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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23681/2020

ACPR/70/2023 du 26.01.2023 sur OPMP/11416/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.354; CPP.319; CPP.136.al2.letc

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23681/2020 ACPR/70/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 26 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

contre un prétendu classement implicite par suite de l'ordonnance pénale rendue le 25 novembre 2022 par le Ministère public

et

C______, domicilié ______, comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 12 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance pénale du 25 novembre 2022, valant prétendument classement implicite, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a déclaré C______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et de voies de fait (art. 126 al. 1 et 2 let. b CP).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public afin que celui-ci rende une ordonnance formelle de classement mentionnant les faits qu'il renonce à poursuivre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. à teneur du rapport de renseignements du 4 décembre 2020, la police a été envoyée, le 4 décembre 2020 à 17h18, par la CECAL à la rue 1______, à E______ [GE], en raison d'un conflit de couple. Elle a été mise en présence de F______ et de son frère, A______, qui ont déclaré avoir été agressés par le mari de la précitée, C______, lequel avait quitté le domicile conjugal avant l'arrivée des policiers et y était revenu quelques minutes plus tard.

b. Entendu par la police le même jour, F______ a déclaré que son mari l'avait saisie par le cou durant près de 30 secondes et l'avait poussée, provoquant sa chute au sol. Lorsqu'elle avait appelé son frère pour obtenir de l'aide, C______ s'était dirigé vers ce dernier, qui se trouvait dans la chambre des enfants, et lui avait asséné des coups de poing au niveau de la tête et du torse, puis l'avait saisi au cou et l'avait plaqué contre le mur du couloir de l'immeuble.

également auditionné, A______ a déclaré qu'un conflit avait éclaté entre sa sœur et son époux. Alors qu'il jouait avec les enfants du couple dans leur chambre, il avait entendu "quelque chose tomber et ensuite un cri". Puis, C______ l'avait rejoint dans la chambre, lui avait asséné plusieurs coups de poing à la tête et l'avait étranglé avec ses deux mains. Il avait manqué d'air et s'était senti réellement en danger pour sa vie. F______ était intervenue pour les séparer. Voyant sa sœur se faire également étrangler par C______, il s'était retourné vers celui-ci pour l'immobiliser. F______ était ensuite sortie de l'appartement pour demander de l'aide. Il avait suivi C______ qui se dirigeait en direction de sa sœur. Arrivé sur le palier, il avait demandé au voisin d'appeler la police.

F______ et A______ ont déposé plainte pénale pour ces faits.

c. C______, entendu par la police le 4 décembre 2020 en qualité de prévenu, a reconnu avoir assené plusieurs coups de poing à A______, sans se rappeler où. Ils s'étaient empoignés et avaient fini par se lâcher. À aucun moment, il ne l'avait étranglé avec ses deux mains.

d. Selon le constat médical du 5 suivant établi par le Service des Urgences de l'Hôpital F______, A______ présentait des douleurs à la palpation des deux avant-bras, du nez et du cou, sans lésion ni hématome visualisé.

e. Les 22 janvier et 7 mai 2021, le Ministère public a entendu C______, en qualité de prévenu de lésions corporelles simples et de voies de fait, en présence de A______ et de F______, hors confrontation.

Les parties ont confirmé leurs déclarations à la police, A______ précisant que, le soir des faits, C______ l'avait étranglé à d'autres reprises, soit avec ses deux mains lorsqu'il avait voulu protéger sa sœur et, "contre un mur" avec son avant-bras au niveau du cou. Il avait eu du mal à respirer. Son beau-frère était "déterminé".

C______ a reconnu avoir appuyé avec son coude sur le thorax de A______. Dès qu'il avait senti que son beau-frère n'arrivait plus à respirer, il avait aussitôt relâché la pression. À aucun moment, il n'avait eu l'intention de l'étrangler.

f. Le Ministère public a tenu d'autres audiences les 8 février, 8 mars, 2 juin et 6 juillet 2022.

A______ a déclaré qu'il avait été fortement marqué psychologiquement par l'agression du 4 décembre 2020.

G______, psychiatre, a expliqué qu'il suivait A______ depuis décembre 2020. Il avait décelé chez lui des angoisses en lien avec l'agression subie par son beau-frère, ainsi que des attitudes d'évitement et des difficultés à voir des scènes de violence.

H______, psychologue de A______, a déclaré avoir eu dix rendez-vous avec son patient, lors desquels ils avaient travaillé sur l'impact traumatique de l'agression du 4 décembre 2020. A______ lui avait fait part de flashbacks, reviviscences des épisodes de violence, troubles de sommeil, cauchemars répétitifs et pensées de victimisation. Ces symptômes, typiques d'une agression intense, avaient causé à A______ une fatigue physique et psychique persistante.

C. a. L'ordonnance pénale litigieuse expose, à titre liminaire, qu'il était "reproché à C______ d'avoir à Genève, le 4 décembre 2020 [ ] violenté son beau-frère, A______, en lui assénant plusieurs coups de poing et en l'étranglant avec ses deux mains, portant ainsi atteinte à son intégrité physique et psychique, étant précisé que les thérapeutes du précité ont relevé chez ce dernier, ensuite des faits, le développement de différents troubles de nature post-traumatique, soit notamment un trouble du sommeil, des reviviscences et des pensées de violence".

La décision résume, ensuite, les éléments recueillis lors de l'enquête, en particulier les déclarations des parties résumées ci-dessus.

Il y est relevé, dans la partie en droit, que "les faits reprochés sont établis sur la base des éléments du dossier, en particulier des différentes déclarations recueillies. Ils sont constitutifs de lésions corporelles simples [ ] et de voies de fait [ ]. En l'espèce, vu les déclarations des thérapeutes de A______, le Ministère public considère que celui-ci a subi une atteinte importante à son intégrité psychique. [ ]".

b. à réception de l'ordonnance précitée, C______ et A______ y ont fait opposition devant le Ministère public.

A______ a contesté la qualification juridique retenue à l'encontre du prévenu estimant avoir été l'objet de sa part d'une tentative d'homicide, subsidiairement d'une mise en danger de la vie.

D. a. à l'appui de son recours, A______ estime que le Ministère public avait renoncé à poursuivre le prévenu pour une partie des faits, soit les coups, les étranglements et l'asphyxie, sans toutefois prononcer formellement une ordonnance de classement pour tentative d'homicide, subsidiairement de mise en danger de la vie d'autrui. Ce d'autant que ces faits ne ressortaient pas seulement de ses propres déclarations mais également des éléments du dossier. Ce faisant, le Ministère public avait violé son droit d'être entendu.

b. à réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – par la partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2.1. En tant que le recourant demande l'annulation de l'ordonnance pénale du 25 novembre 2022, son recours est irrecevable sur ce point, étant précisé que ladite ordonnance est sujette à opposition devant le Ministère public (art. 354 CPP).

1.2.2. En revanche, sa conclusion portant sur un prétendu classement implicite de certaines charges par le Ministère public concerne une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (ATF 138 IV 241 consid. 2.5 et 2.6).

Le recourant disposant d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à l'annulation ou la modification, le recours est recevable sur cet aspect.

2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. 3.1. Le CPP subordonne l'abandon de la poursuite pénale au prononcé d'une ordonnance formelle de classement mentionnant expressément les faits que le ministère public renonce à poursuivre, de manière à en définir clairement et formellement les limites. Dès lors que le classement doit faire l'objet d'un prononcé séparé, écrit et motivé, il ne saurait être glissé et mélangé au contenu d'une ordonnance pénale. Si le ministère public n'entend réprimer qu'une partie des faits dans le contexte d'une ordonnance pénale, il doit statuer conformément aux formes prévues par le CPP, c'est-à-dire prononcer simultanément une ordonnance pénale d'une part et une ordonnance de classement d'autre part. à défaut, cette ordonnance pénale contient un classement implicite (ATF 138 IV 241 consid. 2.5 et 2.6).

3.2. Pour qu'une partie puisse recourir efficacement, elle doit connaître les faits classés et les motifs qui ont guidé l'autorité. L'absence de décision formelle de classement viole donc, en principe, le droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2015 du 25 janvier 2019 consid. 3.8 et les références citées). Une telle violation ne peut être guérie dans la procédure de recours stricto sensu; la pratique de la Chambre de céans veut, en pareilles circonstances, que la cause soit renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle rende une ordonnance (ACPR/261/2022 du 21 avril 2022, consid. 4.4 in fine; cf. également arrêts du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8 et 6B_84/2020 du 22 juin 2020 consid. 2.1.2).

3.3. En l'espèce, le recourant estime que le Ministère public aurait renoncé à poursuivre le prévenu pour une partie des faits, soit les coups, les étranglements et l'asphyxie. L'ordonnance pénale contiendrait ainsi un classement implicite.

Or, force est de constater que dans son ordonnance pénale le Ministère public a reproché au prévenu d'avoir violenté son beau-frère, en lui assénant plusieurs coups de poing et en l'étranglant avec ses deux mains. Il a par ailleurs repris les déclarations des thérapeutes selon lesquelles, le recourant avait développé différents troubles de nature post-traumatique. Dans la partie en droit de l'ordonnance pénale, il est retenu que les faits reprochés sont établis au vu des éléments du dossier, en particulier des différentes déclarations recueillies.

Il apparaît dès lors que la version des faits du recourant a été reprise et considérée comme établie par le Ministère public. En revanche, les dénégations du prévenu, qui contestait avoir étranglé son beau-frère, n'ont pas emporté conviction. Par ailleurs, en retenant les symptômes décrits par le recourant – tels que les troubles du sommeil, les reviviscences et les pensées de violence –, le Ministère public a pris en considération l'intensité des actes reprochés au prévenu.

Il résulte de ce qui précède que le Ministère public n'a pas rendu une ordonnance de classement implicite. Ce dernier ayant condamné le prévenu de lésions corporelles simples pour l'ensemble des actes reprochés, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu tombe à faux. Si le recourant estime qu'une qualification juridique différente s'impose (art. 22 cum art. 111 CP), il lui appartient d'agir par la voie de l'opposition à l'ordonnance pénale, ce qu'il a au demeurant fait.

3.4. En conclusion, le recours se révèle infondé et doit être rejeté.

4. Le recourant succombe (art. 428, 1ère et 2ème phrases, CPP), mais, dans la mesure où l'assistance judiciaire lui a été accordée, il sera exonéré des frais de la procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5. Il n'y a pas lieu de fixer à ce stade l'indemnité due au conseil juridique gratuit (art. 135 al. 2 et 138 al. 1 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'état.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux parties, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).