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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1777/2022

ATAS/284/2023 du 25.04.2023 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1777/2022 ATAS/284/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie-Josée COSTA

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant), né le ______ 1958, marié à Madame B______ (ci-après : l'épouse), née le ______ 1966, a été mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité du 1er janvier au 31 août 2016 par décision du 27 mai 2019 de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: OAI), ainsi que dès le 1er août 2019 par décision du 7 juin 2021 du même office. Le couple a deux enfants, nés le ______ 1990, respectivement le ______ 1995.

b. Le 8 juillet 2021, l'intéressé a requis des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité.

B. a. Par décision du 7 janvier 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a calculé les prestations complémentaires fédérales et cantonales rétroactivement au 1er août 2019, et a octroyé à l'intéressé des prestations, tout en tenant compte d'un revenu hypothétique que l'épouse serait apte à réaliser si elle exerçait une activité lucrative.

b. Par lettre du 10 février 2022, complétée le 11 mars suivant, l'intéressé s'est opposé à cette décision, en contestant la prise en considération d'un revenu hypothétique, au motif que son épouse, atteinte dans sa santé, était inapte à travailler.

Il a annexé :

-          la décision du 13 juin 2002, par laquelle Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: SUVA) a mis l'épouse au bénéfice d'une rente d'invalidité sur la base d'une diminution de la capacité de gain de 35% dès le 1er mars 1998 et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après : IPAI) fondée sur un taux de 10% consécutivement aux séquelles d'un accident survenu le 11 novembre 1996 ;

-          une attestation du 11 janvier 2022 de la SUVA, faisant état du versement de rentes d'invalidité à hauteur de CHF 3'190.80 en faveur de l'épouse pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021 ; et

-          un rapport du 4 février 2022 du service d'oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) relatif au traitement du cancer du sein droit de l'épouse, diagnostiqué en septembre 2010 ;

c. À la demande du SPC, l'intéressé lui a transmis le 28 avril 2022 une décision du 29 avril 2013 de l'OAI, rejetant la demande de prestations que l'épouse avait déposée le 19 avril 2012.

d. Faisant suite à une requête du SPC, le 29 avril 2022, l'OAI lui a communiqué également une décision de refus de rente d'invalidité du 1er septembre 2005 à l'égard de l'épouse qui avait sollicité des prestations le 11 octobre 2001.

e. Par décision du 3 mai 2022, le SPC a écarté l'opposition de l'intéressé, au motif qu'il n'avait pas été rendu hautement vraisemblable que l'épouse n'était pas en mesure d'exercer une activité lucrative à temps partiel dans une activité adaptée à son état de santé.

C. a. Par acte du 1er juin 2022, l'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant, sous suite de dépens, à son annulation, à la constatation qu'aucun revenu hypothétique ne devait être pris en compte dans le calcul du droit aux prestations, et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouveau calcul et nouvelle décision.

Il a joint en particulier :

-          l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26 juin 2001, opposant son épouse à la SUVA, par lequel cette juridiction avait annulé la décision de la SUVA du 12 février 1999 (octroyant à l'épouse une IPAI de 5% et lui niant le droit à une rente d'invalidité), fixé à 10% le taux de l'IPAI et à 65% le taux de capacité de travail de l'épouse (nettoyeuse de profession) dans une activité adaptée, et renvoyé la cause à la SUVA pour calcul du degré d'invalidité en lien avec les suites de l'accident du 11 novembre 1996 qui avait entraîné une luxation du coude gauche ;

-          un avis du service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR) du 21 novembre 2003, qui retenait à titre d'atteinte principale à la santé des séquelles douloureuses et fonctionnelles post-luxation antérieure du coude gauche, et considérait que, dès le 11 novembre 1996, la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle et de 65% dans une activité adaptée sans port de charges et sans utilisation répétée du membre supérieur gauche ;

-          un avis du SMR du 7 novembre 2012 mentionnant à titre d'atteinte à la santé un carcinome canalaire invasif du sein droit, en raison duquel l'épouse présentait une capacité de travail nulle dans toute activité depuis le 17 septembre 2010, maladie en rémission depuis le 28 mars 2012, date à laquelle la capacité de travail de l'épouse était totale dans toute activité.

b. Dans sa réponse du 29 juin 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours, en considérant qu'il ne pouvait pas s'écarter des conclusions de l'OAI.

c. Dans sa réplique du 13 juillet 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions, en arguant que l'intimé devait se prononcer de manière autonome sur les pièces médicales qu'il avait produites.

d. Dans sa duplique du 8 août 2022, l'intimé a maintenu sa position.

e. Dans ses observations du 2 septembre 2022, le recourant en a fait de même.

f. Dans sa détermination du 3 octobre 2022, l'intimé s'est référé à ses précédentes écritures.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

3.1 D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 140 V 41 consid. 6.3.1 et les références).

3.2 Selon l'al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (réforme des PC), l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son l’ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci.

3.3 En l'occurrence, en tant que la décision litigieuse porte sur les prestations complémentaires pour la période du 1er août 2019 au 31 décembre 2020, la LPC est applicable dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. S'agissant des prestations complémentaires pour la période dès le 1er janvier 2021, dans la mesure où l'application du nouveau droit entraîne une diminution des prestations complémentaires du recourant (cf. calcul comparatif selon l’ancien et le nouveau droit ; dossier intimé pièce 15), l'intimé a appliqué le droit en vigueur avant la réforme, plus favorable au recourant, ce qui n'est au demeurant pas contesté. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé était fondé à prendre en compte, dans le calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales du recourant, un gain potentiel de l'épouse à partir du 1er août 2019.

6.             Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l’assurance-invalidité conformément à l’art. 4 al. 1 let. c LPC.

6.1 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle ainsi que du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC).

6.2 Figurent notamment au nombre des revenus déterminants énumérés à l’art. 11 al. 1 LPC : les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g).

Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références ; ATF 134 I 65 consid. 3.2 et les références ; ATF 131 V 329 consid. 4.2 et les références).

6.3 Il y a également dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références). En ce qui concerne, en particulier, le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail et examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009 consid. 4.2 et la référence). L'impossibilité de mettre à profit une capacité résiduelle de travail ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_376/2021 du 19 janvier 2022 consid. 2.2.1 et la référence).

6.3.1 L'obligation faite à la femme d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l'époux n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l'épouse y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).

6.3.2 Lors de la fixation du revenu hypothétique du conjoint, il importe de tenir compte du fait que la reprise d'une activité lucrative exige une période d'adaptation et qu'après une longue absence de la vie professionnelle, une pleine intégration sur le marché de l'emploi n'est plus possible à partir d'un certain âge (arrêts du Tribunal fédéral 9C_916/2011 du 3 février 2012 consid. 1.3 et P.28/04 du 30 août 2004 consid. 2.2.). Concernant ce facteur lié à l'âge, la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit du divorce - selon laquelle une réinsertion entière et durable dans la vie professionnelle au-delà de la 45e année d'un époux qui avait renoncé à exercer une activité lucrative pendant le mariage n'était en principe pas exigible - a été fortement atténuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2010 du 26 janvier 2011 consid. 5.3). La limite d’âge tend à augmenter à 50 ans et ne doit pas être considérée comme une règle stricte. Il s'agit d'une présomption qui peut être renversée en fonction d'autres éléments qui plaideraient en faveur de la prise ou de l'augmentation d'une activité lucrative (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_101/2018 du 9 août 2018 consid. 3.3 et les références). Pour une appréciation d'ensemble, il convient en outre de tenir compte du fait que, dans le domaine des prestations complémentaires, l'exercice d'une activité lucrative peut être exigé d'une veuve non invalide qui n'a pas d'enfants mineurs jusqu’à 60 ans (art. 14b let. b et c de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301]). Ces éléments qui relèvent tant du droit civil que du droit des prestations complémentaires doivent être pris en compte pour déterminer si une activité lucrative est exigible ou non de la part du conjoint qui a atteint l'âge de 50 ans ou plus (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 138 ad art. 11 LPC).

6.3.3 Lorsque le conjoint du bénéficiaire d'une prestation complémentaire invoque une atteinte à la santé l'empêchant d'exercer une activité lucrative, il incombe aux organes d'exécution en matière de prestations complémentaires d'évaluer ses chances d'insertion ou de réinsertion professionnelle et non pas d'examiner s'il remplit les conditions présidant à l'octroi d'une rente d'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.61/03 du 22 mars 2004 consid. 3.1). Ils ne sont pas fondés à se prévaloir d'un manque de connaissances spécialisées pour écarter d'emblée toute mesure d'instruction au sujet de l'état de santé d'une personne (arrêt du Tribunal fédéral 8C_172/2007 du 6 février 2008 consid. 7.2).

7.             Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC (que sont notamment la perception d'une rente de l’AI [al. 1 let. b]) et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC). Aux termes de l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations.

Quant au gain hypothétique de l’épouse du bénéficiaire des prestations, les considérations développées ci-dessus en matière de prestations fédérales s’appliquent mutatis mutandis, les principes valables en droit cantonal étant les mêmes que ceux qui s’appliquent en la matière en droit fédéral (ATAS/249/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.2 et la référence).

8.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

9.              

9.1 Le recourant conteste le calcul déterminant son droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales en tant qu'il retient un gain potentiel de son épouse. Il reproche à l'intimé de s'être appuyé exclusivement sur la décision de refus de prestations de l'OAI du 29 avril 2013, qui est, à ses yeux, erronée, motif pris qu'elle ne tient pas compte de la capacité de travail de son épouse réduite à 65% en raison de l'atteinte au membre supérieur gauche provoquée par l'accident survenu en 1996, ni des limitations fonctionnelles en découlant. Il allègue que son épouse ne s'est jamais remise de son accident, raison pour laquelle elle bénéficie d'une rente d'invalidité de l'assurance-accidents de 35% depuis mars 1998. Cela suffit à établir qu'un revenu hypothétique pour une activité à plein temps ne peut pas être retenu. Par ailleurs, elle souffre d'autres affections (obésité morbide due au traitement antihormonal, lithiase rénale, calcul urétéral pelvien ayant conduit à une dilatation pyélocalicielle et nécessité la pose d'une endoprothèse, diabète de type 2). Tout au plus peut-elle exercer une activité à 50% dans un milieu protégé. En outre, son épouse, proche de 60 ans, est éloignée du monde professionnel depuis 25 ans, n'a aucune formation et ses connaissances linguistiques sont faibles. Il n'est donc, selon lui, pas exigible qu'elle reprenne une activité lucrative. Enfin, l'intimé n'a accordé à son épouse aucun temps d'adaptation.

9.2 L'intimé constate que, à la suite du refus prononcé en 2013 par l'OAI, qui n'a pas fait l'objet d'une révision, aucune demande de prestations n'a été déposée auprès de cette autorité en lien avec les nouveaux problèmes de santé de l'épouse invoqués. Il considère ne pouvoir se fonder que sur les décisions de l'OAI, dans la mesure où il ne dispose pas de médecins dans son service qui pourraient déterminer si l'atteinte à la santé d'une personne lui permet d'exercer une activité lucrative. De plus, il estime ne pas avoir d'éléments suffisants pour se prononcer de façon autonome sur l'état de santé de l'épouse. En outre, aucune recherche d'emploi n'a été produite, alors que l'OAI estimait que, depuis le 28 mars 2012, l'épouse avait recouvré une pleine capacité de travail. Celle-ci n'avait pas non plus cherché de l'aide auprès des organismes de placement. Son inactivité n'était donc pas due à des problèmes de santé ou à des motifs conjoncturels.

9.3 Contrairement à ce que prétend l'intimé, il n'est pas nécessaire, au vu de la jurisprudence fédérale (cf. consid. 6.3.3 ci-dessus), que l'épouse d'un bénéficiaire de prestations complémentaires soit invalide au sens de l'assurance-invalidité pour apprécier l'exigibilité de la reprise d'une activité lucrative en ce qui concerne la prise en compte d'un revenu hypothétique. Ainsi, le fait que, après la dernière décision de refus de rente de l'OAI, l'épouse n'ait pas déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI n'est pas décisif.

Il ressort du dossier que l'épouse, nettoyeuse de profession, dispose pour la seule atteinte au coude gauche d'origine accidentelle d'une capacité de travail de seulement 65% dans une activité adaptée sans port de charges ni utilisation répétée du membre supérieur gauche (arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26 juin 2001 ; avis du SMR du 21 novembre 2003) dès la période litigieuse le 1er août 2019 et qu'elle perçoit une rente d'invalidité de 35% de la SUVA (attestation du 11 janvier 2022 de la SUVA). Or, pour la période jusqu'au 31 décembre 2020, l'intimé a pris en considération au titre de gain potentiel de l'épouse un montant correspondant à une rémunération pour un plein temps (CHF 51'114.10 du 1er août au 31 décembre 2019 et CHF 51'288.30 du 1er janvier au 31 décembre 2020 contre CHF 25'987.25 du 1er janvier au 31 décembre 2021 et CHF 23'648.95 dès le 1er janvier 2022).

Quand bien même le SMR a considéré que le cancer du sein droit, en rémission depuis le 28 mars 2012, n'est plus incapacitant à compter de cette date (avis du 7 novembre 2012), appréciation partagée par le service d'oncologie des HUG (cf. rapport du 4 février 2022), il n'en demeure pas moins que dans ce rapport, les HUG ont relevé que la capacité de travail de l'épouse est de 50% tout au plus dans un milieu protégé non stressant en raison des autres atteintes à la santé (syndrome métabolique, obésité morbide dû au traitement antihormonal, limitations, consécutives à la radiothérapie, dans les mouvements répétés au niveau du membre supérieur droit et dans le port de charges supérieures à 8 kg avec ce bras). À cela s’ajoute qu’elle présente les séquelles douloureuses et fonctionnelles post-luxation antérieure du coude gauche provoquant une incapacité de travail totale dans l'activité habituelle et de 35% dans une activité adaptée sans port de charges et sans utilisation répétée du membre supérieur gauche (avis du SMR du 21 novembre 2003).

Force est de constater que l'épouse présente des limitations fonctionnelles aux deux membres supérieurs, et qu'elle est inapte à travailler dans son activité habituelle de nettoyeuse depuis son accident survenu en 1996. Elle devrait donc changer d'activité. N'ayant plus repris d'activité professionnelle, elle est éloignée du marché du travail depuis plus de 23 ans. Par ailleurs, elle ne dispose d'aucune formation certifiée et maîtrise mal le français. Enfin, durant la période litigieuse, elle avait déjà plus de 50 ans.

Même si l'épouse n'a pas d'enfants en bas âge à sa charge, ses deux enfants ayant 25 ans, respectivement 29 ans au 1er août 2019, compte tenu de son âge, de son absence de formation, du fait qu'elle ne peut plus travailler dans son activité habituelle, qu'elle présente plusieurs atteintes à la santé qui engendrent en particulier des limitations fonctionnelles aux deux bras, qu'elle est éloignée du marché de l'emploi depuis 1996 et que ses connaissances en français sont faibles, la chambre de céans est d'avis que l'épouse n'a aucune chance raisonnable de pouvoir réintégrer le marché du travail, même à temps partiel (dans ce sens : ATAS/578/2021 du 8 juin 2021 consid. 10c).

Dans ces circonstances, peu importe que le recourant n'ait pas établi que son épouse aurait tenté de rechercher un emploi. Nul besoin non plus d'examiner la question d'une potentielle période d'adaptation.

En conséquence, l'intimé n'aurait pas dû retenir un quelconque gain potentiel de l'épouse.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours est admis, la décision sur opposition du 3 mai 2022 annulée, et la cause renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision, abstraction faite d'un revenu hypothétique de l'épouse dans le calcul des prestations complémentaires du recourant dès le 1er août 2019.

11.         Le recourant, représenté par une avocate, obtenant gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 1'500.-.

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet et annule la décision sur opposition du 3 mai 2022.

3.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le