Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3577/2021

ATAS/132/2023 du 24.02.2023 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.04.2023, rendu le 22.02.2024, REJETE, 8C_236/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3577/2021 ATAS/132/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 février 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Butrint AJREDINI, avocat

 

 

recourante

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jeanne-Marie MONNEY, avocate

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), ressortissante suisse originaire d’Érythrée, née le ______ 1966, divorcée, est arrivée en Suisse en 1983.

b. Au bénéfice d’une formation de « cafetier-restaurateur », elle a notamment géré un restaurant à Genève de 2007 à 2014, avant de travailler en tant que « gouvernante » de février 2014 à avril 2015.

c. Dès le mois de mai 2015, elle a bénéficié de prestations de
l’assurance-chômage (suite au placement en maison de retraite de Madame B______, pour laquelle elle avait travaillé jusqu’alors en tant que gouvernante). À ce titre, elle était assurée contre le risque d’accidents, professionnel ou non, auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la CNA).

B. a. Le 14 février 2016, alors qu’elle se trouvait en Norvège, l’assurée a glissé sur un trottoir et chuté sur le poignet droit. Elle a annoncé le sinistre à la CNA par formulaire daté du 18 février 2016.

La CNA a pris en charge les suites de cet accident, notamment par le versement d’indemnités journalières.

b. Dans un rapport daté du 23 février 2016, consécutif à un scanner réalisé le 22 février, le docteur C______, médecin auprès de la Clinique D______, a posé le diagnostic de fracture disloquée du radius droit.

c. Le 26 février 2016, l’assurée a été opérée du radius droit par le Dr C______ (réduction sanglante de la fracture et ostéosynthèse par plaque).

d. Dans un « rapport initial LAA » daté du 14 mars 2016, le docteur E______, médecin généraliste, a confirmé le diagnostic de fracture distale du radius et du cubitus, tout en précisant que l’assurée souffrait également d’une ostéoporose, nécessitant un traitement.

e. Dans un rapport daté du 31 mars 2016, consécutif à une scintigraphie osseuse du poignet droit, le docteur F_____, spécialiste en médecine nucléaire, a indiqué que l’examen qu’il avait pratiqué plaidait en faveur d’un syndrome douloureux régional complexe (algodystrophie ou SDRC). Il a par ailleurs relevé la présence de troubles dégénératifs, au niveau de l’interligne trapézo-métacarpien du 1er rayon, ainsi qu’un aspect déminéralisé et moucheté de la trame osseuse.

f. À la suite de l’opération du 26 février 2016 et au vu de l’évolution de l’atteinte du poignet droit (caractérisée par une suspicion d’algodystrophie), l’assurée a séjourné une première fois à la Clinique G______ (ci-après : la G______), du 27 avril au 8 juin 2016. À l’issue du séjour, les médecins de la G______ ont confirmé le diagnostic de SDRC de type I du poignet de la main droite. Ils ont relevé que la situation n’était pas encore stabilisée du point de vue médical et ont préconisé la poursuite d’un traitement d’ergothérapie, complété par des séances de fitness.

C. a. Le 4 décembre 2016, l’assurée a été victime d’une nouvelle chute, en glissant sur le sol mouillé d’un spa.

L’assurée a été transportée le même jour aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), où il lui a été diagnostiqué une fracture C2 de l’extrémité distale du radius gauche. Elle a été ensuite opérée aux HUG du poignet gauche (pose d’une plaque), le 6 décembre 2016, par le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie de la main, lequel lui a également prescrit un certificat d’arrêt de travail dès le 4 décembre 2016, qu’il a ensuite renouvelé à diverses reprises. L’assurée a pu rentrer à domicile le 9 décembre 2016.

Elle a annoncé ce nouveau sinistre à la CNA par téléphone, le 12 décembre 2016.

b. Le 7 juin 2017, l’assurée a subi une nouvelle intervention, visant à retirer le matériel d’ostéosynthèse installé dans son poignet droit.

c. Dans un rapport daté du 15 novembre 2017, le docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecin auprès de la G______, a relevé que la situation de l’assurée s’était améliorée, suite à l’ablation du matériel d’ostéosynthèse, et que ses douleurs étaient désormais moindres. Quelques signes évocateurs d’un SDRC subsistaient, mais avec peu d’activité clinique. Cependant, l’état de l’assurée ne paraissait pas encore entièrement stabilisé et le Dr I______ préconisait la poursuite de divers traitements (ergothérapie, physiothérapie, attelle statique progressive, antalgique à la demande et injection de « botox »).

D. a. Le 4 juin 2018, l’assurée a informé la CNA avoir chuté quinze jours auparavant et s’être égratignée le genou et le petit doigt de la main droite.

b. Le 10 octobre 2018, le Dr H______ a procédé à une arthrodèse pancarpienne du poignet droit, avec résection de la première rangée du carpe.

c. Par courrier du 24 décembre 2018, le docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a informé la CNA qu’il suivait l’assurée depuis le 14 mai 2018, en raison d’un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Ce trouble s’était développé suite à un accident survenu trois ans auparavant, puis à des interventions chirurgicales visant à traiter les deux poignets, ainsi qu’à une algodystrophie du côté droit. Un traitement antidépresseur avait été instauré en novembre 2018.

d. Invité par la CNA à se déterminer sur le rapport du Dr J______, le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecin d’arrondissement, a indiqué, dans une brève appréciation datée du 30 janvier 2019, qu’« il faudrait [ ] retenir une causalité naturelle dans cette situation, au vu des éléments apportés au dossier [ ] ». Ajoutant qu’une réinsertion professionnelle lui paraissait improbable, il a proposé de réexaminer le cas dans trois mois.

e. Dans un rapport du 10 juillet 2019, le Dr H______ a jugé que l’évolution en lien avec l’ergothérapie était tout à fait satisfaisante, dès lors que la fonctionnalité de la main droite était correcte, tout comme celle du poignet.

f. Du 6 août au 10 septembre 2019, l’assurée a séjourné une deuxième fois à la G______. À l’issue dudit séjour, les médecins de la G______ ont relevé, dans un rapport daté du 30 septembre 2019, qu’au plan orthopédique, le SDRC demeurait actif, mais que ses signes cliniques étaient très modérés. Au plan psychiatrique, l’assurée présentait un épisode dépressif moyen et, même si sa symptomatologie s’était partiellement amendée pendant son séjour, elle avait été invitée à poursuivre la prise en charge avec son psychiatre traitant. Bien que les plaintes et limitations fonctionnelles de l’assurée s’expliquaient principalement par des lésions objectives, des facteurs « contextuels » influençaient négativement les aptitudes fonctionnelles (cotation élevée de la douleur, kinésiophobie et catastrophisation élevées, auto-évaluation très basse par l’assurée de ses propres capacités). Selon les médecins de la G______, la situation n’était pas encore stabilisée, mais l’on pouvait s’attendre à ce qu’elle le soit dans un délai de trois à six mois. L’activité antérieure de gouvernante ne paraissait plus exigible ; en revanche, l’assurée paraissait a priori capable, d’un point de vue médico-théorique, d’exercer une activité très légère. Un futur examen par le médecin d’arrondissement était préconisé.

g. Dans une brève appréciation datée du 23 octobre 2019, le Dr K______ a considéré qu’il persistait une symptomatologie dysphorique, laquelle était suffisamment importante pour être encore à l’origine d’une incapacité de travail. Dans la situation de l’assurée, il existait de clairs éléments de fragilité antérieurs, lesquels pouvaient expliquer une évolution défavorable, chez une patiente largement marginalisée et mise de côté par « le système ».

E. a. Le 8 décembre 2019, alors qu’elle cuisinait, l’assurée s’est blessée avec un couteau au niveau de l’index droit. Elle s’est rendue à la permanence de L______, où un « steristrips » (NDR : un pansement) lui a été posé. Selon les indications données par l’assurée, à l’occasion d’un entretien avec la CNA le 10 février 2020, ce cas était alors « terminé ».

b. Dans un rapport adressé à la CNA le 4 mai 2020, le Dr M______, après avoir retenu le diagnostic de trouble dépressif moyen avec syndrome somatique persistant (F 33.11), a conclu à une capacité de travail de 50 % « selon la jurisprudence de novembre 2017 » et suggéré une réadaptation professionnelle à 50 %.

c. Dans un rapport daté du 14 mai 2020, consécutif à un examen clinique, le docteur N______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, médecin d’arrondissement de la CNA, a notamment exposé que l’évolution était tout à fait favorable en ce qui concernait la position de la main droite, ce qui permettait l’utilisation de la main et des doigts en position de « fonction ». La force demeurait toutefois faible, l’assurée demeurant inapte à manipuler de façon sûre des objets excédant 1 à 2 kg. Au plan algique, l’assurée ne prenait qu’un Doliprane en cas de douleurs, mais pas quotidiennement, ce qui paraissait entrer en contradiction avec l’impact ressenti des douleurs, dont la composante psychogène paraissait prépondérante. Le Dr N______ préconisait un futur réexamen du cas, tout en relevant que, dès la stabilisation du cas, l’on pourrait envisager que l’assurée exerce une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles somatiques.

d. Le 10 juin 2020, le Dr H______ a procédé à l’ablation du matériel d’ostéosynthèse installé dans le poignet gauche. Une évolution « très favorable » du poignet gauche a été rapportée par ce chirurgien, l’assurée ayant récupéré une prono-supination complète, une flexion-extension de 90°-0°-90° et une force de serrage de 20 kg (cf. rapport du Dr H______ du 1er septembre 2020).

e. Le Dr K______ a procédé à un examen de l’assurée le 30 septembre 2020. Dans son rapport du 7 octobre 2020, il a retenu les diagnostics de troubles dépressifs récurrents, épisode actuel moyen à sévère (F 33), de boulimie (F 50.2) et de probable modification durable de la personnalité après expérience de catastrophe (F 62.0). Il a notamment exposé que, dans la situation de l’assurée, la difficulté était de distinguer ce qui était réactionnel à l’évolution négative du poignet droit (SDRC) de ce qui était déjà présent antérieurement, celle-ci ayant été exposée dans l’enfance et sur plusieurs années (entre l’âge de 9 et 15 ans), à des violences, maltraitances et viols répétés, aussi bien au Soudan qu’en Italie, de la part de son frère qu’elle avait fui en se réfugiant en Suisse. Bien que l’assurée n’avait jamais bénéficié d’un traitement avant l’année 2018, l’on pouvait déduire d’un faisceau d’éléments cliniques qu’elle avait déjà présenté des épisodes dysphoriques, mais qu’elle n’avait pas accordé suffisamment de valeur à sa personne pour se faire traiter correctement. Il était difficile de faire la part des choses, puisque la fragilité pré-existante (sous forme d’une atteinte de la construction de soi ou de la personnalité) l’exposait au risque de décompenser sur le plan thymique et / ou anxieux. Le Dr K______ estimait qu’au vu de la sévérité des atteintes et de l’évolution négative, l’on pouvait s’attendre à ce que la problématique psychique se chronicise et évolue vers une « invalidation globale », de sorte que le statu quo ante ne serait jamais atteint. En conclusion de son rapport, le Dr K______ a retenu qu’à défaut de données précises sur l’état psychologique antérieur, il ne pouvait que se limiter « à une forme de pondération quant à la responsabilité de l’évolution négative sur le plan orthopédique quant au développement du tableau psychique global. La responsabilité de cette atteinte [était] de l’ordre de 50 % et le statu quo sine [serait] atteint à la fin de [l’] année 2020 ».

f. Dans un rapport daté du 13 janvier 2021, consécutif à un examen clinique, le Dr N______ a retenu les diagnostics suivants : fracture complexe du poignet droit avec syndrome aglodystrophique sévère (et séquelles avec acquisition d’une « main bote » radiale) ; arthrodèse consolidée du poignet droit ; fracture du poignet gauche avec ostéosynthèse et consolidation. Il a retenu que le cas était stabilisé pour les deux membres supérieurs. Au plan somatique, une reprise du travail était inenvisageable dans la profession antérieure de gouvernante. En revanche, la capacité de travail était de 100 %, sans diminution de rendement, dans toute activité adaptée (soit toute activité n’exigeant pas la manipulation fine d’objets avec le membre supérieur droit, ni la manipulation d’objets excédant 2 kg avec la main droite, la manipulation de charges comprises entre 5 et 10 kg étant en revanche possible avec le membre supérieur gauche, non dominant).

Dans une appréciation médicale séparée, datée également du 13 janvier 2021, le Dr N______ a évalué l’atteinte à l’intégrité à 20 %, en se référant à la table d’indemnisation n° 5 de la CNA (atteinte à l’intégrité résultant d’arthrose) – dont il résultait que le taux de l’atteinte à l’intégrité était fixé entre 10 et 25 % en cas d’arthrose grave et à 15 % en cas de résection ou d’arthrodèse. Il a précisé avoir tenu compte de l’état préopératoire du côté droit et n’avoir retenu aucune atteinte à l’intégrité pour le poignet gauche, vu l’absence d’arthrose et de limitations fonctionnelles de ce côté-là.

g. Par pli du 14 janvier 2021, la CNA a informé l’assurée que, sur la base de l’examen médical qu’elle avait récemment ordonné, elle mettait un terme à la prise en charge des soins avec effet au 31 janvier 2021 et au versement des indemnités journalières avec effet au 30 avril 2021.

F. a. Par décision du 19 avril 2021, la CNA a accordé à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20 %. Elle a par ailleurs refusé d’octroyer à l’assurée une rente de l’assurance-accidents, aux motifs, d’une part, que les troubles psychogènes dont souffrait l’intéressée n’étaient pas en relation de causalité adéquate avec « l’accident », et d’autre part, que cette dernière disposait, malgré les séquelles de l’accident au plan somatique, d’une capacité de travail entière dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. La comparaison des revenus sans et avec invalidité ne mettait pas en évidence de perte de gain.

b. Le 1er mai 2021, l’assurée s’est réinscrite au chômage, en précisant rechercher une activité à 50 %.

c. Le 19 mai 2021, par l’intermédiaire d’un conseil, l’assurée a formé opposition contre la décision de la CNA, avant de la compléter le 17 juin 2021. En substance, elle a fait valoir que, contrairement à ce qu’avait retenu la CNA, il existait bel et bien un lien de causalité entre ses accidents et ses troubles psychogènes. En effet, c’était en raison de l’accident du 14 février 2016 et des accidents subséquents dont elle avait été victime (chute sur le sol mouillé d’un spa, chute dans la rue et blessure en cuisinant) qu’elle avait développé une crainte phobique de tout déplacement ; elle a souligné qu’en raison des trois accidents dont elle avait été victime depuis février 2016, elle avait dû subir quatre interventions chirurgicales, une ablation du matériel d’ostéosynthèse, une injection de « botox » et la pose d’un « steristrips ». En raison de ces graves accidents et des complications qui s’en étaient suivies, elle avait développé des troubles psychogènes, dont une modification de la personnalité. Il ressortait des rapports de ses psychiatres et psychologues que sa capacité de travail était réduite d’au moins 50 % et, pour le reste, elle sollicitait que l’indemnité pour atteinte à l’intégrité qui lui était due soit fixée à 50 % plutôt qu’à 20 %.

d. Par décision sur opposition du 14 septembre 2021, la CNA a rejeté l’opposition, au motif que les chutes qu’avait subies l’assurée de sa hauteur, les 14 février et 4 décembre 2016, devaient être qualifiées d’accidents de peu de gravité, accidents pour lesquels une relation de causalité adéquate avec les troubles psychiques devait être d’emblée niée. L’éventuelle incapacité de travail découlant des troubles psychiques n’était pas à charge de la CNA, faute de lien de causalité adéquate avec les accidents. Sous l’angle somatique, l’exercice de la profession antérieure était désormais inexigible, mais l’assurée bénéficiait, selon le Dr N______, d’une capacité de travail entière (100 %), sans diminution de rendement, dans toute activité adaptée à ses limitations (soit une activité « très légère », permettant d’accomplir des efforts légers avec les deux mains et ne nécessitant pas une dextérité fine avec la main droite). La comparaison des revenus ne mettait pas en évidence de perte de gain, ce qui justifiait le refus de la rente. Pour le reste, c’était à juste titre que le Dr N______ avait évalué à 20 % le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, en se référant aux tables d’indemnisation de la CNA et en tenant compte de l’état préopératoire.

G. a. Par acte du 14 octobre 2021, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours, concluant, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision sur opposition du 14 septembre 2021, ainsi qu’à l’octroi d’une rente entière de l’assurance-accidents et d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 50 %.

À l’appui de son recours, l’assurée a joint diverses pièces, notamment :

-          un rapport daté du 3 mars 2021 et rédigé par le docteur O______, du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) : suite à l’accident du 15 février 2016, l’assurée avait développé une dépression, actuellement de gravité moyenne et sous traitement. Après s’être référé aux rapports du Dr K______ (du 30 septembre 2020) et du Dr N______ (du 13 janvier 2021), le Dr O______ a relevé que l’appréciation du Dr K______ rejoignait celle exprimée par le Dr M______, de sorte qu’il retenait une capacité de travail de 50 % « au moins » dans une activité adaptée, dès le 13 mai 2021 ;

-          un préavis (projet) de décision daté du 23 septembre 2021, au terme duquel l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) lui reconnaissait le droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mars 2017 (fondée sur un degré d’invalidité de 100 %), puis à une demi-rente d’invalidité (fondée sur un degré d’invalidité de 51 %) dès le 1er mai 2021 ;

-          un certificat rédigé le 5 octobre 2021 par la doctoresse P______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, retenant les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), douleurs chroniques partiellement liées à un substrat organique et également de nature psychosomatique (F45.4), et de symptômes résiduels d’un état de stress post-traumatique réactivés dans le contexte de traumatismes physiques et du confinement (F43.1), concluant par ailleurs à une capacité de travail nulle « ce jour » du point de vue psychiatrique.

b. Dans sa réponse du 11 janvier 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué le 7 février 2022 et l’intimée a dupliqué le 7 avril 2022 ; les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La recourante a joint à sa réplique un rapport émanant d’un laboratoire d’analyse médicale, attestant qu’il lui avait été diagnostiqué un « carcinome micro-papillaire à l’union des quadrants supérieurs du sein droit ».

d. Le 14 juin 2022, la recourante a spontanément transmis à la CJCAS :

-          copie d’une lettre de l’OAI datée du 9 juin 2022, l’informant qu’une rente entière d’invalidité (degré d’invalidité de 100 %) devait lui être accordée dès le 1er mars 2017 ;

-          un rapport du SMR daté du 18 mars 2022, au terme duquel la doctoresse Q______, après s’être référée, notamment, à l’examen psychiatrique du Dr K______ du 30 septembre 2020, au certificat rédigé par la Dresse P______ le 5 octobre 2021 (attestant d’une aggravation de la situation au plan psychique et d’une admission à la clinique de R______ dès le 19 octobre 2021) et au fait que l’assurée s’était vue récemment diagnostiquer un cancer du sein droit (carcinome micro-papillaire invasif pour lequel elle avait bénéficié, dès le 19 novembre 2021, d’une tumorectomie, puis d’une radiothérapie adjuvante et enfin d’une hormonothérapie), a retenu une capacité de travail nulle, dans toute activité, « sur le plan psychiatrique, puis oncologique » dès le 30 novembre 2020. Le SMR a déclaré modifier ses conclusions, en ce sens qu’il retenait une capacité de travail nulle, depuis le 15 février 2016, dans toute activité professionnelle.

e. Le 15 septembre 2022, l’intimée s’est déterminée sur les nouvelles pièces produites par la recourante, concluant derechef au rejet du recours et relevant pour le surplus, que les atteintes psychiatriques et oncologiques n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec les accidents, de sorte qu’elle n’avait pas à les prendre en charge, contrairement à l’assurance-invalidité.

f. Cette écriture a été transmise à la recourante, pour information, le 19 septembre 2022. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]).

3.             L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaquée. D'après cette définition, l'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

En l'espèce, au vu de la décision attaquée et du recours, le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents. Est plus particulièrement litigieuse, d’une part, la question de savoir si, dans le cadre de la procédure initiée devant la CNA, les troubles psychiques affectant la recourante devaient être pris en compte pour évaluer sa capacité de travail. La recourante conteste, d’autre part, la pleine capacité de travail qui lui a été reconnue par la CNA sous l’angle somatique. Le litige porte enfin sur le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité qui lui a été accordée (20 %).

En revanche, le litige ne porte pas sur les dates auxquelles l’intimée a mis un terme aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical, la recourante ne contestant pas ces aspects dans son recours.

4.             Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

Le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

5.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.             En premier lieu, sous l’angle psychiatrique, l’intimée nie dans sa décision tout lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques affectant la recourante (soit, selon le Dr K______, des troubles dépressifs récurrents, une boulimie et une probable modification durable de la personnalité après expérience de catastrophe) et les accidents invoqués par l’intéressée (soit ceux de février 2016, décembre 2016, mai 2018 et décembre 2019). L’intimée retient notamment que la recourante n’a subi que des accidents de peu de gravité, pour lesquels la responsabilité de l’assurance-accidents doit être écartée d’emblée. Dans sa réponse au recours, l’intimée ajoute que, même à supposer qu’ils puissent être qualifiés d’accidents de gravité moyenne, un lien de causalité adéquate entre ceux-ci et les troubles psychiques devrait quoi qu’il en soit être nié, les critères jurisprudentiels topiques (cf. infra consid. 8.3) n’étant pas remplis. Par ailleurs, elle relève qu’en présence d’une pluralité d’accidents, la question du lien de causalité adéquate doit être examinée au regard de chaque accident séparément.

De son côté, la recourante fait valoir, en substance, qu’un lien de causalité entre les divers accidents qu’elle a subis – dont celui du 14 février 2016 – doit être admis, en s’appuyant sur les rapports des psychiatres qu’elle a consultés (soit les Drs J______, M______ et P______). Par ailleurs, elle est d’avis qu’une « succession de chutes et / ou [d’] atteintes aux mains est de nature à constituer une atteinte à la santé à tout le moins de gravité moyenne » et que « l’ensemble des accidents [lui] ont causé des graves atteintes aux mains [ ] qui doivent être considérées comme une seule et même partie du corps ».

8.             Afin de déterminer si les troubles psychiatriques diagnostiqués chez la recourante doivent être pris en compte dans l’examen de ses prétentions envers l’intimée, il convient d’examiner, à l’aune des critères prescrits par la jurisprudence, s’il existe un lien de causalité adéquat entre ces troubles et les divers accidents invoqués.

8.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel ou non professionnel. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend ainsi à toutes les conséquences des atteintes à la santé qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquat avec un évènement accidentel (ATF 147 V 207 consid. 6.1 ; ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_114/2021 du 14 juillet 2021 consid. 2.2).

8.2 L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (condition sine qua non) ; il n'est pas en revanche pas nécessaire que l’évènement accidentel en cause soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; ATF 142 V 435 consid. 1).

8.3 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l’évènement accidentel et l’atteinte à la santé subie par l’assuré ; un tel lien existe si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit (ATF 129 V 402 consid. 2.2 ; ATF 129 V 177 consid. 3.2).

Toutefois, lorsqu'une atteinte à la santé résulte d’un trouble de nature psychiatrique, le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence spécifique dite « psychopraxis » et inaugurée par l’ATF 115 V 133. Selon cette jurisprudence, il convient en premier lieu de classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement ; les accidents insignifiants ou de peu de gravité, les accidents de gravité moyenne et les accidents graves ; pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt d’examiner le déroulement des évènements qui saute aux yeux et les forces s'exerçant à cette occasion (ATF 140 V 356 consid. 5.1). En présence d’un accident insignifiant ou de peu de gravité, un lien de causalité adéquate doit, en règle générale, être nié, tandis qu’en principe il doit être admis en cas d’accident grave.

Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité se situant entre ces deux extrêmes, il faut prendre en considération les sept critères exhaustifs suivants (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 ; ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_566/2019 du 27 novembre 2020 consid. 3.2) :

(1) les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident, peu importe la perception subjective de l’assuré (ATF 140 V 356 consid. 5.6.1) ; (2) la gravité ou la nature particulière des lésions, étant précisé que ce critère fait référence aux lésions qui sont propres selon l'expérience de la vie à entrainer des troubles psychiques, soit en raison de leur gravité, soit en raison de l'importance sociale particulière de l'organe touché (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 4.3.2) ; (3) la durée anormalement longue du traitement médical, qui ne saurait plus être examinée uniquement en fonction de la durée dudit traitement stricto sensu, mais implique l’existence de traitements continus spécifiques et lourds (ATF 148 V 138 consid. 5.3.1 ; ATF 140 V 356 consid. 5.6.2) ; (4) les douleurs persistantes, qui doivent être importantes, sans interruption et crédibles en regard de l’atteinte qu’elles occasionnent sur la vie de tous les jours ; (5) d’éventuelles erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ; (6) les difficultés particulières apparues au cours de la guérison, notamment des complications importantes ; (7) le degré et la durée de l’incapacité de travail causée par les lésions physiques issues de l’accident, ce critère ne se mesurant pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l'assuré, mais en tenant compte de la possibilité d’exercer une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu'il présente ; ce critère est en principe rempli en cas d’incapacité de travail complète pendant trois ans (arrêts du Tribunal fédéral 8C_600/2020 du 3 mai 2021 consid. 4.2.4 ; 8C_547/2020 du 1er mars 2021 consid. 5.1).

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise ; un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 148 V 301 consid. 4.4.1). Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 129 V 407 consid. 4.4.1 ; ATF 115 V 133 consid. 6c/bb). En présence d’un accident de gravité moyenne trois critères sur sept doivent être remplis, ou alors un seul mais de façon particulièrement marquante (ATF 148 V 138 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_600/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.3 ; 8C_566/2019 du 27 novembre 2020 consid. 3.3).

Lorsqu'un accident de gravité moyenne se trouve à la limite de la catégorie des accidents peu graves, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité puisse être admis (ATF 115 V 140 consid. 6c/aa ; ATF 115 V 409 consid. 5c/aa).

8.4 Selon la jurisprudence, lorsqu'à la suite de deux ou plusieurs accidents apparaissent des troubles psychiques, l'existence d'un lien de causalité adéquate doit, en principe, être examinée en regard de chaque accident considéré séparément. Cette règle s'applique en particulier dans les cas où les accidents ont porté sur différentes parties du corps et occasionné des atteintes diverses (ATF 115 V 138 ss consid. 6, 407 ss consid. 5; RAMA 1996 n° U 248 p. 177 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a jugé que le principe d'un examen séparé de la causalité adéquate vaut également dans les cas où la personne assurée a subi plus d'un accident ayant entraîné un traumatisme du type "coup du lapin" ou un traumatisme analogue. Il n'a cependant pas écarté qu'il soit tenu compte de la survenance d'atteintes successives à une même partie du corps dans l'examen des critères jurisprudentiels lorsque les conséquences des différents événements ne peuvent pas être distinguées les unes des autres sur le plan des symptômes douloureux et/ ou de l'incapacité de travail. Cette circonstance est à considérer dans le cadre de l'appréciation des critères de la gravité et la nature des lésions, du degré et de la durée de l'incapacité de travail, respectivement du traitement médical (arrêts du Tribunal fédéral 8C_477/ 2008 du 19 décembre 2008 consid. 6.1 et les références citées ; 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.1).

8.5 En l’occurrence, il ressort du dossier que la recourante a annoncé à la CNA quatre accidents, survenus respectivement les 14 février 2016, 4 décembre 2016, 4 juin 2018 et 8 décembre 2019.

Devant la chambre de céans, la recourante ne soutient pas que l’un ou l’autre de ces accidents revêtirait une gravité particulière ; en revanche, elle est d’avis que l'ensemble des accidents qu'elle a subis depuis 2016 « form[e] un tout d’une importante gravité, à tout le moins d’une gravité moyenne [ ] ».

À cet égard, conformément à la jurisprudence précédemment citée, lorsque deux ou plusieurs accidents ont provoqué des troubles du développement psychique, l'existence d'un lien de causalité adéquate doit en principe être appréciée séparément pour chaque accident, ce qui vaut notamment en présence d’accidents ayant touché différentes parties du corps, comme en l’occurrence. Tant la classification en tant qu’accident insignifiant ou de peu de gravité, en accident moyen ou en tant qu’accident grave, que les différents critères se réfèrent à un seul incident (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 300/00 du 22 février 2002 consid. 4b). Ainsi, quoi qu’en dise la recourante, il n’est pas possible d’additionner la gravité des accidents subis pour en tirer la conclusion que ceux-ci formeraient un tout d’une gravité moyenne. Corollairement, la seule circonstance que la recourante a subi un certain nombre d'accidents depuis 2016 n’a aucune incidence sur la causalité adéquate entre ceux-ci et les troubles psychiques dont elle est affectée.

En l’occurrence, les deux chutes subies par la recourante de sa propre hauteur les 14 février et 4 décembre 2016 – et qui se sont soldées respectivement par une fracture disloquée du radius droit et une fracture distale du radius gauche – pourraient, tout au plus, être qualifiées d’accidents de gravité moyenne, à la limite des accidents de peu de gravité (cf., par analogie, arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2010 du 8 novembre 2011 consid. 4.2 [chute de hauteur d’homme avec le poignet gauche en hyperextension, ayant décompensé une pseudarthrose pré-existante du scaphoïde et nécessité une opération du poignet gauche, chute qualifiée par le Tribunal fédéral d’accident de gravité moyenne, à la limite des accidents de peu de gravité] ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2018 du 28 février 2019 consid. 5 [chute en arrière de hauteur d’homme ayant provoqué une fracture du radius droit, chute qualifiée par le Tribunal fédéral d’accident de peu de gravité).

Quant aux deux événements survenus en 2018 et 2019, à savoir respectivement une chute ayant provoqué des égratignures sur le genou et l’auriculaire de la main droite, puis une blessure (superficielle) au niveau de l’index droit, ils ne peuvent qu’être qualifiés d’accidents insignifiants ou de peu de gravité, de sorte qu’un éventuel lien de causalité entre ceux-ci et les troubles psychiques affectant la recourante doit être nié d’emblée (cf., par analogie, arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 330/00 du 14 mai 2002 consid. 3 [chute de hauteur d’homme n’ayant eu, pour effet immédiat, qu’une contusion de l’épaule] ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 188/04 du 18 juillet 2005 consid. 4.4 [assurée s’étant coupé la pulpe du majeur droit avec une ampoule]).

Dès lors que, parmi les accidents subis par la recourante, deux peuvent être qualifiés comme étant (tout au plus) de gravité moyenne, à la limite des accidents de peu de gravité, le caractère adéquat des troubles psychiques ne pourrait être admis que si au moins quatre des critères mentionnés plus haut sont remplis ou si l'un d’entre eux se manifeste avec une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2016 du 23 janvier 2017 consid.6.2 et la référence).

Or, la réalisation des deux premiers critères jurisprudentiels peut être d’emblée niée. En effet, on ne voit pas de circonstances de nature à faire apparaître l’une ou l’autre des chutes subies par la recourante – de sa propre hauteur – en février et décembre 2016 comme particulièrement impressionnantes ou dramatiques. Le seul fait que la recourante se sente angoissée à l'idée de sortir de chez elle, comme elle l’affirme dans son recours, ne suffit pas pour considérer que le critère (n°1) du caractère particulièrement impressionnant des deux chutes survenues en 2016 serait réalisé. Par ailleurs, les lésions physiques provoquées par ces chutes (fracture disloquée du radius droit en février 2016, puis fracture de l’extrémité distale du radius gauche en décembre 2016) ne sont pas d'une gravité particulière et n’apparaissent pas propres à entraîner des troubles psychiques (critère n°2). En outre, la circonstance que la recourante demeure entravée par des limitations fonctionnelles – lesquelles n’empêcheraient toutefois pas l’exercice d’une activité adaptée à 100 %, selon les rapports du Dr N______ – ne permet pas non plus de retenir le critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques.

S’agissant du critère (n°3) de la durée anormalement longue du traitement médical, force est de constater que les trois opérations subies par la recourante en février, juin 2017 et octobre 2018 (réduction et ostéosynthèse par plaque, ablation du matériel d’ostéosynthèse et arthrodèse pancarpienne), suite à sa fracture du radius droit, se sont bien déroulées et ont occasionné des hospitalisations de courte durée (à savoir du 25 au 29 février 2016, du 7 au 17 juin 2017 et du 10 au 15 octobre 2018). Il en va de même des deux opérations subies par la recourante en décembre 2016 et juin 2020, suite à sa fracture du radius gauche (pose d’une plaque ayant donné lieu à une hospitalisation du 4 au 9 décembre 2016, puis ablation du matériel d’ostéosynthèse le 10 juin 2020 [intervention ambulatoire]). Dans ces conditions, on ne saurait parler d’un « temps de convalescence extrêmement long », contrairement à ce qu’affirme la recourante dans sa réplique.

Pour le reste, le traitement des deux poignets a consisté, sous l’angle somatique, en des mesures conservatrices (physiothérapie, ergothérapie, prise d'antalgiques et infiltrations), ce qui ne saurait être considéré comme un traitement pénible et invasif sur une longue durée. Quant au suivi psychiatrique dont a bénéficié la recourante auprès du Dr J______, puis auprès des Drs M______ et P______, il n’a pas à être pris en compte dans l’examen de la causalité adéquate, de sorte que le critère de la durée anormalement longue du traitement médical n'est pas non plus réalisé.

À juste titre, la recourante ne prétend pas avoir été victime d’une erreur dans le traitement médical (critère n°5), et rien de tel ne ressort du dossier.

Quant au critère (n°4) des douleurs persistantes dues aux seules atteintes à la santé physique, à supposer qu’il puisse être considéré comme rempli, ce qui paraît douteux, il ne se serait quoi qu’il en soit pas manifesté dans une mesure qualifiée (autrement dit de façon « particulièrement marquante »), car des périodes d’atténuation des douleurs sont documentées : à titre d’exemple, il ressort du rapport de la G______ du 15 novembre 2017 que, suite à l’ablation du matériel d’ostéosynthèse effectuée au niveau du poignet droit, en juin 2017, les douleurs de la recourante étaient alors moindres, tandis que son SDRC ne présentait que « peu d’activité clinique ». En outre, il ressort des rapports établis par le Dr N______, qu’à l’époque où elle a été examinée par ce médecin, en mai 2020 et janvier 2021, la recourante ne prenait plus que des antalgiques légers (Doliprane / Dafalgan) « en cas de besoin » – donc pas quotidiennement –, ce qui plaide contre l’existence de douleurs importantes et ininterrompues pendant toute la durée écoulée entre l’accident et la clôture du cas.

Compte tenu des éléments qui précèdent, il n’est pas nécessaire d’examiner si les critères (n°6 et 7) des difficultés particulières apparues au cours de la guérison, ainsi que du degré et de la durée de l’incapacité de travail, sont réalisés. En effet, même si ces deux critères devaient être admis, ils se révéleraient quoi qu’il en soit (nettement) insuffisants pour retenir l’existence d’un lien de causalité adéquate entre des troubles psychiques et des accidents de gravité moyenne, à la limite des accidents de peu de gravité, à l’instar des chutes qu’a subies la recourante.

Enfin, il convient de relever qu’aucun de ces critères ne s’est manifesté d’une manière particulièrement marquante. Cela est d’autant plus vrai que la question du lien de causalité adéquate doit être examinée en excluant les aspects psychiques (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2010 du 8 novembre 2011 consid. 4.2) et qu’en l’occurrence, des facteurs psychogènes – notamment une fragilité psychique pré-existante aux accidents, fragilité liée à des violences et à des abus subis pendant plusieurs années durant l’enfance et l’adolescence – ont joué un rôle significatif dans l’évolution défavorable des troubles affectant le poignet droit, contribuant ainsi à une forme de « chronicisation » de l’état de la recourante et prolongeant en conséquence la durée de l’incapacité de travail ainsi que le processus de guérison, comme cela peut être déduit des rapports versés au dossier (cf. not. rapports du Dr K______ des 23 octobre 2019 et 7 octobre 2020).

Il s’ensuit que les accidents invoqués par la recourante ne peuvent être tenus pour la cause adéquate de ses troubles psychiques. L'intimée ne répond donc pas de ces troubles, indépendamment du fait que le Dr K______ ait considéré qu'il existait un lien de causalité naturelle partiel entre ceux-ci et l'accident, point de vue que la Dresse P______ semble partager. En effet, l'existence d'un lien de causalité adéquate est une question de droit, qui doit être tranchée à l'aune d'une appréciation juridique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2014 du 19 février 2015 consid. 3.1). C’est donc à bon droit que l’intimée a considéré que la capacité de travail devait être examinée au regard des seules atteintes somatiques.

C’est le lieu de préciser que la reconnaissance par l’assurance-invalidité d’une totale incapacité de travail et (de gain), justifiant l’octroi par ladite assurance d’une rente entière depuis le 1er mars 2017 (cf. courrier de l’OAI du 9 juin 2022), n’a pas d’incidence sur la présente cause, contrairement à ce que semble considérer la recourante. Comme on l’a vu, la responsabilité de
l'assureur-accidents se limite en effet aux seules atteintes qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident assuré (ATF 119 V 337 consid. 1 et les références).

9.              

9.1 S’agissant ensuite de l’aspect somatique, la décision retient que, selon le rapport du Dr N______ du 13 janvier 2021, la recourante bénéficie d’une capacité de travail de 100 %, sans diminution de rendement, dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles affectant ses membres supérieurs. Compte tenu des perspectives de gain dont elle bénéficie dans toute activité adaptée à son handicap du point de vue somatique, la recourante ne subit aucune perte de gain et ne peut donc pas prétendre à l’octroi d’une rente.

De son côté, la recourante conteste être capable de travailler à plein temps dans une activité très légère et ne nécessitant pas une dextérité fine avec la main droite. Elle souligne ses douleurs et son incapacité à se servir pleinement de sa main dominante, ce dont témoignerait le fait qu’il lui est arrivé de se blesser en cuisinant.

9.2 Il convient d'examiner la valeur probante du rapport du Dr N______ du 13 janvier 2021, sur lequel l’intimée s’est notamment fondée pour refuser l’octroi d’une rente de l’assurance-accidents.

Après avoir retenu les diagnostics de fracture complexe du poignet droit avec syndrome algodystrophique sévère (et séquelles avec acquisition d’une « main bote » radiale), d’arthrodèse consolidée du poignet droit et de fracture du poignet gauche (avec ostéosynthèse et consolidation), le Dr N______ a retenu que le cas pouvait être considéré comme stabilisé pour les des deux membres supérieurs.

Du rapport précité du Dr N______, il ressort notamment que la recourante présente une mobilité du poignet gauche de 90°/0°/90° en flexion-extension, ainsi qu’une mobilité normale en pronosupination. S’agissant du membre supérieur droit et du poignet droit, il a été constaté l’absence de douleurs en pronosupination, ainsi qu’une extension pratiquement normale des doigts et leur « fermeture » complète (avec toutefois une dyskinésie des 4ème et 5ème doigts). La force a été mesurée entre 8 et 12 kg du côté droit, selon la position du bras, et à 20 kg du côté gauche, au moyen du test de Jamar. Le Dr N______ n’a pas constaté d’amyotrophie (mais seulement une discrète hypertrophie locale), et pas non plus de modification de la température des deux membres supérieurs, ni de sudation ou de coloration. Il a précisé que, contre les douleurs, la recourante ne prenait que du Doliprane et seulement « en cas de besoin ».

En conclusion de son rapport, le Dr N______ a indiqué que l'assurée ne pouvait désormais plus travailler comme gouvernante, en raison de ses limitations fonctionnelles. En revanche, il a estimé qu'une activité à 100 % était exigible, sans diminution de rendement, dans toute profession adaptée auxdites limitations (à savoir toute profession n’exigeant ni la manipulation fine d’objets avec le membre supérieur droit, ni la manipulation d’objets excédant 2 kg avec la main droite, la manipulation de charges comprises entre 5 et 10 kg étant en revanche possible avec le membre supérieur gauche).

9.3 La chambre de céans constate que le rapport du Dr N______ du 13 janvier 2021, confirmant en substance les conclusions envisagées par ce même médecin dans un rapport antérieur (daté du 14 mai 2020), a été établi en pleine connaissance du dossier, relate les plaintes de l'assurée et repose sur des examens cliniques complets. Ses conclusions, attestant d'une pleine capacité de travail dans toute activité légère et adaptée aux limitations fonctionnelles affectant les membres supérieurs, sont motivées et exemptes de contradictions. Ce rapport – au même titre que celui du 14 mai 2020 – satisfait donc aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En outre, il convient de relever qu'aucun autre médecin n'a émis de conclusions permettant de s'écarter de la pleine exigibilité retenue par le Dr N______ au plan somatique. En effet, dans leur rapport du 30 septembre 2019, les médecins de la G______, après avoir énoncé des limitations fonctionnelles essentiellement similaires à celles retenues par le Dr N______ (exclusion du port de charges supérieures à 5 kg et des mouvements répétés et prolongés avec le poignet droit, en particulier ceux de flexions-extension nécessitant de la force), ont indiqué que d’un point de vue médico-théorique, si l’activité antérieure de gouvernante ne leur paraissait plus exigible, l’assurée « devait pouvoir fonctionner » dans une activité très légère. Certes, les médecins de la G______ ont jugé « défavorable » le pronostic d’une réinsertion professionnelle, mais ils ont précisé que cela résultait de facteurs extra-médicaux, dont l’intimée n’a pas à répondre (tels qu’une sous-estimation par l’intéressée de ses capacités et une kinésiophobie). Quant au chirurgien de la recourante, le Dr H______, il a fait état, dans son rapport du 10 juillet 2019, d’une évolution « tout à fait satisfaisante » en lien avec l’ergothérapie, ainsi que d’une fonctionnalité « correcte » de la main droite et du poignet. De surcroît, ce chirurgien n’a établi aucun rapport ou certificat postérieur à celui rédigé par le Dr N______ en janvier 2021, dont les conclusions ne sont dès lors pas mises en doute. Pour le reste, contrairement à ce que soutient la recourante, l’intimée pouvait valablement quantifier sa capacité de travail en faisant abstraction des rapports établis par les psychiatres qu’elle avait consultés (dont celui établi en mai 2020 par le Dr M______, retenant une capacité de travail de 50 %), faute de lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et les accidents dont elle avait à répondre, comme on l’a vu.

Pour terminer, on relèvera que l’exigibilité à 100 % d’une activité adaptée a été confirmée dans diverses causes ressortant de la jurisprudence, impliquant des atteintes et des limitations fonctionnelles similaires à celles de la recourante (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 6.2.2 [assuré ayant subi des fractures des deux poignets entraînant des limitations fonctionnelles liées aux travaux exigeant de la force et à l'utilisation répétitive de ces deux articulations] et 8C_971/2008 du 23 mai 2009 consid. 4.2.6.2 [assurée ayant subi une fracture du radius distal du poignet droit et une fissure de la tête radiale du poignet gauche, présentant des séquelles sous la forme de douleurs persistantes au niveau du poignet droit en raison d’un mauvais positionnement] ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_129/2022 du 25 novembre 2022 consid. 3 ss [assuré ayant subi des fractures des poignets entraînant des limitations fonctionnelles liées au port de charges supérieures à 2 kg]). Dans ce contexte, il convient d’admettre que les secteurs de la production et des services recouvrent un large éventail d'activités, dont un nombre suffisant d’activités légères et accessibles à la recourante, ne nécessitant ni travaux de manutention fine avec la main / le poignet droits, ni port de charges moyennes ou lourdes.

9.4 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans se rallie aux conclusions du Dr N______, lesquelles rejoignent l'avis des médecins de la G______ en ce qui concerne le volet somatique du dossier. Il en résulte, au degré de la vraisemblance prépondérante, une capacité de travail de 100 %, sous l'angle somatique, dans un poste adapté à l'état de santé de la recourante dès le 12 janvier 2021, date de l'examen du Dr N______. À ce propos, on précisera incidemment que l’intimée a consenti à poursuivre le versement des indemnités journalières au-delà de cette date, à savoir jusqu’au 30 avril 2021.

10.         Dans sa décision, l’intimée a arrêté (à CHF 55'630.-) le gain d’invalide exigible de la recourante malgré ses limitations fonctionnelles, et a constaté que celui-ci était supérieur au gain de valide (de CHF 53'964.-) qu’elle aurait perçu si elle n’avait pas subi d’accidents. L’intimée en a déduit que la recourante ne subissait aucune perte de gain, ce qui excluait l’octroi d’une rente de l’assurance-accidents.

Dans ses écritures, la recourante ne conteste pas, en tant que tel, les termes de la comparaison des gains opérée par l’intimée. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des chiffres retenus par cette dernière.

Dès lors que la comparaison des revenus ne met pas en évidence de perte de gain, c’est à bon droit que l’intimée a refusé d’accorder à la recourante une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (art. 18 al. 1 LAA).

11.         En dernier lieu, la recourante requiert que le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité qui lui a été accordée soit porté à 50 % au lieu de 20 %.

11.1 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). Aux termes de l'art. 36 al. 1 OLAA (RS 832.802), une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave.

L’indemnité pour atteinte à l’intégrité est une forme de réparation morale pour le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l’existence, etc.) subi par la personne atteinte, qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d’admettre qu’il subsistera la vie durant. Elle n’a pas pour but d’indemniser les souffrances physiques ou psychiques de l’assuré pendant le traitement, ni le tort moral subi par les proches en cas de décès. L’indemnité pour atteinte à l’intégrité se caractérise par le fait qu’elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d’ordre subjectif ou personnel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références). En cela, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité se distingue de la réparation morale selon le droit civil, qui n’implique pas une atteinte durable et qui vise toutes les souffrances graves liées à une lésion corporelle (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; ATF 113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi ATF 125 II 169 consid. 2d).

11.2 D'après l'art. 25 al. 1 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité. Aux termes de l'art. 25 al. 2 LAA, le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité. Il a fait usage de cette délégation de compétence à l'art. 36 OLAA. Selon l'al. 2 de cette disposition réglementaire, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 de l'OLAA. Cette annexe comporte un barème - reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b, 209 consid. 4a/bb ; 113 V 218 consid. 2a) - des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent. L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité désignées à l'annexe 3 de l'OLAA s'élève, en règle générale, au pourcentage indiqué du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2).

Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1; ATF 113 V 218 consid. 4b; RAMA 2004 p. 415; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U.134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2).

La Division médicale de la CNA a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 de l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3; ATF 124 V 209 consid. 4.cc; ATF 116 V 156 consid. 3).

Selon la table n° 5 de la CNA concernant les atteintes résultant d'arthroses, l'arthrose radiocarpienne grave correspond à une atteinte de 10 % à 25 %, tandis qu’une résection ou une arthrodèse correspond à une atteinte de 15 %. La table n°5 précise que si l’articulation considérée présente une instabilité en plus de l’arthrose, on retiendra le taux d’atteinte à l’intégrité le plus élevé (exemple : pangonarthrose grave avec instabilité complexe: 30 à 40 %). En règle générale, un cumul n’est pas possible.

En outre, la table n° 1 de la CNA prévoit notamment, en ce qui concerne le poignet, un taux d'atteinte à l'intégrité de 15 % pour une arthrodèse radio-carpienne et de 10 % pour une arthrodèse intracarpienne.

11.3 Selon l'art. 36 al. 2 LAA, les rentes d'invalidité, les indemnités pour atteinte à l'intégrité ainsi que les rentes de survivants sont réduites de manière équitable lorsque l'atteinte à la santé ou le décès ne sont que partiellement imputables à l'accident (première phrase). Toutefois, en réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain (seconde phrase). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que la seconde phrase de l'art. 36 al. 2 LAA n'est pas applicable aux indemnités pour atteinte à l'intégrité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_192/2015 du 1er mars 2016 consid. 5.2 et U 374/06 du 29 juin 2007 consid. 2 publié in SVR 2008 UV n° 6 p. 19). Il s'ensuit que cette prestation peut être réduite en raison d'un état préexistant, même si cet état n'avait aucune incidence sur la capacité de gain de la personne assurée avant l'accident. En vertu de l'art. 47 OLAA, l'ampleur de la réduction des indemnités pour atteinte à l'intégrité qui est opérée en raison de causes étrangères à l'accident est déterminée en fonction du rôle de celles-ci dans l'atteinte à la santé; la situation personnelle et économique de l'ayant droit peut également être prise en considération.

11.4 En l’espèce, le Dr N______ a évalué l’atteinte à l’intégrité en se référant aux tables d’indemnisation de la CNA, singulièrement à la table n° 5 (atteinte à l’intégrité résultant d’arthrose) dont il résulte que le taux de l’atteinte est fixé entre 10 et 25 % en cas d’arthrose (radiocarpienne) grave et à 15 % en cas de résection ou d’arthrodèse. Le médecin a précisé avoir tenu compte de l’état préopératoire concernant le poignet droit. S’agissant du poignet gauche, il a considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte à l’intégrité, vu l’absence d’arthrose ou de limitations fonctionnelles de ce côté-là.

La chambre de céans rappelle que le taux d’une atteinte à l’intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; ATF 113 V 218 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2008 du 4 février 2009 consid. 2.3). Dans le cas particulier, il appert qu’hormis le Dr N______, aucun médecin ne s’est prononcé sur la question du taux de l’atteinte à l’intégrité, de sorte que le dossier ne renferme aucun avis médical propre à mettre en doute l’appréciation du médecin d’arrondissement sur ce point.

Par ailleurs, on relèvera une fois encore que, dans la mesure où – pour justifier une augmentation à 50 % du taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité – la recourante insiste (derechef) sur les troubles psychogènes dont elle souffre, son argumentation se révèle dénuée de pertinence, l’intimée n’ayant pas à répondre de ces troubles, faute de lien de causalité adéquate avec les accidents. Ensuite, en tant que la recourante affirme être « très handicapée par sa main droite, en raison des douleurs ressenties et de la perte de force [ ] », il convient de relever que l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité est fixée exclusivement en fonction de facteurs médicaux objectifs, comme exposé ci-dessus, ce qui commande de faire abstraction de facteurs subjectifs telles que les douleurs alléguées. En outre, dans son rapport du 13 janvier 2021, le Dr N______ a précisément tenu compte de l’atteinte affectant le poignet droit, laquelle a donné lieu à une arthrodèse (soit à un blocage de l’articulation du poignet), ainsi que de l’état « préopératoire » dudit poignet, ce qui n’est pas remis en question dans le recours.

Pour le reste, dans la mesure où le taux de 20 % retenu par le Dr N______ se situe dans la frange haute de la fourchette applicable aux cas d’arthroses radiocarpiennes graves (10 % à 25 %), qu’il excède par ailleurs le taux de 15 % prévu par les tables de la CNA (n°1 et 5) en cas d’arthrodèse (radio-carpienne) et que la référence faite par ce médecin à ces deux types d’atteintes est incontestée, les critiques de la recourante ne sont pas de nature à mettre en cause son appréciation. Aussi, le taux de l’atteinte à l’intégrité, arrêté à 20 %, sera-t-il confirmé.

12.         Mal fondé, le recours est rejeté.

13.         La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens.

14.         La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario ; art. 89H al. 1 LPA).

*****

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le