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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19559/2021

ACPR/132/2023 du 20.02.2023 sur OMP/16197/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;OBLIGATION D'ENTRETIEN;TRIBUNAL FÉDÉRAL;ORDONNANCE PÉNALE;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : CPP.314

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19559/2021 ACPR/132/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 20 février 2023

 

Entre

A______, actuellement domicilié à ______ [Émirats arabes unis], comparant par
Me Charles PONCET, avocat, Poncet Sàrl, rue Saint Léger 6, case postale 330,
1211 Genève 4 et Me Stéphane GRODECKI, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 22 septembre 2022 par le Ministère public,

et

B______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Elie ELKAIM, avocat, rue du Lion-d'Or 2, case postale 5956, 1002 Lausanne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 6 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance sur opposition rendue le 22 septembre 2022, communiquée par pli simple, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé de suspendre la procédure dirigée contre lui du chef de violation d'obligation d'entretien, maintenu l'ordonnance pénale du 14 septembre 2022 et transmis la procédure au Tribunal de police.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée, et à ce que la suspension de la procédure soit ordonnée jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur le montant de sa contribution d'entretien due à B______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par jugement du 10 août 2021, statuant en complément du jugement du 6 août 2020 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal de première instance a condamné A______ à payer à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, un montant de CHF 76'260.- dès le 1er février 2020, sous diverses déductions.

a.b. Par arrêt du 2 mars 2022 de la Chambre civile de la Cour de justice, statuant sur appel de A______, ce dernier a été condamné à payer à son épouse, par mois et d'avance, à titre de contribution à l'entretien de cette dernière, CHF 74'300.- dès le 1er février 2020, sous déduction de CHF 34'631.- par mois, jusqu'au prononcé de l'arrêt, ainsi que de CHF 323'829.- versés entre le 6 mars 2020 et le 28 février 2022, et B______ a été condamnée à s'acquitter de tous les frais relatifs à la villa conjugale.

a.c. Le 6 avril 2022, A______ a formé recours auprès du Tribunal fédéral – concluant à la réduction du montant de la contribution d'entretien en faveur de son épouse – lequel a refusé l'effet suspensif, par ordonnance du 2 mai 2022. La cause est toujours pendante.

b. Le 8 octobre 2021, B______ a déposé plainte contre A______ pour violation d'obligation d'entretien. Elle l'a complétée par des demandes d'extension de la période pénale des 22 février, 27 juin et 30 août 2022.

c. Lors de l'audience du 17 mai 2022, A______ a admis devoir une contribution à son épouse mais a contesté, en particulier, le montant de celle-ci.

d. Par ordonnance pénale du 26 août 2022, le Procureur a condamné A______ pour violation d'une obligation d'entretien.

Le 5 septembre 2022, A______ a formé opposition et demandé que le dossier soit transmis "sans autre" à la juridiction de jugement.

e. Par ordonnance pénale du 14 septembre 2022, rendue sur opposition, le Procureur a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 3'000.- le jour, sursis 3 ans, et une amende de CHF 10'000.-, à titre de sanction immédiate, pour violation de l'obligation d'entretien telle que fixée par la Cour de justice le 2 mars 2022.

f. Le 19 septembre 2022, A______ a formé opposition.

g. Par courrier du même jour, il a demandé au Ministère public la suspension de la procédure au motif que la fixation du montant de l'obligation d'entretien était nécessaire à l'examen des éléments constitutifs, objectifs et subjectifs, de l'infraction, question pendante devant le Tribunal fédéral.

h. Le 22 septembre 2022, le Ministère public a rendu la décision dont est recours.

i. Le 28 octobre 2022, A______ a saisi le Tribunal de police d'une demande de suspension de la procédure.

Ce Tribunal lui a répondu qu'il surseoyait à cette requête jusqu'à reddition de l'arrêt de la Chambre de céans.

C. Le Ministère public a rendu la décision contestée, considérant qu'il n'y a pas lieu de suspendre la procédure, que A______ était tenu de s'acquitter du montant de la contribution d'entretien fixé par arrêt de la Cour de justice du 2 mars 2022, indépendamment de l'issue du recours devant le Tribunal fédéral, lequel avait rejeté la requête d'effet suspensif; et qu'il pouvait immédiatement trancher l'opposition, toutes les preuves utiles ayant été administrées.

D. a. À l'appui de son recours, A______ précise ne contester que les éléments liés au refus de suspension de la procédure. Il fait grief au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu, d'une part, en transmettant immédiatement le dossier au Tribunal de police, sans statuer formellement dans le dispositif sur la requête de suspension et, d'autre part, sans motiver son refus annoncé dans les considérants de la décision. Sur le fond, la décision violait l'art. 314 CPP. Le juge pénal n'était pas, actuellement, en mesure de juger de l'infraction à l'art. 217 CP, faute d'un montant de contribution d'entretien définitivement établi. L'arrêt du Tribunal fédéral n'était pas une perspective lointaine et simplifierait l'administration des preuves.

b. Dans ses observations, le Ministère public doute de la recevabilité du recours contre sa décision de refus de suspension, en se fondant sur l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_ 669/2012 du 12 mars 2013.

Il n'avait pas violé le droit d'être entendu du recourant; le dispositif de la décision précisait le refus de suspension et cette dernière était suffisamment motivée; les motifs de refus de suspension se recoupaient avec ceux du maintien de l'ordonnance pénale.

Il n'avait pas violé l'art. 314 CPP; les parties ne disposaient pas d'un droit à la suspension de la procédure. Après pesée des intérêts et ayant rendu une ordonnance pénale, il ne se justifiait pas de suspendre la procédure, ce d'autant plus qu'aucun élément nouveau n'était survenu à la suite de l'opposition du recourant à ladite ordonnance. De la même manière que le prévenu ne disposait pas du droit de recourir contre le maintien d'une ordonnance pénale ou le renvoi de l'affaire en jugement, il ne pouvait, par le biais d'un recours contre le refus de suspension, utiliser un moyen détourné pour obtenir un droit que la loi ne lui donnait pas. Le principe de célérité s'opposait par ailleurs à une suspension de la procédure.

c. La plaignante considère que le recourant n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En outre, la cause ayant été transmise au Tribunal de police, l'intéressé n'avait pas d'intérêt pratique puisqu'il pouvait demander la suspension à cette autorité. Elle conteste la violation du droit d'être entendu du recourant ainsi que de l'art. 314 CPP.

d. Le recourant réplique que l'arrêt 1B_669/2012 qui "construisait" l'irrecevabilité du recours cantonal sur l'absence du préjudice irréparable pour le recourant, était obsolète depuis que le Tribunal fédéral avait précisé que la condition du préjudice irréparable ne pouvait être retenue dans le cadre de la recevabilité du recours cantonal, seule suffisant l'existence d'un intérêt juridiquement protégé. Enfin, il pourrait devoir agir en révision, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, si la suspension n'était pas ordonnée.

Le fait que la procédure soit pendante devant le Tribunal de police ne concernait pas l'intérêt juridique, mais tout au plus l'intérêt actuel, lequel existait toujours. La suspension au sens de l'art. 314 CPP étant une suspension de la procédure, il importait peu que celle-ci fût pendante devant le Ministère public ou le Tribunal de police.

Enfin, sur le fond, il n'existait aucun risque de violation du principe de la célérité dans le fait d'attendre, quelques semaines voire quelques mois, l'arrêt du Tribunal fédéral qui serait important pour le fond de la procédure.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui dispose de la qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Selon l'art. 356 al. 1 CPP, lorsque le ministère public décide de maintenir l'ordonnance pénale, il transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L'ordonnance pénale tient alors lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 2ème phrase CPP), qui n'est pas sujet à recours (art. 324 al. 2 CPP; ACPR/245/2021 du 15 avril 2021; ACPR/260/2011 consid. 2.3.2. et les références).

La conclusion d'annulation de l'ordonnance sur opposition est ainsi irrecevable, ce que le recourant admet dans sa motivation.

1.3.1 Si le refus de suspension de l'instruction constitue une décision susceptible en principe de faire l'objet d'un recours (art. 393 al. 1 let. a CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_657/2012 du 8 mars 2013, consid. 2.3.2), il convient d'examiner la question de la qualité pour recourir contre celle-ci. 

La loi soumet la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision litigieuse (art. 382 al. 1 CPP). Cet intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; 136 I 274 consid. 1.3).

1.3.2. En l'occurence, le recourant a requis la suspension de la procédure pénale dirigée contre lui alors que le Procureur avait déjà rendu une ordonnance pénale, laquelle, à la suite de l'ordonnance de maintien, vaut mise en accusation. Sans avoir à trancher la question de savoir si un recours contre un refus de suspension, à ce stade de la procédure, est ouvert compte tenu de ce qu'il empêcherait le transfert du dossier au Tribunal de police malgré la mise en accusation, il convient de constater que le recourant a d'ores et déjà saisi cette juridiction – qui est appelée à statuer sur le fond – d'une demande de suspension de la procédure. Ainsi, le recourant n'a pas d'intérêt actuel ni pratique – le Ministère public ayant transmis la procédure à l'autorité de jugement – à la suspension par le Procureur plutôt que par le Tribunal. D'autre part, la recevabilité d'un recours au stade actuel de la procédure (mise en accusation) contreviendrait au principe de célérité qui gouverne la procédure pénale (art. 5 CPP). 

Le recours est donc irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, comprenant un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

3. La partie plaignante, assistée d'un avocat, n'a ni chiffré ni a fortiori justifié sa demande de dépens pour ses frais d'avocat, de sorte qu'il ne lui en sera point alloués (art. 433 al. 2 cum 436 al. 1 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, y compris un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19559/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

-

CHF

 

Total

CHF

1'095.00