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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15035/2022

ACPR/104/2023 du 08.02.2023 sur ONMMP/4716/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOL(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.310; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15035/2022 ACPR/104/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Frédéric SERRA, avocat, HOUSE ATTORNEYS SA, route de Frontenex 46, case postale 6111, 1211 Genève 6,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 22 décembre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 décembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction contre B______ et C______ [porteurs du nom de famille D______].

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 26 janvier 2022, A______ a déposé plainte contre inconnu.

Sa femme, E______, et un membre de sa belle-famille – portant le nom de [famille] D______ – s'étaient rendus chez lui pour emporter, le 9 mai 2021, une boîte à biscuit métallique verte, contenant CHF 38'000.- et USD 8'000.-. Lorsque sa femme avait souhaité récupérer ladite boîte, les montants avaient disparu. Selon lui, sa belle-famille avait profité de l'état de faiblesse dans lequel se trouvait à l'époque sa femme pour dérober l'argent.

b. À la police, E______ a confirmé qu'avec A______, ils gardaient des économies pour leur enterrement, soit CHF 38'000.- et USD 8'000.-. Un jour qu'elle avait quitté le domicile à la suite d'une dispute avec son mari, sa sœur, C______ [nom de famille D______], lui avait conseillé de prendre ses économies et ses objets de valeurs. Elle avait donc pris la totalité de la somme, sans en informer A______. Au moment de rentrer au domicile conjugal, elle avait voulu récupérer l'argent qui avait été placé dans une armoire, mais il ne s'y trouvait plus. Seuls C______ et son fils, B______, savaient que l'argent était posé à cet endroit.

c. Le 25 avril 2022, C______ a contesté devant la police avoir conseillé à sa sœur de prendre ses économies et de venir séjourner chez elle. Le 5 février 2021, elle avait reçu un appel de E______ qui venait de se disputer avec son mari. B______ était allé chercher celle-ci, qui n'avait rien emporté avec elle. Un mois plus tard, E______ avait décidé de retourner auprès de A______ mais le lendemain, sa sœur était revenue chez elle, en ayant, cette fois, pris ses affaires personnelles et CHF 1'000.- en espèces. Parmi ses effets, il n'y avait pas de boîte verte, ni les sommes de CHF 38'000.- et USD 8'000.-.

d. Le 22 juin 2022, la police a entendu B______.

Le 2 février 2021, à la demande de sa mère, il était allé chercher E______. Celle-ci n'avait qu'un sac à main mais pas de boîte verte. Aux alentours de mai 2021, son père, F______, avait accompagné E______ à son domicile, lui-même étant à G______ [BE] pour ses études.

e. Le 19 décembre 2022, sous la plume de son conseil, A______ a expliqué l'origine des sommes prétendument volées.

Pour les francs suisses, il n'y avait pas de retraits bancaires correspondants car les montants provenaient d'économies mises de côté par le couple au fil des années. Les dollars constituaient le solde de l'argent qu'ils avaient donné à leur fille, H______, pour un séjour aux États-Unis et qu'elle n'avait pas dépensé.

f. Le Ministère public a versé à la procédure le procès-verbal d'une audience tenue le 31 août 2021 dans le cadre de la P/1______/2021, ouverte sur plainte de E______ contre son mari.

À cette occasion, la précitée a d'abord accusé B______ d'avoir volé CHF 38'000.- et USD 8'000.-, avant de déclarer que c'était peut-être son mari qui avait pris l'argent.

A______ a expliqué que son épouse souffrait "de troubles de mémoire" et qu'elle mélangeait "les souvenirs anciens et les souvenirs récents".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate le caractère contradictoire des déclarations des parties, en particulier concernant l'existence d'une boite verte amenée chez C______ par E______. En l'absence de preuves objectives, il était impossible de privilégier l'une ou l'autre des versions, ni d'établir les faits avec certitude. Aucun élément ne permettait de retenir une prévention pénale suffisante à l'encontre d'un membre de la famille D______.

D. a. A______ débute son recours en expliquant que E______ souffrirait de la maladie d'Alzheimer et que c'était lors d'une de ses crises qu'elle était partie chez sa sœur en emportant l'argent. Son épouse avait, en outre, au cours de l'audience du 31 août 2021, expressément mis en cause B______ et C______ et les accusations contre sa propre personne étaient intervenues après deux heures d'audition et hors de tout contexte. E______ avait également demandé à son neveu, en présence de plusieurs témoins à [la clinique psychiatrique de] I______, de lui restituer l'argent. Les déclarations de C______ et de B______ étaient contradictoires et il apparaissait plutôt de ces témoignages que les précités, avec qui E______ n'avait que peu de contacts, considéraient "que la famille A______/E______/H______ lui devait de l'argent". Le Ministère public devrait l'auditionner lui avec E______ en lien avec les déclarations de C______ et de B______; entendre, en outre, F______ et H______ ainsi que les personnes présentes lors de la séance à I______; et enfin, requérir une copie des relevés bancaires de la famille D______ pour vérifier si des montants y avaient été déposés. Ces actes d'instruction permettraient d'élucider les faits et rendaient ainsi la décision de non-entrée en matière inopportune.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits exposés dans sa plainte du 26 janvier 2022.

3.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a); qu'il existe des empêchements de procéder (let. b) ou que les conditions mentionnées à l'art. 8 CP imposent de renoncer à l'ouverture d'une poursuite pénale (let. c).

Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime in dubio pro duriore. Celle-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 p. 68). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

3.2. Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. Le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

3.3. L'art. 139 CP (vol) punit celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier.

3.4. En l'espèce, une prudence de circonstance s'impose au moment de considérer les déclarations de l'épouse du recourant. Celle-ci a, en effet, tenu un discours contradictoire au cours seule et même audience, accusant alternativement son neveu puis son mari d'avoir volé l'argent. Ce dernier a lui-même admis que la mémoire de sa femme était défaillante. L'état de santé dégradé de celle-ci n'autorise, à lui seul, aucune conclusion.

Les autres témoignages recueillis se contredisent entre eux. En particulier, le recourant soutient qu'une boîte verte, contenant les économies, aurait été emportée chez les mis en cause, lesquels contestent que leur sœur/tante aurait amené autre chose que ses affaires personnelles et CHF 1'000.- au plus. À défaut d'éléments objectifs, il est impossible d'accorder une prépondérance à l'une ou l'autre des versions.

Les auditions sollicitées par le recourant ne porteraient que sur des faits indirects, comme l'existence de la boîte verte – et donc sans nécessairement révéler quoi que ce soit de son contenu –, la venue de l'épouse du recourant chez les mis en cause ou encore les accusations – déjà entendues et à évaluer avec circonspection – de celle-ci contre ceux-là; mais elles ne semblent pas déterminantes pour l'issue du litige. Par ailleurs, la recherche abstraite du dépôt d'espèces sur les comptes bancaires des mis en cause s'apparente à une "fishing expedition", prohibée.

Dans ces circonstances, il n'existe pas de prévention pénale suffisante justifiant d'ouvrir une instruction contre les mis en cause et aucun acte d'enquête n'apparaît susceptible, en l'état, de retenir l'inverse, étant précisé qu'en cas d'éléments nouveaux, le Ministère public peut reprendre l'instruction aux conditions assouplies de l'art. 323 al. 1 CPP (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5 p. 88).

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15035/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

Total

CHF

500.00