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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1990/2022

DCSO/424/2022 du 20.10.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : For de la poursuite; domicile du débiteur; perpetuatio fori après l'avis de saisie; publication
Normes : lp.46; lp.67.al1.ch2; lp.53; lp.54; lp.66.al4.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1990/2022-CS DCSO/424/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 20 OCTOBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/1990/2022-CS) formée en date du 13 juin 2022 par A______ AG, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ AG

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Les 25 juin et 15 juillet 2021, A______ SA a déposé deux réquisitions de poursuite à l'encontre de B______, né le ______ 1983, domicilié 1______ Genève, en recouvrement de primes d'assurance-maladie pour les périodes de, respectivement, avril à juin 2019 et septembre à novembre 2020.

b. Après plusieurs tentatives infructueuses de notification ordinaire des commandements de payer, poursuites n° 2______ et n° 3______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) les a notifiés de manière simplifiée, par courrier A+, en application de l'art. 8 de l'Ordonnance COVID-19, justice et droit procédural, le 23 septembre 2021.

c. Le débiteur n'a pas frappé les commandements de payer d'opposition.

d. La créancière a requis la continuation de la poursuite le 22 novembre 2021.

e. Les deux poursuites susmentionnées ont participé aux opérations de saisie dans le cadre de la série n° 4______, avec d'autres créanciers.

f. L'Office a avisé le débiteur de la saisie et l'a convoqué pour un interrogatoire fixé le 4 janvier 2022 par courrier recommandé envoyé à l'adresse mentionnée dans les registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM), c/o C______ (sa mère), 1______.

Le pli recommandé n'a pas été retiré à La Poste et a été retourné à l'expéditeur.

g. L'Office s'est rendu sur place et a constaté que le nom du débiteur ne figurait sur aucune boîte-aux-lettre ni sur aucune porte, seul le nom de ses parents étant mentionné.

h. L'avis de saisie adressé à onze établissements bancaires et financiers de la place a conduit au constat que le débiteur n'entretenait aucune relation avec ces établissements.

i. Le mandat de conduite délivré par l'Office a donné lieu à un rapport de la police dont il ressort que le débiteur n'avait plus de domicile connu / fixe à Genève et qu'il aurait quitté le territoire du canton pour D______[Emirats arabes unis] en 2020, sans donner d'adresse.

j. L'Office ayant contacté la mère du débiteur par téléphone, celle-ci lui a également indiqué un départ pour D______ en 2021.

k. L'Office a établi le 27 mai 2022 un procès-verbal de non-lieu de saisie qu'il a adressé le jour même à A______ SA, qui l'a reçu le 1er juin 2022, et aux autres créanciers participants à la série. Il motivait cette décision par le fait que le débiteur n'était plus atteignable à son adresse à Genève et qu'aucun bien lui appartenant n'avait pu être découvert.

B. a. A______ SA a formé un "recours" contre cette décision, adressé au Tribunal de première instance le 13 juin 2022, dans lequel il concluait à son annulation et, principalement, à ce que l'Office soit invité à lui délivrer des actes de défaut de biens dans les deux poursuites susmentionnées, subsidiairement à ce que l'Office soit invité à procéder à la publication de l'avis de saisie dans la FAO.

A l'appui, la plaignante allègue et prouve par pièce que jusqu'en 2020, l'Office a pu atteindre le débiteur à l'adresse susmentionnée (actes de poursuite réceptionnés par sa mère) et a délivré des actes de défaut de biens. En outre, un numéro de téléphone suisse était actif au nom du débiteur et ce dernier disposait d'une adresse e-mail (E______@gmail.com) avec laquelle il a été possible de communiquer jusqu'en novembre 2020. Finalement, elle constate que le débiteur est encore inscrit au Registre du commerce comme organe d'une association ayant son siège à Genève. (F______ Association).

b. Le Tribunal de première instance a transmis l'acte à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) le
15 juin 2022.

c. Dans ses observations du 7 juillet 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte et s'en est rapporté à justice quant à sa recevabilité.

Il expose notamment avoir pu contacter par courriel le débiteur en juillet 2022 et obtenir l'information que celui-ci résidait régulièrement à D______[Emirats arabes unis], ce qu'il justifiait en produisant des photocopies de son passeport contenant des autorisations de résidence à D______, pour déployer une activité professionnelle auprès d'un employeur valables du 9 mars 2014 au 8 mars 2017 (managing director auprès de G______), du 18 mai 2017 au 17 mai 2020 (managing director auprès de H______) et du 18 mars 2021 au 17 mars 2023 (construction manager c/o I______), ainsi que des contrats de bail pour des périodes allant de février 2016 à février 2017 et de janvier 2022 à janvier 2023. Le débiteur avait expliqué à l'Office ne pas avoir disposé de son propre logement pendant toutes ses périodes de résidence à D______[Emirats arabes unis] en raison des difficultés à s'y loger et il avait vécu pendant plusieurs périodes à l'hôtel, chez des amis ou chez son amie.

d. La Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 11 juillet 2022 que la cause était gardée à juger aucune des parties n'ayant répliqué suite aux observations de l'Office.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable à ces égards.

En application de l'art. 32 al. 2 LP, un acte déposé en temps utile auprès d'une autorité de poursuite incompétente – office des poursuites, des faillite ou autorité de surveillance, notamment une plainte au sens de l'art. 17 LP – est réputé respecter le délai; l'autorité incompétente communique l'acte à l'autorité compétente sans retard. En l'espèce, nonobstant le dépôt devant une autorité incompétente, la plainte est ainsi également recevable à cet égard.

2. La plaignante fait grief à l'Office d'avoir considéré qu'il n'était plus en mesure de conduire une poursuite contre le débiteur en raison de l'absence de domicile de celui-ci à Genève, alors qu'il avait accepté de le faire jusqu'en 2021.

2.1.1 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit énoncer les nom et domicile du débiteur; c'est en premier lieu au poursuivant – et non à l'Office – qu'il incombe de rechercher l'adresse du débiteur, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur; pour sa part, l'Office doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend; si ces indications se révèlent inexactes ou insuffisamment précises, l'Office doit impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaire (ATF 141 III 173 consid. 2.4 et les références citées; Gilliéron, Commentaire LP, n° 116 ad art. 67 LP).

2.1.2 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP), au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3). Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels.

L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP (ATF 119 III 54 consid. 2a). Toutefois, si le débiteur n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse. La loi connaît en effet la notion de "for fictif" au dernier domicile connu pour le cas où un débiteur se soustrait à la poursuite par la fuite (art. 54 LP); ce for, prévu pour la faillite, s’applique également au débiteur en fuite qui n’est pas soumis à la faillite. En effet, si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'Office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2; DCSO/73/2019 du 8 février 2019; Stoffel, Chabloz, Poursuite pour dettes et exécution spéciale, 2016, p. 92, n° 112).

2.1.3 Si le débiteur change de domicile après l'avis de saisie, la poursuite se continue au même domicile (art. 53 LP).

La perpétuation du for au sens de l'art. 53 LP s'applique aux changements nationaux et internationaux (Schüpbach, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 4 ad art. 53 LP).

Les poursuites à l'ancien for qui n'ont pas atteint le stade de la perpétuation prévue par l'art. 53 LP sont continuées au nouveau et, péremption réservée, ne sont pas recommencées. Ainsi, le for ordinaire de poursuite suit le débiteur à chaque nouveau domicile, de sorte que la poursuite requise à l'ancien domicile doit être continuée au nouveau domicile (ATF 136 III 373 consid. 2.1; 134 III 417 consid. 4; arrêt 7B.88/2006 du 19 septembre 2006 consid. 2.1; Schüpbach, op. cit., n° 20 ad art. 53 LP et les citations).

L'Office doit vérifier les indications données par le créancier au sujet du domicile du débiteur, dès lors que sa compétence en dépend. En cas de changement de domicile du débiteur en cours de poursuite, il doit examiner d'office si ce changement est intervenu avant ou après le moment déterminant selon l'art. 53 LP. Quant aux autorités de surveillance, elles doivent veiller à chaque stade de la procédure au respect des règles de compétence; elles interviennent d'office si l'intérêt public ou les intérêts des tiers sont en jeu (ATF 120 III 110 consid. 1a; 80 III 99 consid. 1; arrêt 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.2).

Lorsque l'Office qui a rédigé et notifié le commandement de payer prend conscience que le for de la poursuite a changé, sans être en mesure d'identifier l'office des poursuites compétent, il doit rejeter la réquisition de continuer, car il n'est pas tenu de rechercher le domicile du poursuivi; cette décision peut faire l'objet d'une plainte à l'autorité de surveillance (décision de la Chambre de surveillance DCSO/35/2022 du 3 février 2022 consid. 2; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 18 ad art. 89 LP).

2.1.4 La notification se fait par publication lorsque le débiteur n'a pas de domicile connu (art. 66 al. 4 ch. 1 LP).

La notification d'un commandement de payer par voie édictale constitue une ultima ratio; il ne peut y être recouru que si le créancier et l'Office ont effectué toutes les recherches adaptées à la situation de fait pour trouver une adresse à laquelle la notification au débiteur pourrait intervenir (ATF 136 III 571 consid. 5, SJ 2011 I 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2009 du 10 juillet 2009 consid. 3; ATF 129 III 556 consid. 4, JdT 2004 II 26; 119 III 60 consid. 2a; 112 III 6).

2.2 En l'espèce, il ressort des derniers actes d'instruction de l'Office – effectués alors que la procédure de plainte était déjà en cours et non contestés par la plaignante – que le débiteur, âgé de 39 ans, ne disposant à Genève que d'une adresse chez sa mère, a déplacé son domicile à D______[Emirats arabes unis], où il est titulaire d'un permis de résidence, jouit d'un logement et exerce une activité professionnelle. Cette situation existe vraisemblablement depuis plusieurs années, raison pour laquelle les notifications d'actes de poursuite à l'adresse de sa mère à Genève étaient régulièrement vouées à l'échec ou passivement reçues par une personne dont on peut douter qu'elle avait la qualité pour les recevoir au sens des art. 64 et ss LP. Les quelques éléments réunis par la plaignante pour soutenir que le débiteur serait domicilié en Suisse ne sont pas suffisants pour renverser les preuves fournies par le débiteur, dont il n'est pas contesté qu'il a conservé des attaches avec Genève, ses parents y vivant (numéro de téléphone portable suisse actif, inscription en qualité d'organe d'une association figurant au RC de Genève, permanence d'une inscription à l'OCPM – désormais radiée – et poursuites conduites par l'Office jusqu'en 2021).

L'Office était par conséquent fondé à rendre la décision de non-lieu de saisie attaquée – en réalité un non-lieu de poursuite –, l'absence de domicile du débiteur à Genève, et partant de compétence pour le poursuivre à Genève, étant établie. Dans ces circonstances, aucune perpétuation du for au sens de l'art. 53 LP n'entre en ligne de compte, faute de for acquis à Genève avant l'avis de saisie.

De surcroît, le débiteur a produit des pièces permettant d'établir un nouveau domicile à l'étranger, une adresse figurant même dans le contrat de bail produit, ce qui exclut qu'une poursuite puisse être intentée à Genève à titre de "for de nécessité".

L'existence désormais avérée d'un domicile du débiteur à l'étranger, et l'absence de for de poursuite à Genève qui en découle, excluent également la notification d'actes de poursuite par voie édictale.

La plainte sera par conséquent rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte du 13 juin 2022 de A______ SA contre la décision de non-lieu de saisie du 27 mai 2022 de l'Office cantonal des poursuites dans les poursuites n° 2______ et n° 3______, série n° 4______, contre B______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.