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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15968/2011

ACPR/147/2023 du 27.02.2023 sur OCL/339/2020 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : CONFISCATION(DROIT PÉNAL);CRÉANCE;ALLOCATION AU LÉSÉ;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CP.70; CP.71

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15968/2011 ACPR/147/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 27 février 2023

 

Entre

 

A______ JSC et B______ LTD, comparant par Me Christian SCHILLY, avocat, Meyerlustenberger Lachenal, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

C______, domiciliée ______, Israël, comparant par Me Alexandre BÖHLER, avocat, Kaiser Böhler, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4,

recourantes,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 23 avril 2020 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           a. Par actes expédiés le 7 mai 2020, A______ JSC, B______ LTD et C______ ont recouru contre l'ordonnance de classement rendue le 23 avril 2020 par le Ministère public.

b. Par arrêt ACPR/913/2020 du 16 décembre 2020, la Chambre de céans a déclaré irrecevable le recours de A______ JSC, très partiellement admis le recours de B______ LTD et très partiellement admis – dans la mesure de sa recevabilité – le recours de C______.

c. Par arrêt 6B_64/2021 du 7 septembre 2022, le Tribunal fédéral a admis le recours de B______ LTD et renvoyé la cause à la Chambre de céans, pour qu'elle complète l'instruction et statue à nouveau, le cas échéant aussi sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

B. Les faits pertinents suivants, à la suite de l'arrêt de renvoi, ressortent du dossier :

a. La présente procédure a été ouverte en 2011, notamment pour escroquerie et blanchiment d'argent, contre D______, E______ et F______ [ce dernier ayant été condamné le 19 avril 2013 par le Tribunal correctionnel, dans le cadre d'une procédure simplifiée disjointe de la présente cause], au préjudice d'établissements appartenant au groupe bancaire A______, en particulier A______ LTD à G______ [Royaume-Uni], devenue par la suite B______ LTD.

b. Dans ce cadre, des séquestres ont été ordonnés à Genève sur les avoirs et biens de C______, épouse de D______, prévenue dans la présente cause de blanchiment d'argent, obtention frauduleuse d'une constatation fausse et faux dans les titres.

C. a. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a :

1)        Classé la procédure P/15968/2011 à l'égard de C______.

 

2)        Ordonné, en tant que de besoin, la confiscation en faveur de l'État de Genève :

-            de l'argent séquestré sur le compte n. 1______ auprès de K______, actuellement en mains du Conseil de B______ LTD, soit CHF 15'421.-;

-            de l'argent séquestré sur le compte n. 4______ auprès de la banque L______, soit environ CHF 364'000.-;

-            du produit de la vente de la villa sise route 2______, séquestré en mains de MH______, notaire, soit CHF 5'730'000.-;

-            des loyers nets générés par la location de l'appartement sis chemin 3______, au I______ [GE];

-            du solde du compte de gestion de l'appartement sis no. ______ chemin 3______, au I______, soit environ CHF 106'728.- actuellement en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire;

et alloué à l'État de Genève les montants confisqués.

3)        Ordonné, en tant que de besoin, la confiscation et la vente en faveur de l'État de Genève :

-            des actions de la SI M______ SA, en vue de leur vente;

-            des pièces séquestrées selon inventaire du 26 janvier 2012 (cf. pièces 90'000 à 90'006);

et alloué à l'État de Genève les montants confisqués.

4)        Renvoyé pour le surplus A______ JSC et B______ LTD à agir par la voie civile, dès l'entrée en force de l'ordonnance, afin de faire valoir leurs éventuelles conclusions civiles (art. 126 al. 2 let. a et 320 al. 3 CPP).

 

b. En substance, le Ministère public a justifié son refus de restituer à B______ LTD les biens sujets à confiscation par le fait qu'elle n'avait pas établi sa créance résiduelle.

 

D.           a. Dans son arrêt ACPR/913/2020, la Chambre de céans a :

 

- Annulé les chiffres 2 et 3 de l'ordonnance susmentionnée et, statuant à nouveau :

o      ordonné la confiscation et la dévolution à l'État de Genève de la somme de CHF 15'421.- en mains du conseil de B______ LTD, ainsi que de celle de CHF 5'730'000.- séquestrée en mains de Me H______, notaire;

 

o      prononcé, en faveur de l'État, une créance compensatrice à l'encontre de C______ de CHF 8'586'047.- et EUR 270'000.- (art. 71 al. 1 CP);

 

o      ordonné le maintien, en vue de l'exécution de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP), des séquestres portant sur :

 

- le solde du compte n. 4______ auprès de la banque L______, soit environ CHF 364'000.-,

- le certificat d'actions incorporant les 17 actions de la SI M______ SA propriété de C______, soit des droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention de celui-ci,

- les objets séquestrés selon inventaire du 26 janvier 2012,

- le solde du compte de gestion de l'appartement sis chemin 3______ no.______ au I______, soit environ CHF 106'728.- actuellement en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire,

- les loyers nets générés par la location dudit appartement.

 

-            Confirmé l'ordonnance querellée pour le surplus.

 

b. La Chambre de céans a retenu que B______ LTD était titulaire d'une créance, en capital, de USD 134'861'787.- à l'égard de D______ et, à l'égard de C______, de CHF 14'720'000.-, EUR 1'450'000.- et USD 528'861.- en capital, établie par jugement des 10 février et 14 mars 2014 de la High Court of Justice de G______, et fondée sur les infractions objets de la présente procédure, de sorte qu'elle ne pouvait être renvoyée à agir au civil (art. 320 al. 3 CPP) puisqu'elle l'avait déjà été et était au bénéfice de jugements exécutoires contre tous les prévenus.

 

Le paper trail avait pu être reconstitué jusqu'au produit de la vente de la villa, à hauteur de CHF 5'730'000.-, et au solde du compte auprès de K______ de CHF 15'421.- (désormais en mains de l'avocat de B______ LTD), de sorte que rien ne s'opposait à leur confiscation ou, pour autant que les conditions en soient réalisées, à leur restitution à B______ LTD. Tel n'était pas le cas des fonds séquestrés sur le compte auprès de L______, faute de lien suffisant entre ceux-ci et les infractions pénales. Pour le solde du préjudice subi par B______ LTD, il y avait lieu de prononcer une créance compensatrice à l'encontre de C______, soit CHF 8'586'047.- et EUR 270'000.-, dont l'exécution serait garantie par les valeurs séquestrées.

 

Toutefois, B______ LTD avait été indemnisée par la banque N______ à concurrence d'un montant qu'elle s'était toujours refusée à communiquer, et qui n'avait donc été pris en considération par aucune des juridictions appelées à statuer sur ses prétentions, au Royaume-Uni et en Suisse. L'on ignorait par ailleurs le montant exact des sommes qu'elle était parvenue à recouvrer, entre autres auprès des protagonistes qui ne faisaient pas ou plus l'objet de la présente procédure. Il en résultait que la quotité de son dommage résiduel demeurait inconnue.

 

Dans la mesure où une restitution, respectivement une allocation au lésé de la créance compensatrice, ne pouvaient se concevoir que pour autant que le lésé subisse encore un dommage, et que le montant de ce dernier n'était en l'occurrence pas établi – par la faute de la partie plaignante – le Ministère public avait à bon droit refusé de restituer ou d'attribuer les biens séquestrés à la partie plaignante, et ordonné que les mesures fondées sur les art. 70ss CP le soient en faveur de l'État.

E. a. Dans l'arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt de la Chambre de céans en tant qu'il a : 1) refusé à B______ LTD l'allocation de la créance compensatrice et l'attribution en sa faveur des biens sujets à confiscation, 2) considéré que les fonds séquestrés auprès de la banque L______ ne pouvaient être confisqués.

b. Le Tribunal fédéral considère, en premier lieu, que la recevabilité des conventions passées par B______ LTD avec la banque N______, nouvellement produites devant lui, était douteuse mais pouvait rester indécise (consid. 2.2).

Il constate, ensuite, que les prétentions de B______ LTD à l'égard de C______ avaient fait l'objet d'un jugement britannique, dont l'exéquatur avait été prononcé en Suisse (consid. 4.4).

Il rappelle que la procédure conduisant à statuer sur l'allocation était dominée par les maximes officielle et d'inquisition, qui imposaient à l'autorité d'examiner d'office l'existence de la prétention et la réalisation des conditions auxquelles est soumise l'allocation (4.4.3). Or, en l'espèce, ni le Ministère public ni la Chambre de céans n'avaient instruit le montant exact des sommes que B______ LTD était parvenue à recouvrer, de sorte que la cause devait être renvoyée à la Chambre de céans pour complément d'instruction sur la question de l'allocation au lésé de la créance compensatrice et des valeurs patrimoniales sujettes à confiscation, et nouvelle décision (consid. 4.4.4).

Par ailleurs, les fonds séquestrés auprès de la banque L______ ne pouvaient pas être confisqués, dès lors que c'était en grevant l'immeuble acquis essentiellement avec des fonds d'origine criminelle que C______ avait obtenu des liquidités sous forme de prêt garanti par un gage immobilier. Partant, la trace documentaire permettait d'établir un lien suffisant entre le solde du compte et les valeurs patrimoniales d'origine criminelle (consid. 5.2.2 et 6).

c. Les parties ont été invitées à faire part de leurs observations à la suite de cet arrêt.

c.a. B______ LTD estime que, puisque C______ n'avait pas recouru au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre de céans, elle n'avait plus d'intérêt juridique au sujet de la restitution/l'allocation au lésé des avoirs séquestrés à son préjudice, de sorte qu'elle ne devait plus être autorisée à prendre part aux débats restant ouverts.

Elle chiffre, intérêts compris, à USD 21'917'389.-, au 14 mars 2014, la dette de la précitée à son égard. La dette de D______, à son égard, s'élevait, à la même date, à USD 146'724'793.-.

Elle produit deux tableaux listant les décomptes des dettes de C______ – capital, intérêts et frais – et de D______ en fonction des différents encaissements reçus postérieurement au jugement anglais, car ceux intervenus antérieurement avaient déjà été pris en compte par les autorités anglaises. À ces tableaux est joint un "Memorandum" établi le 10 novembre 2022 par l'avocat anglais exposant la situation du recouvrement de la dette des époux C______/D______.

S'agissant de la situation de C______ (premier tableau), seuls les montants reçus directement de la précitée ou "pouvant lui être attribués" avaient été pris en compte en réduction de sa dette. Or, le montant total des encaissements (soit USD 1'613'530.-) était très inférieur aux intérêts courus sur la dette en capital depuis le 14 mars 2014 (USD 13'450'249.-). Partant, le montant de la dette de C______ en capital n'avait en rien diminué malgré les différents encaissements partiels reçus ; il s'était même aggravé au fil des années.

Le second tableau mettait en évidence tous les montants reçus "de toute personne physique ou morale ayant de près ou de loin (eu) un lien avec l'affaire", et qui avaient été affectés au remboursement des intérêts et frais de la dette de D______. Il en ressortait que ces paiements ne couvraient pas même les intérêts courus sur le capital auquel le précité avait été condamné.

Il se justifiait dès lors pleinement de lui accorder l'ensemble des actifs de C______ séquestrés à Genève, en réduction partielle de sa créance contre elle. Par ailleurs, dans la mesure où le "paper-trail" mettait en évidence que le produit de la villa de U______ [GE], les montants détenus par son avocat (à elle) et les sommes auprès de la banque L______ provenaient directement de l'activité criminelle, il y avait lieu de les lui restituer directement, sans même devoir les confisquer au préalable, afin de la rétablir dans ses droits. Quant aux actifs à réaliser, il convenait de les lui allouer.

d. Après avoir pris connaissance des observations de B______ LTD, le Ministère public conclut, s'agissant des fonds séquestrés auprès de la banque L______, à leur confiscation ; s'agissant des biens confisqués et de la créance compensatrice, il estime qu'il "appartiendra à [B______ LTD] de démontrer justificatifs à l'appui, le montant résiduel de son dommage compte tenu des indemnisations déjà perçues", dès lors que la simple allégation du dommage n'était pas suffisante.

e. C______ conclut au rejet des conclusions de B______ LTD et au renvoi de la cause au Ministère public. L'indemnité de procédure qui lui avait été allouée (CHF 675.- TTC) par la Chambre de céans n'ayant pas été remise en question, elle devait être confirmée.

B______ LTD ne démontrait toujours pas son véritable dommage et se contentait de renvoyer l'autorité de recours au jugement civil anglais, "dont elle ne serait en définitive que l'autorité d'exécution". Or, la question de l'existence d'un dommage dépendait de l'application du droit pénal suisse, et non du droit civil anglais. De plus, le jugement anglais avait été rendu en faveur de JSC A______ et de B______ LTD. Or, celle-ci n'expliquait pas pour quel motif les montants encaissés ne devraient être portés "qu'en déduction de la dette totale et non de la moitié de la dette totale".

Selon le droit suisse, il convenait de déduire l'ensemble des montants encaissés, de la part de tous les auteurs du dommage et de tous les tiers concernés, toute autre solution conduisant à une surindemnisation de B______ LTD. Or, ni le Ministère public ni l'autorité de recours ne disposaient d'informations complètes et justifiées pour procéder à ce calcul. Le Tribunal fédéral avait d'ailleurs constaté que la question du dommage résiduel n'avait "jamais été abordée" par le Ministère public.

Les tableaux produits par B______ LTD n'y changeaient rien, car : ils avaient été unilatéralement établis par cette dernière; ils ne concernaient que les montants encaissés pour C______ et D______, à l'exclusion des autres prévenus; il manquait des encaissements (par exemple, les montants encaissés lors de la vente des véhicules de marque O______ et P______, la vente de la propriété à Q______ de F______, les procédures de recouvrement en Israël contre elle et son mari, la vente de l'appartement appartenant "aux E______" à R______, le recouvrement des actions azéries relatives à la société "S______" et auprès de la banque T______ [Azerbaïdjan]); ils n'étaient justifiés par aucune pièce; ils ne mentionnaient pas le cours de change appliqué aux monnaies étrangères; ils contredisaient le précédent tableau des montants encaissés remis par les conseils anglais de B______ LTD le 30 avril 2017; ils contredisaient les comptes de B______ LTD à teneur desquels GBP 7'081'149.- avaient été encaissés en 2012, USD 23'082'639.- en 2013 et USD 7'785'725.- en 2014.

Dans ces circonstances, la cause devait être renvoyée au Ministère public pour instruction. En outre, la condition de l'art. 73 al. 2 CP pour l'allocation de la créance compensatrice à la recourante n'était pas remplie et toute allocation au sens de l'art. 73 CP était exclue. Enfin, selon le Tribunal fédéral, seul le montant de la créance compensatrice éventuellement allouée devait être corrigé en raison du fait que le solde du compte auprès de L______ pouvait faire l'objet d'une confiscation. De même, le solde de ce compte ne saurait demeurer séquestré en garantie de l'exécution de la créance compensatrice.

f. B______ LTD réplique avoir, dans ses observations, exposé l'ensemble des sommes récupérées au crédit de C______, respectivement D______, au regard de ses créances initiales contre les précités découlant du jugement anglais du 14 mars 2014. Les tableaux mettaient en évidence que malgré ces divers recouvrements, elle disposait aujourd'hui encore d'une très importante créance résiduelle contre C______, s'élevant à plus de USD 34 millions, soit largement supérieure aux avoirs séquestrés pénalement à Genève et dont elle demandait légitimement la restitution, l'attribution ou l'allocation depuis plusieurs années en réduction partielle du préjudice subi. Il n'était donc nullement question de surindemnisation.

Au demeurant, C______ n'avait jusqu'ici jamais contesté la réalité des montants encaissés par elle, à l'exception de la somme perçue auprès de la banque N______. Or, contrairement à ce que la précitée soutenait désormais, les tableaux répertoriaient l'ensemble des montants qu'elle avait pu récupérer, que ce soit auprès des condamnés de la procédure anglaise ou de tiers. La précitée avait, de plus, été régulièrement informée des sommes récupérées. Les documents auxquels renvoyait C______ ne contredisaient pas les chiffres figurant dans les tableaux; d'une part, car le juge anglais avait déjà tenu compte des montants récupérés avant le 14 mars 2014, et, d'autre part, car par suite d'une mauvaise lecture du document auquel se référait C______, la somme de GBP 7'081'149.- n'était nullement un encaissement mais des frais/charges extraordinaires additionnelles encourues par elle (B______ LTD). La précitée invoquait également à tort des divergences – sans d'ailleurs les identifier – entre les tableaux [nouvellement] produits et ceux établis en 2017, alors que dans les récents figuraient les sommes récupérées depuis cette dernière date, y compris les USD 8 millions reçus de la banque N______.

Pour répondre aux griefs de C______, elle expose que : le tableau mentionnait bien le produit de la vente de plusieurs véhicules ; rien n'avait pu être récupéré en lien avec la prétendue villa de F______ à Q______, appartenant à la sœur de celui-ci ; rien n'avait non plus été récupéré auprès des époux C______/D______ en Israël, étant relevé que C______ était à même de rapporter des preuves sur ce point ; rien n'avait été récupéré en lien avec la vente d'un prétendu appartement à R______ des époux E______ dont elle ignorait tout, étant précisé que le produit de la vente de l'appartement des précités à G______, figurait dans les listes ; et rien n'avait non plus été récupéré en lien avec des actions d'une société S______ en Azerbaïdjan ou auprès de la banque T______ [Azerbaïdjan]. Elle ne pouvait prouver un fait négatif, soit qu'elle n'avait pas encaissé plus que ce qu'elle établissait avoir récupéré.

Elle produit un "sworn affidavit" de l'avocat anglais confirmant ses déclarations dans la note du 10 novembre 2022 et attestant que les tableaux produits étaient complets.

g. C______ duplique [document annexé au présent arrêt à l'attention des autres parties]. Selon l'attestation de son avocat israélien – qu'elle produit – divers montants avaient été recouvrés par B______ LTD, ce qui démontrait l'inexactitude des déclarations de celle-ci lorsqu'elle alléguait que rien n'avait été récupéré en Israël. Selon Me J______, B______ LTD avait récupéré les sommes de NIS 44'039.- le 17 mai 2018, NIS 9'400.- le 26 novembre 2019 et NIS 54.- le 11 janvier 2021.

EN DROIT :

1.             1.1. La recevabilité du recours de B______ LTD a déjà été admise par l'arrêt ACPR/913/2020, auquel il est renvoyé en tant que de besoin.

 

1.2. Dans la mesure où le Tribunal fédéral a partiellement annulé l'arrêt de la Chambre de céans, C______ conserve son droit de partie, lui donnant le droit de s'exprimer, quand bien-même elle n'avait pas recouru au Tribunal fédéral.

 

2.             2.1. Les considérants et instructions figurant dans un arrêt de renvoi sont contraignants aussi bien pour le juge auquel l'affaire est retournée que pour l'autorité de recours qui en est l'auteure, lorsqu’elle doit se prononcer à nouveau sur la cause. Ni ledit juge, ni ladite autorité ne peuvent, dans leurs nouvelles décisions, se fonder sur des aspects expressément ou implicitement rejetés dans cet arrêt. Ils sont, en revanche, habilités à traiter de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_694/2016 du 22 mai 2017 consid. 8, paru in SJ 2018 I p. 95) ou de motifs non préalablement discutés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_636/2017 du 1er septembre 2017 consid. 3.1).

 

2.2. En l'espèce, l'arrêt de renvoi a annulé la décision de la Chambre de céans sur deux aspects uniquement : 1) en tant que la recourante s'est vu refuser "l'allocation de la créance compensatrice et l'attribution en sa faveur des biens sujets à confiscation", et 2) en tant que les fonds séquestrés auprès de la banque L______ ne devaient pas être confisqués.

 

Il s'ensuit que, contrairement à ce que semble penser C______, le préjudice de la recourante est établi par le jugement anglais du 14 mars 2014, ayant fait l'objet d'une procédure d'exequatur en Suisse, et le bien-fondé de la créance compensatrice a été admis. Il n'y a donc pas à y revenir.

 

2.3. S'agissant du premier motif de renvoi, il peut être retenu, au vu des explications et pièces produites par la recourante, qu'elle a désormais établi que sa créance résiduelle ne dépassait pas les sommes confisquées et séquestrées dans la présente procédure.

 

Les réticences du Ministère public, sans aucune discussion du contenu des tableaux produits par la recourante et des explications de celle-ci, ne sont pas de nature à amoindrir leur force probante.

 

De son côté, C______ allègue que des sommes que la recourante aurait récupérées n'auraient pas été prises en compte dans les tableaux produits. Or, B______ LTD a répondu à l'intégralité des griefs soulevés, sans que la précitée ne duplique à cet égard, de sorte qu'il sera retenu que les sommes en questions (vente de voitures ou d'appartements) ont été prises en compte, respectivement n'ont pas pu être récupérées.

 

Dans sa duplique, C______ allègue que, par suite de procédures de recouvrement en Israël, des valeurs auraient été récupérées par B______ LTD sans que celle-ci ne les mentionne dans le tableau. Or, ces sommes s'élèvent, au total, à CHF 13'855.41 [conversion de NIS 53'493.- au taux de change du 20 février 2023], de sorte que, l'omission alléguée fût-elle avérée, l'existence d'une créance résiduelle de la recourante, bien supérieure au montant des valeurs séquestrées et confisquées n'est pas remise en cause.

 

Partant, il sera retenu, après instruction de la cause par la Chambre de céans, que la créance compensatrice doit être allouée à la recourante, cette dernière ayant rapporté la preuve de sa créance résiduelle.

 

En outre, les valeurs dont le lien direct avec l'infraction a été établi, soit les CHF 5'730'000.- séquestrés en mains de Me H______ et les CHF 15'421.- saisis en mains du conseil de B______ LTD seront restitués à celle-ci en application de l'art. 70 al. 1 in fine CP. En effet, la confiscation n'entre en ligne de compte, conformément au texte clair de l'art. 70 al. 1 in fine CP, que si les valeurs patrimoniales ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. La restitution directe prime par conséquent une éventuelle confiscation, de même qu'une allocation ultérieure au lésé en réparation du dommage subi (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.2).

 

2.4. S'agissant du second motif de renvoi, le Tribunal fédéral a retenu un lien suffisant entre les fonds séquestrés auprès de la banque L______ et les valeurs patrimoniales d'origine criminelle (cf. consid. 6), de sorte que ces valeurs seront également restituées à la recourante conformément à l'art. 70 al. 1 in fine CP.

 

3.             3.1. Il s'ensuit que le recours de C______ est intégralement rejeté, dans la mesure de sa recevabilité ; B______ LTD obtient gain de cause ; A______ JSC, dont le recours a été déclaré irrecevable, succombe intégralement.

 

3.2. Les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 4'000.-, seront ainsi répartis à raison de CHF 1'500.- à charge de A______ JSC, de CHF 1'000.- à charge de C______ et laissés à la charge de l'État s'agissant des CHF 1'500.- restants (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

 

4.             4.1. Contrairement à ce qu'allègue C______, l'indemnité en CHF 675.- octroyée dans le précédent arrêt ne lui est pas définitivement alloué, puisque le renvoi de la cause, par le Tribunal fédéral à la Chambre de céans, valait aussi pour les frais et les dépens. Dans la mesure où C______ succombe désormais sur toutes les conclusions de son recours, elle n'a plus droit à aucune indemnité (art. 433 al. 1 let. a CPP), quand bien même elle a – à bon droit – conclu à l'irrecevabilité du recours de A______ JSC.

 

4.2. B______ LTD conclut à l'octroi d'une indemnisation ex aequo et bono, mais, celle-ci n'étant ni chiffrée ni documentée, il ne sera pas entré en matière (art. 133 al. 2 CPP).

 

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Ordonne la jonction des recours.

Déclare irrecevable le recours formé par A______ JSC.

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par C______.

Admet le recours formé par B______ LTD.

Cela fait, annule les chiffres 2 et 3 de l'ordonnance querellée et, statuant à nouveau :

Ordonne la restitution à B______ LTD, de la somme de CHF 15'421.- séquestrée en mains de son conseil ; de la somme de CHF 5'730'000.- séquestrée en mains de Me H______, notaire ; ainsi que des valeurs séquestrées sur le compte n. 4______ auprès de la banque L______ (soit environ CHF 364'000.-).

Prononce à l'encontre de C______ une créance compensatrice, en faveur de B______ LTD, de CHF 8'586'047.- et EUR 270'000.- (art. 71 al. 1 CP).

Ordonne le maintien, en vue de l'exécution de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP), des séquestres portant sur :

- le certificat d'actions incorporant les 17 actions de la SI M______ SA propriété de C______, soit des droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention de celui-ci;

- les objets séquestrés selon inventaire du 26 janvier 2012;

- le solde du compte de gestion de l'appartement sis no. ______ chemin 3______, [code postal] I______ [GE], soit environ CHF 106'728.- actuellement en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire;

- les loyers nets générés par la location dudit appartement.

Rejette les recours pour le surplus.

Arrête les frais de la procédure de recours à CHF 4'000.-.

Les met à la charge de A______ JSC à raison CHF 1'500.- et de C______ à raison de CHF 1'000.-, le solde (CHF 1'500.-) étant laissé à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourantes, soit pour elles leurs conseils, et au Ministère public.

Annexe : duplique de C______ du 9 janvier 2023 à l'attention de B______ LTD et du Ministère public

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15968/2011

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

3'905.00

 

 

 

Total

CHF

4'000.00