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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1940/2021

JTAPI/591/2021 du 10.06.2021 ( MC ) , CONFIRME PARTIELLEMENT

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.5.al1.letd; LEI.64a; LEI.64d.al2.leta; LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1; LEI.76a.al2.lete; LEI.76a.al3.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1940/2021 MC

JTAPI/591/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Lucio AMORUSO, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le _____ 1998, est originaire de Guinée.

2.             M. A______ est entré en Suisse le 29 juillet 2016 et a déposé le lendemain une demande d'asile. Par décision du 11 octobre 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) n'est pas entré en matière et simultanément a prononcé son renvoi de Suisse à destination de l'Espagne, État Dublin compétent pour l'examen de sa demande de protection internationale.

3.             Le 16 février 2017, M. A______ a été renvoyé en Espagne après que ce pays avait consenti à le reprendre en charge conformément à l'art. 13 du règlement Dublin III.

4.             Le 20 juin 2018, le Tribunal de police a notamment prononcé l'expulsion judiciaire de M. A______ de Suisse pour une durée de trois ans conformément à l'art. 66a bis du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

5.             Le 20 août 2018, l'intéressé a été renvoyé une deuxième fois en Espagne après que ce pays avait consenti à le reprendre en charge conformément à l'art. 18b du règlement Dublin III.

6.             Le 14 février 2019, le Tribunal de police a notamment prononcé l'expulsion judiciaire de M. A______ de Suisse pour une durée de six ans conformément à l'art. 66a bis CP.

7.             Le 18 décembre 2019, le Tribunal de police a notamment prononcé l'expulsion judiciaire de M. A______ de Suisse pour une durée de sept ans conformément à l'art. 66a bis CP.

8.             Le 30 avril 2021, l'intéressé a été renvoyé en France après que ce pays avait consenti à le reprendre en charge conformément à l'art. 18b du règlement Dublin III.

9.             Le 6 juin 2021, M. A______ a été interpellé à son entrée en Suisse par le corps des gardes-frontière, alors qu'il venait de franchir le poste frontière de la gare de Cornavin en provenance de Lyon avec le train TER 96511. Après consultation des bases de données de la police, il a été constaté que l'intéressé faisait l'objet de deux parutions RIPOL émises par les autorités du canton de Genève pour deux expulsions de Suisse valables jusqu'au 22 juillet 2021, respectivement le 17 août 2027. Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a déclaré avoir oublié faire l'objet d'expulsions judiciaires de Suisse. Il a expliqué être venu en Suisse pour voir sa fille de deux ans, laquelle habite avec sa mère à une adresse inconnue, et être d'accord de retourner en France. Prévenu de rupture de ban au sens de l'art. 291 CP, il a été mis à disposition du Ministère public par le commissaire de police.

10.         Par ordonnance pénale du 7 juin 2021, le Ministère public a déclaré M. A______ coupable de rupture de ban et l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, puis il l'a libéré et remis aux services de police.

11.         Le 7 juin 2021, à 11h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de treize semaines, sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. c LEI.

Les démarches relatives au transfert de M. A______ en France étaient en cours. Plus précisément, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avait immédiatement mandaté les services de police pour procéder à l'audition de l'intéressé conformément à l'art. 5 du règlement Dublin III afin d'envoyer le dossier de M. A______ au SEM pour que la procédure décrite aux art. 20 et suivants du règlement Dublin III soit initiée.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en France.

12.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

13.         À l'audience de ce jour, le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il ressortait du registre Eurodac que M. A______ avait déposé une demande d'asile en France le 20 septembre 2018. Ce dernier avait préalablement déposé une demande d'asile en Espagne le 7 mars 2017.

Les autorités avaient entrepris des démarches auprès des autorités françaises pour obtenir leur accord de reprise en charge.

M. A______ a quant à lui déclaré qu'il était revenu en Suisse, malgré l'expulsion prononcée à son encontre, car il voulait voir son fils qu'il n'avait pas vu depuis neuf mois. Il habitait à B______ (France) et la mère de son fils n'avait pas voulu le lui amener.

Il a souligné qu'il avait rendez-vous le 21 juin 2021 à C______ (France) avec les autorités qui s'occupaient de son dossier. Il a déclaré que s'il manquait ce rendez-vous, sa demande d'asile risquait d'être rejetée.

Le représentant du commissaire de police a pour sa part indiqué que la date du rendez-vous évoquée par M. A______ ne devrait en rien le prétériter dès lors que les autorités françaises seraient rapidement informées de la situation de celui-ci.

Il a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l'encontre de M. A______ le 7 juin 2021 pour une durée de treize semaines. Cette durée était nécessaire compte tenu du fait que deux ou trois mois seraient utiles pour assurer l'exécution du renvoi de M. A______.

Le conseil de M. A______ a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention prononcé, lequel contrevenait au principe de proportionnalité et, subsidiairement, à ce qu'une mesure d'assignation soit prononcée.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l'adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 7 juin 2021 à 11h45.

3.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

5.             S'il est lié par les conclusions des parties, le tribunal n'est en revanche pas lié par les motifs qu'elles invoquent et est dès lors compétent pour appliquer le droit d'office (art. 69 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il peut par ailleurs confirmer une détention par substitution de motifs (ATA/695/2020 du 17 mars 2020 consid. 5).

6.             À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsque celle-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et qu'elle ne peut pas être renvoyée immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI).

7.             Selon la jurisprudence, l'expulsion pénale ordonnée en application de l'art. 66a ou 66abis CP vaut interdiction d'entrée en Suisse au sens de l'art. 75 al. 1 let. c LEI (cf. ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4 ss et les références citées).

8.             L'art. 5 al. 1 let. d LEI stipule que pour entrer en Suisse, tout étranger doit notamment ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP.

9.             Selon l'art. 64a al. 1 et al. 2 LEI, lorsqu'un autre État lié par l'un des accords d'association à Dublin (al. 4) est compétent pour conduire la procédure d'asile et de renvoi en vertu des dispositions du règlement (UE) no 604/2013 (État Dublin), le SEM rend une décision de renvoi à l'encontre de l'étranger séjournant illégalement en Suisse (al. 1). La décision de renvoi peut faire l'objet d'un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification. Le recours n'a pas d'effet suspensif. L'étranger peut demander l'octroi de l'effet suspensif pendant le délai de recours. Le Tribunal administratif fédéral statue dans les cinq jours suivant le dépôt de la demande. Lorsque l'effet suspensif n'est pas accordé dans ce délai, le renvoi peut être exécuté (al. 2).

10.         Le renvoi peut être immédiatement exécutoire (ou un délai de départ de moins de sept jours peut être fixé) notamment lorsque la personne concernée constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ou pour la sécurité intérieure ou extérieure (art. 64d al. 2 let. a LEI) ou lorsque des éléments concrets font redouter qu'elle entende se soustraire à l'exécution du renvoi (art. 64d al. 2 let. b LEI), de tels éléments résidant notamment dans le fait qu'elle a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse (art. 64d al. 3 let. c LEI).

11.         L'ordre de mise en détention soumis en l'espèce au contrôle du tribunal se fonde sur les art. 75 al. 1 let. c et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI quand bien même aucune décision de renvoi n'a été prise à l'encontre de M. A______ suite à son retour illégal en Suisse le 6 juin 2021. À ce sujet, le commissaire de police se réfère à un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ATA/179/2018 du 27 février 2018) pour soutenir qu'une nouvelle décision de renvoi ne serait pas nécessaire lorsque l'étranger, faisant l'objet d'une expulsion pénale en cours de validité, revient sans droit en Suisse.

Depuis le prononcé de cet arrêt qui portait essentiellement sur la question - tranchée affirmativement - de savoir si l'expulsion pénale prononcée en application de l'art. 66a al. 1 CP valait interdiction d'entrée au sens de l'art. 75 al. 1 let. c LEI, le tribunal de céans a ultérieurement jugé, après une analyse détaillée, que la durée de l'expulsion pénale ne saurait être interprétée comme une obligation permanente valable à chaque fois que l'intéressé revient en Suisse. L'expulsion était exécutée une fois pour toute lorsque l'étranger quittait la Suisse et ne déployait ensuite plus d'effet que comme interdiction d'entrée, de sorte que si ce dernier revenait en Suisse en dépit d'une mesure d'expulsion en cours, une décision prononçant son renvoi devait être prononcée en vue de son éloignement (JTAPI/657/2020 du 13 août 2020 consid. 9 et la référence citée). Ce jugement n'a pas été contesté. Le tribunal a depuis repris cette argumentation, notamment dans un jugement JTAPI/39/2021 du 15 janvier 2021, lequel n'a pas été non plus contesté. Dans ces circonstances et en l'état, rien ne permet au tribunal de s'écarter de sa jurisprudence.

12.         Par conséquent, le tribunal considère que pour cette raison déjà, la détention administrative de M. A______ ne peut pas se fonder sur l'art. 76 LEI.

13.         Il convient d'examiner à ce stade si c'est à juste titre que le commissaire de police n'a pas fait application de l'art. 76a LEI, alors que le dossier révèle que M. A______ doit être refoulé à destination de la France, État Dublin apparemment responsable de sa demande d'asile.

14.         Selon l'art. 76 al. 1 let. b LEI déjà cité, lorsqu'une décision de renvoi ou d'expulsion de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée. Le ch. 1 de cette disposition renvoie aux motifs de détention prévus à l'art. 75 al. 1 let. a, b, c, f, g ou h.

15.         Selon l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions des let. a, b et c de la même disposition sont réalisées.

16.         L'art. 76 LEI, comme les autres formes de détention selon les art. 75, 77 et 78 LEI, a pour but d'assurer l'exécution d'une mesure de renvoi ou d'expulsion. En revanche, ne tombent pas dans le champ d'application de l'art. 76 LEI, les cas dits Dublin, auxquels s'applique l'art. 76a LEI. Lorsque le champ d'application de cette dernière disposition est ouvert, les autorités ne peuvent pas se fonder sur d'autres normes de la LEI, p. ex. les art. 76 ou 78 LEI (Gregor CHATTON/Laurent MERZ Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, n. 1 ad. art. 76 p. 778 et n. 6 ad art. 76a p. 802).

17.         Dans une récente affaire (JTAPI/352/2021 du 7 avril 2021), le tribunal de céans a jugé que si les autorités suisses considèrent qu'elles sont légitimées à renvoyer un ressortissant étranger non pas dans son pays d'origine, mais dans un État dans lequel celui-ci a précédemment déposé une demande d'asile, elles font alors nécessairement application des accords Dublin et de la réglementation y relative. Partant, une détention administrative, en tant qu'elle est destinée à assurer le renvoi à destination de l'État responsable au sens des accords Dublin, ne peut se fonder que sur l'art. 76a LEI.

18.         En l'occurrence, le refoulement de M. A______ est, pour l'heure, envisagé à destination de la France, en tant qu'État responsable, une demande visant l'obtention de l'accord de ce pays pour la reprise en charge de l'intéressé étant, selon le représentant du commissaire de police, en cours de préparation. Par conséquent, c'est à tort que le commissaire de police a fondé l'ordre de mise en détention sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

19.         Il reste à examiner si la détention administrative de M. A______ se justifie, par substitution de motifs, en application de l'art. 76a LEI.

20.         À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a. des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi ;

b. la détention est proportionnée ;

c. d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du règlement [UE] n° 604/2013).

Selon l'art. 76a al. 2 LEI encore, les éléments concrets suivants font craindre que l'étranger entende se soustraire à l'exécution du renvoi :

- il franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement (let. e).

Les motifs énumérés, de manière exhaustive, à l'art. 76a al. 2 LEI correspondent en principe à ceux déjà retenus aux art. 75 et 76 LEI (Gregor CHATTON/ Laurent MERZ in Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, n° 2.5 ad art. 76a, p. 808).

21.         Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 76a al. 1 let. b et c LEtr ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ATF 130 II 425 consid. 5.2).

22.         En l'espèce, les conditions posées par l'art. 76a al. 1 et 2 let. e LEI sont réunies, dès lors que M. A______, qui ne bénéficie d'aucun titre lui permettant de séjourner en Suisse, y est revenu postérieurement au 30 avril 2021, date à laquelle il a été renvoyé en France alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'expulsion pénale prononcée le 18 décembre 2019 et valable pour une durée de sept ans et que son renvoi ne peut pas encore être opéré à ce stade, l'acceptation des autorités françaises s'avérant encore nécessaire.

23.         La détention décidée par l'officier de police est dès lors fondée dans son principe, par substitution de motif.

Toute autre mesure moins incisive qu'une détention administrative serait en outre vaine pour assurer sa présence le temps que le SEM statue sur son sort en application de l'art. 64a al. 1 LEI, puisque, notamment, il ne dispose d'aucun lieu de séjour en Suisse et qu'il est dénué de tout document d'identité et de moyens d'existence réguliers. On retiendra également à cet égard qu'il a déjà fait l'objet de trois mesures d'éloignement, ce qui ne l'a pas empêché de revenir en Suisse tout en se sachant faire l'objet de mesures d'expulsion de Suisse.

24.         Selon l'art. 76a al. 3 let. a LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l'étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de sept semaines pendant la préparation de la décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d'asile ; les démarches y afférentes comprennent l'établissement de la demande de reprise en charge adressée à un autre État Dublin, le délai d'attente de la réponse à la demande ou de son acceptation tacite, la rédaction de la décision et sa notification.

25.         En l'espèce, il incombe à la Suisse de soumettre à la France une requête aux fins de reprise en charge, conformément à la procédure prévue par le Règlement (UE) n° 604/20103 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III). Il faudra ensuite que le SEM statue sur le séjour de M. A______ en application de l'art. 64a LEI, étant observé que l'entretien individuel prévu par l'art. 5 du Règlement Dublin III n'a pas encore eu lieu. Selon ledit règlement, le délai imparti à l'État requis pour se prononcer sur une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'aucune nouvelle demande a été introduite dans l'État requérant - ce qui est le cas en l'occurrence - est d'un mois au maximum ("aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête"), ce délai étant même "réduit à deux semaines" lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système EURODAC (art. 25 par. 1) ce qui est également le cas en l'espèce, l'absence de réponse à l'expiration de ces délais équivalant à l'acceptation de la requête et entraînant l'obligation de reprendre en charge la personne concernée (art. 25 par. 2).

26.         Dans cette mesure, la durée de la détention décidée par le commissaire de police de treize semaines ne respecte pas le cadre légal et doit être ramenée à sept semaines, étant observé que si la décision du SEM, qui est soumis à un devoir de diligence et de célérité, devait être notifiée à M. A______ avant l'échéance de ce délai, sa détention en "phase préparatoire" prendrait immédiatement fin.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______, mais pour une durée de sept semaines.

27.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 7 juin 2021 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de sept semaines, soit jusqu'au 25 juillet 2021 compris ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

La greffière