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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4353/2022

ATAS/244/2023 du 04.04.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4353/2022 ATAS/244/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 avril 2023

8ème Chambre

 

En la cause

HELSANA ASSURANCES SA, LAUSANNE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

A______, enfant mineure, représentée par sa mère, Madame B______, à GENÈVE

intimé

 

 

 

appelée en cause

 


EN FAIT

 

A. a. Par demande pour mineur reçue à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) en avril 2022, Madame B______, représentant sa fille A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 2012, a requis des mesures médicales pour cette dernière, en raison d’une scoliose idiopathique selon le ch. 737 de l’annexe à l’ordonnance concernant les infirmités congénitales du 9 décembre 1985 (OIC - RS 831.232.21). Il est par ailleurs indiqué dans cette demande que l’enfant est suivie par le docteur C______ du département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

b. Par courrier du 7 avril 2022, l’OAI a invité la mère de l’assurée à lui retourner la procuration annexée ayant valeur d’autorisation, dans un délai de 30 jours, ainsi qu’une pièce d’identité de son enfant, tout en l’avisant que sans réponse de sa part dans ce délai, il n’entrera pas en matière sur sa demande.

c. Dans son rapport du 19 avril 2022, le Dr C______ a informé la doctoresse D______, médecin traitante de l’assurée, qu’il y avait une indication pour un traitement par corset correcteur en raison d’une scoliose idiopathique. Il a par ailleurs indiqué que l’enfant était scolarisée en 6ème primaire.

d. Dans son rapport du 19 mai 2022, le Dr C______ a confirmé son diagnostic, tout en précisant qu’il s’agissait d’une infirmité congénitale et que l’assurée avait besoin d’un corset correcteur type « Cheneau ».

e. Par courrier du 9 juin 2022 à la mère de l’assurée, l’OAI a réitéré sa demande de lui faire parvenir l’autorisation annexée et une copie de la pièce d’identité de son enfant.

f. Le 13 juillet 2022, l’OAI a reçu l’ordonnance du Dr C______ pour un corset correcteur concernant l'assurée.

g. Par courrier du 15 août 2022, envoyé sous pli recommandé et par courrier B, l’OAI a de nouveau invité la mère de l’enfant à lui transmettre les pièces requises, tout en indiquant qu’à défaut, il se verrait dans l’obligation de lui notifier une décision de non entrée en matière. Le pli recommandé a été retourné par la Poste à l’OAI avec la mention « non retiré ».

h. Le 22 septembre 2022, l’OAI a envoyé à la mère de l’assurée une sommation de produire les pièces demandées, tout en l’informant qu’en l’absence de réponse de sa part d’ici le 24 octobre 2022, il prendra une décision sur la base des pièces en sa possession.

i. Par projet de décision du 31 octobre 2022, l’OAI a rejeté la demande de l'assurée.

j. Par courrier du 10 novembre 2022, Helsana Assurances SA (ci-après : Helsana ou la recourante), l’assureur-maladie de l’assurée, a contesté le projet de décision.

k. Par décision du 12 décembre 2022, envoyée en recommandé et en courrier B à la représentante de l'assurée, l’OAI a confirmé le rejet de la demande.

B. a. Par acte adressé à l’OAI le 21 décembre 2022 avec copie à la chambre de céans, Helsana a contesté cette décision, en faisant valoir que, selon la jurisprudence, l’assureur ne doit faire usage de la possibilité de ne pas entrer en matière sur une demande qu’avec la plus grande retenue, soit uniquement lorsqu’un examen sur le fond est impossible sur la base du dossier. Or, en l’occurrence, il manquait uniquement la pièce d’identité de l’assurée. Cela n’empêchait pas l’intimé de statuer sur la prise en charge médicale.

b. Dans sa réponse du 17 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours, au motif qu’il n’était pas en mesure de statuer sur le droit aux prestations, notamment sans pièce d’identité de l’enfant. Or, la représentante de l’assurée avait été invitée à plusieurs reprises à fournir les renseignements et pièces requis.

c. Par ordonnance du 23 janvier 2023, la chambre de céans a appelé en cause l’assurée représentée par sa mère et lui a imparti un délai au 10 février 2023 pour se déterminer.

d. Entendue en date du 14 mars 2023, la représentante de l’assurée a déclaré ce qui suit :

« Je ne suis pas en mesure de vous donner la carte d'identité de ma fille. En effet, nos papiers d'identité ne sont plus valables et nous avons dû demander leur renouvellement au Consulat d'Italie il y a deux ans et demi. Pour ce faire, nous avons dû remettre nos pièces d'identité échues. Je ne me rends dès lors plus à l'étranger.

Je pourrai vous envoyer l'acte de naissance de ma fille.

Celle-ci est née à Genève. Son père est décédé il y a deux ans, sauf erreur.

En mai 2022, j'ai failli de mourir, ce qui explique que j'ai négligé certaines factures et courriers. J'étais très fatiguée. Actuellement, je fais un travail social de rue aux Pâquis trois jours par semaine. Je suis par ailleurs soutenue par l'Hospice général. Une assistante sociale, Madame E______ (téléphone 022/______), m'aide également pour les démarches administratives ».

« Il ne faudrait pas m'adresser de courrier sous pli recommandé, car je ne peux pas les retirer en l'absence d'une carte d'identité. Il est très difficile de prendre rendez-vous au Consulat d'Italie. Cela prend des mois. Toutefois, je fais mon possible pour faire avancer les choses ».

e. Après que l’appelée en cause ait fait parvenir à la chambre de céans son extrait d’acte de naissance, l’intimé a persisté dans ses conclusions, par écriture du 21 mars 2023. L’appelée en cause n’invoquait pas de motifs valables permettant d’excuser ses nombreux manquements, en dépit des demandes de renseignements transmises par courrier B et sous plis recommandés. Toutefois, l’extrait de naissance de l’appelée en cause sera pris en compte dans le cas de l’ouverture d’une nouvelle demande.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, par la représentante légale de l'assurée, le recours est recevable.

3.             Est litigieuse en l’occurrence la question de savoir si l'intimé était en droit de refuser la mesure médicale requise au motif notamment que l’assurée n’a pas fourni une copie d’une pièce d’identité.

4.              

4.1 La loi ne contient aucune exigence de forme pour déposer une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Toutefois, le formulaire de demande indique qu’il faut joindre à la demande copie d’une pièce d’identité officielle, par exemple certificat de naissance, livret de famille ou récépissé des papiers déposés, qui atteste l’identité de toutes les personnes mentionnées dans la demande.

4.2 Les exigences formelles sont réglées dans la Circulaire sur la procédure de l’assurance-invalidité (CPAI). Selon le chiffre 1022 de cette circulaire, valable à partir du 1er janvier 2022, l’office AI vérifie si le formulaire de demande a été correctement rempli, s’il a été signé et si les annexes sont au complet. À défaut, il fait en sorte que la demande soit complétée. Selon le chiffre 1036 CPAI, l’Office AI vérifie l’exactitude des indications sur l'identité de l’assuré.

4.3 Aux termes de l’art. 43 al. 1 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Selon l’al. 3 de cette disposition, si l’assuré refuse de se conformer de manière inexcusable à son obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière, après avoir adressé à l’assuré une mise en demeure écrite l’avertissant des conséquences juridiques et lui impartissant un délai de réflexion convenable.

 

En vertu du principe de proportionnalité, l’administration doit statuer en l’état du dossier dans la mesure du possible. Si cela n’est pas possible, elle peut refuser d’entrer en matière (CR LPGA Jacques Olivier PIGUET, ad art. 43 N 5).

Il appartient par ailleurs à l’assureur d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants et d’administrer le cas échéant les preuves nécessaires, en vertu du principe inquisitoire. Il ordonne ainsi d’office l’administration de tous les moyens de preuves propres et nécessaires à établir les faits pertinents (op. cit. N 9).

5.             En l’occurrence, l’intimé a rejeté la demande au seul motif que la représentante de l’assurée n’a pas donné suite à ses demandes réitérées de produire des pièces, en particulier une pièce d'identité.

Ce faisant, l’intimé a violé l’art. 43 al. 3 LPGA. En effet, il aurait en premier lieu dû examiner s’il pouvait se prononcer en l’état du dossier. Par ailleurs, s’il avait un doute sur l’identité de la personne assurée, il aurait pu recueillir des renseignements supplémentaires sur celle-ci dans la base de données « Calvin » de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il aurait également pu téléphoner au médecin qui suit l’enfant et qui l’a renseigné, en fournissant un rapport médical. Le cas échéant, il aurait pu être attendu également de l’intimé qu’il contacte par téléphone la mère de l’assurée dont le numéro est indiqué dans la demande. Cela aurait permis d’éliminer toute ambiguïté sur l'identité de l’assurée.

S'agissant du droit aux prestations sur le fond, le dossier est au demeurant complet, dans la mesure où le médecin de l’assurée a informé l’intimé de façon exhaustive. L’intimé était ainsi en mesure de statuer en l’état du dossier.

En ce que l’intimé fait valoir que la représentante de l’assurée n’avance pas de motifs valables permettant d’excuser les nombreux manquements, il convient de relever que l’art. 43. al. 3 LPGA ne soumet pas l’obligation de se prononcer en l’état du dossier à la condition que l'assuré ait manqué à son devoir de renseigner ou de collaborer à l’instruction de manière excusable.

Enfin, si vraiment le dossier était incomplet, sans que l’intimé ne puisse y remédier, il aurait dû refuser d’entrer en matière et non rejeter la demande.

6.             Cela étant, la décision querellée doit être annulée. Toutefois, dans la mesure où l’intimé n’est pas entré au fond et que son refus de prestations s’apparente plutôt à une non entrée en matière, la cause lui sera renvoyée pour statuer sur le fond.

7.             L'intimé qui succombe sera condamné à un émolument de justice de CHF 200.-.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 12 décembre 2022 et renvoie la cause à l’intimé pour examen au fond et nouvelle décision.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le