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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2246/2022

DCSO/370/2022 du 22.09.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Droit à la non-divulgation de la poursuite; action du poursuivant; action en reconnaissance de dette; consultation; non-introduction
Normes : lp.8a.al3.letd; cpc.202; cpc.209.al1; cpc.209.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2246/2022-CS DCSO/370/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU jeudi 22 septembre 2022

 

Plainte 17 LP (A/2246/2022-CS) formée en date du 6 juillet 2022 par A______, représenté par B______, Cabinet juridique et médiation C______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Cabinet juridique et

médiation C______

Mme B______

______

______ Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 18 octobre 2021, D______ SA a engagé à l'encontre de A______ une poursuite ordinaire en vue du paiement de 8'200 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er août 2021.

Le commandement de payer, poursuite n° 1______, établi par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) conformément aux indications de la réquisition de poursuite, a été notifié le 29 octobre 2021 au poursuivi, qui a formé opposition.

b. Le 14 avril 2022, A______ a sollicité de l'Office, au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP, que l'existence de la poursuite n° 1______ ne soit plus portée à la connaissance des tiers.

c. Le même jour, l'Office a fixé au créancier un délai au 9 mai 2022 pour indiquer s'il avait engagé une procédure en annulation de l'opposition à la poursuite
n° 1______.

d. Le 25 avril 2022, D______ SA a communiqué à l'Office un tirage de la requête en conciliation déposée devant l'autorité de conciliation du Tribunal des Prud'hommes (cause C/3______/2021) au sens de l'art. 202 CPC, dirigée à l'encontre de A______, dans le cadre de laquelle elle a notamment conclu à ce que ce dernier soit condamné à lui payer 8'200 fr., avec intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er août 2021 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite n° 1______.

e. Par décision du 27 avril 2022, l'Office a informé A______ de ce qu'il allait continuer à porter à la connaissance des tiers, en application de l'art. 8a LP, l'existence de la poursuite n° 1______, dès lors que le créancier avait attesté de l'introduction d'une action tendant à l'annulation de l'opposition.

f. Le 28 juin 2022, A______ a déposé une nouvelle demande de non-divulgation de la poursuite n° 1______, alléguant que, à l'issue de l'échec de la tentative de conciliation le 14 mars 2022, D______ SA n'avait pas introduit son action devant le Tribunal des Prud'hommes dans le délai de trois mois prévu par l'art. 209 al. 2 CPC.

g. Par décision du 28 juin 2022, notifiée à A______ le 1er juillet 2022, l'Office a refusé la demande de non-divulgation, pour le motif suivant : "selon l'instruction n° 5 du service de la Haute Surveillance LP, l'Office rejette la demande si, dès réception, il sait qu'une procédure de mainlevée de l'opposition a été engagée concernant la poursuite contestée, indépendamment de l'issue donné à la procédure".

B. a. Par acte expédié le 6 juillet 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP à l'encontre de la décision de non-divulgation précitée, concluant à ce qu'elle soit annulée et, cela fait, à ce qu'il soit ordonné à l'Office de ne pas porter à la connaissance des tiers l'existence de la poursuite n° 1______.

Il a réitéré que le créancier n'avait pas agi au fond dans le délai de trois mois à compter de l'échec de la tentative de conciliation et produit le procès-verbal de l'audience de conciliation, tenue le 14 mars 2022 dans la cause C/3______/2021, à l'issue de laquelle le juge conciliateur avait délivré à D______ SA une autorisation de procéder.

b. Dans son rapport explicatif du 25 août 2022, l'Office a admis qu'il aurait dû, à réception de la seconde demande de non-divulgation, interpeller le créancier pour savoir s'il avait introduit son action tendant à l'annulation de la poursuite devant le Tribunal des Prud'hommes, dans les trois mois à compter de l'audience de conciliation.

c. Par courrier du 29 août 2022, la Chambre de céans a communiqué à A______ le rapport de l'Office et l'a informé de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP; art. 125 et 126 al. 1 let. a et al. 2 let. c LOJ) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

1.2 Déposée dans le délai de dix jours dès la réception de la décision du 28 juin 2022 (art. 17 al. 2 LP) et respectant les exigences de forme prescrites par la loi (art. 9 al. 1 LaLP et art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Le droit à l'information prévu à l'art. 8a LP est justifié par l'intérêt public qu'il y a à permettre aux personnes intéressées d'être renseignées sur la solvabilité d'un partenaire contractuel potentiel.

Selon la lettre d de l'alinéa 3 de cette disposition, en vigueur depuis le
1er janvier 2019, les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur dans ce sens est faite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de
20 jours imparti par l'Office des poursuites, qu'une procédure d'annulation de l'opposition (art. 79 à 84 LP) a été engagée à temps; lorsque la preuve est apportée par la suite, ou lorsque la poursuite est continuée, celle-ci est à nouveau portée à la connaissance de tiers.

Dans le cadre de l'application de cette disposition, l'office des poursuites (et l'autorité de surveillance) doit uniquement déterminer si le poursuivant a ou non engagé une procédure tendant à faire écarter l'opposition formée par le débiteur. Il ne saurait donc examiner lui-même si la prétention déduite en poursuite paraît ou non justifiée, ni émettre un pronostic sur l'issue des démarches judiciaires éventuellement engagées par l'une ou l'autre des parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_319/2020 du 7 mai 2020 cons. 2). L'aspect justifié ou non de la poursuite, au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP, s'apprécie uniquement au regard de l'action ou de l'inaction du poursuivant. Il en résulte que la simple introduction par le poursuivant d'une requête de mainlevée fait obstacle à la non-divulgation de la poursuite, quand bien même cette requête serait ensuite rejetée ou déclarée irrecevable et que le poursuivant n'engagerait pas d'autre démarche (ATF 141 III 41 cons. 3.3).

2.1.2 L'art. 79 LP permet au créancier à la poursuite duquel il a été formé opposition d'obtenir qu'elle soit écartée par la voie d'une action en reconnaissance de dette. Il s'agit là d'une action en paiement ordinaire, de droit matériel et soumise aux règles du CPC ou de la procédure administrative applicable (ATF 119 III 67 cons. 4b). Dans la première hypothèse, l'introduction de l'action suppose le déroulement préalable d'une tentative obligatoire de conciliation au sens des art. 197 et suivants CPC (art. 197 et 198 CPC; Aeschlimann-Disler/Heinzmann, in Petit Commentaire CPC, 2021, Chabloz/Dietschy-Martenet/Heinzmann [éd.], N 12 ad art. 198 CPC).

Si la tentative de conciliation échoue, ou si la partie défenderesse ne comparaît pas à l'audience (art. 206 al. 2 CPC), l'autorité de conciliation délivre à la partie demanderesse une autorisation de procéder (art. 209 al. 1 CPC) qui lui permet, dans un délai de trois mois à compter de sa délivrance, de porter son action devant l'instance de jugement (art. 209 al. 3 CPC).

Le dépôt d'une requête de conciliation emporte la litispendance (Aeschlimann-Disler/Heinzmann, op. cit., N 3 ad art. 202 CPC). Celle-ci cesse si, dans les trois mois à compter de la délivrance de l'autorisation de procéder, la partie demanderesse ne saisit pas le juge du fond (Aeschlimann-Disler/Heinzmann, op. cit., N 20 ad art. 209 CPC), l'instance étant alors réputée non introduite (Bohnet, in CR CPC, 2ème édition, N 17 ad art. 209 CPC).

2.1.3 Selon la jurisprudence de la Chambre de céans, le créancier qui n'introduit pas devant le juge du fond son action en reconnaissance de dette, dans les trois mois dès l'échec de la tentative de conciliation, est réputé renoncer à faire trancher par un juge pouvant en connaître ses conclusions en annulation de l'opposition. Dans cette hypothèse, l'Office doit faire droit à la requête de non-divulgation du débiteur (DCSO/41/2022 du 3 février 2022).

2.2 En l'espèce, c'est à tort que l'Office a refusé d'emblée la seconde requête de non-divulgation présentée par le plaignant, sans vérifier auprès du créancier s'il avait introduit – ou pas – devant le Tribunal des Prud'hommes son action en reconnaissance de dette dans les trois mois dès l'échec de la tentative de conciliation. Le plaignant n'a quant à lui pas fourni la preuve de ce que la cause C/3______/2021 serait périmée, de sorte que la Chambre de céans ne saurait faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Office de ne pas porter à la connaissance de tiers la poursuite considérée.

La plainte sera donc partiellement admise et la décision entreprise sera annulée. Il sera ordonné à l'Office d'interpeller le créancier afin de savoir s'il a valablement agi en annulation de la poursuite dans le sens qui précède.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 6 juillet 2022 par E______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 28 juin 2022, dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision entreprise.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites d'inviter D______ SA à prouver qu'elle a valablement agi en annulation de la poursuite n° 1______.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.