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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/389/2022

ATAS/115/2023 du 22.02.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/389/2022 ATAS/115/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 février 2023

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre STASTNY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1963, mariée et mère de deux enfants, nés les ______ 1987 et ______ 1991. Elle a travaillé comme assistante de médecins, à plein temps du 1er avril 1982 au 31 mai 1987, puis à temps partiel du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, 18 heures par semaine entre 1999 et 2007 et enfin 22 heures par semaine du 1er mars 2007 au 31 mars 2010. Son dernier contrat de travail a été résilié en raison de la diminution de l’activité d’un médecin et de la fermeture du laboratoire du cabinet pour lequel elle travaillait.

B. a. L’assurée a demandé les prestations de l’assurance-invalidité le 30 juin 2011, indiquant qu’elle était femme au foyer depuis le 26 juin 2010. Elle souffrait d’une affection des voies digestives (maladie de Crohn) et d’une affection dorsale, avec intervention (hernie discale), depuis 2010.

b. Selon un courrier adressé à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé) par l’office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE) le 12 juillet 2011, l’assurée s’était inscrite au chômage pour la première fois le 1er janvier 1998 et un délai-cadre avait été ouvert pour elle du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, pour une activité à 50%, non indemnisé en raison du versement de prestations pour cause de maladie (ci-après PCM) depuis août 2010.

c. Dans son curriculum vitae, l’assurée indiquait être responsable administrative pour l’entreprise familiale à 50%, qu’elle avait 47 ans, que sa fille était âgée de 19 ans et son fils de 22 ans.

d. Le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, a indiqué dans un rapport du 8 août 2011, que l’assurée souffrait de la maladie de Crohn depuis février 2010 ainsi que d’une lombosciatalgie persistante gauche sur discopathie L5-S1 avec hernie discale depuis octobre 2010. Elle était totalement incapable de travailler depuis le 23 mars 2010. Ses douleurs étaient déjà intenses au repos et exacerbées en charge.

e. Le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a procédé à une intervention sur l’assurée, le 14 janvier 2011 (foraminotomie S1 et micro-discectomie L5-S1 gauche).

f. L’assurée a à nouveau été opérée par le Dr C______, le 14 mai 2012 (décompression radiculaire L5 et S1 bilatérale et spondylodèse intersomatique notamment).

g. Elle a fait l’objet d’une expertise pluridisciplinaire par la clinique Corela, qui a rendu son rapport le 4 février 2015.

h. Le 29 avril 2015, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a estimé que malgré la mauvaise structure de l’expertise, les conclusions de celle-ci pouvaient être suivies. Depuis le 21 février 2012, la capacité de travail de l’assurée était pleine avec une baisse de rendement de 20%, plus une baisse supplémentaire de 20% pendant les 4 jours qui suivaient l’administration du traitement médicamenteux (Humira).

i. Selon une note de travail du gestionnaire du dossier du 22 mai 2015, l’assurée avait indiqué dans son curriculum vitae, outre son activité professionnelle d’assistante de médecin, une fonction de responsable administrative à 50% pour D______, qui était une entreprise familiale, depuis 1995. Dans un courrier du 9 octobre 2012, le mari de l’assurée avait indiqué que celle-ci ne recevait aucun salaire pour son activité dans l’entreprise familiale, qui était de très petite taille.

Il ressortait du rapport établi le 4 février 2015 par la clinique Corela, que selon l’assurée, son activité pour cette entreprise correspondait à quelques heures de travail mensuel, puisqu’il s’agissait uniquement de préparer les dossiers et la comptabilité en vue de leur transmission à la fiduciaire de l’entreprise. Un des experts avait relevé que l’assurée n’avait jamais interrompu son activité de responsable administrative, débutée en 1985, auprès de l’entreprise de son mari, pour laquelle elle ne travaillait que 5 à 8 heures par mois.

j. Selon un rapport d’enquête économique sur le ménage du 2 novembre 2016, l’assurée avait indiqué avoir cessé son activité pour l’entreprise familiale, qui avait été reprise par son époux. Depuis lors, elle ne l’aidait que de manière ponctuelle pour le dépanner. Sans atteinte à la santé, l’assurée indiquait qu’elle aurait poursuivi son activité d’assistante médicale à 50%. Elle s’était inscrite au chômage à ce taux.

k. Par projet de décision du 28 avril 2017, l'OAI a retenu que l’assurée avait droit à un trois quarts de rente du 1er janvier au 31 mai 2012.

C. a. L’assurée a formé opposition à ce projet le 23 mai 2017, en produisant un rapport établi le 31 mai 2017 par la doctoresse E______, spécialiste FMH en rhumatologie, laquelle estimait que l’expertise de la clinique Corela n’était pas probante.

b. Sur avis du SMR, une nouvelle expertise a été confiée aux docteurs F______, psychiatrie, G______, rhumatologie, H______, gastro-entérologie, et I______, médecine interne générale, du CEMEDEX.

c. À teneur de leur rapport du 13 février 2019, les experts ont retenu, consensuellement, que la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée était de 4 heures par jour sur 4 jours par semaine avec une perte de rendement de 30 à 40 minutes sur ce mi-temps.

d. Dans un rapport du 5 mars 2019, le SMR a retenu que l’assurée était en incapacité de travail durable dès le 1er janvier 2011, avec une capacité de travail exigible dans l’activité habituelle de 50%, et une baisse de rendement de 10%, en qualité d’assistante médicale et secrétaire dans l’entreprise familiale, étant précisé que l’activité habituelle était adaptée. L’assurée était apte à la réadaptation au 1er janvier 2013, étant donné la dernière intervention intervenue en mai 2012.

e. Selon une note sur le statut du 23 mai 2019, un statut mixte de 80% - 20% était retenu (activités professionnelles de 50% et 30%).

f. Selon un rapport du service des indépendants de l’OAI du 28 juin 2019, l’époux de l’assurée exploitait une entreprise en raison individuelle depuis août 1995. C’était une entreprise de peinture, pose de papier peint et décoration, sise à son domicile. Il travaillait principalement sur les chantiers avec un employé. L’assurée déclarait effectuer les travaux suivants pour l’entreprise de son mari sans rémunération :

-      taper les devis (deux à cinq par jour en moyenne) ;

-      établir les factures et les demandes d’acomptes ;

-      s’assurer des encaissements et des recouvrements ;

-      préparer les pièces comptables pour la fiduciaire (deux fois par année) ;

-      répondre au téléphone et rappeler des clients ;

-      préparer les dossiers clients (régies et privés) ;

-      établir les fiches de salaire de l’employé ;

-      payer les salaires, les charges sociales et diverses factures.

L’assurée déclarait avoir un travail très flexible, auquel elle consacrait entre 15 et 20 heures par semaine, qui pouvaient être effectuées aussi le soir et le week-end, si besoin. Elle avait arrêté complètement cette activité de 2010 à 2012, en raison des médicaments et de son état de santé. Durant cette période, le travail avait été repris par son fils pour la comptabilité, sa fille pour la partie administrative et son mari pour les contacts téléphoniques.

Étant donné que l’entreprise était petite, chaque dépense comptait, raison pour laquelle aucune aide rémunérée n’avait été demandée et la famille s’était organisée pour assumer le travail. À la fin de l’année 2013, l’assurée avait repris progressivement son travail au sein de l’entreprise de son mari. En mai 2014, elle s’occupait à nouveau des devis, de la comptabilité et de la préparation des dossiers des documents pour la fiduciaire. Ce n’était qu’à la fin de l’année 2016 que sa participation était devenue semblable à celle qu’elle effectuait avant son atteinte à la santé. L’entreprise avait eu une période plus calme en début d’année. Son mari partait généralement vers 6h30-7h et rentrait vers 16h30-17h. En fonction des lieux de chantier, il rentrait pour déjeuner pendant environ une demi-heure. Son activité consistait à :

-      prendre contact avec les clients ;

-      faire les devis et les mettrés ;

-      commander le matériel nécessaire ;

-      exécuter les travaux de chantier ;

-      et procéder aux rendez-vous de chantier.

g. Selon un nouveau rapport d’enquête économique sur le ménage du 1er juillet 2019, demandé en raison du fait que la première se fondait sur l’expertise de la clinique Corela jugée non probante, l’assurée avait indiqué qu’avant l’atteinte à la santé, son couple avait un revenu confortable et tournait bien. Depuis lors et la fin du revenu de l’assurée, son couple devait davantage compter et était limité dans son budget. Elle aurait pu travailler à un taux supérieur à 50% dans une activité salariée, si elle n’était pas malade. L’auteur du rapport relevait à cet égard que l’assurée travaillait depuis plusieurs années à 50% dans un emploi rémunéré, qu’elle s’était inscrite au chômage à ce taux, qu’aucune recherche de travail avec un taux de travail plus élevé n’avait été apportée et que l’assurée avait indiqué que son couple avait un revenu confortable avant son atteinte à la santé.

h. Le 13 octobre 2020, l’OAI a rendu un projet de décision annulant et remplaçant celui du 28 avril 2017 et octroyant à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, puis un quart de rente du 1er avril 2013 au 31 décembre 2017, sur la base d’un taux d’invalidité de 44% dès le 1er avril 2013, puis de 40% dès le 1er janvier 2018.

D. a. Le 30 novembre 2020, l’assurée a contesté ce projet, faisant valoir que selon les Drs C______ et E______, sa capacité de travail respectant ses limitations était au maximum de 10 à 14 heures par semaine et pas de 50%, ce qui n’était pas cohérent avec l’expertise du CEMEDEX. Sa capacité était au plus de 31,5%.

Par ailleurs, la note sur le statut était erronée, car elle ne tenait pas compte du fait qu’elle avait déclaré lors de l’enquête ménagère, à laquelle son conseil était présent, qu’elle aurait travaillé à 100% lorsque ses enfants auraient atteint l’âge de 20 ans, soit dès 2011. Cette note était basée sur une note de l’enquêtrice selon laquelle son activité pour l’entreprise de son époux correspondait à un 30%, alors même que la fédération romande des entreprises de plâtrerie-peinture n’avait pas pu valider ce pourcentage.

L’intimé aurait dû retenir qu’elle avait un statut d’actif.

En conséquence, la recourante estimait avoir droit à un trois quarts de rente correspondant à un taux d’invalidité de 75% du 1er avril 2013 au 31 décembre 2017 et dès le 1er janvier 2018.

Dans son rapport du 30 octobre 2020, la Dresse E______ a indiqué n’avoir pas de remarques particulières à formuler contre l’expertise rhumatologique. Sur la base des conclusions des experts, l’assurée ne pouvait travailler que 14 heures par semaine au maximum, soit 3 heures 30 sur 4 jours, depuis le 1er janvier 2013.

Dans son rapport du 5 novembre 2020, le Dr C______ indiquait que l’expertise rhumatologique de la Dresse G______ était correcte. L’évaluation de la capacité de travail était subjective. L’assurée estimait qu’elle serait capable d’effectuer un travail à raison de 2 heures par jour, soit 10 heures par semaine, ce qu’il trouvait raisonnable. Il n’avait pas d’argument objectif à faire valoir contre l’expertise, mais il avait le sentiment qu’elle sous-estimait le poids d’une douleur neurogène chronique, en plus d’autres diagnostics et leur impact sur l’énergie que l’on arrivait à trouver en soi au quotidien. Cet état était la source d’un épuisement physique et psychologique. Il s’agissait là d’une évaluation subjective de sa part, qu’il était prêt à défendre comme témoin.

b. Le 9 décembre 2020, le SMR a estimé que les rapports médicaux produits par l’assurée ne remettaient pas en question les conclusions des experts du CEMEDEX.

c. Le 11 décembre 2011, le gestionnaire du dossier a demandé une enquête économique pour prise de position sur le taux d’activité de 30% pour l’activité de l’assurée dans l’entreprise familiale ainsi que le statut mixte, qui étaient contestés.

d. Selon une note de travail du 10 mars 2021, il a été répondu qu’un taux d’activité de 30% consacré à l’entreprise du conjoint paraissait vraisemblable et correspondait au maximum pouvant être retenu, au vu de la situation concrète de l’assurée.

e. L’OAI a rendu un projet de décision daté du 22 juin 2021, remplaçant son projet de décision du 13 octobre 2020 et communiqué à l’assurée le 29 juillet suivant, lequel lui octroyait une rente d’invalidité entière du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, puis un quart de rente dès le 1er janvier 2018, sur la base d’un statut mixte de 80% - 20%, sans commentaire à ce sujet.

E. a. L’assurée a formé opposition à ce projet le 2 septembre 2021, faisant notamment valoir que l’intimé n’avait pas examiné la question du statut, alors qu’elle avait indiqué dans ses observations du 30 novembre 2020 qu’elle aurait repris une activité professionnelle à plein temps lorsque ses enfants auraient atteint l’âge de 20 ans. Le mandat d’enquête économique du 11 décembre 2020 demandait une clarification sur ce point, mais l’enquêtrice n’avait rien dit à ce sujet dans son rapport du 10 mars 2021. Cela consacrait une violation de son droit d’être entendue et une lacune grave dans la décision, qui partait du présupposé faux qu’elle avait un statut mixte, sans aborder cette question, malgré une remarque à ce propos de l’assurée.

b. Par décision du 20 décembre 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité sur la base d’un degré d’invalidité de 94% du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, puis un quart de rente d’invalidité sur la base d’un degré d’invalidité de 44% dès le 1er janvier 2018.

La question du statut posée le 11 décembre 2020 avait été résolue dans une note de travail du 10 mars 2021, dans laquelle il avait été considéré qu’en bonne santé, l’assurée exercerait une activité professionnelle à 80%, en prenant en compte un taux de 30% de travail non rémunéré dans l’entreprise de son mari.

La valeur probante d’une expertise indépendante ne pouvait être valablement remise en cause du fait que les médecins traitants de l’assurée avaient une opinion divergente quant à la capacité de travail de celle-ci. Le Dr C______ admettait lui-même que son avis était purement subjectif.

S’agissant de la capacité de travail dans la sphère ménagère, elle avait été valablement évaluée par une enquête à domicile, afin de compléter le rapport d’expertise, qui portait essentiellement sur la capacité de travail professionnelle.

Enfin, il n’y avait pas de motifs de revenir sur la date d’entrée en vigueur de la modification législative concernant le mode de calcul du degré d’invalidité (statut mixte).

F. a. Le 1er février 2022, l’assurée a formé recours contre la décision de l’OAI précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, sous suite de dépens, à l’octroi d’un trois quarts de rente dès le 1er avril 2013, l’invalidité entière pour la phase antérieure étant acquise, et subsidiairement, à l’octroi d’une demi-rente dès cette date.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué et persisté dans ses conclusions.

d. La recourante et son époux ont été entendus par la chambre de céans le 5 octobre 2022.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente supérieure à un quart dès le 1er avril 2013.

4.              

4.1 Dans un premier grief, la recourante a fait valoir qu’il fallait retenir qu’elle avait un statut d’active et non un statut mixte.

Selon l’intimé, il apparaissait au degré de la vraisemblance requis, que la recourante n’aurait pas exercé une activité lucrative à plein temps sans atteinte à la santé, mais seulement à temps partiel.

4.2  

4.2.1 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

4.2.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

4.3 En l’espèce, il faut constater que selon la note sur le statut établie par l’intimé le 23 mai 2019, il n’a pas été demandé à la recourante quelle aurait été son taux d’activité sans atteinte à la santé, alors que s’agissant d’une volonté hypothétique de celle-ci, il était nécessaire qu’elle se prononce à ce sujet, en étant de surcroît bien informée de la portée de la question.

La recourante a déclaré à la chambre de céans que si elle avait indiqué dans le cadre de l'enquête économique sur le ménage du 2 novembre 2016 que sans atteinte à la santé, elle aurait poursuivi son activité d'assistante médicale à 50%, c'était qu’elle prenait en compte son atteinte à la santé. Elle pensait ne pas avoir bien compris cette question.

Lors du rapport d’enquête économique sur le ménage du 1er juillet 2019, l’assurée a indiqué qu’elle aurait pu travailler à un taux supérieur à 50% dans une activité salariée si elle n’était pas malade.

Il est établi par les pièces du dossier que la recourante a indiqué, pour la première fois dans son opposition du 30 novembre 2020, qu’en bonne santé, elle aurait repris une activité professionnelle à 100% lorsque ses deux enfants auraient tous deux atteint l’âge de 20 ans. Elle a allégué l’avoir déjà dit lors de l’enquête ménagère du 1er juillet 2019, mais cela n’a pas été protocolé en ces termes. Elle l’a répété ensuite dans son opposition du 2 septembre 2021, dans son recours et sa réplique et enfin lors de son audition devant la chambre de céans. Lors de cette audition, elle a précisé qu’elle aurait voulu travailler à 100% pour préparer sa retraite, parce qu’elle avait un 2ème pilier quasi inexistant, que son mari avait une activité variable et qu’il avait utilisé son 2ème pilier pour créer son entreprise. Elle a ajouté que même si elle avait travaillé à 100%, elle aurait continué à travailler pour son mari, le soir et le weekend.

La jurisprudence concernant les premières déclarations ou les déclarations de la première heure, qui doivent en principe se voir reconnaître une force probante plus élevée que les suivantes (cf. ATF 121 V 45 consid. 2a), ne constitue pas une règle de droit absolue, faute de quoi elle entrerait en conflit avec le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). De telles déclarations sont des hypothèses abstraites dont la teneur dépend notamment du taux de compréhension que peut en avoir l'assuré concerné et de la situation personnelle ou financière de celui-ci qui ne peut être considérée comme figée à l'époque de leur première émission (arrêt du Tribunal fédéral 9C_139/2010 du 29 octobre 2010 consid. 3.2).

En l’espèce, il n’y a pas lieu de s’en tenir aux premières déclarations de la recourante, dès lors qu’elle a pu ne pas comprendre la portée de la question. De plus, ses déclarations répétées sur le fait qu’elle aurait repris le travail à 100% lorsque ses enfants auraient eu 20 ans sont convaincantes et elles sont corroborées par plusieurs indices. Constitue un tel indice le fait que son époux a déclaré à la chambre de céans se souvenir avoir discuté avec elle, avant son atteinte à la santé, et qu’ils avaient le projet qu'elle travaillerait à 100% lorsque leurs enfants seraient en train de finir leurs études, car avec son travail d'indépendant, le travail n'était pas toujours assuré. Cela l’aurait rassuré.

Les déclarations des époux sur leur volonté de préparer leur retraite apparaissent crédibles, puisque la recourante ne pouvait compter sur une rente importante du 2ème pilier, ayant arrêté de travailler à la naissance de ses enfants puis travaillé à temps partiel, et que son mari avait utilisé son 2ème pilier pour créer son entreprise.

Le fait que la recourante ait indiqué lors de l’enquête économique sur le ménage du 1er juillet 2019, qu’avant son atteinte à la santé, son couple avait un revenu confortable n’est pas déterminant, puisque la situation s’annonçait différente lorsqu’ils auraient pris leur retraite.

La recourante a travaillé à 100% avant la naissance de ses enfants pendant 5 ans, elle a une formation d’aide médicale et elle apprécie beaucoup ce métier. Cela constitue également des indices allant dans le sens qu’elle aurait pu recommencer à travailler à 100% comme elle l’allègue.

Son inscription à 50% au chômage le 1er avril 2010 ne suffit pas à conclure différemment. La recourante a en effet déclaré qu’à cette période, son état de santé ne lui permettait pas de travailler davantage, ce qui est confirmé par le rapport du Dr B______ du 8 août 2011, qui attestait qu’elle souffrait déjà de la maladie de Crohn depuis février 2010 et qu’elle était totalement incapable de travailler depuis le 23 mars 2010.

Le fait que la recourante n’ait produit aucune preuve de recherche d’augmentation du taux de travail n’est pas relevant puisque lorsque son second enfant a atteint l’âge de 20 ans en 2011, elle était déjà atteinte dans sa santé.

La recourante a fait valoir que son activité pour son époux ne l’empêchait pas de travailler à 100%, laissant entendre qu’elle devrait alors travailler à plus de 100% au total. Il faut relever à cet égard que l’intimé ne conteste pas que cette activité doit être assimilée à une activité professionnelle, de sorte qu’il aurait suffi qu’elle travaille à 70% comme assistante médicale pour qu’il soit retenu, en raison de son activité pour l’entreprise de son mari qui est évaluée à 30% par l’intimé, qu’elle travaillait à 100% et qu’un statut d’active lui soit reconnu. Cela rend d’autant plus vraisemblable qu’elle aurait travaillé à 100% comme elle le prétend, ce qui aurait été plus discutable s’il fallait considérer qu’elle aurait travaillé effectivement, en tenant compte de son activité pour l’entreprise de son époux, à 130%.

En conclusion, il convient de retenir qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la recourante aurait, sans atteinte à la santé, travaillé à 100% dès 2011 et qu’il faut dès lors lui reconnaître le statut d’active.

5.             Il en résulte que les griefs de la recourante portant sur son taux d’activité pour l’entreprise de son époux, l’évaluation de son incapacité fonctionnelle dans la sphère non professionnelle, la prise en compte d’un facteur de réduction de la capacité d’accomplir les travaux habituels et l’application de la nouvelle méthode de calcul du taux d’invalidité pour les statuts mixtes n’ont pas à être examinés.

5.1  

5.1.1 La recourante conteste la capacité de travail de 50% retenue par l’intimé. Selon elle, le SMR avait mal interprété l’expertise du CEMEDEX. Le point de vue de ses médecins traitants complétait ce qu’avaient dit les experts sans entrer en contradiction avec leurs conclusions. Dans leurs rapports des 30 octobre et 5 novembre 2020, la Dresse E______ et le Dr C______ estimaient en effet que sa capacité de travail dans une activité respectant ses limitations était au maximum de 10 à 14 heures par semaine.

Son incapacité de travail dans une activité adaptée n’était pas de 50%, mais devait être examinée comme suit, avec comme base de travail une semaine de 40 heures :

-          elle ne pouvait globalement travailler plus que 16 heures par semaine (4 heures x 4 jours) dès 2013 ;

-          avec 30 minutes de perte de rendement pour chacune de ses journées, soit en réalité un temps de travail de 14 heures par semaine (4 jours x 3,5 heures) ;

-          ce à quoi il fallait ajouter une diminution de rendement de 10% ;

Sa capacité de travail dans une activité adaptée était donc au plus de 31,5%.

5.1.2 L’intimé a répondu en substance que l’expertise devait se voir reconnaître une pleine valeur probante.

5.2 L’expertise du CEMEDEX n’a pas été contestée par les parties et elle remplit les réquisits pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Les réserves émises par le Dr C______ ne suffisent pas à remettre sérieusement en cause ses conclusions.

Les experts du CEMEDEX ont retenu consensuellement que, sur le plan rhumatologique, la recourante pouvait travailler dans son activité habituelle, qui était adaptée à ses limitations fonctionnelles, six mois après la spondylodèse du 14 mai 2012, à mi-temps (50% d’une 100%) en raison de ses problèmes touchant le rachis et les arthralgies, avec cependant une perte de rendement de 10%, due aux douleurs chroniques et à la fatigue que cela engendrait.

Sur le plan gastroentérologique, la recourante pouvait faire une activité de 4 heures par jour sur 4 jours par semaine, en raison de l’injection hebdomadaire de l’Humira qui l’empêchait de travailler le jour suivant, avec encore une perte de rendement de 30 à 40 minutes sur ce mi-temps, en raison des exonérations impératives et des toilettes intimes nécessaires.

En conclusion, sa capacité de travail dans une activité adaptée était de 4 heures par jour sur 4 jours par semaine avec une perte de rendement de 30 à 40 minutes sur ce mi-temps.

Il ressort des conclusions de experts que ceux-ci n’ont pas intégré la baisse de rendement dans leur appréciation de la capacité de travail de 50%. Or, il faut en tenir compte en sus de la capacité de travail (voir arrêts du Tribunal fédéral 9C_856/2015 du 19 avril 2016 consid. 4.2 ; 9C_537/2019 du 25 février 2020 consid. 4.1). Il y a lieu de retenir globalement une perte de rendement de 40 minutes et non de 30 minutes, pour tenir compte des 10 minutes mentionnées sur le plan rhumatologique. La capacité de travail globale à prendre en compte dans une activité adaptée est ainsi de 31,5%, selon le calcul de la recourante, qui est correctement fondé sur les conclusions consensuelles des experts, qui sont claires. Il n’y a dès lors pas lieu de procéder à une instruction complémentaire.

6.             Il convient de déterminer ensuite le taux d’invalidité de la recourante dès avril 2013, selon la méthode de comparaison des revenus applicable pour les assurés actifs.

6.1 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il n'est pas nécessaire de les chiffrer précisément, dans la mesure où le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail. Même s'il n'est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, l'évaluation de l'invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d'invalide (abattement) est possible en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.1 et les références).

6.2 En tenant compte des données retenues dans le calcul du taux d’invalidité par l’intimé, qui ressortent de la note de travail du 10 octobre 2020 – lesquelles ne sont pas contestées par la recourante et n’appellent pas la critique –, le taux d’invalidité est de 68%, en tenant compte d’un revenu avant invalidité à 100% de CHF 59'498.- et d’un revenu avec invalidité de CHF 18'742.- (soit 31,5 x CHF 59'498.-), ce qui ouvre à la recourante le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er avril 2013.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 20 décembre 2021 réformée dans le sens que la recourante a droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er avril 2013 et confirmée en tant qu’elle lui reconnaissait le droit à une rente entière du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013.

La recourante obtenant ainsi partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision du 20 décembre 2021 dans le sens que la recourante a droit à une demi-rente dès le 1er avril 2013 et la confirme en tant qu’elle lui reconnaissait le droit à une rente entière du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'500.- à la charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le