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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2911/2022

ATAS/311/2023 du 05.05.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2911/2022 ATAS/311/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 mai 2023

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 2000, s'est inscrit auprès de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE) le 2 février 2022 pour un placement dès cette date à 100%.

b. Il a déclaré avoir travaillé en qualité d'aide-pizzaiolo auprès de B______ SA du 1er février 2020 au 31 décembre 2020, en qualité de pizzaiolo pour la société C______ Sàrl (ci-après également : C______) du 1er janvier au 31 mai 2021 et en tant que gérant au sein de l'entreprise individuelle D______, (ci-après également : D______) du 1er juin 2021 au 31 janvier 2022.

c. Selon les attestations d'employeur remises par l'assuré à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), les contrats de travail conclus avec C______ et D______ ont été résiliés pour motif économique.

B. a. La société C______ Sàrl a été créée le 4 septembre 2018 par le père de l'assuré, Monsieur E______. Selon l'extrait du registre du commerce (ci-après : RC), celle-ci est dotée d’un capital social de CHF 20'000.- divisé en 20 parts sociales de CHF 1'000.- chacune et a pour but social l'exploitation d'un café-restaurant, l'achat, la vente, la gestion et la remise en gérance de tous établissements publics, toutes activités liées aux domaines de la restauration et de l'hôtellerie, ainsi que l'import-export de tous produits alimentaires et non-alimentaires.

b. Selon l'extrait du RC de C______ Sàrl, l'assuré a acquis les 20 parts sociales de son père le 21 novembre 2018 et a été nommé associé-gérant de la société le même jour. En date du 22 avril 2020, il a cédé 9 de ses parts à Madame F______ et a été désigné associé-gérant président de la société avec pouvoir de signature individuelle. Il a conservé ses pouvoirs de représentation ainsi que 11 parts sociales de la société jusqu'au 17 décembre 2021.

c. Lors de l'assemblée générale de C______ Sàrl du 17 décembre 2021, l'assuré a cédé ses 11 parts sociales à son père. Le même jour, les pouvoirs de l'assuré ont été radiés et sont passés à son père. Un pouvoir de signature collective à deux a en outre été conféré, à la même date, à la sœur de l'assuré, Madame G______.

d. Le 16 décembre 2020, le père de l'assuré a créé l'entreprise individuelle D______, dont le but social est identique à celui de C______ Sàrl. Selon le RC, le père est l'unique titulaire de la signature individuelle depuis la création de l'entreprise. Les pouvoirs de signature collective à deux de Monsieur H______ ont été radiés le 19 novembre 2021 et un pouvoir de signature collective à deux a été conféré à Madame G______ le 24 décembre 2021.

e. Le 30 octobre 2021, le père de l'assuré a adressé à l'OCE un préavis de réduction de l'horaire de travail (RHT) pour son restaurant D______. L'OCE s'est opposé à ce préavis par décision du 6 janvier 2022, confirmée par décision sur opposition du 11 mars 2022 et par arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) du 18 octobre 2022 (ATAS/917/2022).

C. a. Lors de l'instruction de la demande d'indemnités du 2 février 2022, l'assuré a, en particulier, produit les documents suivants :

Concernant le rapport de travail avec la société C______ Sàrl :

-          un contrat de travail du 21 décembre 2020 prévoyant un salaire mensuel brut de CHF 4'200.-, ainsi qu'un salaire mensuel net de CHF 3'466.20. Ce document est signé par l'assuré en qualité d' « employeur » et de
« collaborateur » ;

-          les fiches de salaire des mois de janvier à mai 2021 indiquant un salaire mensuel brut de CHF 4'200.- et un salaire net de CHF 3'642.30 ;

-          la lettre de résiliation de C______ Sàrl du 26 avril 2021 indiquant « nous avons le regret de vous informer de la résiliation de votre contrat de travail [ ] pour les raisons dont nous avons discuté ». Cette lettre n'est pas signée ;

-          l'attestation du 26 avril 2022 établie par la fiduciaire attestant que le recourant a perçu son salaire mensuel de CHF 4'200.- en numéraire de janvier à mai 2021 auprès de la société C______ Sàrl ;

-          le document « annonce des sorties pour les employés auprès de la caisse de compensation AVS » du 26 avril 2022 indiquant une date de sortie de l'assuré au 31 mai 2021. Ce document n'est pas signé.

Concernant le rapport de travail avec l'entreprise individuelle D______ :

-          le contrat de travail du 19 mai 2021 indiquant que l'assuré était engagé en qualité de gérant pour un salaire mensuel brut de CHF 6'500.- ;

-          une première lettre de résiliation du 30 décembre 2021 indiquant « nous avons le regret de vous informer de la résiliation de votre contrat de travail [ ] pour les raisons dont nous avons discuté ». Cette lettre est rédigée selon la même forme que la lettre de résiliation de la société C______ Sàrl du
26 avril 2021 et présente exactement la même teneur que celle-ci ;

-          une seconde lettre de résiliation du 30 décembre 2021 dont la teneur est identique à la première lettre de résiliation datée du même jour, mais comportant un en-tête différent ;

-          les fiches de salaire des mois de juin 2021 à janvier 2022 indiquant un salaire mensuel brut de CHF 6'500.- ;

-          l' « attestation de l'employeur » du 2 février 2022 pour la période comprise entre le 1er juin 2021 et le 31 janvier 2022. Le motif de la résiliation indiqué est « économique (refus d'octroi au RHT) » ;

-          l'attestation du 25 mars 2022 établie par la fiduciaire indiquant « [n]ous soussignés, [ ] attestons que Monsieur A______ Mario, né le 28.07.2000 a perçu auprès de la société D______ son salaire en numéraire pour la période allant de juin 2021 à janvier 2022 » ;

-          l'attestation du 26 avril 2022 établie par la fiduciaire attestant que l'assuré a perçu un salaire mensuel brut en numéraire de CHF 6'500.- auprès de la société D______ de juin 2021 à janvier 2022 ;

-          le document « annonce des sorties pour les employés auprès de la caisse de compensation AVS » du 25 mars 2022. Ce document indique une date de sortie de l'assuré au 31 janvier 2022 et ne comporte pas de signature.

b. L'extrait de compte individuel AVS de l'assuré mentionne, pour l'année 2021, uniquement un revenu de CHF 45'500.- versé par D______.

c. Selon la déclaration fiscale 2021, établie le 28 avril 2022 et remise à la caisse le même jour, l'assuré a déclaré le montant de CHF 21'000.- versé par C______ et le montant de CHF 45'500.- versé par D______ à titre de revenu de l'activité dépendante.

d. Par décision du 30 mai 2022, la caisse a nié le droit de l'assuré aux indemnités chômage. Il n'était pas exclu que, par le biais de son père, l'assuré continuait à influencer de façon déterminante les décisions des deux sociétés et qu'il demeurait ainsi dans une position assimilable à celle d'un employeur. La caisse relevait en particulier que l'assuré avait été employé par son père au sein de D______ et qu'il avait occupé la fonction d'associé-gérant auprès de son employeur précédent, C______ Sàrl, jusqu'au 24 janvier 2022, date à laquelle il avait cédé ses pouvoirs formels à son père. En outre, l'assuré avait été licencié par D______ pour raison économique suite à un refus d'octroi des indemnités en cas de RHT demandé par son père.

e. Par courrier du 27 juin 2022, l'assuré a formé opposition contre cette décision, faisant valoir que, malgré le fait qu'il était le fils de Monsieur E______, il ne détenait aucun pouvoir de décision ou d'influence, ni de part de participation, dans C______ et D______, ce qui ressortait de l'attestation sur l'honneur signée par son père et produite à l'appui de son opposition. Il indiquait par ailleurs que la perte de travail était « suffisamment contrôlable au vu des relevés des heures effectués » par les établissements.

f. Par décision du 19 juillet 2022, la caisse a rejeté l'opposition formée par l'intéressé. Elle a repris en substance la motivation contenue dans sa décision du 30 mai 2022.

D. a. Par acte du 13 septembre 2022, l'assuré a interjeté recours par-devant la chambre de céans à l'encontre de cette décision, concluant à l'octroi d'indemnités de chômage dès le 2 février 2022. Reprenant en substance la motivation contenue dans son opposition, il a relevé n'avoir jamais eu d'influence ou de pouvoir de décision, ni de part de participation dans D______, mis à part la gestion du coin pizzeria du restaurant en qualité de salarié.

b. Par réponse du 8 novembre 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours, le recourant n'apportant aucun élément nouveau susceptible de revoir la décision litigieuse. Elle a relevé que les buts poursuivis, les fiches de salaires, les contrats de travail et les lettres de résiliation étaient identiques s'agissant de C______ et de D______. Le recourant avait en outre perçu un montant de CHF 500.- de la part de C______ en octobre et décembre 2021, alors qu'il n'y travaillait plus. Au vu de tous ces éléments, il était indéniable que le recourant passait d'une société à l'autre, sans que sa perte de travail ne soit contrôlable, en opérant des
« chassés-croisés » avec son père et en recevant son congé en raison du refus des autorités de chômage d'octroyer des indemnités RHT à D______, gérée par son père. Il existait ainsi un réel risque que le recourant continue d'occuper, par le biais de son père, une position assimilable à celle d'un employeur. Enfin, il ressortait de l'extrait de compte individuel AVS qu'aucun salaire n'avait été perçu sur lequel des cotisations auraient été versées pour un travail effectué auprès de C______ pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2021. Dite période ne pouvait dès lors, en tout état de cause, être prise en compte dans le calcul de la période de cotisation et du gain assuré.

c. Par réplique du 8 décembre 2022, le recourant a confirmé ses précédentes déterminations et précisé que les montants reçus de la part de C______ en octobre et décembre 2021 concernaient les soldes de tout compte de son revenu salarié. Il a produit une attestation, non datée et non signée, des salaires versés par C______ faisant état d'un salaire brut total de CHF 21'000.- versé en sa faveur.

d. Cette écriture a été transmise à l'intimée.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu notamment de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement
(art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable
(art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage dès le
2 février 2022.

3.              

3.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s'il est domicilié en Suisse (let. c), s'il a achevé sa scolarité obligatoire, s'il n'a pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s'il est apte au placement (let. f) et s'il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

3.2 Selon l’art. 13 al. 1 LACI, la réalisation de cette condition suppose que, dans les limites de son délai-cadre de cotisation, la personne assurée ait exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation, qui soit suffisamment contrôlable et destinée à l’obtention d’un revenu (ATF 133 V 515 consid. 2.4).

3.3 Le Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) requiert en principe que le salaire convenu ait été effectivement versé à la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B144) ; pour les personnes occupant une position comparable à celle d’un employeur, il prévoit que des justificatifs bancaires ou postaux permettent de réputer établis le versement du salaire ainsi que l’existence d’une activité soumise à cotisation (Bulletin LACI IC, ch. B147), et il admet, lorsque le salaire a été perçu en espèces, qu’une déclaration d’impôt accompagnée de certificats de salaires obtenus auprès de l’administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire, sans préjudice d’autres moyens de preuve mais en excluant des documents dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B148 ; ATAS 259/2022 du 22 mars 2022 consid. 3b).

3.4 L'art. 31 al. 3 LACI prévoit que n'ont pas droit à l'indemnité : les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable (let. a) ; le conjoint de l'employeur, occupé dans l'entreprise de celui-ci (let. b) ; les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise (let. c).

3.5 Si la jurisprudence considère qu'il n'est pas admissible de refuser de manière générale le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils sont inscrits au RC et qu'il y a lieu d'établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes, elle fait toutefois exception à ce principe notamment lorsqu'il s'agit d'associés-gérants d'une société à responsabilité limitée, car ils disposent ex lege d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral C.267/05 du 19 décembre 2006 consid. 4.1). Le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2007 du 8 avril 2008 consid. 2.2).

3.6 Bien que l'art. 31 al. 3 LACI vise l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, l'exclusion du droit qu'elle prévoit s'applique selon le Tribunal fédéral également à l'indemnité de chômage (cf. arrêt du Tribunal fédéral C.152/06 du
25 janvier 2007 consid. 2). En effet, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb).

Cette disposition vise à éviter les abus sous forme d'établissement par l'assuré lui-même des attestations nécessaires pour l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, d'attestations de complaisance, d'influence sur la décision de réduire l'horaire de travail alors qu'il est impossible de contrôler la perte de travail (ATF 122 V 270 consid. 3). Lorsque la caisse de chômage statue pour la première fois sur le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps qu'une personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est incontrôlable, mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but social. Dans un tel cas de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions légales sont réunies, sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble de la situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon lequel cet examen a lieu au moment où la caisse de chômage statue sur les droits de l'assuré. Au demeurant, ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_231/2012 du 16 août 2012 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C.141/03 du 9 décembre 2003 consid. 4 et les références).

3.7 Le droit à l’indemnité de chômage ne peut en principe pas être nié lorsque le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb). Est déterminant la date de la démission
effective ; on ne tient compte ni de la date à laquelle son inscription a été radiée du registre du commerce, ni de la date de la publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (arrêt du Tribunal fédéral 8C_134/2007 du 25 février 2008
consid. 3.1).

3.8 Il est également admis que les assurés occupant une position assimilable à celle d’un employeur et leur conjoint ont droit à l’indemnité de chômage s’ils se retrouvent au chômage après avoir été salariés d’une entreprise tierce (dans laquelle ils n’ont pas eu le statut de dirigeant), à la condition toutefois qu’ils l’aient été durant au moins six mois (arrêt du Tribunal fédéral des assurances
C 171/03 du 31 mars 2004 consid. 2.3.2). Lorsqu’une telle durée d’emploi comme salarié sans position dirigeante dans une entreprise tierce a été atteinte, il faut admettre que le rapport de travail ouvrant le droit au chômage n’a pas constitué un masque à une réduction de l’horaire de travail (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 35 ad art. 10).

3.9 Il peut par ailleurs arriver qu'une personne soit économiquement propriétaire de plusieurs entreprises. Si l'une d'entre elles tombe en faillite et que l'intéressé (qui occupait au sein de celle-ci une position analogue à celle d'un employeur) a la possibilité d'exercer une activité du même type au sein d'une autre entreprise qu'il contrôle, le droit à l'indemnité de chômage doit également être nié. Dans une telle éventualité le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur est également réalisé (arrêt du Tribunal fédéral C.203/06 et C.292/06 du 29 août 2007 consid. 4.2 et les références citées).

Cette situation présente un parallélisme avec une réduction de l'horaire de travail au sein d'une seule entité économique mais composée d'entreprises formellement distinctes. Le droit est nié si les entreprises en cause entretiennent entre elles des liens sur les plans économique et organisationnel (mêmes locaux, type de clientèle semblable, buts et activités proches, voire complémentaires) (Boris RUBIN, op. cit., 2014, n. 28 ad art. 10 LACI).

3.10 Dans l'arrêt 8C_401/2015, le Tribunal fédéral a relevé que le droit à l'indemnité de chômage doit être nié en présence de procédés ayant pour but de contourner la loi. Il y a lieu d'admettre l'existence d'une simulation au sens de l'art. 18 du Code des obligations, du 30 mars 1911 (CO - RS 220), opposable aux assurés, lorsque, pour éviter les effets de l'art. 31 al. 3 let. c LACI et percevoir des indemnités de chômage, les deux seuls associés gérants d'une Sàrl se licencient et se réengagent mutuellement, mais à raison de 50%, dans l'attente d'un rapide rétablissement de la situation de plein emploi. En outre, il existe un risque d'abus lorsque le mari d'une assurée, lui-même propriétaire de deux établissements publics, ferme définitivement l'un d'entre eux et licencie son épouse qui y travaillait. Celle-ci conserve, en effet, la possibilité éventuelle de reprendre une activité pour le compte de son mari dans l'autre établissement, cela d'autant plus facilement que les domaines d'activité des deux établissements sont proches et que l'intéressée possède une formation complète dans les domaines de l'hôtellerie et de la restauration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_401/2015 du 5 avril 2016 consid. 4.1 et les références citées).

Dans l'arrêt susmentionné, l'intéressé avait, malgré la vente de sa part sociale à sa mère et la mise en liquidation de la société n° 1, gardé toute son influence dans les prises de décision de cette société, dont il gérait entièrement seul les contrats en cours et s'occupait de la liquidation jusqu'à la radiation définitive. Ces constatations et l'existence d'un lien de parenté étroit entre l'intéressé et sa mère constituent, selon le Tribunal fédéral, des indices sérieux qui permettent d'admettre que l'assuré occupait, par le biais de sa mère, une position de fait assimilable à celle d'un employeur au sein de la société n°1 jusqu'à la date de sa radiation au RC. En outre, quand bien même l'intéressé n'était pas membre du conseil d'administration ni employé de la société n° 2, il existait également, selon la Haute Cour, un risque d'abus, dans la mesure où la mère en était l'administratrice unique, au bénéfice de la signature individuelle, et où le but social était quasi identique à celui de la société n° 1. L'intéressé conservait ainsi la possibilité éventuelle de reprendre une activité au service de la société n° 2, cela d'autant plus facilement que le domaine d'activité de celle-ci était le même que celui de la société n° 1 et que le recourant avait précisément acquis une expérience professionnelle dans ce domaine au cours de son activité au service de ladite société (arrêt du Tribunal fédéral 8C_401/2015 du 5 avril 2016 consid. 4.2).

4.              

4.1 Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

4.2 La maxime inquisitoire signifie que l’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être lié par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA ; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A LPA ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY/Bettina KAHIL-WOLFF/Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 499 s.). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve
(art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; ATF 122 V 157 consid. 1a ; ATF 117 V 261 consid. 3b et les références).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.             En l'espèce, il convient d'examiner si le recourant occupait, dès le 2 février 2022, une position assimilable à celle d'un employeur au sein de C______ et de D______.

5.1 Le recourant a été associé-gérant président de la C______ du 22 avril 2020 au
17 décembre 2021 avec pouvoir de signature individuelle. Après avoir acquis de son père la totalité des parts sociales, il a conservé la majorité de celles-ci
(11 parts sur le total de 20 parts sociales) du 20 avril 2020 au 17 décembre 2021, date à laquelle il a entrepris les démarches nécessaires afin d’être radié du RC, soit moins de deux mois avant le dépôt de sa demande d'indemnités, en date du
2 février 2022. Le père du recourant, qui ne détenait jusque-là plus aucune part sociale, ni n’occupait de fonction au sein de C______, a repris les 11 parts sociales de son fils lors de l'assemblée générale de la société du 17 décembre 2021 et est devenu l’associé-gérant président de la société avec pouvoir de signature individuelle.

Par conséquent, il n'est pas contesté, ni contestable qu'en tant qu'associé-gérant président de C______ et détenant la majorité des parts sociales de celle-ci du
20 avril 2020 au 17 décembre 2021, le recourant avait, durant cette période, une position assimilable à celle d'un employeur. Le recourant n'étant cependant plus inscrit au RC lors de son inscription auprès de l'OCE le 2 février 2022, il devrait, en principe, avoir droit à l'indemnité de chômage dès cette date.

5.2 À la suite de la période pour laquelle le recourant soutient avoir travaillé pour C______ (du 1er janvier au 31 mai 2021), il allègue avoir été employé pendant huit mois par D______ appartenant à son père (du 1er juin 2021 au 31 janvier 2022). À teneur du RC, le recourant n'a jamais eu le statut de dirigeant de D______, ni eu de pouvoir de signature permettant d'engager celle-ci. Dès lors, dans la mesure où le recourant a été employé par une société tierce pendant au moins six mois suivant la fin des rapports de travail avec C______, il devrait, en principe, avoir droit au versement d'indemnités de chômage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 171/03 du 31 mars 2004 consid. 2.3.2).

5.3 Toutefois, à la lecture des pièces du dossier, la chambre de céans constate des éléments qui ne permettent pas d'écarter l'éventualité d'un risque d'abus de la part du recourant.

En premier lieu, les documents remis par l'intéressé permettent de douter de la réalité de l'activité salariée prétendument déployée au service de C______ du
1er janvier au 31 mai 2021. En effet, le contrat de travail du 21 décembre 2020 a été signé par le recourant, à la fois en qualité d'employeur et d'employé, les extraits bancaires produits par le recourant ne font état d'aucun versement du salaire mensuel net d'un montant de CHF 3'466.20 prévu par le contrat de travail, les fiches de salaires indiquent un salaire net différent de celui prévu contractuellement, à savoir CHF 3'642.30, l'extrait du compte individuel AVS du recourant n'indique aucun revenu soumis à cotisation pour cette période et la lettre de résiliation du 26 avril 2021 ne comporte pas de signature de l'employeur. Au vu de ces éléments, il est par ailleurs permis de douter de la valeur probante de l'attestation de salaire du 26 avril 2022, établie par la fiduciaire pour les besoins de la cause, dans la mesure où son contenu est en contradiction complète avec les pièces susmentionnées, en particulier avec l'extrait du compte individuel AVS du recourant.

La chambre de céans relève en outre que l'engagement du recourant par son père au sein de D______ en date du 1er juin 2021 est intervenu après que l'ouverture du restaurant D______ ait été repoussée pendant plusieurs mois en raison du contexte économique (cf. ATAS/917/2022 du 18 octobre 2022 consid. A.b) et que son licenciement a eu lieu cinq mois plus tard, suite à un refus de préavis de RHT notifié à son père par l'OCE. Dans ces circonstances économiques incertaines, la différence entre le montant du salaire mensuel brut prévu par le contrat conclu avec D______ (CHF 6'500.-) et le montant des salaires prévus par les contrats de travail précédents (CHF 3'864.- et CHF 4'200.-) paraît surprenante, le montant du salaire de CHF 6'500.- n'apparaissant aucunement justifié dès lors que le recourant a indiqué dans sa réplique s'occuper uniquement de la gestion du coin pizzeria du restaurant en tant que salarié.

Par ailleurs, même s'il ressort de l'attestation de la fiduciaire du 26 avril 2022, de la déclaration fiscale 2021 et de l'extrait du compte individuel AVS que le recourant aurait perçu un salaire brut total de CHF 45'500.- de D______, ce qui tendrait à démontrer que le recourant aurait effectivement déployé une activité salariée au service de son père au sein de cette entreprise, il est toutefois relevé que les extraits bancaires produits par le recourant ne font pas état de la perception du montant du salaire susvisé durant cette période et que le recourant n'a fourni aucune explication à ce sujet. Contrairement à ce que soutient ce dernier, aucun relevé des heures travaillées n'a été produit, de sorte que sa perte de travail ne saurait être démontrée par ce biais. Eu égard à ces considérations, l'éventualité que le recourant ait cherché à créer l'apparence d'une période de cotisations ne peut être écartée. Toutefois, la question de savoir si le recourant a effectivement travaillé pour D______ peut rester ouverte, au vu de ce qui suit.

Le père du recourant étant à la fois associé-gérant président de C______ depuis
le 17 décembre 2021 et l'unique titulaire du pouvoir de signature individuelle de D______ depuis la création de cette entreprise en 2018, il décide librement de la marche de ces deux entités, en particulier du recrutement des employés. La chambre de céans relève par ailleurs que C______ et D______ présentent des similitudes importantes dès lors que les buts sociaux de celles-ci sont identiques, qu'elles sont gérées par la même personne, inscrite en qualité d'associé-gérant président détenant la majorité de parts sociales pour l'une et en qualité d'administrateur unique de l'autre, et que les lettres de résiliation, ainsi que les attestations versées au dossier ont été établies sous la même forme et par la même fiduciaire, étant précisé que ces deux entités sont toujours actives à ce jour.

Ainsi, quand bien même le recourant n'était plus inscrit en qualité d'associé-gérant de C______ depuis le 17 décembre 2021 et qu'il n'a jamais été membre de la direction de D______, il a conservé la possibilité de reprendre une activité au service de C______ ou de D______ par le biais de son père.

Dès lors, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral citée précédemment (cf. consid. 3.10 supra), l'existence de ce lien de parenté étroit et les similitudes entre C______ et D______ constituent des indices sérieux permettant d'admettre que le recourant occupait, par le biais de son père, une position de fait assimilable à celle d'un employeur au sein de C______ et de D______ lors de son inscription au chômage le 2 février 2022. Au demeurant, l'attestation sur l'honneur du 27 juin 2022, établie par le père du recourant pour les besoins de la cause et indiquant que ce dernier n'avait aucun pouvoir de décision au sein de ces deux établissements, ne permet pas d'aboutir à une conclusion différente.

5.4 Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'intimée a retenu qu'un risque d'abus ne pouvait être écarté, étant rappelé que ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur.

5.5 Par conséquent, la chambre de céans retiendra que le recourant ne remplissait pas les conditions du droit à l'indemnité de chômage.

Le recours sera donc rejeté et la décision litigieuse confirmée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le