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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/458/2005

ATAS/339/2006 du 27.03.2006 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/458/2005 ATAS/339/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 29 mars 2006

 

En la cause

Madame H__________, comparant avec élection de domicile en l'Etude de Maître PAYOT ZEN-RUFFINEN Francine

 

 

recourante

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, rue de Montbrillant 40, case postale 2293, 1211 GENEVE 2

intimée


EN FAIT

Madame H__________ s’est inscrite à l’Office cantonal de l’emploi et a demandé le versement d’indemnités de chômage dès le 30 août 2004. Sur le formulaire de demande d’indemnité, l’intéressée a indiqué qu’elle avait été femme au foyer depuis juillet 1993 et a répondu par la négative à la question de savoir si elle demandait des prestations à la suite d’une séparation de corps ou d’un divorce.

Par décision du 6 octobre 2004, la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la caisse) a rejeté sa demande, au motif que durant les deux ans précédant son inscription, du 30 août 2002 au 29 août 2004, elle ne justifiait d’aucune période de cotisation, ni de motif de libération.

L’intéressée a formé opposition le 3 novembre 2004, alléguant qu’elle était séparée de son mari depuis août 2004.

Par courrier du 11 novembre 2004, Me Serge ROUVINET a confirmé qu’il était chargé d’engager une procédure en divorce pour le compte de Monsieur C__________ à l’encontre de l’intéressée et que les époux vivaient séparés. L’intéressée occupait l’appartement conjugal sis 3, rue de Miléant et son époux était domicilié au 12B, avenue Henri-Golay, à Châtelaine.

Le 26 octobre 2004, l’assurée a produit copie d’un bail à loyer conclu au nom des époux pour un appartement de cinq pièces dès le 1er octobre 2004 au 12B, avenue Henri-Golay.

Le 12 janvier 2005, l’époux de l’intéressée a confirmé qu’ils vivaient séparés et qu’une requête commune en vue du divorce était en cours de négociation. Il a expliqué que sur le plan administratif, les domiciles étaient encore aux deux noms, puisqu’à sa charge dans l’attente du prononcé du divorce.

Par décision du 7 février 2005, la caisse a rejeté l’opposition de l’intéressée, considérant qu’il n’était pas établi à satisfaction de droit qu’elle vivait séparée de son époux, dès lors que le bail de l’appartement de cinq pièces était établi au nom des deux époux et que selon les données informatiques de l’Office cantonal de la population (ci-après OCP), les deux époux étaient tous les deux domiciliés au 12B av. Henri-Golay.

Madame H__________ a interjeté recours en date du 28 février 2005. Elle soutient que dès la conclusion du bail à loyer de l’appartement du 12B, av. Henri-Golay, soit le 1er octobre 2004, elle et son époux vivaient séparés et qu’elle a conservé le domicile conjugal au 3, rue de Miléant. Elle explique que selon une collaboratrice de l’OCP, si elle a été enregistrée au 12B av. Henri-Golay, c’est suite à une consigne de l’administration qui obligerait les régies à annoncer les locataires contractants d’un bail à loyer, sans plus de vérification. Elle a toutefois demandé une correction à l’OCP, ce qui a été fait, et a résilié le bail du 12B, av. Henri-Golay, le laissant au seul nom de son mari. L’intéressée a produit copie d’une attestation de domicile établi par l’OCP confirmant son domicile au 3, rue de Miléant, sans changement d’adresse connu à ce jour, ainsi que copies des attestations d’établissement. Elle allègue enfin se trouver dans une situation financière difficile, avec sa fille majeure, étudiante, à sa charge.

Dans sa réponse du 19 avril 2005, la caisse relève qu’à la date du dépôt de sa demande d’indemnité, la recourante n’était pas encore séparée de son époux, de sorte que son refus d’indemnité dès le 20 août 2004 était fondé. S’agissant d’un éventuel droit reporté, la caisse s’en remet à l’appréciation du Tribunal pour déterminer la date exacte de la séparation des époux, relevant cependant que dans la mesure où la recourante a indiqué que son époux l’avait aidée financièrement jusqu’au 25 février 2005, la condition de la contrainte d’exercer une activité lucrative n’apparaît pas remplie.

Le Tribunal a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle le 29 juin 2005. La recourante a déclaré que son époux était resté au domicile conjugal jusqu’à fin septembre 2005. Il n’avait pas informé la régie qu’une procédure de divorce était sur le point d’être engagée, car il craignait de ne pas obtenir l’appartement s’il était seul, raison pour laquelle il lui avait demandé de signer aussi le bail. Après son départ, son mari lui avait versé une contribution mensuelle de 1'000 fr. pendant deux ou trois mois, puis 500 fr., 300 fr. et en définitive, il ne versait plus rien. La recourante a exposé que son loyer était payé par son mari, que les primes d’assurance-maladie pour elle et sa fille étaient payées par le service social de Saint-Jean, qu’elle devait utiliser sa carte de crédit pour ses besoins mensuels et qu’elle faisait l’objet de beaucoup de poursuites. La caisse a indiqué qu’elle souhaitait savoir comment les époux avaient réglé la question de l’entretien de la recourante.

Interpellée par le Tribunal de céans, Me Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN a confirmé qu’une procédure de divorce était en cours de négociation, mais qu’en l’état aucune demande n’avait encore été déposée. Elle devait faire le point avec sa mandante, notamment sur la question de l’entretien.

Le 26 août 2005, Me Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN a informé le Tribunal qu’elle était constituée pour la défense des intérêts de la recourante dans le cadre de la procédure de divorce. Elle a confirmé que les époux vivaient séparés depuis octobre 2004, que la demande en divorce devrait être déposée dans le courant du mois de septembre et a communiqué un décompte des contributions versées par l’époux de la recourante d’octobre 2004 à juillet 2005.

Invitée à se déterminer, la caisse a indiqué que durant la période d’octobre 2004 à juillet 2005, la recourante a perçu une contribution d’entretien supérieure aux indemnités de chômage auxquelles elle aurait eu droit ; en effet, au vu de sa formation, l’indemnité forfaitaire se serait élevée à 127 fr. par jour. En conséquence, la contrainte d’exercer une activité lucrative n’était pas remplie avant avril 2005. La caisse persiste dès lors dans les termes de sa décision sur opposition.

Le 25 octobre 2005, la recourante a été mise au bénéfice de l’assistance juridique et Me Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN a déposé ses conclusions motivées le 5 décembre 2005. Elle fait valoir que les époux sont séparés depuis fin septembre 2004, ainsi que l’avocat de l’époux l’a confirmé, et que Monsieur C__________ a continué à payer le loyer de l'appartement de sa cliente à hauteur de 800 fr. par mois. Concernant les frais d’entretien, l’époux a versé 1’000 fr. par mois jusqu’à fin 2004, puis 500 fr., 300 fr. et a ensuite cessé tout versement. La recourante conteste en effet avoir reçu les sommes mentionnées sur le décompte produit par son conseil le 26 août 2005, ce suite à un malentendu. Depuis le 1er avril 2005, la recourante est aidée par l’Hospice Général à raison de 1'275 fr. par mois. Elle conclut à l’octroi d’indemnités de chômage depuis le jour de sa demande.

Dans ses dernières conclusions du 19 décembre 2005, la caisse relève qu’en tous les cas, un droit à l’indemnité de chômage n’est pas ouvert dès le 30 août 2004, dans la mesure où les époux ne sont séparés que depuis la fin du mois de septembre 2004. S’agissant d’un éventuel droit reporté, la caisse s’en remet à l’appréciation du Tribunal pour déterminer la date exacte de la séparation. Pour le surplus, la caisse souligne que dans la mesure où la recourante a fait appel à l’Hospice Général à partir du 1er avril 2005, cela laisse supposer qu’auparavant, elle était entretenue par son mari.

Les écritures ont été communiquées à la recourante le 23 décembre 2005 et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000 qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

Interjeté dans les forme et délai prescrits, le recours est recevable (art.56 et 60 LPGA).

Le litige consiste à déterminer si la recourante remplit les conditions pour ouvrir droit aux indemnités de chômage, plus particulièrement si elle peut faire valoir un motif de libération des conditions relatives à l’obligation de cotiser.

Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage, à la condition notamment d'être sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 10), de subir une perte de travail à prendre en considération (art. 11), d'être apte au placement (art. 15), de remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou d'en être libéré (art. 13 et 14) et de satisfaire aux exigences de contrôle (art. 17).

En l'occurrence, il n'est pas contesté que la recourante ne remplit pas l'exigence de la période de cotisations de 12 mois au moins dans les limites du délai-cadre, avant son inscription au chômage, tel qu'exigé par l'art. 13 al. 1 LACI. Reste dès lors à déterminer si elle peut bénéficier d'un motif de libération des conditions relative à la période de cotisation, en application de l'art. 14 al. 1 LACI.

Selon cette disposition, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisations les personnes qui, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de 12 mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, lorsque par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité, de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d’invalidité, elles sont contraintes d’exercer une activité salariée ou de l’étendre. Cette disposition n’est applicable que si l’événement en question ne remonte pas à plus d’une année et si la personne concernée était en Suisse au moment où il s’est produit.

L’art. 14 al. 2 LACI concerne en première ligne les cas dans lesquels la personne qui contribue financièrement à l’entretien de la famille vient à manquer ou la source de revenu à disparaître. Cette disposition a pour but de protéger les personnes qui ne sont pas préparées à prendre ou à reprendre, ou encore à augmenter une activité lucrative et qu’une situation financière précaire oblige à prendre les dispositions nécessaires dans un délai relativement bref (ATF 125 V 124 s. consid. 2a et les références).

L’art. 14 al. 2 LACI est applicable également en cas de séparation de fait (DTA 1980 n° 21 p. 40 ; GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz [AVIG], vol. I n° 35 ad art. 14, p. 188). La libération des conditions relatives à la période de cotisation au sens de l’art. 14 al. 2 LACI n’est possible que s’il existe un lien de causalité entre le motif invoqué et la nécessité de prendre ou d’augmenter une activité lucrative. La preuve stricte de la causalité, dans une acception scientifique, ne doit pas être exigée. Ainsi, l’existence d’un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu’il apparaît plausible et crédible que la volonté d’un assuré de prendre une activité lucrative dépendante est directement dictée par le motif de libération en cause (ATF 121 V 344 consid. 5c/bb et la référence ; consid. 6b non publié de l’arrêt ATF 124 V 400 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 23 octobre 2000, cause C 105/00).

Le lien de causalité doit également exister entre le motif de libération invoqué et l’absence de durée minimale de cotisation (SVR 2000 ALV n° 15 p. 42, consid. 6d non publié dans l’ATF 124 V 400). L’art. 14 al. 2 LACI ne vise ainsi que les situations où l’intéressé a été empêché d’accomplir une période minimale de cotisation parce qu’il s’est consacré exclusivement à la tenue du ménage et au confort domestique de sa famille. Aussi le Tribunal fédéral des assurances a-t-il jugé que ne peut en revanche pas s’en prévaloir celui qui n’a pas exercé d’activité salariée parce qu’il exerçait une activité indépendante en compagnie de son ex-conjoint (cf. ATF 125 V 125 sv. consid. 2c. ; consid. 6d non publié dans l’ATF 124 V 400)

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier ainsi que des déclarations de la recourante qu'elle vit séparée de son époux depuis le 1er octobre 2004, date à laquelle ce dernier a pris un appartement à l'avenue Henri-Golay. Le fait que le bail a été conclu au nom des deux époux n'y change rien; en effet, la recourante a expliqué qu'elle a dû co-signer le bail, car son époux n'avait pas informé la régie du fait qu'une procédure de divorce allait être engagée parce qu'il craignait de ne pas obtenir l'appartement de cinq pièces. L'avocat de son époux a d'ailleurs confirmé le 11 novembre 2004 que les époux vivaient séparés. La recourante a toujours conservé le domicile conjugal sis 3, rue de Miléant, ainsi que le confirment plusieurs témoignages écrits qu'elle a produits et elle a fait modifier les informations erronées de l'OCP (cf. pièces recourante). A cela s'ajoute le fait que son époux a confirmé, par courrier du 12 janvier 2005 adressé à l'intimée, qu'ils vivaient séparés depuis le 1er octobre 2004 et que sur le plan administratif, les domiciles étaient encore aux deux noms puisque à sa charge, dans l'attente du prononcé du divorce (cf. pièce 12 intimée).

Sur le plan financier, le loyer de la recourante, 800 fr. par mois, est payé par l'époux, qui aurait contribué encore à son entretien à raison de 1'000 fr. par mois pendant deux à trois mois, puis 500 fr., 300 fr. et a cessé finalement de verser toute contribution. Depuis le 1er avril 2005, la recourante, qui a une fille majeure encore à sa charge, est assistée par l'Hospice général.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal de céans constate que dès le 1er octobre 2004, il est indiscutable que la volonté de la recourante de reprendre une activité dépendante est directement dictée par la séparation d'avec son mari. Le fait qu'elle ait obtenu, pendant quelque temps, une contribution à son entretien ne suffit pas à nier la nécessité pour la recourante d'exercer une activité à plein temps dès le 1er octobre 2004, dès lors que la contribution de 1'000 fr. mensuelle que son époux lui a versée pendant deux à trois mois était quoi qu'il en soit insuffisante pour couvrir son entretien, celui de sa fille majeure, et payer leurs primes-d'assurance maladie.

Il convient par conséquent d'admettre que la recourante est libérée des conditions relatives à la période de cotisation dès le 1er octobre 2004. Son recours sera partiellement admis et la cause renvoyée à l'intimée afin qu'elle se prononce sur les autres conditions du droit à l'indemnité de chômage et rende une nouvelle décision.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, elle a droit à une indemnité à titre de dépens fixée en l'occurrence à 800 fr.

 

 

****

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet partiellement dans le sens des considérants.

Annule la décision sur opposition du 7 février 2005 ainsi que la décision du 6 octobre 2004.

Renvoie la cause à l'intimée afin qu'elle rende une nouvelle décision concernant le droit de la recourante à l'indemnité de chômage dès le 1er octobre 2004.

Déboute les parties de toutes ou contraires conclusions.

Condamne l'intimée à payer à la recourante la somme de 800 fr. à titre de participation à ses frais et dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par plis recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente :

 

Juliana BALDE

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties et au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le