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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/12/2016

ACST/2/2016 du 12.02.2016 ( ABST ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/12/2016-ABST ACST/2/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 12 février 2016

 

dans la cause

 

COLLECTIF « A______ »

contre

GRAND CONSEIL


EN FAIT

1. Le 4 juin 2014, le Conseil d'État a déposé auprès du Grand Conseil le projet de loi (ci-après : PL) 11'470, consistant en une refonte totale de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (aLIP - C 1 10).

2. Le 17 septembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi 11'470 (loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10). À teneur de son art. 149, l'entrée en vigueur devait en être fixée par le Conseil d'État.

3. Le 23 septembre 2015, le Conseil d'État a adopté l'arrêté de publication de la LIP.

4. Le 25 septembre 2015, l'arrêté précité a été publié, avec le texte de la LIP, dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

Il était indiqué que le délai référendaire venait à échéance le 4 novembre 2015.

5. Aucun référendum n'ayant été lancé contre la LIP, le Conseil d'État a adopté le 11 novembre 2015 l'arrêté de promulgation y relatif.

6. L'arrêté précité ainsi que le texte de la LIP ont été publiés dans la FAO du vendredi 13 novembre 2015.

7. Par arrêté du 16 décembre 2015, publié dans la FAO du 18 décembre 2015, le Conseil d'État a fixé la date d'entrée en vigueur de la LIP au 1er janvier 2016.

8. Par acte déposé le 5 janvier 2016, le collectif « A______ » (ci-après : le collectif) a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la loi 11'470, concluant principalement à l'annulation de ses art. 37 al. 4, 50 al. 1, 51, 52, 81, 82, 85 al. 1 et 95, et à l'octroi d'une indemnité de procédure ; ainsi que, préalablement, à la suspension de l'entrée en vigueur des articles précités. Le recours était signé par une personne non identifiée, aucun membre du collectif n'étant par ailleurs mentionné dans l'acte, qui ne contenait qu'une adresse.

Le collectif était une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), qui défendait l'intérêt individuel de chacun de ses membres dans le domaine de la formation générale et professionnelle, et disposait dès lors pour lui-même et pour ses membres de la qualité pour recourir contre la LIP.

Le délai de recours était respecté dans la mesure où la promulgation de la LIP n'avait pas fait l'objet d'une publication accessible aux administrés non abonnés. Aussitôt que les membres du collectif avaient eu connaissance de celle-ci, ils avaient réagi afin de déposer leur recours dans les meilleurs délais. Il y avait par ailleurs lieu de prendre en compte les « féries judiciaires » de fin d'année.

9. Le recours a été transmis pour information au Grand Conseil le 7 janvier 2016.

10. Le 7 janvier 2016 également, le collectif a envoyé à la chambre constitutionnelle ses statuts.

Ces derniers, datés du 1er janvier 2016, étaient signés par Mesdames B______ et C______, aucune des deux signatures ne correspondant toutefois à celle figurant dans l'acte de recours.

11. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Le recours est dirigé contre une loi cantonale, en l’occurrence la LIP. La chambre de céans peut donc en contrôler la conformité au droit supérieur, et le recours est dès lors recevable sous cet angle.

2. Le présent recours pose des problèmes de recevabilité notamment par rapport à la qualité pour recourir du collectif (art. 60 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 3c et les arrêts cités) et à la signature olographe de l'acte de recours, qui est une condition de recevabilité de ce dernier (art. 64 al. 1 LPA ; ATA/1103/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2 et les références citées), étant précisé que la communication électronique ne s'applique pas à la procédure de recours (art. 18 al. 5 LPA).

Ces questions peuvent néanmoins souffrir de demeurer ouvertes en raison de ce qui suit.

3. a. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/244/2015 du 3 mars 2015 consid. 8 ; ATA/143/2015 du 3 février 2015 consid. 1d et les arrêts cités).

b. Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/244/2015 et ATA/143/2015 précités ; ATA/280/2012 du 8 mai 2012 consid. 4b ; ATA/105/2012 du 21 février 2012 consid. 6b ; ATA/586/2010 du 31 août 2010 consid. 4 et les références citées).

4. a. Le délai de recours est de trente jours s’il s’agit d’une loi constitutionnelle, d’une loi ou d’un règlement du Conseil d’État (art. 62 al. 1 let. d LPA). Pour une loi, le délai court dès le lendemain de la (publication de l'arrêté de) promulgation (art. 62 al. 3 2ème phr. LPA), cette dernière notion renvoyant aux art. 11 à 14 de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 (LFPP - B 2 05).

b. Les délais de recours sont suspendus du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 1 let. c LPA).

5. En l'espèce, l'arrêté de promulgation de la LIP a été publié dans la FAO le 13 novembre 2015. Le délai de recours commençait ainsi à courir le 14 novembre 2015, pour venir à échéance le lundi 14 décembre 2015, le dernier jour du délai étant un dimanche (art. 17 al. 3 LPA).

Déposé le 5 janvier 2016, le présent recours est donc tardif.

6. a. Au surplus, le recourant ne fait valoir aucun cas de force majeure au sens de la loi et de la jurisprudence précitées.

Son argumentation selon laquelle le délai n'aurait pas commencé à courir car la publication dans la FAO n'était pas accessible au public, la consultation de cet organe étant réservée aux seuls abonnés, est non seulement contraire au texte clair des art. 62 LPA cum 11 à 14 LFPP, mais elle tombe également à faux.

b. En effet, comme l'a déjà rappelé la chambre de céans (ACST/18/2015 du 8 septembre 2015 consid. 12), la FAO est disponible dans la plupart des bibliothèques municipales et dans certains établissements publics, ainsi qu'au centre de documentation et publications de la chancellerie d'État à l'Hôtel de Ville. La FAO fait aussi l'objet d'une édition électronique par le biais d'internet, dont les archives demeurent accessibles pour une durée de deux ans dès leur première publication électronique (art. 6 al. 1 et 11 al. 1 et 3 du règlement relatif à l'édition de la FAO du 18 décembre 1962 - RFAO - B 2 10.03) ; elle est ainsi accessible sur le site internet < www.ge-fao.ch >, en l'état certes pour les seuls abonnés (en l'état du droit, dès le 1er janvier 2017, le version électronique de la FAO sera disponible gratuitement sur internet pendant trente jours à compter du lendemain de sa parution en version imprimée [art. 6 al. 1 1ère phr. de la loi sur la FAO du 29 novembre 2013 - LFAO - B 2 10] ; un nouveau projet de loi vient également d'être déposé par le Conseil d'État et visant – pour la même date, soit le 1er janvier 2017 – à rendre l'édition de la FAO entièrement électronique, l'accessibilité gratuite passant alors à deux ans [voir < http://www.ge.ch/conseil_etat/2013-2018/ppresse/ 20160210.asp >]).

La gratuité d'accès à l'organe de publication des actes et avis officiels et judiciaires, et des textes normatifs en particulier, ne constitue pas une condition de validité de leur publication. Au demeurant, la chancellerie d'État met à jour en continu le site internet < www.ge.ch/legislation >, accessible gratuitement, comportant toutes informations utiles notamment sur les textes législatifs et réglementaires adoptés, dont la date de promulgation des lois (cf. les rubriques « Modifications à venir » et « Référendums cantonaux »).

On ne saurait dès lors admettre que le présent recours a été déposé en temps utile, d'autant qu'au vu des dispositions de la LFPP et des communications effectuées par la chancellerie d'État, il est aisé d'estimer la date à laquelle l'arrêté de promulgation sera publié, tant en l'absence de référendum qu'à l'issue d'une procédure référendaire. Enfin, il peut être rappelé qu'un recours prématuré dirigé contre une loi ou un règlement n'est pas considéré comme irrecevable lorsqu’il acquiert à bref délai un objet actuel (ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 3b), si bien que le recourant – pour autant qu'il ait alors eu une quelconque existence, ses statuts étant datés du 1er janvier 2016 seulement – aurait pu déposer un recours sans même connaître précisément la date de la promulgation de la LIP.

7. Quant aux suspensions de délais – la LPA ne connaissant pas de féries judiciaires –, celles de fin d'année ne commençaient à courir que le 18 décembre 2015, soit après l'échéance du délai de recours ; si bien qu'elles ne trouvaient pas application en l'espèce.

8. Le recours sera dès lors déclaré irrecevable, sans autre acte d'instruction conformément à l'art. 72 LPA.

9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du collectif, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare irrecevable le recours interjeté le 5 janvier 2016 par le collectif « A______ » contre la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (loi 11'470/LIP - C 1 10) ;

met à la charge du collectif « A______ » un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au collectif « A______ » ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeants : M. Martin, président, Mmes Baldé et Cramer, MM. Dumartheray et Verniory, juges :

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

le président :

 

 

R. Martin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :