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C/133/2022

ACJC/1272/2022 du 23.09.2022 sur OTPI/284/2022 ( SP ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/133/2022 ACJC/1272/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022

Entre

A______ SA, ayant son siège c/o B______ SA, ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 mai 2022, comparant par Me Marco VILLA, avocat, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, Case postale 6120, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______, Grande-Bretagne,

SCP D______, ayant son siège ______, Monaco,

E______ hOLDINGS CORP., ayant son siège ______, Seychelles,

intimés, comparant tous trois par Me Boris VITTOZ, avocat, PytHon Avocats (genève) SA, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties, par plis recommandés du 30 septembre 2022.

EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/284/2022 du 2 mai 2022, reçue par les parties le 3 mai 2022, le Tribunal de première instance a rejeté la requête de mesures provisionnelles de A______ SA (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 800 fr. (ch. 2), les a mis à charge de A______ SA et les a compensés avec l'avance de frais fournie par cette dernière (ch. 3), a condamné A______ SA à verser à C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP., conjointement et solidairement, 1'100 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5.).

B. a. Par acte déposé à la Cour le 13 mai 2022, A______ SA forme appel contre cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour interdise à SCP D______, E______ HOLDINGS CORP. et C______, que ce soit individuellement, conjointement, par le biais d'une de leurs sociétés affiliées ou de quelque manière que ce soit, toute utilisation de la dénomination "F______", sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, d'utiliser le nom de domaine "www.F______/G______.com", d'utiliser le mot "F______" dans le nom des adresses e-mail reliées à leur(s) personne ou société(s), ordonne à C______ de modifier la dénomination sociale des sociétés F______ Ltd, F______ (NIGERIA) LTD, F______ (GHANA) ltd, F______ [Brésil] LTDA, F______ [Gabon] SARL, F______ (CONGO) SARL, F______ (MAURITIUS) LTD, F______ SOUTH AFRICA, F______/O______ ltd, dise que les injonctions susmentionnées sont prononcées sous la menace de la peine d'amende prévue par l'article 292 CP en cas d'insoumission à une décision de l'autorité, dise qu'en cas de non-respect des injonctions susmentionnées, C______ (à titre individuel et en tant qu'organe des sociétés SCP D______ et E______ HOLDINGS CORP.) sera condamné, sur requête de A______ SA, à une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution des injonctions susmentionnées, autorise A______ SA à se prévaloir de l'ordonnance de mesures provisionnelles à l'égard de ses clients, fournisseurs et partenaires contractuels actuels et de ceux des sociétés P______ SAM, Q______ SAS, et R______ SAS dans le seul but de protéger les intérêts de leur activité commerciale, dise que les droits en dommage et intérêts de A______ SA à l'encontre de SCP D______, E______ CORP. et C______ sont réservés, impartisse un délai prolongeable de trois mois à A______ SA pour déposer une demande au fond à l'encontre de SCP D______, E______ HOLDINGS CORP. et C______, prescrive que les mesures ordonnées déploieront leurs effets jusqu'à droit jugé définitif et dispense A______ SA de fournir des sûretés.

A______ SA a déposé quatre pièces non soumises au premier juge.

b. Dans leur mémoire de réponse, C______, SCP D______ et E______ HOLDINGS CORP. ont conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance. Ils ont produit une pièce non soumise au premier juge.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Par courrier de la Cour du 21 juillet 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

c. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme sise à Genève dont le but social consiste notamment en la prise de participations dans toutes sociétés en Suisse et à l'étranger.

b. C______ a créé le groupe F______, qui était, en 2019, composé de seize sociétés sises dans différents pays et spécialisées dans l'assistance technique en milieu industriel. Il était alors, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés, actionnaire unique ou majoritaire de toutes les sociétés du groupe.

Le vocable "F______" est une marque enregistrée au Royaume-Uni et dans l'Union européenne, détenue par S______ LTD, sise au Royaume-Uni, dont C______ est l'actionnaire majoritaire.

c. P______ SAM, Q______ SAS et R______ SAS étaient les sociétés les plus importantes du groupe F______.

c.a P______ SAM exploitait son activité sous la dénomination commerciale "F______". Jusqu'au 17 juin 2019, C______ était directement, et indirectement par l'intermédiaire de SCP D______ et de E______ HOLDINGS CORP., actionnaire majoritaire de P______ SAM.

T______ et U______ étaient actionnaires minoritaires de P______ SAM.

c.b C______ était seul actionnaire de Q______ SAS et R______ SAS.

d. En raison de son âge, C______ a décidé de mettre fin à son activité professionnelle et de céder le groupe F______, que A______ SA a souhaité acquérir.

Dans ce contexte, plusieurs contrats ont été conclus.

d.a Par contrat du 17 juin 2019, C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP., T______ et U______ ont cédé 90% du capital-actions de P______ SAM à A______ SA pour un prix de 3'200'000 EUR, auquel pouvait s'ajouter un montant maximal de 1'800'000 EUR selon la réalisation de certaines conditions (ci-après : "contrat n° 1").

Aux termes de l'article 5 de ce contrat, le montant de 3'200'000 EUR devait être acquitté en plusieurs versements, dont un premier versement de 875'000 EUR payable à la date d'exécution, soit le 17 juin 2019. Le second versement, d'un montant de 500'000 EUR, était conditionné à la réalisation de plusieurs conditions cumulatives, dont notamment le transfert de la titularité de la marque "F______" par S______ LTD au profit de P______ SAM pour 1 EUR.

d.b Par contrat du même jour, C______ a cédé à A______ SA la totalité des actions de Q______ SAS et R______ SAS pour un prix total de 125'000 EUR payable au 17 juin 2019 (ci-après : "contrat n° 2").

d.c Par un troisième contrat également signé le 17 juin 2019, C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP. ont conclu avec A______ SA un contrat d'option de reprise des actions des autres sociétés du groupe F______, soit F______ LTD, F______ (NIGERIA) LTD, F______ (GHANA) LTD, F______ [Brésil] LTDA, F______ [Gabon] SARL, F______ (CONGO) SARL, X______ [Angola] LTDA, F______ (MAURITIUS) LTD, F______ SOUTH AFRICA, F______/V______ SAS et F______/O______ LTD (ci-après : "contrat n° 3").

Aux termes de ce contrat, A______ SA pouvait acquérir, jusqu'au 30 juin 2020, tout ou partie des sociétés précitées pour la somme maximale de 1 EUR.

L'article 4 de ce contrat prévoyait en outre que, "[e]n cas de notification de non exercice de l'Option par le Repreneur potentiel, ou d'exercice partiel (c’est-à-dire de reprise d'une partie seulement des Entités à Rependre) pendant la durée de l'Option, les représentants du Groupe F______ s'engag[ai]ent à cesser d'utiliser la dénomination F_____, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit (et, consécutivement, de modifier la dénomination sociale des filiales du Groupe F______ utilisant cette dénomination dont il conserve le contrôle) sous un délai de 1 an maximum".

d.d. Le 17 juin 2019 également, une convention d'accompagnement a été conclue entre P______ SAM et C______ en vue d'assurer la transition dans l'actionnariat de la société (ci-après : contrat n° 4).

e. La première tranche du prix prévu par le contrat n° 1 a été acquittée par A______ SA.

Suite à cela, un conflit est survenu entre les parties à ce contrat. En particulier, A______ SA a reproché à ses cocontractants d'avoir violé leurs obligations contractuelles en ne présentant pas des bilans comptables reflétant la véritable situation financière de P______ SAM. C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP., T______ et U______ ont contesté toute violation de leurs obligations contractuelles.

f. A______ SA a déclaré compenser le solde du prix, composé notamment de la seconde tranche de 500'000 EUR, avec ses prétentions en dommages-intérêts.

Elle a par ailleurs déposé le 11 juin 2021 au Tribunal une requête en conciliation à l'encontre de C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP., T______ et U______ tendant à leur condamnation au paiement de 4'381'909.68 EUR et 176'145.12 USD ainsi qu'au transfert à P______ SAM de la marque "F______" ainsi que "tout autre droit de propriété intellectuelle de la marque F______". Suite à l'échec de la tentative de conciliation, cette demande a été introduite au fond le 9 novembre 2021 et enrôlée sous le numéro de cause C/1______/2021.

g. Dans ce contexte litigieux, S______ LTD n'a pas cédé la marque F______ à P______ SAM.

h. S______ LTD et F______ LTD ont entamé une procédure judiciaire auprès de la High Court of Justice of England and Wales à l'encontre notamment de A______ SA et de P______ SAM, pour violation de leur droit à la marque "F______".

i. C______ a continué à exploiter la marque "F______", notamment en distribuant des cartes de visite mentionnant "F______/G______" et/ou "F______ LTD",
en exploitant un site internet sous le nom de domaine "www.F______/G______.com".

d. a. Par requête du 6 janvier 2022, A______ SA a déposé une requête de mesures provisionnelles auprès du Tribunal contre C______, SCP D______ et E______ HOLDINGS CORP., concluant, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que le Tribunal interdise à SCP D______, E______ HOLDINGS CORP. et C______, conjointement ou par le biais d'une de leurs sociétés affiliées ou de quelque manière que ce soit, toute utilisation de la dénomination F______, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, l'utilisation du nom de domaine "www.F______/G______.com", de quelque manière que ce soit ainsi que de faire toute promotion de ce site sous quelque forme que ce soit, l'utilisation du mot "F______" dans le nom des adresses e-mail reliées à leur(s) personne ou sociétés, ordonne à C______ de modifier la dénomination sociale des sociétés F______ LTD, F______ (NIGERIA) LTD, F______ (GHANA) LTD, F______ [Brésil] LTDA, F______ [Gabon] SARL, F______ (CONGO) SARL, F______ (MAURITIUS) LTD, F______ SOUTH AFRICA N______ BRANCH, F______/O______ LTD, dise que les injonctions susmentionnées seraient prononcées sous la menace de la peine d'amende prévue par l'article 292 CP en cas d'insoumission à une décision de l'autorité, dise qu'en cas de non-respect des injonctions susmentionnées, C______ (à titre individuel et en tant qu'organe des sociétés SCP D______ et E______ HOLDINGS CORP.) serait condamné, sur requête de A______ SA, à une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution des injonctions susmentionnées, autorise A______ SA à se prévaloir de l'ordonnance de mesures provisionnelles à l'égard de ses clients, fournisseurs et partenaires contractuels actuels et de ceux des sociétés P______ SAM, Q______ SAS et R______ SAS, dise que les droits en dommages et intérêts de A______ SA à l'encontre de SCP D______, E______ HOLDINGS CORP. et C______ seraient réservés, impartisse un délai prolongeable de trois mois à A______ SA pour déposer une demande au fond à l'encontre de SCP D______, E_______ HOLDINGS CORP. et C______, prescrive que les mesures ordonnées déploieraient leurs effets jusqu'à droit jugé définitif et dispense A______ SA de fournir des sûretés.

b. Dans leur réponse, C______, SCP D______ et E______ HOLDINGS CORP. ont conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que le Tribunal déclare la requête de mesures provisionnelles irrecevable et la rejette.

c. Lors de l'audience tenue par le Tribunal le 28 février 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. A l'issue de l'audience, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

E. En substance, l'ordonnance querellée a retenu que le Tribunal était compétent ratione materiae dès lors que A______ SA fondait les prétentions qu'elle invoquait sur des obligations de faire et de ne pas faire découlant d'un contrat qu'elle avait conclu avec les intimés, sans invoquer l'application de dispositions spéciales de la LDA, LPM, des articles 944 à 956 CO, ou de la LCD. Les conditions d'octroi de mesures provisionnelles n'étaient pas réunies, A______ SA n'ayant pas démontré subir un préjudice irréparable du seul fait de devoir patienter jusqu'au prononcé d'un jugement au fond. Au surplus, l'octroi de mesures provisionnelles était de nature à porter une atteinte grave à la situation juridique des intimés en tant qu'il pourrait constituer une mesure d'exécution anticipée de la cause principale C/1______/2021 et faire obstacle à la procédure pendante devant les juridictions anglaises.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance rendues sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce, la valeur litigieuse étant de 30'001 fr.

Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 311 al. 3 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Les parties ont produit diverses pièces devant la Cour.

1.2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

1.2.2 En l'espèce, l'appelante a produit des extraits d'un site internet dans sa version aux 12 et 13 mai 2022, soit postérieurement à la mise en délibération de la cause par le premier juge. Dans la mesure où des extraits dudit site internet avaient d'ores et déjà été produits en première instance et que la production de ces extraits du site internet en leur état aux 12 et 13 mai 2022 tend à démontrer la manière dont ledit site est aujourd'hui exploité, il s'agit de preuves nouvelles.

Produites sans retard, elles sont donc recevables de même que les allégués y relatifs.

Il en va de même de la pièce produite par les intimés, laquelle est postérieure au moment où la cause a été gardée à juger en première instance et qui a été produite sans retard.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs soumis à sa cognition par les parties (ATF 137 III 617 consid. 4.5.3 et 5.2).

En outre, dans le cadre de mesures provisionnelles, instruites selon la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est circonscrite à la vraisemblance des faits allégués ainsi qu'à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5).

L'appelante reproche tout d'abord au Tribunal d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits. En tant que de besoin, l'état de fait présenté ci-dessus a été rectifié et complété, dans la mesure utile à la résolution du litige.

2. Les intimés reprochent au Tribunal de s'être estimé compétent ratione materiae.

2.1 La Cour est compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges portant sur les droits de propriété intellectuelle, y compris en matière de nullité, de titularité et de licences d'exploitation ainsi que de transfert et de violation de tels droits (art. 5 al. 1 let a CPC et art. 120 al. 1 let. a LOJ). Selon l'art. 5 al. 2 CPC, cette juridiction est également compétente pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance.

Le champ d'application de l'art. 5 al. 1 let. a CPC ne vise que les actions civiles contenues dans les lois de propriété intellectuelle, à l'exclusion des actions contractuelles ayant trait à des droits de propriété intellectuelle qui restent du ressort des autorités ordinaires et non de celui de la juridiction cantonale unique (arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 3 avril 2012, HC/2012/352).

2.2 Selon la jurisprudence, le juge saisi doit examiner sa compétence sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande (ATF 136 III 486 consid. 4). Les faits allégués par le demandeur qui sont déterminants non seulement pour la compétence, mais aussi pour le bien-fondé de l'action (appelés faits doublement pertinents) doivent, pour statuer sur la compétence, être présumés exacts. Ils ne seront instruits qu'au moment de l'examen du bien-fondé de l'action au fond; les objections que la partie intimée ferait valoir sur ce point dans le cadre de l'examen de la compétence ne sont pas recevables. Il n'y a d'exception que lorsque la présentation des faits figurant dans la demande apparaît d'emblée comme spécieuse ou incohérente et qu'elle peut être réfutée immédiatement et sans équivoque par la réponse et les pièces déposées par la partie adverse (ATF
137 III 32 consid. 2.3, JdT 2010 I 439; 136 III 486 consid. 4).

2.3 En l'espèce, ainsi que l'a retenu le premier juge, l'appelante poursuit, dans sa requête de mesures provisionnelles, l'exécution du contrat n°3 en tant qu'il interdirait aux intimés d'utiliser la dénomination "F______" et qu'il les obligerait à modifier les raisons sociales des sociétés qu'ils contrôlent qui utilisent ladite dénomination.

L'appelante fonde ses prétentions uniquement sur des dispositions contractuelles sans prétendre être titulaire de la marque "F______" ni soutenir de quelconque autre manière que les comportements qu'elle attribue aux intimés violeraient des droits de propriété intellectuelle qui lui appartiendraient.

Contrairement à ce que prétendent les intimés, la présente procédure n'a pas pour objet le transfert de la marque "F______" qui, aux termes du contrat n° 1" devrait être transférée par S______ LTD, son actuel titulaire, à P______ SAM, soit un tiers à la présente procédure.

Non fondées sur une loi relevant du domaine de la propriété intellectuelle (soit en particulier la LDA, la LPM, les art. 944 à 956 CO relatifs à l'usage d'une raison de commerce et la loi sur la concurrence déloyale) les prétentions de l'appelante ne ressortissent pas de la compétence de la juridiction cantonale unique, de sorte que le Tribunal était fondé à admettre sa compétence ratione materiae.

3. Les intimés soutiennent par ailleurs que le Tribunal aurait dû déclarer la requête en mesures provisionnelles irrecevable compte tenu de l'existence d'une litispendance préexistante au fond et de la non-attraction à la procédure des tiers concernés.

3.1 Lorsqu'un litige est pendant au fond, les mesures provisionnelles y relatives doivent être requises auprès du juge saisi du fond (arrêt du Tribunal fédéral du 20 janvier 2016, 5A_687/2015, consid. 4.3 ; BOHNET, Commentaire romand du CPC, ad. art. 263, n° 3).

3.2 En l'espèce, dans la procédure C/1______/2021, actuellement pendante devant le Tribunal, l'appelante a notamment conclu à ce que les intimés ainsi que des tiers soient condamnés à transférer la marque "F______" à P______ SAM, également tiers à ces procédures, en application de l'article 5 du contrat n° 1. Or, dans la présente procédure, l'appelante soutient que ses prétentions seraient fondées sur l'application de l'art. 4 du contrat n° 3, soit une autre cause juridique. En outre, tandis que la procédure au fond porte sur le transfert de la marque "F______", la présente procédure sur requête de mesures provisionnelles porte sur la condamnation des intimés à exécuter une obligation de faire et à respecter une obligation de ne pas faire, ce qui ne se confond pas.

Aussi, les mesures provisionnelles requises dans le cadre de la présente procédure, bien que connexes, n'entrent pas dans le cadre du litige objet de la procédure C/1______/2021, de sorte que le Tribunal était fondé à déclarer recevable la requête de mesures provisionnelles et à la traiter dans le cadre d'une autre procédure.

Le grief des intimés sera donc rejeté.

Quant à la prétendue non attraction de tiers concernés à la présente procédure, les intimés se contentent de renvoyer à leur argumentation de première instance, procédé inadmissible en appel, de sorte que cette critique est irrecevable.

4. L'appelante soutient que le Tribunal aurait rejeté à tort les mesures provisionnelles requises.

4.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable. Il s'agit là de conditions cumulatives (BOHNET, op. cit., ad. art. 261, N° 3).

Le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; BOHNET, op. cit., ad. art. 261, n° 7).

Doit également être rendu vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., ad art. 261, n° 11 CPC; Huber, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 23 ad art. 261 CPC., n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause (arrêts du Tribunal fédéral 4A_50/2019 du 28 mai 2019 consid. 6.6.2; 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1). En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1). Est en particulier difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement. Entrent notamment dans ce cas de figure la perte de clientèle, l'atteinte à la réputation d'une personne, ou encore le trouble créé sur le marché par l'utilisation d'un signe créant un risque de confusion (Sprecher, in Basler Kommentar, op. cit., n° 34 ad art. 261 CPC; Treis, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO]., ad art. 261 n° 8 CPC).

Le risque de préjudice difficilement réparable implique l'urgence (Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC). L'urgence est une notion relative qui comporte des degrés et s'apprécie moins selon des critères objectifs qu'au regard des circonstances. Elle est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 = JdT 1992 I p. 122; Bohnet, op. cit., ad art. 261 n° 12 CPC).

La mesure doit être proportionnée au risque d'atteinte. Si plusieurs mesures sont aptes à atteindre le but recherché, il convient de choisir la moins incisive, celle qui porte le moins atteinte à la situation juridique de la partie intimée. Il faut procéder à une pesée des intérêts contradictoires des deux parties au litige (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

4.2 En l'espèce, l'appelante soutient que les mesures provisionnelles qu'elle réclame seraient fondées sur l'article 4 du contrat n° 3, qui stipule l'obligation des intimés, en cas de non-exercice de l'option de reprise par l'appelante, de cesser d'utiliser la dénomination "F______" sous quelque forme et à quelque titre que ce soit et de modifier la dénomination des sociétés du groupe F______ dont ils conservent le contrôle sous un an maximum.

Il est constant que les intimés continuent à utiliser la dénomination "F______" et n'ont pas modifié le nom des sociétés du groupe F______ dont ils ont conservé le contrôle.

Ils soutiennent que les obligations de faire et de ne pas faire découlant de l'article 4 du contrat n° 3 seraient dépendantes du transfert en faveur de P______ SAM des droits de propriété intellectuelles relatifs à la dénomination "F______" tel qu'envisagé à l'article 5 du contrat de vente et que, puisque le transfert n'a pas eu lieu, ils restent autorisés à utiliser la dénomination "F______".

Si cette dépendance ne ressort pas expressément des contrats conclus entre les parties, le contexte factuel la rend vraisemblable.

En particulier, le contrat n° 3 a été conclu simultanément aux contrats nos 1 et 2 et s'inscrit dans une même logique économique, à savoir la vente du groupe F______ à l'appelante.

Le contrat n° 3, ainsi que le relève d'ailleurs le premier juge, apparaît secondaire par rapport aux contrats nos 1 et 2. En effet, le contrat n° 3 stipule l'option pour l'appelante de reprendre plusieurs sociétés pour la somme symbolique de 1 EUR. Aucune autre contrepartie à l'acquisition des sociétés n'est prévue en faveur des intimés. Ceux-ci ne disposaient donc d'aucun intérêt à la conclusion de ce contrat, qu'ils ont conclu dans un cadre contractuel plus large incorporant notamment les contrats nos 1 et 2, dans lesquels se trouvent des contreparties en leur faveur.

Dans ce contexte, il ne peut être exclu que l'interprétation des manifestations de volonté des parties au contrat n° 3 conduise le juge à admettre que l'article 4 dudit contrat est subordonné au transfert des droits de propriété intellectuelle sur la dénomination "F______" en faveur de P______ SAM – lequel n'a pas eu lieu –, interprétation qui apparaît vraisemblable. Il serait en effet étonnant que les intimés conservent la titularité de la marque "F______" tout en s'interdisant de l'utiliser, ce qui n'apparaît pas, sous l'angle de la vraisemblance, constituer l'intention des parties dans ce contexte contractuel.

Aussi, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il ne peut être considéré que l'appelante a rendu vraisemblable l'existence de son droit matériel, laquelle n'est pas évidente et excède le pouvoir de cognition du juge des mesures provisionnelles.

Il sera en outre également relevé que l'octroi des mesures provisionnelles requises porterait gravement atteinte aux droits des intimés en ceci que l'exploitation de la marque qu'ils détiennent indirectement par l'intermédiaire de S______ LTD leur serait interdite, ce qui entraverait de manière importante l'activité des sociétés du groupe F______ qu'ils détiennent encore. Le respect du principe de proportionnalité commande donc également de rejeter les mesures provisionnelles requises par l'appelante.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les mesures provisionnelles sollicitées par l'appelante. L'ordonnance attaquée sera donc confirmée.

5. L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais judicaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'440 fr. (art. 26 et 37 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à verser des dépens d'appel aux intimés, arrêtés à 1'500 fr. (art. 85, 88 et 90 RTFMC), débours inclus (art. 25 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 mai 2022 par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/284/2022 rendu le 2 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/133/2022-4 SP.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'440 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 1'500 fr. à C______, SCP D______, E______ HOLDINGS CORP, solidairement entre eux, à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.