verser 9'948'195 fr. 15, plus intérêts dès le 12 août 2022, à titre de dommages et intérêts contractuels, subsidiairement, à titre de dommages et intérêts délictuels, à la libération du nantissement de 1'775'000 fr. effectué par Me B______ en sa faveur et au déboutement de la banque de toutes autres conclusions. Elle a fait valoir que la banque avait donné son accord pour le financement du projet de construction envisagé.

S'agissant de la mesure provisionnelle requise, A______ SA a allégué qu'une dénonciation du crédit hypothécaire provoquerait une "surcharge d'intérêts inadmissible au vu des taux actuels dans le pays", qu'elle n'était pas d'accord, ni en mesure, de payer. Selon elle, "le taux d'intérêt de 0,95% se retrouverait démultiplié de plus de 100%", de sorte qu'elle subirait un préjudice correspondant à "une diminution rapide et injustifiée du nantissement" effectué par Me B______ en sa faveur et une "diminution importante" de sa propre valeur.

j. Par ordonnance du 23 août 2022, le Tribunal a transmis la demande susvisée à C______, imparti à celui-ci un délai au 19 septembre 2022 pour se déterminer par écrit et convoqué les parties à une audience le 3 octobre 2022.

k. Par courrier du 14 septembre 2022, C______ a requis du Tribunal une prolongation du délai pour répondre à la demande de A______ SA.

l. Par ordonnance du 14 septembre 2022, le Tribunal a accepté de prolonger au 28 septembre 2022 le délai imparti à la banque et enjoint celle-ci à signifier directement ses écritures à A______ SA le jour de l'échéance dudit délai, à défaut de quoi celles-ci ne seraient pas prises en considération.

m. Dans ses déterminations du 28 septembre 2022, C______ a conclu au rejet de la requête en mesure provisionnelle formée par A______ SA, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a notamment allégué ne pas avoir l'intention de dénoncer le contrat-cadre conclu entre les parties le 11 octobre 2020, ni le crédit accordé sur la base de celui-ci le 30 novembre 2020, qui arrivait à échéance le 29 novembre 2022.

n. Par pli recommandé du 29 septembre 2022, le Tribunal a transmis à A______ SA l'écriture susvisée, reçue par elle le 4 octobre 2022.

o. Lors de l'audience du Tribunal du 3 octobre 2022, C______ a déclaré avoir adressé ses déterminations du 28 septembre 2022 à A______ SA par courriel et courrier recommandé du jour même et produit les preuves y afférentes. Elle a rappelé que le crédit hypothécaire litigieux était un crédit à taux d'intérêt fixe de durée déterminée, soit jusqu'au 29 novembre 2022.

A______ SA a déclaré avoir pris connaissance du courriel susvisé de la banque le 30 septembre 2022. Si le crédit hypothécaire litigieux était dénoncé le 29 novembre 2022, ses activités seraient mises en péril. Elle a sollicité un délai pour répliquer.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

p. Le 4 octobre 2022, A______ SA a adressé au Tribunal une réplique spontanée de deux pages.

D. Dans la décision attaquée, le Tribunal a considéré que A______ SA avait disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des déterminations de C______ du 28 septembre 2022, celles-ci lui ayant été transmises par courriel et courrier recommandé du jour même, et exercer son droit à la réplique oralement lors de l'audience du 3 octobre 2022. Par conséquent, son écriture spontanée du 4 octobre 2022, adressée après que la cause avait été gardée à juger, était irrecevable.

A______ SA n'avait pas rendu vraisemblable un risque d'atteinte à sa prétention au fond, ni l'existence d'un préjudice difficilement réparable. L'interdiction requise de dénoncer le prêt apparaissait sans lien avec ladite prétention.

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance querellée a été rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de 10 jours (art. 314 al. 1 CPC) et selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime des débats (art. 55 CPC et art. 255 CPC a contrario) et le principe de disposition (art. 58 CPC) sont applicables.

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 lit. d CPC), avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

3. L'appelante reproche au Tribunal une constatation inexacte des faits, de sorte que l'état de fait ci-dessus a été complété ou modifié dans la mesure utile.

4 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé le principe d'égalité des armes, en considérant qu'elle pouvait répliquer oralement à l'audience du 3 octobre 2022.

4.1.1 Le droit à un procès équitable est garanti notamment par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Le principe d'égalité des armes, tel qu'il découle du droit à un procès équitable, exige un "juste équilibre entre les parties": chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.3.1 et les références citées).

Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit au justiciable le droit d'être informé et de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et les références).

Malgré son caractère formel, la garantie du droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi. En particulier, l'admission du grief de refus du droit d'être entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d'être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et de prolonger inutilement la procédure. Cette jurisprudence ne signifie pas un abandon de la nature formelle du droit d'être entendu. Elle est au contraire l'expression du principe général de la bonne foi (art. 2 CC), qui limite déjà le droit d'être entendu comme tel, dès lors que les droits de participer à la procédure sont limités aux preuves importantes, respectivement aux résultats de l'administration des preuves qui sont propres à influencer la décision (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4).

Une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Une telle réparation n'est admissible que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée qui n'est pas particulièrement grave (ATF 137 I 195 consid. 2.3; 135 I 279 consid. 2.6.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2).

4.1.2 En procédure sommaire, l'art. 253 CPC met en œuvre le droit d'être entendu. Un second échange d'écritures n'y est pas prévu, de sorte qu'au vu de la nature de la procédure sommaire, il s'impose de faire preuve de retenue à cet égard. Cela ne change cependant rien au fait que les parties, en vertu des articles 6 § 1 CEDH et/ou 29 al. 1 et 2 Cst., ont le droit de se déterminer, dans un délai approprié, sur toute écriture du tribunal ou de la partie adverse, indépendamment du fait que celle-ci contienne ou non des éléments nouveaux et importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.1, in RSPC 2015 p. 424, n° 1717).

4.2 En l'occurrence, l'intimée a transmis à l'appelante, par courriel et courrier recommandé du 28 septembre 2022, ses déterminations du jour même, conformément à l'ordonnance du Tribunal du 14 septembre 2022. La prolongation de délai accordée à l'intimée pour le dépôt de ses déterminations ne saurait constituer, à elle seule, une violation du principe d'égalité des armes, ce que semble soutenir l'appelante.

Compte tenu de la nature sommaire de la procédure, l'appelante ne bénéficiait pas d'un droit formel à la réplique, mais pouvait, sur le principe, s'exprimer oralement sur les déterminations de l'intimée du mercredi 28 septembre 2022 à l'audience du lundi 3 octobre 2022.

Cela étant, ce laps de temps de deux jours ouvrables apparaît trop court pour prendre connaissance de l'argumentation de l'intimée et préparer une réplique sur celle-ci, même en tenant compte du fait que le conseil de l'appelante est l'unique actionnaire et administrateur de celle-ci, de sorte qu'il connaissait les faits du litige.

Par ailleurs, le Tribunal a transmis les déterminations de l'intimée du 28 septembre 2022 à l'appelante par envoi recommandé du 29 septembre 2022, reçu par celle-ci le 4 octobre 2022, soit le lendemain de l'audience.

La question de la violation du droit d'être entendue de l'appelante, comme aspect d'un procès équitable, peut toutefois rester indécise.

En effet, dans son écriture d'appel, l'appelante n'indique pas quel(s) argument(s) elle aurait été empêchée de faire valoir oralement devant le Tribunal, faute de temps de préparation suffisant, à la suite de ceux soulevés par l'intimée dans son écriture du 28 septembre 2022. L'appelante n'explique pas non plus en quoi la prise en compte de sa réplique spontanée du 4 octobre 2022, de deux pages, aurait été susceptible d'avoir une incidence sur la décision querellée. En appel, elle ne conclut d'ailleurs pas à la recevabilité de celle-ci.

Dans ces circonstances, le renvoi de la cause au Tribunal, en raison du seul fait que l'appelante n'aurait pas bénéficié d'un délai suffisant pour répliquer oralement lors de l'audience ou ultérieurement par écrit, constituerait une vaine formalité engendrant un allongement inutile de la procédure.

Par ailleurs, même à admettre une violation du droit d'être entendue de l'appelante, celle-ci pourrait être réparée dans le cadre du présent appel, la Cour disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit.

Partant, le grief de l'appelante sera rejeté.

5. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé le droit en ne prononçant pas la mesure provisionnelle requise.

5.1.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let.b). Il s'agit là de conditions cumulatives (Bohnet, in Commentaire romand CPC, 2019, n° 3 ad art. 261 CPC).

Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, soit notamment en interdiction (art. 262 let. a CPC).

Le requérant doit rendre vraisemblable tant l'existence de sa prétention matérielle de nature civile que sa mise en danger ou atteinte par un préjudice difficilement réparable, ainsi que l'urgence (Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n° 23 ad art. 261 CPC)

Ainsi, le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n° 10 ad art. 261 CPC).

Doit également être rendue vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n° 11 ad art. 261 CPC; Huber, op. cit., n° 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets. Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

5.1.2 Rendre vraisemblable signifie qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté, mais qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans qu'il doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3, in SJ 2005 I 514; 120 II 393 consid. 4c).

La vraisemblance requiert plus que de simples allégués: ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_893/2013 du 18 février 2014 consid. 3).

5.2 En l'espèce, le contrat-cadre conclu par les parties le 11 octobre 2020, de même que le crédit accordé sur la base de celui-ci le 30 novembre 2020, portait vraisemblablement sur le financement de l'acquisition des parcelles concernées à hauteur de 8'000'000 fr. et le coût de l'étude de faisabilité du projet immobilier envisagé par l'appelante sur lesdites parcelles à concurrence de 500'000 fr., comme mentionné dans les courriels de l'intimée des 9 et 25 septembre 2020.

Or, la prétention au fond de l'appelante en paiement de dommages et intérêts concerne un prétendu accord entre les parties portant sur un financement complémentaire pour la construction du projet immobilier susvisé.

La mesure provisionnelle requise, soit l'interdiction de dénoncer le crédit de 8'500'000 fr., apparaît ainsi sans lien avec la prétention au fond de l'appelante, comme retenu par le premier juge. Il n'est donc pas vraisemblable que cette prétention soit l'objet d'une atteinte ou risque de l'être au sens de l'art. 261 CPC.

Par ailleurs, l'appelante ne rend pas vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable. En effet, elle se limite à soutenir que la dénonciation du crédit litigieux aurait pour conséquence de mettre en péril ses activités, sans autre explication. Il sera d'ailleurs relevé que l'échéance contractuelle de ce crédit a été fixée au 29 novembre 2022 par les parties. Par ailleurs, les allégations de l'appelante, selon lesquelles la dénonciation dudit crédit impliquerait un nouveau taux d'intérêt "exorbitant" ne sont, quant à elles, étayées par aucun élément du dossier.

En définitive, au vu de ce qui précède, l'ordonnance entreprise sera confirmée.

6. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 26 et 37 RTFMC), mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et entièrement compensés avec l'avance fournie par elle, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à verser à l'intimée des dépens d'appel, arrêtés à 3'000 fr., débours et TVA inclus (art. 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC). Contrairement à ce que soutient l'intimée, il se justifie de faire application de l'art. 23 LaCC, compte tenu de la disproportion évidente entre la valeur litigieuse et le travail effectif de son conseil, l'activité déployée par ce dernier ayant consisté en la rédaction d'un seul mémoire réponse de dix pages.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 octobre 2022 par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/666/2022 rendue le 14 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15507/2022-20 SP.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense entièrement avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 3'000 fr. à C______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.